one tiny problem | Ft Scott

Le bêton humide reflétait la lumière jaunâtre des lampadaires vétustes dans le dédale formé par les conteneurs empilés. Elektra était lasse des docks, chaque trafic, chaque transition semblait devoir s’effectuer ici. Elle avait passé plus de temps dans les docks ces derniers mois que dans le reste de sa vie. Dès qu’il fallait traiter avec les serbes. Après ce soir, elle n’aurait plus à traiter avec les serbes. La Main n’avait plus besoin d’eux et leur inconstance en faisait des alliés dispensables, remplaçables.
Il entrait et sortait des docks plus de marchandises illégales que de légales. Si les flics étaient vraiment compétents ils garderaient ce lieu 24h sur 24h. Ou tous ces héros bariolés qui se targuent d’être les protecteurs du monde, alors qu’ils sont incapables de voir ce qui se passent sous les fenêtres de leur tour d’argent. Trop occupé à s’écharper pour savoir qui a la plus grosse.  L’un est sous stéroïde perpétuel, l’autre un assisté technophile.
Mais les autorités, auto-proclamés ou institutionnels ne s’approchaient pas des docks. Parfois quelques justiciers, mais ce soir était relativement calme. Elektra percevait la présence des ninjas qui l’accompagnaient, depuis son échec à tuer cet avocat, La Main s’était mise à douter d’elle. A raison. Ses chaperons l’agaçaient, mais elle les endurait sans broncher, pour le moment. Elle attendait, une lucarne de liberté, partir vivre aux bahamas, ou sur une autre planète, quelque part ou elle ne risquait pas de mourir, encore. Et de se réveiller, encore.

Ils étaient sept sur place, quatre faisaient sortir des filles d’un conteneur. Elles étaient frigorifiées, peu vêtu et regardaient obstinément le sol. Elektra détourna le regard. Deux autres encadraient le dernier, leur chef insupportable, Berisha, qui l’accueillit en écartant ses bras en signe d’accueil cordial. Ils s’étaient déjà rencontrés deux fois et c’était deux fois de trop. Elle devait vérifier que l’objet était le bon, alors elle entama le badinage armée de son habituel sourire taquin. Il était convenu que l’argent leur soit versé dès qu’elle confirmerait que l’objet était le bon. Il était convenu qu’ils soient morts dès qu’elle confirmerait que l’objet était le bon. Un prototype de disrupteur. Un nom barbare qui est synonyme d’une arme assez puissante pour que La Main s’y intéresse. « Vous permettez ? » demanda-t-elle d’un ton affable. Berisha hésita moins d’une seconde, avant d’accepter, il claqua des doigts. « Ramène une fille » commença-t-il, avant d’ajouter d’une connivence nauséabonde : « la moins rentable ». L’un des types ramena ce qui ressemblait tout juste à une gamine à peine pubère. Une petite rouquine terrorisée. Elektra prit soigneusement l’objet, il se prenait en main comme une arme à feu, mais sa construction semblait complexe. « Ça fonctionne comment ? » Berisha s’approcha, elle était persuadée qu’il comprenait à peine la puissance qu’il avait en sa puissance. En fait, c’était le genre de type qui ne comprenait que la puissance de l’argent. « Le … machin sur le dessus fait office de sécurité, ensuite il suffit de presser le bouton, comme pour un flingue. » Elektra haussa un sourcil devant cette explication hautement scientifique. Elle visa la fille, elle pleurait et marmonnait une prière en même temps. Au dernier instant, elle dévia le canon et le sbire reçu une décharge. En une fraction de seconde, il fut comme avalé par le néant. C’était une arme propre songea placidement Elektra avant d’envoyer son coude dans le nez de Berisha. Elle voulut à son tour lui tirer dessus mais le disrupteur mettait du temps à se recharger. Pas vraiment un problème. Souplement, elle extirpa l’un de ses sais  coincés entre son pantalon et la couche de kevlar qu’elle portait et caché par une veste. D’un mouvement aussi brutal que gracieux elle trancha sa gorge.
Il en restait cinq. Elle profita de l’instant de flottement qu’il régna, pour s’élancer à l’attaque des autres. C’était des brutes, plus habitué au combat de bar, qu’à un art du combat. Elektra reposa le disrupteur dans la malette, avant de sauter par-dessus la table, son second sai dégainé. Plus que quatre. Tandis qu’elle combattait les autres, agacé par l’immobilisme des elle invectiva les filles en ukrainien « vous allez vous bouger ! ». Elle esquiva un coup et attrapa le bras armé d’un de ses adversaire, le coup de feu qui lui était adressé perfora le crâne d’un autre.
Plus que trois.



 

Ca y’est, elle en avait marre. Bien sur aucun des ninjas n’avaient bougé, ils se comportaient en parfait chien de garde. Son attention fut déviée alors que la mallette se renversait au sol, puis quelques secondes après cela une rafale déchira la nuit. Elektra songea un instant que les ninjas avaient bougé, après tout La Main n’était pas prête à perdre sa précieuse arme. Mais ce n’était pas eux. Un instant elle avait cru apercevoir une silhouette. Trop rapide pour vraiment la distinguer. Elle-même trop occupée pour s’y attarder, puisqu’elle avait repris le combat profitant de cette diversion inespérée pour d’un coup de lame et d’un coup de pied envoyer un autre adversaire au tapis.
Cette fois elle l’a vu. Elle a vu les contours de son armure avant qu’il ne disparaisse à nouveau. Elle n’est pas certaine de qui elle a vu, mais ça ne présage rien de bon. Le dernier type dégaine un revolver, il sue, il sait qu’il va mourir. Elle attrape son bras, la balle qu’il tire va se loger dans un conteneur. D’un coup de poing précis, elle lui brise l’humerus dans un craquement sinistre, récupère son arme et lui tire entre les yeux. Puis, placidement oriente l’arme vers le dernier type pourtant parfaitement inconscient. Elle ne peut en laisser aucun en vie, ils la connaissent.  Un dernier coup de feu et ils sont tous morts. Elle n’a aucun regard pour le carnage, son esprit est focalisé sur la mallette renversée. Elle a déjà oublié les cadavres qu’elle laisse derrière elle, ils n’ont aucune importance. Ils n’étaient rien.

Elle est à l’affût, peut-être qu’elle a parlé trop vite en songeant que les héros ne venaient pas dans cette partie de la ville. Elle a sous-estimé l’attraction de la technologie. Vive, elle court vers la mallette ouverte. Dans un filet de lumière elle le voit, elle croit à un insecte puis elle comprend. Sa mâchoire se carre en signe de contrariété.  Il est plus proche qu’elle. Elle tire, elle ne le vise pas, elle le voit à peine, alors peut être qu’elle le vise par inadvertance. Elle veut le retarder, rendre sa progression difficile. Elle doit retrouver un contact. C’était une spécialité de La Main, multiplier les intermédiaires pour mieux brouiller les pistes.
Elektra ne veut pas le tuer, elle n’en a pas l’intention, mais elle le fera s’il se met en travers de son projet.  Elle n’a pas l’intention de lui laisser récupérer la mallette et son précieux contenu. Pas plus qu’elle n’a envie que La Main le récupère réalise-t-elle. Ils ont assez d’arme, assez de zombies asservis, assez de ramifications, pour ne pas avoir une arme de plus. Elle pourrait leur être reconnaissante d’être en vie, c’est sans doute ce qu’ils attendent d’elle. Elle ne l’est pas.
Elle les a vus s’agenouiller devant elle comme si elle était une sorte de demi-déesse, puis les a entendu lui donner des ordres comme si elle était leur esclave. Elektra préfère la première version, même si elle impliquait un plan auquel pour le moment elle ne comprenait rien. Et était persuadée que c’était mieux comme ça.
Elektra ne veut pas être celle qui leur donnera plus de pouvoir. Et si la compagnie de ses chaperons l’empêche de simplement se débarrasser du prototype, un accident est si vite arrivé. Et son alibi est là, minuscule et fonçant vers son objectif. Elektra espère que son adversaire soit persévérant. Mais pas trop quand même. L’arme déchargée, elle la lance directement vers son tout petit adversaire, puis d’une roulade, referme la mallette sur son contenu puis l’empoigne avant de se relever et de se mettre à courir. Après seulement quelques mètres, l’attache de la mallette éprouvée par la chute et sa propre vétusté lâcha et le précieux contenu roula au sol. Elektra lâcha un juron.




 

Ils auraient pu le tuer, viser sa tête au lieu de celle de sa monture. Elektra tourna le regard vers eux, un regard mauvais on brillait une colère mal contenue. Non, ils voulaient que ça soit elle qui s’en charge. Ils allaient veiller à ce qu’il ne récupère rien, mais à la fin, c’est elle qui devrait l’achever. Parce qu’elle n’avait pas mené à bien sa dernière mission. Parce que deux avocats vivaient.
Elle baissa le regard vers le petit être qui tentait une ridicule diversion. Elle haussa un sourcil. Les renforts, comme si allait se pointer ici qui que ce soit. Ils n’étaient pas foutu de garder leurs rangs organisés. Ils venaient d’avoir la preuve de la précision mortelle des gens qu’ils avaient décidé de contrarier, mais du haut de ces cinq millimètres il se permettait toujours de les menacer. Elektra eut un rictus. Seul un silence lui répondit, mais il était bavard et ses chaperons peu patients.
Deux étaient descendus de leur perchoir. Le petit héros avait compris qu’il n’avait pas d’autres choix que l’affrontement. Il ne s’occupa plus d’Elektra et lança deux objets circulaires vers les deux ninjas. L’un deux disparu. Il a rétrécit, elle le comprends rapidement, ce type fait partie de la team pour qui tuer ses ennemis, c’est mal. Il se refusera à les tuer et finira par le regretter. Toute façon peut-on seulement dire qu’ils sont en vie. Elle-même n’a pas encore statué sur son cas. Le second l’esquive sans mal. Elektra n’a qu’une petite fenêtre pour agir et déjà elle a une idée derrière la tête.
Il s’est jeté sur l’arme, le héros, il est redevenu grand. Amateur. Il oublie de se protéger. Elektra allait s’assurer qu’il n’oublie plus. D’un coup de pied elle dévie son bras. Son armure doit le protéger en partie de l’impact mais pas du déséquilibre. Tandis qu’il perd l’équilibre elle en profite pour subtiliser l’un de ses fameux disques. Entre temps, l’arme a été récupérée par le ninja qui plus tôt a esquivé l’attaque.

Il courait, suivit plus haut par le reste de ses chaperons, l’affaire était entendue pour eux. Elektra avait déjà son sais en main, la voie était toute tracée. Il ne l’avait certaine pas prévu et n’avait probablement rien senti, l’arme avait dû transpercer son cœur, il s’était agité de convulsion avant de s’immobiliser. L’un des sais d’Elektra était planté dans sa dos. Le disrupteur chuta pour la troisième fois. A ce rythme il finirait par se briser avant même qu’elle ait besoin de s’en occuper.
Un violent coup lui percuta alors la tempe, elle fut sonnée et comprit que celui des ninjas qui était réduit venait de l’attaquer. Elle maudit silencieusement celui qui était à l’origine de cette stupidité,  lança un regard accusateur à Ant-Man dont le nom venait de brutalement lui revenir. Lorsqu’il revint à la charge Elektra lança le disque qu’elle avait récupéré et cette fois-ci, le ninja disparut tout à fait. « Sympa tes jouets. » lâcha t-elle avant de s’élancer récupérer son sais ensanglanté et cette foutue arme.
Il restait deux ninjas et ils ne devaient pas rapporter ce qu’ils pouvaient avoir vu. Ils avaient interrompu leur course, Elektra venait tout juste de récupérer l’arme quand ils fondirent sur elle. Il était hors de question que La Main apprenne sa trahison, pas encore, pas tout de suite. Elle n’était pas encore prête. Ce combat aurait la vertu de lui accorder des bleus à montrer, ce n’était pas sa faute s’ils n’avaient pu obtenir l’arme. Les héros étaient intervenus. Elle n’imaginait pas s’en tirer à bon compte mais c’était toujours mieux que la vérité.

L’arme était toujours au sol. Du bout du pied Elektra l’envoya valser plus loin, elle rebondit sur un conteneur, toujours glorieusement intact. En quoi était fait ce truc ? Un bruit l’alerta, l’arme était rechargée. D’un même mouvement, Elektra et ses deux adversaires sautèrent hors de portée du canon. Le rayon percuta la base d’un conteneur qui se mit littéralement à fondre faisant basculer les trois autres conteneurs qui étaient par-dessus.




 

ILa chute des conteneurs suspend le temps, pendant une fraction d’éternité chacun semble absorbé par l’éboulement. Défile dans l’esprit d’Elektra toutes les façons d’exprimer son profond mécontentement, elle s’est déjà redressée, une seconde de plus et ses ennemis prenaient l’ascendant sur elle. Gracile comme une danseuse, prenant son élan en tournant, son pied percuta la tête d’un ninja qui se redressait l’envoyant directement se faire écraser sous l’avalanche métallique. Le vacarme fut assourdissant, assez pour provoquer chez Elektra une intention qui aurait pu lui être fatale sans l’intervention inespérée du héros. Le dernier ninja fut broyé entre un caillou devenu roché et la paroi métallique. Un rictus passe sur le visage d’Elektra, ses yeux noirs scrutent le dernier homme debout. Sa main se porte à sa ceinture, il jure et le sourire de l’assassine s’agrandit. Que sont les héros sans leur précieuse technologie, qu’était celui-là en tout cas ? Un beau parleur, il s’élance et déblatère tout un tas de débilité.
Non Elektra n’a jamais réfléchit à ce qu’elle pouvait faire d’autre, ce qu’elle est a été gravé dans son esprit et dans ses muscles. Jamais elle ne sera inoffensive et les idioties verbales du héros ne font qu’attiser une certaine rancœur. Elle ne cherche plus à atteindre l’arme, c’est sur lui qu’elle s’élance, sur lui qu’elle retombe au moment où il s’étale au sol.  La pointe de son sai appuyé contre la jointure de son casque, au niveau fragile de la nuque.
Elle aurait pu le tuer, mais Elektra respectait un code d’honneur qui lui était propre. Pas forcément cohérent, qui n’avait rien à voir avec les valeurs communes de justice et moralité. Tant qu’il ne l’y obligeait pas, elle n’avait aucune raison de tuer ce type. Elle rangea son autre sai dans son dos. « Si tu récupères cette arme, je suis morte. » Elle appuyait sur la corde sensible de tout héros qui se respectait, mentant à moitié, tout à fait éhontément. Elektra pratiquait le héros, le martyr en tout genre ; le chevalier en armure, même minuscule ne serait pas une exception.

A l’opposé d’où ils étaient, s’avançait le service de sécurité du lieu, ils avaient déjà contacté des renforts, mais les trois agents sur place s’avançaient, poussé par la curiosité et l’ennui des longues soirées de surveillance trop calme. L’arme à la main, la scène qu’ils aperçurent les décontenança, des morts, beaucoup de morts, l’effondrement de conteneurs et une silhouette surplombant une autre. « Hey ! » hurla le premier « Lâchez votre arme ! ». Elektra releva vivement la tête. Elle avait sous-évalué la rapidité des crétins en uniforme. Pas le temps de convaincre. Tant pis, elle prit appuis sur le dos du héros et se projeta en avant pour récupérer l’arme. Une balle fusa non loin de son bras. L’arme cette fois bien en main, il fallait qu’elle file. Si la ville aurait tout fait d’oublier le massacre de quelques malfrats immigrés, elle n’oublierait pas le mal fait aux braves représentants de la justice en pleine exercice de leur fonction. Elektra avait pris garde à demeurer discrète, cette soirée allait tout foutre en l’air. Elle déroula son corps pour se redresser et après une course rythmée par le bruit des balles elle l’étira d’un bond pour s’accrocher à l’extrémité d’un conteneur et se balancer athlétiquement jusqu’au suivant. C’est à l’atterrissage qu’une balle l’atteignit, perforant le tissu de son costume et sa peau sur le côté d’une cuisse, elle chût et se redressa instantanément dopée par l’adrénaline qui stimulait ses muscles.
Au loin le bruit des sirènes, alertaient de renforts indésirables. L’armée était rechargée. Elle la serrait à en faire blanchir les jointures de ses doigts, elle ne voulait pas les tuer, mais s’ils l’acculaient, elle n’aurait pas d’autres choix. La reddition n’était pas une option. Elle courut sur les hauteurs, jusqu’à voir les eaux noires du port, les voitures de polices la dépassèrent à contre sens et elle en fut soulagée. A nouveau elle sauta, sitôt qu’elle toucha le sol, la douleur de la blessure à sa jambe la fit se raidir et trébucher. Elle frappa une fois, puis deux, puis trois, de toutes ses forces contre le bêton cette foutue arme qui finit par se fissurer, rendant la détente inutilisable. Puis elle pressa sa main contre la blessure sanguinolente. La balle n’était pas ressortie et sa petite course lui avait probablement permis de se frayer un chemin plus profondément dans chair. Rien d’irréparable probablement, mais diablement douloureux. Gauchement elle se releva et marcha jusqu’au bord de l’eau et regarda les eaux vaseuses du port engloutir le nouveau jouet de La Main. Celui-là, ils ne pourraient pas le ressusciter.  





 

Pas une seule seconde de soulagement ne lui était permise. A peine l’arme s’enfonçait que suivit l’insupportable héros miniature. Avec un peu de chance il ne trouverait pas… et déjà il remontait, à sa taille humaine, il tenait l’armée comme un trophée. Elektra le dévisage, ou dévisage son masque alors qu’il s’adresse à elle. Il lui fait la morale. Ce foutu insecte lui fait la morale. Il se hisse sur le bord et lance l’arme à ses pieds. Son regard reflète sa rage et sa surprise. Elle a soudain l’impression de voir un labrador lui ramener un bâton de dynamite. Un labrador moralisateur.
Si elle essaie de parler elle va hurler, alors elle ravale ses mot. Il ouvre son masque et elle hausse un sourcil. C’est plus ce que c’était les héros masqués. Elle fulmine, il exige, il ordonne, il sait. En tout cas il est persuadé de savoir. Elle le laisse finir de parler, puis d’un geste vif, elle glisse ses doigts dans l’encolure de son costume et le tire brutalement vers elle puis baisse de sa main libre le col qui étouffe sa propre voix. « Et qu’est-ce que tu vas faire génie, mettre un pansement et faire un bisou magique ? » Elle parle bas mais vite, elle est en colère, elle est fatiguée, elle est agacée, elle est paumée, elle est offensée et elle a mal. « J’ai une putain de balle dans ma putain de jambe ». Il y avait toujours un crétin pour lui donner des ordres, pour lui dire ce qui était mieux pour elle, ce qu’elle devait penser, qui elle devait être. « Tu me penses débiles au point de balancer ce truc sans avoir considéré les autres options ? » Elle le toise, le jauge, son regard brille, tranchant comme un éclat d’obsidienne. « Ils ne me tueront pas si j’ai dû sacrifier l’arme pour empêcher qu’un foutu vengeur mettre la main dessus ». Pour appuyer ses dires et sans considération pour sa blessure, elle donne un coup de pied rageur dans l’arme. Le bruit de sa chute dans l’eau ponctue la fin de sa phrase. Elle espère cette fois qu’il dérivera jusqu’aux abysses. Une légère crispation de sa mâchoire suggère la douleur qu’elle ressent.

Elektra prend une inspiration, il faut qu’elle se calme. Ce type ne doit absolument rien comprendre. Elle baisse la tête et expire doucement. Au loin le bruit des voitures et l’écho des voix résonnent. Il a raison sur un point ils n’ont pas le temps. Elle déplie ses doigts et laisse reposer sa main contre son thorax avant de relever les yeux vers lui, méfiante mais résignée. « Tu veux m’aider ? » finit-elle par demander, la tempête passée, « Alors, utilise tes gadgets pour qu’on se barre d’ici discrètement, ma jambe peut attendre qu’on trouve un endroit tranquille ». C’était douloureux, mais elle avait traversé pire. « Il n’est pas besoin de te dire qu’il est hors de question de me lâcher dans un hôpital j’imagine ? » ajouta-elle fermement. «Ah et si tu essaies de me porter, je tranche ta jolie tête ». Ca faisait beaucoup d’exigences et son orgueil dictait la dernière, mais l’orgueil n’était pas le moindre des vices d’Elektra.
Si la situation avait été renversée, Elektra l’aurait probablement abandonné à son sort. Mais Elektra n’était pas une héroïne, à part peut-être pour quelques pauvres filles pour qui la seule victoire ce soir serait d’être renvoyées fissa d’où elles venaient. Elle aussi on l’avait mis dans une boîte et livrée, elle aussi on l’utilisait. Peut-être que c’était pour ça qu’elle avait laissé ses filles en sachant que La Main le lui reprocherait. D’une façon ou d’une autre elle paierait, après ce soir elle paierait. Elle avait peur et la conviction d’avoir fait la bonne chose ne supplantait l’appréhension qui s’insinuait en elle. A croire qu’elle n’avait pas retenu la leçon. Elle était pourtant morte d’avoir voulu faire ce qui était juste. Elle était morte en martyr pour sauver un saint. La Main l’avait alors arraché à sa paisible inexistence et elle conservait la nostalgie d’un glorieux oubli. Un rien sublime ou les balles ne perforaient pas sa chair, ou elle n’était pas obligé de demander de l’aide au type qui avait fait foirer une mission aussi basique.


 

l souriait, ça le faisait marrer de la voir s’énerver. Elektra aurait pu le tuer alors qu’il expliquait ce qu’il aurait pu faire. Comme si elle avait la moindre confiance en ce qu’il pouvait dire, comme si elle pouvait se permettre de croire le premier encapé qui se prenait pour un héros. Elle le fusilla du regard lorsqu’il évoqua la base des vengeurs. Autant aller directement se faire enregistrer, se passer les menottes et aller dans une prison super-max de soi-même. Non Elektra ne gouttait pas l’humour de ce type, cela ne l’empêcha cependant pas de l’observer avec intérêt réunir ses minuscules troupes. Voir les flics être mis en difficulté par des fourmis la réjouissait plus qu’elle ne le montrait. Sa jambe était douloureuse, elle posa sa main au-dessus de la blessure, le sang rendait poisseux son pantalon, elle ne voyait pas les dégâts, elle déplaça son poids sur sa jambe saine, ne relevant les yeux que lorsque le héros s’adressa à nouveau à elle. Elektra n’avait pas fait attention, mais face à elle se trouvait une fourmi d’une taille…. Fortement inhabituelle. L’insecte plutôt passif ne semblait pas perturber par sa nouvelle condition.
Une monture. Il était sérieux ? Elle acquiesça, oscillant entre le scepticisme et l’impatience provoquée par l’air guilleret de ce type. Il sautillait presque. A peine sa question posée qu’il la poussa vers la fourmi, elle retint une plainte de douleur. Foutu brute.

Comment se conduisait ce truc ? Elle avait pris des leçons d’équitation,mais les chevaux n’avaient pas une carapace bien lisse, et encore moins d’ailes. Elle sauta tout de même sur son dos, l’insecte supporta son poids sans broncher… pour autant qu’une fourmi puisse broncher en tout cas. Le héros est redevenu tout petit, Elektra n’aime pas ça, mais comme la fourmi décolle elle se concentre sur le fait de ne pas tomber. Elle survole les eaux noires, Elektra se penche vers le dos de la fourmi, pour réaffirmer sa prise, elle ne peut pas compter sur ses jambes. Le héros est posté sur son épaule, le vent siffle autour d’eux et c’est à travers lui qu’elle entend sa voix. Une phrase qui la glace. « Qu’est ce que… » Elle le sent à peine glisser et tord sa nuque pour le voir aller jusqu’à sa cuisse. Elektra était déjà blême de sa blessure, elle pâlit encore un peu. « Je vais le tuer » dit-elle à voix haute sans trop savoir si elle s’adressait à elle-même ou à la fourmi. Ses doigts se crispèrent sur la carapace de l’insecte. Elle a comme l’impression que ça grouille sous sa peau, elle se sent nauséeuse et en colère contre ce type. SI ses anticorps ne se chargent pas de son cas, elle le fera.
Les lumières de la ville se rapprochent, elle se concentre sur elles. Elles vacillent, ou peut-être est-ce elle. La fourmi tourne et Elektra réalise qu’elle était en train de perdre conscience. Elle s’accroche et lutte contre son esprit bien décidé à lui faire perdre conscience et par la même, l’équilibre sur son étrange monture.. Elle déteste cette soirée et elle déteste ce type qui fouille dans sa chair.
Ils survolent maintenant une zone industrielle, de la fumée s’échappe de larges cheminées mais le lieu est calme. Lorsqu’enfin la fourmi se pose et qu’Elektra n’a plus à s’inquiéter de dégringoler dans l’océan, elle laisse son cerveau profiter des endorphines et s’abandonne non sans un certain soulagement à une inconscience fiévreuse à demi allongée sur le dos de la fourmi. Le visage blême, les traits détendus et les muscles relaxés. Pourquoi n'y a t-il qu'au terme de violence qu'elle parvient à trouver le repos ?



 

Elle ouvrit ses yeux une première fois avant de les refermer aussi tôt, Elektra porta une main à son visage, frottant ses yeux, espérant recoller les morceaux. « Depuis combien de temps… », commença-t-elle, la voix un peu cassée. Elle avait soif, faim et une nausée probablement dût à son malaise. Ou au fait qu’un borrowers était entré en elle. Il lui fallut peu de temps pour reprendre ses esprits, notamment parce que l’homme fourmis c’était mis à parler. Elle tourna la tête, la pièce dans laquelle il l’avait transporté était plongée dans une obscurité relative, probablement pour ne pas attirer l’attention.
Le type avait reculé, il semblait maintenir une certaine distance de sécurité, ce qui était plutôt malin de sa part. Elektra était agacée, elle ne contrôlait pas la situation et détestait ça plus que tout le reste. Et puis… qu’est-ce qu’il pouvait parler…. La fin de son petit laïus fit monter en elle une vague de colère.  Il la prenait pour une enfant récalcitrante ? C’était une manie chez les gens de devoir tout lui expliquer. Si elle avait pu repartir, elle ne serait déjà plus là.
D’un geste vif pour quelqu’un qui s’éveil, elle affirma sa colère en lançant son sai en direction du type. L’arme frôla son visage, sans même le toucher, rebondit contre le mur et chut dans un bruit métallique.

A demi redressée sur la table, les jambes pendantes dans le vide, elle toisa ce type, le défiant de répondre. Laissant trainer le silence. Agacée certes, mais maintenant que la situation était plus calme, elle afficha un léger amusement, un peu moqueuse. Elle n’était pas dans une cellule, pas menottée mais soignée et mise à l’abri, c’était presque mignon. Presque, parce que ce type était tout de même en partie responsable de la situation, parce qu’il était entré en elle (et elle avait beau réfléchir, il n’y avait aucun moyen que cet acte ne sonne pas obscène) sans autorisation. Elle n’avait aucune intention de lui expliquer la situation et lorsqu’enfin elle se décida à rompre le silence tendue ce fut pour affirmer, d’une voix presque détachée : « Tu parles trop. »
Elle descendit de la table, en dépit de sa tête qui tournait légèrement, conséquence de sa perte de sang, rien qui ne se soigne avec du sucre et du gras. Une sensation d’inconfort lui fit baisser les yeux vers sa jambe blessée, elle voyait nettement un bandage et découvrit la découpe faite à son pantalon. Elle lança un regard en biais au héros, il avait la prévenance un peu incohérente.

Elektra fit quelques pas dans la pièce. Elle était spacieuse et pleine de matériel dont elle ignorait jusqu’au nom. Le tissu de son pantalon s’affaissait à mesure de ses pas mais pour l’heure cela ne semblait pas la perturber. Elle attrapa sur une table une barre de céréale qui trainait sur un bureau encombré, la déballa tranquillement avant de demander « T’es qui toi ? On s’est déjà vu, non ? ». Elektra était loin de s’intéresser à l’actualité des héros, tout ça lui passait très largement au-dessus.  
Elle mordit dans la barre, puis se rendit au distributeur d’eau qu’elle avait aperçu. Elektra était toujours à l’aise partout. Elle vida un premier verre d’eau et s’en servit un second qu’elle posa à côté d’elle. « Pas d’alcool ? » ajouta-t-elle sans trop y croire, mais avec la sincère envie d’un remontant. Elle buvait probablement un peu trop, mais c’était bien le dernier de ses problèmes.
Bien qu’elle apparaisse décontractée, Elektra était à l’affut, d’un bruit extérieur qui signalerait l’approche des flics ou de quiconque d’autre. Pas question d’échanger une captivité pour une autre. Nonchalamment appuyée contre un bureau, son regard scrutait les coins d’ombres, à la recherche de possibles caméras. Elle savait qu’elle ne pouvait pas immédiatement quitter les lieux, elle n’avait dû perdre conscience plus d’une demi-heure, les flics devaient tourner, peut-être même un hélicoptère, si sa démarche ne semblait pas affecter lorsqu’elle se déplaçait, la douleur irradiait sa cuisse. Il fallait attendre, attendre avec un parfait inconnu qui ne paraissait pas franchement agressif, mais dont les capacités s’avéraient suffisamment inquiétantes pour qu’elle s’en méfie.



 

Le prototype, oui, peut-être. Encore un artefact technologique et pourtant Elektra circulait toujours librement dans le labo. Pas de cage, pas de chaîne, ce type débordait une inconsciente confiance. Ant-Man. Les héros devaient d’urgence revoir leur service de com. Elle ignora royalement sa supposition, confirmant qu’en effet, il n’aurait aucune information. Il en savait déjà trop, elle n’allait pas plus lui faciliter la tâche.
Elle le laissa s’approcher avec l’attention nonchalante d’un félin puis se saisit de la bouteille qu’il lui tendait. Étonnamment de qualité pour une bouteille planquée derrière des produits toxiques. La brulure familière du whisky la détendit très légèrement. Elle reposa la bouteille sur le bureau, sans pour autant la lâcher et observa avec un intérêt plus marqué, son interlocuteur. Personne n’allait venir et il le lui disait, il était seul dans ce labo, sans caméra pour filmer la scène et il avait assez confiance pour le lui dire. Elle pouvait le tuer et abandonner son cadavre aux poissons, voler des plans ou des prototypes expérimentaux, tout ça, il ne semblait même pas le concevoir. Presque paisible, badin, incurablement prévenant même face au chaos

Inconscient au point de lui tourner le dos pour s’occuper de ses petits jouets. Ou alors pour ne pas avoir à affronter sa réaction à sa question. Elektra se tends. Elle n’a pas sauvé ses filles. « Je n’ai sauvé personne. » répond -elle un peu sèchement. Ses filles n’avaient probablement pas de papiers et aucun souteneur désormais. Elles auraient tôt fait de retomber aux mains d’une quelconque organisation ou de se faire réexpédier dans la misère de leur pays. Impossible pour Elektra de songer que son acte irréfléchi puisse être une bonne action.

Elektra ne fait pas de bonnes actions. « New York se chargera du cas de ces filles », ajoute t-elle d’un ton parfaitement neutre. Elle n’a sauvé personne. Elle ne serait jamais une héroïne, elle a trop de crasse pour écumer les rues vêtue d’un costume chatoyant et de probité naïve. Elle n’a aucun sens de la justice, aucune morale, elle n’a pas épargné ses filles en espérant pour elle le mieux. Elle les a épargnés, parce que pendant un court instant, elle n’a vu aucune différence entre ces filles et elle. Ses macs étaient juste plus organisé et sa laisse plus longue. Elle but une nouvelle gorgée de whisky avant d’abandonner la bouteille.
A nouveau elle quitte sa place, part récupérer son sai qu’il a posé l’établit, elle aime trop ses armes pour risquer de les oublier, leur présence est rassurante. Non elle n’a toujours pas confiance et se tient prête, juste au cas où. Elle s’approche de l’endroit où il bricole, observant et s’adosse contre le plan de travail à côté de lui, nettoie la lame encore ensanglanté de son sai sur le tissu noir de son pantalon, un sourire en coin aux lèvres avant de lui demander, désinvolte : « Tu ramènes tous les criminels que tu pourchasses ici ou seulement ceux que tu pénètres ? ». Elektra accroche son regard. Dans le sien danse une flamme provocatrice. Dangereuse. Il suffit d’une flamme pour démarrer un incendie et au travers de son sourire acéré une colère retenue, entretenue par cette situation provisoire, par les initiatives du héros, par sa prodigieuse capacité à l’agacer.



 

Ce type pensait l’avoir cerné. Intégralement. Il pensait savoir, pire il pensait comprendre. Elektra ne l’avait pas épargné parce qu’elle était une ‘good girl’, juste parce qu’elle n’était pas une sauvage. Mais sa psychologie de comptoir commençait à très sérieusement lui donner envie de lui refaire le portrait façon cubisme. La seule chose qui lui faisait garder son calme c’était la perspective d’ennuis plus gros. Apparemment garder son calme ne suffisait pas. Cet ahuri était incapable de gérer une plaisanterie. Quand il lâcha le flacon elle se recula instinctivement, puis il lui ordonna de ne pas bouger.
Elle se figea, le maudissant sur une trentaine de génération. Soudainement, l’établit disparu et elle jura entre ses dents, pas besoin d’être scientifique pour comprendre. Puis son sai disparut, ses doigts se refermèrent sur le vide, son regard s’assombrit. Au moment où elle ouvrit la bouche pour probablement lui hurler dessus, il se jeta sur elle. La chute lui parut vertigineuse et un léger malaise la pris quand elle rouvrit les yeux. Tout était immense. Non. Elle avait rétrécit, minuscule et furibonde. Ant-Man affalé sur elle, si elle avait eu encore une once d’humour disponible elle aurait peut-être plaisanté… ou peut-être pas, il aurait été capable de les réduire au niveau encore en dessous. Elle ne contrôla pas le coup de poing qu’elle lui envoya, mais en fut instantanément soulagée. « Et qu’est-ce que je crois ? » feula t-elle.
D’un coup de hanche elle renversa leur position, elle brandit son sai au-dessus de sa tête « Trouve une solution. » Elle détache soigneusement chaque mot, menaçante et à bout de nerf. Autour d’eux le mobilier continuait de réduire, le bâtiment était compromis, il risquait au mieux de se retrouver taille polly pocket. Rageuse, elle se redressa et récupéra son sai manquant, maintenant à la bonne taille. Il était hors de question qu’elle reste comme ça.

Soudain un vacarme retenti, des étagères disparaissent et leur contenu se répand sur le sol, casse, roule. Elektra se jette sur le côté pour éviter une avalanche de tubes à essai. Le terrain devient franchement accidenté. Débris de verre taille rocher et produits chimiques qui se répandent. « Fait quelque chose ! » lui hurle t-elle. Toute cette situation est trop stupide, cartoonesque, presque insultante. Elektra se sent démunie. Face à une armée de ninja, des services secrets, des yakuzas ou des hommes de main, elle est préparée. Ça c’est le genre de situation à laquelle Stick n’a pas pensé. Sans doute parce qu’aucune personne saine d’esprit ne pense à ça. Elle saute à nouveau pour éviter une goutte qui sitôt tomber se met à ronger le sol. Elle prend une grande inspiration, elle ne doit pas le tuer. Il est le seul capable de faire quelque chose. Elle enjambe l’aiguille d’une seringue et le rejoint, une raideur dans la nuque suggérant son degré d’agacement.
Elle ne le lâchera pas d’une semelle, pas tant qu’elle ne sera pas à sa taille et une fois cela fait, il faudra encore probablement éviter un nouveau désastre, à commencer par les flics ou un de ses potes alerté par un éventuel système d’alarme.

Ou peut-être une attaque de requins géants dans une tornade. Plus rien ne lui paraissait impossible.

Pour parachever le ridicule de la situation, le tissu découpe de la jambe de son pantalon glissa mollement, elle ferma les yeux, appelant tout son calme pour ne pas l’achever. Elle pourrait toujours commencer une carrière de mini-mercenaire. Elle déchira le tissu avec son sai afin d’être à l’aise dans ses mouvements et s’en débarrassa d’un geste sec, lui adressant un nouveau regard menaçant s’il tentait la moindre réflexion.



 

« Mais tu sais… Si tu me perfores… tu vas galérer à retrouver ta taille… » Elle le sait. « C’est la seule raison pour laquelle tu es encore en vie. » répond-elle du tac au tac. Il ne semble rien vraiment prendre au sérieux, ce qui est un affront personnel, Elektra est celle qui est censée s’amuser, prendre avec légèreté ce genre de situation. Elle n’y arrive pas cette fois, et alors qu’elle est déjà à bout de patience celui-ci décide de lui attraper le bras pour la trainer dans sa course. Elle se dégage d’un coup sec « Je sais courir ! ». Elle mordrait presque. Le décor autour semble s’effondrer. Il rapetisse. Tout rapetisse à une vitesse affolante.
A chaque nouvelle foulée la douleur de sa jambe se fait ensevelir sous l’adrénaline, le bandage est déjà rouge mais ça n’a aucune importance. Elle court. Jusqu’à ce que l’autre s’arrête. Elle le toise, sa mâchoire se carre elle sent une nouvelle catastrophe poindre. Elle n’a pas le temps de le menacer, il s’excuse mais cela sonne faux. Il agrippe son bras et elle quitte soudainement le sol. Un haut le cœur la prend quand elle réalise qu’il la tient au creux de sa main, mais elle n’a pas le temps de s’en insurger que déjà il la range. Il. La. Range. Comme une babiole. Dans la pochette qui se ballotte à sa ceinture, elle pousse un hurlement de rage qui ne doit pas dépasser le son du couinement d’une souris à  ses oreilles. Déséquilibrée par sa course, elle chute, puis un choc violent la propulse sur la paroi opposée.

Elle ne s’est jamais sentie aussi ridicule de son existence entière.

Le calme revient et la pochette s’ouvre sur une énorme main. Il lui prend l’envie de planter son saï dans l’un des doigts, mais cela ne lui ferait pas plus mal que la piqure d’une aiguille. L’entrepôt a disparus, les flics vont avoir vite de débarquer ici. Son regard est dépité mais  il est peu probable qu’il puisse le voir. Il parle encore et elle n’écoute déjà plus. Perchée sur son épaule elle aperçoit une silhouette qu’elle n’a pas le temps d’identifier puisque soudain elle est précipitée dans une chute vertigineuse. Cet idiot s’est rapetissé à nouveau, sans penser qu’il l’avait posé sur son épaule. Sans penser, tout court.
Son souffle se coupe alors que l’asphalte se rapproche. Elle reviendra le hanter. Elle a fermé les yeux sans le réaliser et c’est l’étreinte de l’homme fourmis qui les lui fait rouvrir. Il la réceptionne, comme une réceptionne un ballon et c’est tous les deux qu’ils s’écrasent au sol. Moins lourdement, il a amorti sa chute en bon héros qu’il est. « Ne refait plus jamais ça. » Elle articule distinctement chaque mot sans faire mine de bouger. Coincé sous elle, elle est quasiment certaine qu’il ne pourra pas enchainer une nouvelle absurdité.

Elektra relève la tête, un hélicoptère approche, son faisceau balaie les lieux, ils sont trop petits pour être vu, c’est leur seul avantage dans cette situation. « Quelqu’un nous observait… » murmure-t-elle en scrutant les lieux, elle plaque le bouts de ses doigts contre la bouche de Scott. Elle n'attends pas de commentaire. « Tait toi ». Elle a besoin de réfléchir. Depuis combien de temps étaient-ils observés ? Et par qui ?
Déjà des voitures arrivent en trombe, plusieurs fois le faisceau passe sur eux sans s’y arrêter. Elektra se relève sans se presser, puis baisse le regard vers le petit héro qu’elle domine de toute sa hauteur et après avoir été dans sa poche cela lui est plutôt agréable. « Tu veux bien rappeler une de tes copines volantes qu’on se tire d’ici, ou tu préfères piquer une petite sieste ? ». Une nouvelle fois le faisceau leur passe dessus et Elektra se demande si pour se déplacer ça ne serait pas beaucoup plus confortable d’avoir un mini-hélicoptère plutôt qu’une fourmi.
Il y a urgence, tout son instinct le lui hurle, mais elle est désespérément tributaire des actions de ce foutu type. Tout lui hurle qu’il y a urgence, les sirènes de police, le vrombissement de l’hélicoptère, le silence de la silhouette. Et cette dernière l’inquiète plus que tout le reste.