Just like deer in headlights [Thor & Hela]

Le royaume des hommes était fatiguant à bien des égards. Entre leur soif d’activité permanente qui leur donnait des airs de petites fourmis qui continuaient leurs labeurs sans interruption et leur obsession de savoir tout, tout le temps sur tout le monde, ils donnaient facilement le tournis à la Déesse de la Mort, pas encore bien habituée à leur rythme de vie, elle qui avait passé énormément de temps dans son royaume. Le Royaume des Morts fonctionnait comme un royaume classique à ceci près que la mort et la maladie n’en faisaient plus partie. On vivait, on travaillait, on partait en guerre et on continuait sa vie avec cette sérénité inébranlable de ceux qui ont tout perdu et à présent sont libérés de leur fardeau. Le palais d’Hela s’élevait sur une grande colline. Ses tours dominaient le paysage et son allure glacé faisait scintillait des rayons de lumières tout autour. On aurait pu croire, selon les vielles croyances mortelles, que le royaume des Morts était dépourvu d’animation et qu’on y errait comme des âmes en peine. Mais il n’y avait rien de plus faux. Si les êtres qui habitaient le palais n’étaient pas tous de bonnes fréquentations par rapport aux critères des hommes, ils n’avaient rien perdu de leur piquant et de leur force.

Hela était revenue dans son royaume. Les habits royaux s’étaient substitués aux habits humains. Elle portait une robe noire surplombée de la cape d’illusion offerte par Loki. Sa couronne fine en glace encadrait son visage. Alors qu’elle approchait des portes de son palais, elle vit Garmr renifler, tourner en rond, clairement dérangé par quelque chose. Elle s’approcha et posa une main rassurante sur son museau. La reine fronça les sourcils. Elle dit au gardien du royaume « Je l’ai senti aussi... » quelque chose, ou plutôt quelqu’un, avait déjoué la surveillance de Móðguðr et celle de Garmr. Il y avait très peu de personnes qui pouvaient arriver à faire une telle prouesse. Son père, lors de sa première visite, et certainement quelques autres Asgardiens. Elle passa les porte, talonnée de près par son loup, de plus en plus frustré de ne pas pouvoir tracer l’intrus. Les couloirs scintillants conduisaient à la cours d’Hela, surplombée par son trône, vide.

La salle du trône comportait une allée centrale par laquelle les visiteurs arrivaient. Une dizaine de marches circulaires amenées au trône de glace qui était surplombé des piques tranchantes et acérées. De part et d’autres de la pièce, des bancs et des tables pour sa suite et ses banquets. Il n’y avait aucun drapeau, aucune décoration, aucune armoirie… Le royaume des Morts n’avait aucune affiliation que ce qu’il était : le lieu où toutes les âmes, sans distinction de couleur ou de religion, arrivaient. Nul besoin d’affirmer son identité ou son affiliation. Helheim était un royaume qui, même s’il avait connu des troubles à cause de créatures et groupuscules dissidents, n’avait aucune puissance concurrente. L’austérité, en ces termes, signifiait plus l’unité.

Elle balaya la pièce du regard et dit simplement « Qui est là ? Je sais qu’un intrus s’est glissé dans mon palais. Sors de là avant que j’envoie mon loup te déchiqueter… » Garmr grognait et humait l’air pour trouver le visiteur en question. Hela avait déjà eu à bouter des intrus et des ennemis hors de son royaume et elle n’y réfléchirait pas à deux fois pour le refaire. Soulever ses armées était facile et rapide et il y avait eu de peuples qui pouvaient résister à ses soldats morts…

L’individus sortit de l’ombre et se révéla être Thor Odinson son oncle… Ils n’avaient pas eu l’occasion de beaucoup se croiser, mais les rares fois où ils s’étaient vus n’avaient pas étaient de tout repos. Après tout, elle avait révélé à ce moment-là qu’elle convoitait assez clairement l’âme du fils ainé d’Odin. Ce dernier s’était acharné sur sa famille d’une manière ininterrompue depuis plusieurs centaines d’années. Entre son propre exil alors qu’elle venait juste de naitre, en passant par la mort de Vali dont Thor ignorait tout… Il en aurait fallu bien moins à certaines personnes pour vouer une haine infinie envers le vieux Père de Tout. Son fils, de plus, était un concentré de lourdeur tant physiquement qu’intellectuellement parlant, et il avait souvent bien amoché Loki, le père d’Hela. Tout cela, mit bout à bout était largement assez pour la Déesse de la Mort pour en faire une mission personnelle d’arriver à attraper l’âme de l’Ase et de la faire prôner dans sa cour.

Lorsque l’intrus se révéla, le loup se mit à grogner franchement au visiteur. Il restait près de sa maitresse car il devait certainement sentir la force de son opposant. Garmr avait beau être un animal qui pouvait décimer des armées entières, il n’était pas fou et était en fait une créature assez maligne et stratège. Le visage d’Hela avait légèrement changé et elle affichait maintenant une expression d’amusement. « Thor… ». Elle en aurait presque sourit, finalement. Elle s’approcha de son trône, essayant de ne pas trop s’approcher de Thor, savant parfaitement qu’il se méfierait de chacun de ses mouvements. « Tu cherches mon père dans une salle du trône ? C’est nouveau ça… Je croyais que c’était toi qui devait être roi… Ou pas ? Je ne sais plus trop ce qui se passe à Asgard à ce niveau. Vous n'avez pas l'air très décidés. » Elle jeta un coup d’œil à son oncle avant de s’installer sur le siège de glace. Quand on s’en approchait un petit peu on pouvait voir que de fines sculptures étaient gravées sur les accoudoirs et les pieds du trône. Des motifs de squelettes et d’âmes en peine ainsi que des motifs nordiques.

« Tu veux le voir, lui parler ? Pourquoi ? Pour partager une bonne pinte de bière dans une taverne à Asgard j’imagine… Non ? » Thor avait beau ne pas supporter les actions de son frère adoptif, il semblait quand même porter une certaine affection à celui-ci, à constater le nombre de fois qu’il aurait pu l’anéantir sans l’avoir fait. A la fin, il devait avoir encore en souvenir les moments agréables de leur enfance. Le bougre ne se doutait pas non plus des actes abominables qu’Odin avait perpétré et Loki s’était assuré qu’il pense que les Géant de Glace avaient orchestré la plus grande et horrible attaque envers ses neveux. Hela aurait bien voulu lui hurler à la figure tout ce que son précieux géniteur avait fait, mais elle devait garder le secret, et aussi, garder son calme.

En fait, avec du recul, c’était assez avantageux pour elle que Thor soit venu. Cela prouvait à quel point il était désespéré et qu’il était prêt à risquer sa vie pour avoir une simple réponse. Aussi, Thor était assez culotté en pensant qu’en se pointant à Helheim il arriverait simplement à trouver le Dieu du Mensonge et de la Malice ou que la fille d’un tel personnage lui dirait sans détour où le seul qui lui avait montré de la sollicitude était… En tout cas, on ne pouvait pas dire que Thor avait peur de se ridiculiser. Au moins, il essayait. Alors que la jeune femme s’installait confortablement (même s’il était difficile pour certains de voir en quoi un tel siège était confortable) le loup suivit sa maitresse pour s’installer à ses côtés, s’installant contre le trône, étendu sur le côté. Ses yeux noirs et profonds, continuaient de darder l’intrus et sa longue langue dégoulinante léchait ses babines régulièrement dans un gros bruit humide. La Reine de la Mort ne semblait pas effrayée ou embêtée le moins du monde. En tout cas, elle n’en montrait rien sur son visage ou dans son attitude.

Thor était très connu pour ses frasques et sa capacité presque religieuse à agir avant de penser. Ses légendes étaient entachées par la précipitation enfantine qui semblait le caractériser. Comme un enfant trop fier et trop impatient qu’on l’acclame, il entrainait dans son sillage, des erreurs aussi ridicules qu’impardonnables. Et pire que cela ? Son obédience infaillible envers le Père de Tout. Sa complicité avec la situation familiale dans laquelle était Hela (ou plutôt, la non-situation familiale dans laquelle elle était), qu’elle soit consciente et inconsciente, en faisait quelqu’un qu’elle haïssait profondément. Pire encore que l’ennemi frappant ses portes avec son armée dans l’intention claire et affichée de lui nuire, était le traitre qui s’infiltrait entre les portes semi closes pour trouver un dos bien tourné à poignarder. Thor n’était pas le traitre habituel. Il était coupable par association et par simple destin. Le fils du Père de Tout à qui tout souriait et qui avait la grâce et la sympathie de tout le monde, et l’erreur issue du Dieu le plus détesté de tous, bannie dans un endroit où elle était supposée mourir et finir dévorée par les cauchemars et créatures diaboliques hantant les lieux. Ils étaient deux opposés idéologiques : l’un avait tout eu par son sang et avait tout obtenu, de son don pour la guerre jusqu’à la beauté de son visage, avec une facilité déconcertante offerte par son rang royal… Rang tout aussi donné par chance… L’autre avait tout arraché à ceux qui avaient voulu la voir mourir. Elle avait obtenu sa place dans le désespoir de la survie et avait extirpé chaque petit bout de légitimité avec des choix réfléchis et des sacrifices.

Il n’y aurait pu y avoir aucune autre issue possible. L’un déambulant comme une poule à qui il manquait la tête, ayant obtenu sa légitimité en tétant simplement le bon sein royal, et l’autre qu’on avait cherché frénétiquement à enterrer et qui avait retourné la situation en sa faveur. Qu’importe toute la bonté que Thor démontrait, il devait subir l’implacable vengeance familiale qui était tout sauf irréfléchie. Le dommage collatéral qu’il représentait s’estompait quand on calculait tous les petits morceaux d’orgueil qu’il avait semé dans son sillage et qui était une insulte pour la Déesse de la Mort.

En tout cas, l’Ase semblait précautionneuse. Il avait beau être d’une assurance dérangeante, il n’était pas totalement stupide et arrivait à gauger une situation (à peu près). Dans un tel royaume, où son père ne pourrait pas venir le chercher l’extirper de ses bêtises, où la souveraine affichait clairement sa volonté de le voir disparaitre, où la force de milliards d’âmes coulait dans les rues, il fallait être prudent. Ainsi, ses yeux semblaient surveiller chacun de ses gestes. Et plus il la regardait avec défiance, plus elle se sentait puissante. Une voix dans sa tête lui disait de ne rien laisser passer cependant. Aussi puissante elle était dans son royaume, la force de Thor effrayait les plus hardis Dieux d’Asgard. Il n’était pas un adversaire à sous-estimer dans les combats frontaux. Il prit la parole et lui expliqua qu’il avait appris seulement il y a peu que le père d’Hela était en vie. Il lui annonça aussi qu’il ne voulait pas le tuer, loin de là bien qu’il soit en colère contre lui.

Hochant la tête, elle commenta « Tu vois, mon oncle, il y a quelque chose que tu ne comprends pas. Toi, beaucoup d’Ases et beaucoup de personnes sur Midgard… La mort n’est pas la pire chose que vous pourriez redouter. Il y a en Yggdrasil, bien pire que de simplement démarrer sa vie éternelle ici. Laisser ses ennuis et ses batailles de l’autre côté de ce portail et vivre une vie paisible est le plus beau cadeau de beaucoup de miséreux qui arrivent. Avoir peur de ça, c’est probablement votre première erreur. » Rien qu’en sachant ce que son père avait dû vivre en voyant ses jeunes fils se faire exécuter sous ses yeux suffisait à lui faire dire qu’il y avait des perversités plus redoutables que la mort. Finalement, l’ultime châtiment ne résonnait que dans la chair. Les cicatrices guérissaient. Les prothèses remplaçaient les membres coupés ou arrachés. Les saignements s’arrêtaient… Mais l’âme gardait chaque trace des remous douloureux qu’on lui infligeaient et n’oubliait jamais rien.

Il finit par lui avouer avoir refusé le trône à la fausse mort de son père et qu’il le cherchait à présent. Haussant un sourcil, elle commenta « He bien maintenant qu’il n’est pas mort, tu peux retourner récupérer ton trône j’imagine… Et continuer d’écrire ta glorieuse légende. » Avec une vois un peu sèche et froide. Mais peu de gens pouvaient se targuer d’avoir entendu des paroles chaudes franchir les lèvres de la Déesse.

Thor commenta sa situation. Par sarcasme ou simple constat, cela n’importait pas tellement l’Ase. Chaque parole prononcée par Thor semblait résonner de la voix d’Odin. Si elle ne l’avait jamais entendu, elle en devinait les mots et l’éducation, ce qui était bien suffisant pour rendre le simple ton du blond, insupportable.

« Toi, par contre… Je ne sais pas bien comment t’appeler. Il parait que tu passes beaucoup de temps à réparer les erreurs des habitants de Midgard. Es-tu encore un Prince ? Un vagabond ? Un rustre ? Je t’appelle oncle depuis tout à l’heure mais on sait tous les deux que nous n’avons aucun lien véritable à part peut-être d’avoir tous les deux soufferts des décisions d’Odin. Toi pour avoir été trop gâté et moi pour avoir été laissée pour morte… Est-ce qu’il existe un titre que tu puisses garder de manière permanente ces jours-ci ? »

Cette petite passe d’armes verbale n’était pas grand-chose du point de vue de la reine. A peine une petite escarmouche de crachats sarcastiques, presque protocolaires aux vues des circonstances. D’ailleurs, Hela ne s’attendait pas à ce que Thor reste très longtemps. Pensait-il réellement avoir les moyens de lui faire dire où son père se trouvait ?

Son oncle lui répondit que c'était bien la mort qui pouvait essayer de faire croire que mourir pouvait être une bonne chose. Mais cet Ase n'avait pas été à ses portes pour observer les millions de personnes qui arrivaient dans son royaume pour se reposer après une existence de souffrance et de bataille. De toute façon, que connaissait-il des guerres personnes de chacun de ses sujets ? Avait-il assez de matière grise pour ne serait-ce que se mettre à la place des milliers de personnes vivants des existences bien moins fortunées que lui et qui avaient enfin l'occasion d'avoir une vie honorable et calme sans que leur fortune personnelle ou leur nom entre en ligne de compte. Thor épiloguait comme s’il avait tout vu et tout vécu. Même Hela ne savait pas tout et pourtant, elle concentrait certainement dans son royaume, la plus grande encyclopédie humaine à travers les générations, les âges, les genres et les origines. Ses yeux détaillaient le guerrier devant elle. Il n'avait aucune idée. Et malgré les grands mots qu'il avait appris à prononcer, ça ne changeait rien à son constat.

« Me laisser mourir ? » Ses doigts glissèrent jusqu'à sa cape qui recouvrait ses épaules. Elle était faite en velours sombre et chaud avec des rainures en argent qui scintillaient comme la glace qui constituait les murs de son palais. « Mon cher oncle... Tu parles tu parles mais tu ne sais rien. » Elle défit les attaques de sa cape et la laissa tomber derrière son dos. Et au fur et à mesure, sa véritable apparence se révéla : Peu à peu, son côté gauche se desséchât, des rides et des fissures se creusèrent dans sa peau qui était encore laiteuse il y a quelques instants. L'os de son épaule apparaissait sous la peau se faisait de plus en plus fine... Puis elle vira au vert et au noir, pourrissant doucement et dévoilant des os à certains endroits de ses bras. La paupière de son œil gauche sembla disparaitre pour ne laisser qu'un globe oculaire blanc impénétrable. Ses cheveux du côté gauche n'étaient plus que des touffes sèches éparses qui recouvraient mal une moitié de crâne fissurée et exposée... « Je suis déjà morte, mon oncle. Je ne peux pas mourir une seconde fois. Tu ne l’as pas encore compris ? »

Puis elle se leva. Le loup ne bougea pas mais il observait toujours l'Ase. Ses griffes grattaient la glace quelques fois, il semblait presque se préparer à bondir, ou alors il ne faisait que s'imaginer courir vers l'intrus pour lui arracher les jambes et lui fouiller le gosier à l'aide de ses dents. « Tu me considères peut-être comme une ombre, et ce sera toujours ta plus grosse erreur ; que tu regretteras quand j'aurais ton âme ; mais moi, au moins, j'ai une armée fidèle et un monde en paix. Je ne sais pas si tu as pu toujours dire ça d'Asgard... »

Lui rappelant qu'il avait laissé le trône vacant, il expliqua qu'il était venu avoir des nouvelles de son frère. Il menaça à demi-mort la Déesse si elle refusait de lui donner cette information. Ce qui la fit sourire, retroussant sa bouche mi-fine et rosée et mi- décharnée et suintante. Il insinua enfin que s’il ne le trouvait pas, Loki finirait tué. Une pensée bien amusante quand on savait que Hela avait retiré son nom de la liste de la mort, purement et simplement, faisant de son paternel un immortel même s’il pouvait toujours souffrir de blessures et de dommages. Il venait de toute manière de lui-même dans ce royaume pour parler à sa fille. Même entant qu'âme, Loki trouverait rapidement un moyen de s'échapper. Thor finit toute sa tirade et manqua presque de paraitre sincère aux yeux de la jeune femme.

Elle l'observa un instant avant de récupérer sa cape et de la passer entre ses doigts. Elle baissa les yeux vers le tissu et décida de le garder à son bras. Son apparence ne la dérangeait pas vraiment. Elle avait passé des centaines d'années avec et était habituée aux regards des autres. « On dirait presque que Loki t'importe. Ça en serait presque amusant. » Elle descendit les marches du trône et s'approcha d'une des grandes vitres donnant sur la vallée glacée. Au loin, une forêt de pin et une rivière coulait vers un petit village. « Ça fait combien de temps que tu te convaincs que tu peux l'aider et le sauver d'une quelconque manière ? Ça fait combien de temps que tu as réalisé qui il était ? Qu’est ce qui te fait penser qu'il a besoin de toi ? Est-ce que tu as déjà pensé que tu étais l'origine même de ses problèmes ? » Hela ne lui donnerait jamais d'information, de toute manière. L'Ase était la dernière personne certainement qu'elle appellerait si son père était en danger. Elle irait voir ses frères et elle emporterait les généraux de son armée avec elle. Thor créait les problèmes et son attachement trop fusionnel avec les humains en faisait quelqu'un de dangereux. De plus, Hela n'était pas étrangère à tous les tourments auxquels le Dieu de la Guerre avait participé, contre son propre frère. De plus, son obstination à ne pas vouloir se débarrasser de son père en faisait, enfin, un lâche. La pire espèce.

Thor se voyait certainement comme une personne avec de bonnes et nobles intentions. Il semblait parler plus pour lui-même que pour Hela. Ses choix e mots, sa défense, sa manière de se débattre de toute accusation comme un enfant prit sur le fait et qui cherche à pointer des doigts sur tout ce qui passe avant de se rendre compte qu'il ne lui reste plus qu'à mentir en disant que de toute façon, il ne pouvait rien faire. Cette stratégie de défense était tellement faible et risible qu'elle manqua de faire franchement sourire Hela. Ses yeux parcourent rapidement Thor avant de se porter sur les paysages de son royaume. « Continue de te rassurer. A t'entendre parler tu es si impuissant... Si faible... Si insignifiant pour Asgard.... Personne ne t'écoute, tes actions n'ont aucune incidence, Odin te bannit, Odin est le seul responsable et ceux qui se sont enrichis et ont allègrement profité de son règne de terreur ne devraient pas être tenus responsables de leurs inactions face à l'injustice. Tu te comportes comme un gosse, qui ne sait rien et qui veut que tout le monde lui pardonne tout sans rien attendre de lui. Tu es pathétique. Je suis fière qu'on ne soit pas de la même famille. Je serais morte de honte si j'avais vraiment été ta nièce... Si je pouvais mourir. »

Le dégoût se lisait dans ses paroles. Il se cachait et ignorait tous les méfaits qui avaient conduit à la souffrance de son père, il blâmait les autres, il blâmait Odin mais souriait devant son père en faisant des courbettes pour garder sa place, sa précieuse place. Se faire bannir en s'opposant à un bébé qui se fait punir simplement à cause de qui sont ses parents ? Ha non, il manquerait plus que Thor se batte pour les opprimés et les faibles ! Il manquerait plus que Thor risque sa place de roi doré et vénéré pour empêcher son père de commettre les plus abominables des actions. Ce héro défendait seulement s’il ne risquait rien. Bien sûr, il aidait les petits humains, il aidait ses amis... Mais seulement si sa place de prince était assurée et si Odin était heureux. La justice sous condition... Un art que les humains avaient maitrisés sans les Ases. Tuer, faire des génocides et exterminer mais sous l'égide gracieuse de la loi et des circonstances. Thor était potentiellement celui dont elle se méfiait le plus car il avait cultivé son apparence de bonne âme tout en cachant son désir aliénant de gloire et de reconnaissance. La gloire facile. La réussite sans responsabilité. C'était ça qu'il voulait.

Ce fut lorsque Thor admit ne rien connaitre à son royaume que Hela rigola franchement. Elle avait un rire un petit rauque et discret. Ses yeux étaient passés du dégout à l'amusement. « He bien mon oncle tu m'étonneras toujours par ton ignorance... Et encore. Beaucoup cherchent à cacher ton ignorance, toi, tu la brandis comme un étendard. Fier de te ridiculiser, Fier de ne rien savoir et de lancer des absurdités ridicules. Aucune guerre ? Aucun ennemi ? Tu ne sais rien de mon royaume, de mon armée, des batailles que nous livrons régulièrement ni des démons que nous empêchons d'atteindre les autres mondes. Tu veux être roi et tu ignores tout du royaume des morts, qui abrite des Ases. Tu es risible. »

Comme osait-il prétendre lui donner des leçons s’il ignorait la nature de son royaume ? Les monstres et âmes qu'elle avait dû chasser pour acquérir ce royaume, l'armée qu'elle avait soulevé, les pactes qu'elle avait passés. On murmurait bien ses différentes victoires mais Thor avait certainement pensé qu'ignorer simplement ces faits d'armes la rendait plus inoffensive. Hela se demandait ce qu'il se passerait si elle lâchait son armée et ses généraux sur Thor... Des âmes immortelles qui reviennent sans cesse tourmenter leurs ennemis ? Ou si elle le lâchait dans les crevasses les plus profondes d'Helheim qui enfermaient des souvenirs de violence et de souffrance et qui venaient tourmenter ses villages sous formes monstrueuses et déformées ? Il jugeait sans avoir la moindre information. Il se révélait sous son jour le plus vrai : un enfant arrogant qui voulait qu'on efface toutes ses fautes sans conditions et qui paradait et érigeant son ignorance en principe sacré. Il ne faisait qu’attiser la haine de la reine.

Enfin, dans une tentative désespérer de déplacer le blâme il accusa la seule personne qui restait et qui rendait toute sa stratégie encore plus inutile : Loki. Les yeux d'Hela pétillaient. C'était si facile, si évident, si risible... Elle haussa les épaules et remit sa cape. « Bien sûr. Blâmer mon père. Car finalement, toi et Odin, vous êtes de gros bébés qui ne pouvaient pas être tenus responsables de vos actions. Pourquoi gouvernez-vous, alors ? Si c'est pour faire vos bêtises et ensuite rejeter la faute sur les autres en levant les mains ? Tu sais, certains disent que je veux ton âme pour gouverner sur Asgard. C'est une rumeur ridicule. Qui voudrait gouverner un tel enchevêtrement d'enfants immatures. Loki a été le seul à me tendre la main, m'éduquer et me porter et tu me crois assez stupide pour oublier tout ce que Odin a fait à ma famille, pour oublier que tu as fermé les yeux sur toutes les fautes de ton père ? Si je ne savais pas déjà que tu étais ce genre de lâche et imbécile, je me demanderais quel genre de malédiction on t'a jeté. Mais j'avoue que je ne suis pas surprise. A individu pathétique, mesures pathétiques. »

Elle considéra l'homme avec son regard froid. Au bout de la salle, un homme en noir, d'une cinquantaine d'années en apparence était apparu, les mains jointes. Il semblait observer la situation depuis un petit moment. Il ne dit rien et Hela croisa son regard. « Bon, mon oncle. A part venir ici pour dire des imbécilités, tu as quelque chose d'autre à me dire ? Mon royaume si facile à gouverner et si paisible a besoin de moi... Je me dois de te laisser. Si tu as des requêtes à m'adresser, envoit moi une lettre la prochaine fois. » dit-elle avec un petit sourire en coin avant de sortir de la salle du trône, suivit de Gramr.