pryam . GARGOYL stone stories

↘ SLAVE OF COREAN PRINCESS.

Le roulis avait faussé vos pas incertains. L'éclat de l'astre solaire vous poignarda les yeux. Tu tangues, vacilles. Tes lèvres ont goût d'une poussière étrangère, et les cris des quais vous sont inconnus, à toi et tes frères. La bataille ne t'en a laissé qu'une poignée. Le sang et la mort, la maladie et la folie. La démence presque préférable au joug d'autrui sur ton corps. Pourtant, dans ta nudité quasi totale, tu t'immobilises près de l'ondée salée.  « Nous battrons-nous ? » Question légitime. La jeunesse chevillée aux corps des guerriers, quand la défaite laisse une amertume maintes fois ressassées dans les cales empuanties par le poisson pêché. « Non » conseilles-tu, ordonnes-tu, d'un souffle rauque.

Le pays aux effluves inconnus. Les visages si peu familiers. La séparation qui brise ton être. Vendus, comme du bétail, pire encore, sur tes deux jambes rouillées par l'immobilité du voyage.

L'apprentissage est long. L'étincelle de rébellion ne lâche nullement ses griffes de ton coeur grec. Tu rêves de ta famille, de tes amis. Les toucher du bout des doigts te semble plus impossible que les étoiles, lorsque le firmament se fait encre. Tu ne pleures pas. Tu n'as plus de larmes et le coeur sec comme un roc. « Pourquoi ? » demandes-tu un jour à ton geôlier, quand on te fait avancer sur une grande place. Les vêtements à soieries s'égaillent en voyant ta peau calcinée de soleil, tes dents jaunes, ta barbe broussailleuse. Tes pupilles lancent des éclairs. Maintes fois achetés, maintes fois revendus, une fois l'utilisation achevée. L'humiliation est plus cuisante encore que la mort, que tu appelles de tes vœux chaque matin. Tes dieux ne t'entendent pas, si loin de chez toi. On ne te répond pas - à moins qu'un coup de gourdin dans le dos ne soit une réponse tangible.

Le palais où tu mets tes pieds sales te semble éblouissant, plus encore que les temples grecs. Les roches sont sublimées par les tentures de soie. Les couleurs vives ne sont égalées que par les fleurs des jardins. Tu te sens rustre, bête et méchant, à désirer les tuer tous autant qu'ils sont. Tu te doutes, vaguement, que la mer que tu as prise t'a emmenée loin, vers ces pays du soleil levant dont les Grecs ne faisaient que deviser. Palefrenier, de tes mains, de ton corps défendant, tu fais ton métier.

C'est le jour où, maugréant contre la petitesse des hommes autour de toi, alors que tu sautes sur un cheval d'une blancheur immaculée, qui te fais songer à Pégase lui-même, que tu la rencontres. Petit bout de femme, ravissante comme un bouton de rose - pour les yeux de ces gens aux paupières plissées. On te fouette, cinq fois, pour avoir touché une royale monture. Puis on t'offre, comme récompense, un poste plus haut, plus gradé, où l'alimentation ne sera pas uniquement composée de vagues reliefs à peine consommables. L'hygiène est un retour à l'humanité que tu n'espérais plus. Leurs bains chauds à l'odeur de souffre te gênent, mais qu'est l'embarras contre une peau enfin propre ? L'odeur du purin se décolle de ton être. L'impression d'être moitié homme moitié équidé s'efface. Douceur d'une clémence que tu ne comprends pas.

Jusqu'à ce qu'elle revienne à toi, dans la salle des mercenaires. Etrangers pour la plupart, aiguillonnés d'avarice et de femmes, de présents et de récompenses. La guerre comme seule voie. Tous mettent un genou à terre ; tu les imites maladroitement, peu enclin à courber la nuque. Pourtant, elle rayonne littéralement et tu te sens irradié par sa présence. De sa main, elle tape sur ton épaule d'un coup de son éventail. Tu clignes stupidement des yeux. Tu ne comprends pas ses mots, mais ses jolies lèvres peintes de rouge, vives dans son teint de porcelaine, te fascinent. On te soulève. On t'habille. Un vieil homme à la moustache soigneusement taillée écoute d'une oreille attentive les mots féminins jusqu'à poser ses yeux sur toi. Son ton hautain est évident - tu n'es rien, et il ne comprend guère l'attention de la demoiselle. « La princesse Suknyeong désire vous faire présent d'un poste dans sa garde rapprochée. » Toi, un étranger ? Ne craignent-ils pas que tu la tues ? Que tu en fasses un otage, afin de libérer ton corps, ton esprit, ton âme de ces murs, par la liberté ou la mort ? Les mêmes craintes brillent dans les yeux de l'homme, intendant du palais. Tu réalises qu'il parle le grec, avec un accent terrible. Pourtant, entendre ta langue te fais monter les larmes aux yeux. Ton pays te manque. « Que dois-je faire ? »
Tu es vaincu par elle en cet instant même.
Par ses sourires.
Par son regard.
Par sa gentillesse.

↘ LOVE GUARDIAN.

« Harnachez le cheval de la princesse ! » Ta voix tranche, masculine et rauque, parmi le brouhaha de la foule. Elle est derrière toi, proche des autres gardes. Pourtant, tu sens ses yeux sombres, écho des tiens, posés dans ton dos. Fourmillement de ton corps. Désir abstrait, plaisir sensuel. Tu aimes cette admiration dans ses prunelles féminines. Tu voudrais qu'elle t'observe ainsi à jamais, quand tu t'abreuverais de son corps juvénile et nubile. La jument blanche, sellée d'or et de rouge, s'approche. C'est une fois la princesse montée que tu chevauches ton propre destrier, aussi noir qu'est immaculée celui de la royale demoiselle. Votre duo forme un contraste saisissant : ta musculature t'es revenue, tout comme ton teint olivâtre. Toi, l'étranger, ressemble à un soleil, à un morceau de cuivre, quand Suknyeong est la lune, d'argent et de nuit.

Vous chevauchez, parvenez à distancer les autres mercenaires. Vos montures n'ont guère d'équivalent dans le reste du hara princier. Suknyeong t'a offert cet étalon. Officiellement, comme récompense d'un de tes services. Officieusement, c'est afin de garder pour vous ces moments intimes et saisissants de proximité. Les forêts, les lacs des environs du palais n'ont plus de secrets pour votre curiosité commune. Parfois, vos mains se touchent, et tu sens ton coeur frémir à l'idée de ramener une mèche sombre, douce et odorant les fleurs, derrière cette oreille mutine, si minuscule près de ta main aux longs doigts. Tu n'as plus jamais imaginé trancher sa gorge juvénile, une fois à son service. Exemple de douceur et de gentillesse, elle était un véritable soleil. Tout le monde l'appréciait - elle était une princesse d'exception, au point que bien de ses serviteurs mâles convoitaient ta place, jalousaient votre proximité que, pourtant, vous tentiez de camoufler.

Jamais vous ne pourriez échanger voeux et épousailles. Tu le savais aussi bien qu'elle, connaissance cruelle, que vous faisiez l'effort de repousser, chaque jour plus loin, chaque jour plus difficilement. Tu aurais voulu gagner un rang quelconque, te permettant d'accéder à vos espérances. Hélas, étranger et simple garde, tu étais déjà allée au-delà des conventions sociales, uniquement grâce à Suknyeong. Tu appréciais l'idée de mourir pour elle - héros de chiffons, au coeur trop tendre. Tu aurais donné ta vie pour elle, si elle te l'avait demandé. Hélas, quand tu semblais désirer de toute ton âme permettre à sa vie de continuer quitte à écourter la tienne, le destin avait choisi une autre voie pour les chastes amants que vous formiez.

Tu connaissais l'odeur de la fumée, et la saveur de la cendre excita ton appétit guerrier. Le palais, en flammes, se trouvait calciné dans un brasier. L'ennemi était partout, sans que tu saches de qui il s'agissait, bien trop peu intéressé par la politique. Te fondant dans la foule comme une couleuvre, tu découvris la porte de la chambre princière fracturée. Les bris de bois avaient l'allure d'un monde dévasté. Immobile comme une statue, tu sentis ton ventre fondre dans la lave de la certitude. Il n'y eut qu'un cri, que tu retins à grand peine. Les silhouettes masculines se tenaient debout, devant leur méfait accompli. De noir et de gris, comme des ombres. Mais cela ne t'empêcha pas de leur passer le sabre à travers du corps. Tangibles humains. Tu rugis, quand une lame traversa ton épaule. Les mécréants.
Ils avaient tué Suknyeong.

Ton étoile. Ta lune, ta merveille. La douceur avait été souillée du sang royal. Tu sentis ton sang bouillir, ton corps se tordre sous la colère. Pourtant, ta haine ne vit son point culminant que lorsque ta main arrêta la lame qui venait vers ton crâne. Des doigts griffus, couleur de la cendre et de la braise, brisèrent d'une poigne satisfaite le sabre ennemi. Tes crocs t'empêchaient de parler correctement - étais-tu devenu un monstre ?
Quelle importance ?

Ils moururent dans la violence la plus crue, et les sons de leurs cris de frayeur n'avait hélas pas la saveur du miel que tu attendais tant.
Toute la vengeance du monde ne pouvait calmer ton coeur et ta peine.
Suknyeong était morte. Disparue. Effacée.
Et tu étais devenu un dragon de pierre.
Une hydre au corps de falaise.


↘ STORY OF STONE & ETERNITY

Le sang t'avait changé.
Cette nuit t'avait détruit.

Qu'en était-il né ? L'homme avait-il été dissout dans ta haine ?
Tu n'avais pas compris. Ton corps était devenu dur comme le fer, capable d'arrêter lames et coups. Tu n'avais pas réfléchi.
Sur les dernières ruines de ce qui avait été ta maison, durant presque sept ans de ta vie, tu plissais les yeux pour ne pas pleurer.

Tu avais échoué. Pathétiquement échoué.
Incapable. Créature inutile. Suknyeong était morte par ta faute, car tu n'avais su être là. Avait-elle maudit ton existence, dans ses derniers mots au goût de cuivre ?
Ton ciel avait perdu son astre, ton existence sa chaleur. Tu étais transi de froid.

Tu allais devoir t'habituer à cette sensation.
Gargouille.

Tu étais devenu un homme illusoire, qui camouflait sous son apparence un monstre de pierre. Ta roche prenait la couleur d'une carnation, mais la transformation était aussi instinctive que la respiration. Tu avais sûrement été maudit.

L'échappée dans le ciel, maladroite et désespérée. Des ailes pour un homme incapable de faire s'envoler sa douleur. L'orage aux amours, quand la foudre se fait désir, quand la tempête est exutoire. La destruction dans la volonté de vivre, quand l'éternité avait choisi de figer tes traits.

Le gardien de l'humanité, sans désir d'en faire partie. Tu n'étais plus d'eux. Tu n'avais aucune envie de faire partie de ces larves pitoyables. Tu n'étais ni au-dessus, ni en-dessous. Tu étais différent. Tu es différent.

Des années dans la mer, à goûter l'eau salée. Bien plus sur une cathédrale de Paris, à jouer les gargouilles immobiles. Le corps qui se rebelle, qui ne vieillit plus, se transformant petit à petit en cette pierre que tu aimes tant, dans cette non-vie qui t'attire, pour son paisible oubli.

Jusqu'à ce que tu la vois.

↘ SEARCHING SOULE MATE

Elle était morte, elle n'avait nul trait commun.
Mais elle était là. Aussi sûrement que deux aimants, tu te sentais attiré par elle. Non physiquement, mais du plus profond de ton âme.
Alors revint ton sourire.

Elle vivait. Tu ne savais comment.
Ombre parmi les ombres, tu devins une silhouette de sa vie.
Mais sa mémoire, alternée, oublieuse, dévastée, n'avait nulle image de toi. La peur et l'incompréhension des deux côtés firent voler en éclat tes espoirs.
Mais, décennies après décennies, tu ne t'avouais nullement vaincu.

Tu avais échoué une fois à éviter sa mort.
Sans réellement comprendre pourquoi elle revenait, peut-être liée à toi, vous vous retrouverez.
Tu en fais le serment, sur la pierre et la chair qui composent ton être.
Sur la lune et le soleil, sur vos doigts se touchant.
Sur votre unique et chaste baiser.

Tu la retrouverais, quitte à retourner le monde entier.
Elle serait tienne, et tu serais sien.
Et plus jamais, jamais plus, tu ne la quitterais.
Statue fidèle de pierre, gardien de ses jours, protecteur de ses nuits.

Tu vêts tes plus beaux atours, Pryam. Car tu l'as retrouvée, ton étoile. Tu as été oublieux du monde des hommes, mais te voilà de nouveau dans une New-York qui, comme toi, ouvre les yeux. Elle a vécu, à ton instar, des moments difficiles que tu as simplement observé de loin, d'en haut, comme un être omniscient. Tu te fiches des hommes qui meurent, des mutants qui souffrent. Tout cela n'a guère d'importance, car tu as appris que tu n'étais pas dans la balance. Ton être pourrait trop faire pencher les choses, et tu aspires à un équilibre, que tu ne retrouveras qu'avec la princesse.

L'humanité peut de nouveau se gargariser de te tenir dans ses filets.
Tu retrouves sa trace, involontairement, le destin croisant les fils de vos êtres comme dans une tapisserie intemporelle. Tu ne la comprends pas, comme tu l'as longtemps perdue, pourtant ... Elle est là, tu le sais, tu le sens, comme tu sens ton corps tiraillé par la pierre lourd, et viendra un jour où tu ne pourras plus prendre forme humain. Qu'importe ?
Suknyeong vit.
Suknyeong rit.
Suknyeong est de nouveau là, incarnée dans une peau, dans une enveloppe.

Tu n'as jamais cessé de l'aimer.

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│Gargouille Pryam Androdomyus
│Régénération cellulaire Pryam Androdomyus

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