High Hopes ft. Niall & Hela

Ce soir, j’ai la pression. La raison ? Depuis l’incident de la dernière fois, depuis qu’on s’est salement engueulé sur ma position en tant que membre d’Icare et sa volonté de me jeter directement dans les grandes batailles, j’ai enchaîné les boulots de merde. Je le savais, je ne suis pas déçu. C’est moi qui l’ai demandé. Mais ce soir, je retourne sous le feu des projecteurs. Dans la salle de bain, je passe plusieurs minutes à dévisager le gars dont je vois le reflet. Appuyé sur l’évier, j’essaye de trouver quelque chose dans mon regard pour me rassurer. Ce genre de missions, j’en ai fait plus que mon lot aux côtés de Graham… Il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Surtout que ce soir, c’est juste Aidan et moi. Le plan est bien ficelé et tiens la route. Il n’y a aucune raison pour qu’on se plante, aucune raison pour que je me foire. Si la mission de ce soir est un échec, je n’ai aucun doute sur le fait que le bien fondé de ma présence au sein d’Icare sera remise en question. Dans ce genre d’organisation, on ne s’encombre pas des points mort.

Je passe mes mains rendues moites d’appréhension sous l’eau froide. Je déteste ce moment. Les dernières heures avant le départ, ces instants où on ne peut s’empêcher de sentir l’appréhension monter, saisir son cœur et irradier dans ton son torse. A chaque fois, c’est pareil. Je me passe de l’eau fraiche sur le visage. Elle me fait l’effet d’une claque et je sens ma gorge se resserrée doucement sous l’effet de l’eau froide que je continue de m’envoyer en pleine gueule. Mon torse encore nu frissonne mais cela me remet les esprits en place. Concentres-toi sur ton taff et tout se passera bien. L’infiltration et la subtilisation de choses importantes, c’est quelque chose que je sais faire, que je maîtrise.

Je soupire alors que je coupe l’eau. Je passe une main nerveuse dans mes cheveux avant de m’essuyer sommairement. J’enfile ma chemise. Je sors de la salle de bain alors que je la boutonne. Mon regard est fixé sur mes mains. J’ai déjà copié la mutation d’Aidan. Je m’entraîne. Je ne lui ai toujours pas dit que je suis aussi capable d’éteindre sa mutation. Je ne sais pas pourquoi. Je me pince les lèvres alors que je dois me concentrer plus que de raison pour reboutonner rapidement ma chemise. Il serait temps qu’Aidan améliore un peu le contrôle qu’il a de lui-même. Je ne peux pas contrôler sa mutation mieux qu’il se contrôle lui-même. Une fois ma tâche finie, je ne suis pas content de moi. Une soirée qui s’annonce bien tiens… De frustration, je relâche la copie de la mutation de mon ami d’enfance. Je n’arriverais jamais à contrôler correctement cette merde. Mais va-t-en lui faire comprendre que ce n’est pas parce que je copie que c’est aussi instinctif pour moi que pour lui.

Je m’attaque ensuite à ma cravate. J’essaye sincèrement. Mais après avoir copié Aidan, mes doigts m’ont l’air gours et maladroits. Et je n’ai jamais rien comprit au fonctionnement de ces trucs. Il y a une histoire de lapin qui va dans son trou ou un truc du genre… Je regarde le morceau de tissu avec une certaine colère. Je sors mon téléphone et essaye d’afficher un tutoriel imagé. Au fil de mes essais infructueux, la colère se change en frustration. J’observe mon dixième résultat avec la caméra frontale de mon starkphone et la frustration se change en désespoir alors que j’observe le nœud qui n’a de nœud que de nom. Au mieux, c’est une forme étrange qui pendouille mollement autour de mon cou. J’essaye de le serrer sans trop d’espoir et j’assiste à la chute lente et désespérante du dis nœud qui coule le long du tissu. Je fais encore une ou deux tentative avant de capituler pour de bon.

Je retire le bout de tissus de mon cou et j’observe la lanière comme si elle était le mal incarné. Je suis sûr qu’on a inventé ces trucs juste pour m’emmerder. En plus, je déteste porter ces merdes. L’objet du crime pendouillant mollement dans le creux de ma main, me narguant un peu plus à chaque seconde qui passe, je songe sincèrement au fait de la laisser ici quitte à me faire regarder un peu de travers au musée et à attirer l’attention. Je relève la tête vers Aidan. Je n’aime pas avoir à lui demander de me nouer ma cravate. Je me sens toujours comme le dernier des cons quand ça arrive. Pas que ça soit arrivé plus d’une fois mais en plus du fait que ça me fait me sentir con et incapable de me débrouiller seul de moi-même, j’essaye d’éviter d’être physiquement trop proche de lui depuis l’incident de la douche.

Incident qui me trotte bien trop souvent en tête que pour ne pas m’avoir marqué au fer blanc. Et je déteste ces nuits où mon esprit se laisse aller à fantasmer sur mon ami d’enfance. Bordel, je le considère comme un frère. Ce genre de choses avec lui… Ca ne semble pas correct. Une chance, depuis que je fréquente Gabriel, je peux au moins évacuer mes pulsions corporelles. Le roux semble capter ma détresse. Un long soupire perce le silence et je me rassure en me disant qu’il vaut mieux qu’il prenne cela pour une demande muette d’aide que pour mes réelles réflexions. Même si je n’aime pas du tout devoir lui demander de l’aide pour une connerie pareille.

Par facilité, il se place dans mon dos pour me faire le nœud. Je me sens me crisper alors que je le sens se coller partiellement à mon dos. Je prends une vive inspiration, essayant de ne pas repenser à la fois où je l’ai surpris sans le vouloir sous la douche. Mes joues doivent sans doute s’empourprer légèrement. J’espère que non. Ou qu’il ne le remarque pas. Par chance, il a l’air trop absorbé par ma cravate que pour remarquer quoi que ce soit. Mon cœur bat un peu trop vite alors que je sens ses bras cercler mon torse, travaillant la lanière de tissus pour obtenir rapidement le résultat que je n’ai pas réussi à atteindre. Je me force à regarder ses mains en mouvement. Déjà parce que ça me fascine de voir autant d’agilité et de légèreté dans ses mouvements, mais aussi pour apprendre. Je le regarde faire, je cherche à analyser le moindre détail pour ne pas risquer de m’emmêler les doigts en le copiant. Je sens mes joues chauffer pour de bon alors que j’imagine ce que des mains aussi agiles pourraient faire si utilisées dans un cadre plus… Intime. Bordel Niall ! C’est d’Aidan qu’on parle !

Et il n’est pas l’heure de penser à ce genre de choses, même si cela s’avérait moins dérangeant à imaginer. Par chance pour moi, il ne semble pas le remarquer et est perdu dans ses pensées. Je vérifie les poches de mon costume de seconde main, m’assurant que j’ai tout mon matériel. Il n’est pas question d’oublier quelque chose. Pas aujourd’hui. Un peu confus et un peu perdu par la proximité aussi brusquement perdue que gagnée, je tourne un peu en rond, je ne sais pas trop sur quel pied danser. Courageusement, je fuis brièvement à la cuisine où je vais m’assurer que Le Chat et Graeme ont tout ce qu’il leur faut. Quand je reviens dans le salon, la chaleur de mes joues s’est calmée et je lui fais face presque sans la moindre trace de gêne. Avec un peu de chance, il prendra ça pour du trac.

« Bon, allez, c'est l'heure » Sa voix vibre dans l’air et j’hoche simplement la tête en réponse. Je n’ai pas envie de parler. Déjà parce que j’appréhende effectivement cette mission. J’ai conscience de voir là ma dernière chance. Si je me plante ce soir, je ne vois pas comment le roux pourrait à nouveau me faire confiance. Surtout que je n’ai été que très vague sur mes activités pour la Confrérie. Cela ne le regarde pas et pourrait même le mettre éventuellement en danger. Je ne veux pas de cela pour lui. J’aime beaucoup trop cette tête de nœud que pour lui faire prendre ce genre de risques inconsidérés sans raisons. Il est très bien dans l’ignorance où il est. Mais le fait est que, à ses yeux, je dois avoir l’air d’un gros boulet qu’on se tire tant bien que mal parce qu’on veut faire plaisir à un vieux pote et qu’on n’a pas trop le choix. Et ensuite parce que je ne sais plus trop bien ce que je ressens pour le mutant. Je suis vraiment heureux de l’avoir retrouvé, d’avoir retrouvé des brides de ce qu’on a pu partager à l’époque, de participer à nouveau à nos joutes verbales. Mais beaucoup de choses se passent… Et je n’arrive pas à mettre le doigt sur ce que je ressens réellement pour le brun. J’ai peur que ce que je pense être de l’attirance n’est autre que le bonheur de l’avoir à nouveau dans ma vie additionné à un corps en manque de plaisirs charnels.

Je le suis sans un mot, perdu au cœur de mes réflexions personnelles, de ma tourmente bien à moi. J’imite le roux et je pose à mon tour le masque multi-visage sur ma peau, prenant l’apparence d’un individu lambda. Pendant le trajet, je ressens le besoin oppressant de m’occuper les mains pour combler ce silence qui m’oppresse. Alors je copie la mutation d’Aidan et je m’entraîne comme j’ai pris l’habitude de le faire lorsque nous sommes en voiture. J’ouvre la boite à gants et vais y chercher mon rubicube. Je ne sais pas le faire mais là n’est pas le but. Le but est de travailler mon agilité et ma rapidité. Sans le regarder, je commence donc à le faire tourner, essayant d’aller toujours plus vide sans qu’il ne m’échappe des mains. C’est un exercice simple mais que je pratique dès que possible en prévision du jour où il me remettrait justement sur ce genre de missions. Il y a peu de gens qui je ne veux décevoir à aucun prix. Il en fait partie.

Alors je m’en tiens au plan. Je le laisse faire la parlotte et je me contente de faire le figurant lorsqu’on arrive au musée. Je ne peux m’empêcher d’aller tripoter ma cravate. Il me l’a serrée trop fort mais je n’ose pas tirer dessus pour me donner plus d’espace pour respirer de peur de faire une bêtise et de devoir la refaire une nouvelle foi. On aurait l’air fin en plein milieu du musée tous les deux. Je suis à peu près sûr qu’il me laisserait me démerder sans la moindre forme de pitié plutôt que de se rabaisser à me refaire ma cravate en public. Alors je fais avec cette bande de tissu qui me donne la sensation oppressante de pouvoir m’étrangler au moindre moment d’inattention tant elle est serrée.

Alors je garde ma grande gueule fermée et mes mains dans les poches. Je me force à avoir un air presque nonchalant ou, tout du moins, détendu. J’écoute son échange étrange avec l’hôtesse mais je ne fais pas de commentaire. Ce n’est pas le lieu où le moment. Mais j’admets que j’aurais apprécié être prévenu de cela. Après tout, ce n’est pas comme si cela faisait plusieurs semaines qu’on bosse sur ce plan. J’essaye de lancer un regard mécontent à mon ami mais il ne me regarde que brièvement. Cela me fait bizarre de le voir sous les traits d’un parfait inconnu. Je préfère sa tête habituelle. Celle-ci ne lui va pas.

Alors qu’on évolue dans le musée, je ne peux m’empêcher de laisser mes yeux trainer. Pas sur les œuvres exposées, non. Sur les caméras et procédé de sécurité. Je vérifie discrètement que nous n’allons pas tomber sur une mauvaise surprise. Tout m’a l’air conforme aux infos qu’on a pu trouver et obtenir. Au fil des étapes, on finit dans le poste de sécurité… avec six autre gardes. Ils ont l’avantage numérique, nous n’avons que la surprise pour nous. Mais ce n’est pas une surprise, on savait bien qu’on allait avoir du monde sur les pattes.

Comme convenu, Aidan joue les sociables pendant que je verrouille discrètement les sorties de la pièce. Sans vraiment faire plus attention que ça, je ris avec les autres quand l’un des gardes se vante d’avoir eu des rapports sexuels sur la commande de contrôle plus tôt dans la journée. Mais oui… vante toi d’avoir eu des rapports hors mariage sur ton lieu de travail sur la console que tes collègues ont passé la journée à utiliser. Dégoutant. Mon regard croise celui d’Aidan et je lui fais un clin d’œil pour le prévenir que j’ai finis.

Dans ma poche, j’attrape mon paquet de cigarette. Alors que je rejoins Aidan l’air que rien en ouvrant le dis paquet, je le vois s’asseoir dans un siège, juste là où il doit être. Une fois à ses côtés, je sors un cylindre de mon paquet qui n’a rien à voir avec une cigarette. Du bout du pouce, je l’ouvre et je le jette au milieu de la pièce, retenant mon souffle. Le produit agit vite, il n’est pas question d’en respirer trop. Quand je me retourne vers Aidan, il me tend un masque à gaz qu’une collègue était venu cacher ici plus tôt dans la journée. Le fameux plan cul. J’enfile le masque sans me faire prier et alors que les gardes essayes d’ouvrir les portes que j’ai précédemment verrouillées et bloquées, ils tombent un à un. Rien de mortel. Il seront juste knock out pour une bonne dizaine d’heure. De quoi nous laisser plus que le temps de travailler en paix. Une fois sur la console de sécurité, je regrette de ne pas avoir Graham avec moi. Cela nous rendrait la tâche bien plus facile.

Cependant, je trouve rapidement un endroit où brancher une clé usb contenant un virus que mon meilleur ami m’avait concocté pour l’occasion. Il ne faut pas plus de quelques secondes avant que les vidéos des écrans ne soient effacées et qu’on ne puisse voir les enregistrements d’un soir tout ce qu’il y a de plus banal se dérouler devant nos yeux, les différents gardes parcourant les galeries comme si de rien n’était. Bien sûr, ces images ne sont pas en direct, il s’agit là d’un enregistrement retravaillé. Sous mon masque, je ne peux retenir un sourire. Pour le moment, tout se passe selon le plan. Je m’éloigne du poste, laissant Aidan s’assurer que tout est en ordre. De toute manière, il va falloir attendre quelques minutes avant de sortir d’ici que le gaz se soit totalement dispersé.

Pendant l’attente, je n’ose pas trop le regarder en face. La disparition de notre complicité est quelque chose d’assez difficile à vivre pour moi au quotidien. Le fait que je commence à craindre de ressentir des choses plus profondes pour lui complexifie encore plus les choses. J’ai envie de m’arracher les cheveux tant cela me prends la tête. Depuis cette fois où je me suis surprit à laisser mon regard trainer sur son corps pratiquement nu, je ne peux m’empêcher de le voir autrement. Il est et doit rester mon frère de cœur mais… Le temps et les pulsions aidant, je ne peux m’empêcher de me poser la question du ‘et si… ?’. L’éloignement me fait aujourd’hui le percevoir autrement. Et alors qu’on a du mal à s’accorder à nouveau pleinement confiance, que notre lien n’est plus tout à fait ce qu’il était, je ne peux m’empêcher de le voir différemment.

Et ça commence à me bouffer. Je ne sais pas si je veux récupérer ce que j’avais avec lui ou si je veux pouvoir espérer devenir plus… intime avec lui. Une petite voix au fond de mon crâne me dit qu’il s’agit d’Aidan, qu’il est comme un frère pour moi et qu’on ne fait pas plus hétéro que lui. D’où le cœur du dilemme. Je suis content de vivre avec lui, même si on est loin de tout se dire, de tout partager, cela nous donne une chance d’être proche à nouveau, de recommencer à partager certaines choses. Il m’a appris à jouer à Skyrim, j’ai fait semblant d’aimer ça. Pas par plaisir de lui mentir ou quoi que ce soit, mais parce que me voir m’y intéresser, ça lui a fait plaisir et ça nous a à nouveau un peu rapproché. On avait à nouveau quelque chose en commun, un truc à partager en dehors du travail.

Alors je n’arrive pas à le regarder plus que de raison. Parce que je ne sais pas encore quelle attitude je veux adopter avec lui, parce que je ne sais pas si tenter le coup pourrait détruire ce qu’on est en train d’essayer de reconstruire. « Allez, on se bouge » Sa voix me sort de mon tourment interne. Vivre à ses côtés est plaisant mais m’amène aussi à ce genre de questionnement. Peut-être vaudrait-il mieux que je demande à Gabriel s’il ne sait pas m’héberger à la place d’Aidan. Ca me permettra peut-être de me sortir le roux de la tête et ce, à tous les niveaux. Je retire mon masque d’un geste peut-être un peu trop vif et j’enfile mes gants en cuir.

Alors que je détaille l’attitude de mon ami et patron, je ne peux m’empêcher de noter que quelque chose semble ne pas aller dans son attitude. Aurais-je déjà commis une erreur sans m’en rendre compte ? Ca me ferait chier. J’ai besoin de ce job… Je le suis dans les couloirs, me dirigeant vers la galerie qui nous intéresse. « On a désactivé les systèmes de sécurité mais il reste encore les alarmes propres aux vitrines et à la réserve » Un petit rappel, l’air que rien, qu’il ne faut pas toucher à la réserve et aux vitrines. Juste les expositions murales dont le virus a fait sauter les capteurs.

Je l’observe s’arrêter devant un Rembrandt. Comme lors des préparatifs, je maintiens que l’idée d’aller dans la réserve serait plus lucrative. Mais aussi plus problématique, plus difficile à mettre en place. N’étant qu’un employé, je me contente donc de suivre le plan. Lorsqu’Aidan me désigne rapidement quelques toiles, je commence à les décrocher, faisant attention aux systèmes de sécurités. Les cadres sont lourds mais ce n’est rien d’insurmontable. Mais alors que je m’apprête à décrocher un Turner, un mouvement attire mon attention. J’abandonne ma manœuvre et je vais voir dans la salle d’exposition juste à côté. Même avec un masque multi-visage, on ne peut prendre le risque de voir quelqu’un appeler la police.

Je dégaine mon arme de poing au passage et je commence une brève ronde dans les salles avoisinante. Compte tenu du fait que je ne trouve rien d’un premier abord, je sors un silencieux de ma poche que je visse au bout du canon. Inutile d’attirer l’attention en cas de problèmes. L’arme baissée, je fais demi-tour pour rejoindre mon ami, assez peu rassuré. Il faudrait peut-être accélérer quelques étapes du plan si on veut éviter de se faire choper.

Comment se passe le retour de Niall dans la salle d'exposition où est Aidan ?:

Mon sang se glace alors que je distingue une silhouette en plus dans la pièce. Il n’est pas prévu que quiconque nous rejoigne aujourd’hui. Lever mon arme et tirer serait con, plusieurs vitrines d’exposition se mettant dans mon champ de vision. Tirer malgré tout déclencherait une alarme. Une mise en garde meurt sur mes lèvres alors que je vois l’inconnu qui doit être un garde ayant oublié un truc au boulot lève son arme en direction d’Aidan. Mon corps bouge de lui-même et s’élance vers le roux. Je ne réfléchis pas plus que cela et je le bouscule malgré qu’il porte une œuvre valant sans doute plus que je ne pourrais gagner en dix ans. Le ‘pop’ du silencieux du garde se déclenche.

Niall se fait-il toucher ?:

Si oui:

Si non:

Je tombe au sol sans même m’en rendre compte. Putain de merde. Après les quelques secondes de blanc, je sens enfin la douleur me percer l’estomac. Instinctivement, je pose une main sur la plaie. Je n’ose pas appuyer à cause de la brulure de la balle, de la douleur qui se met à irradier. Ma mâchoire se crispe alors que j’essaye d’empêcher le moindre son de s’échapper de ma gorge. Le tissu blanc s’imbibe de mon sang rapidement. Cette partie du corps, ça saigne toujours fort. Génial, je vais en avoir pour plusieurs semaines de réhabilitation à moins de croiser la rouquine infernale ou Wolverine.

Je laisse ma tête retomber en arrière, respirant bruyamment et rapidement par la bouche. La mâchoire toujours serrée, j’essaye d’éviter de lâcher une plainte. Je sens mes mains se couvrir du liquide chaud que je commence à avoir l’habitude de sentir. L’odeur ferreuse du sang remplit mes narines, me donnant une nausée que je ne suis pas sûr de pouvoir contenir longtemps. Je ne veux pas regarder la blessure, même pas pour juger de la gravité de la chose. Un long frisson d’effrois me court le long du dos alors que je réalise que, cette fois ci, il n’y aura aucun dieu nordique pour venir me sauver la vie.

Après ce qui me parait être une éternité, je réalise qu’Aidan es à côté de moi. Ses mains chassent les miennes et je ne peux retenir un grondement de douleur alors qu’il appuie fermement à l’endroit où la balle m’est rentrée dedans. Je devrais peut-être penser à investir dans des gilets pare-balle à ce rythme… « Ça va aller, t'inquiètes pas, Niall » Je pose mon regard sur lui. La panique que je vois dans ses yeux se réverbère sur moi et je me sens doucement angoisser aussi. C’est si moche que ça ? Soudainement, je ressens le besoin d’être rassuré, de devoir me raccrocher à quelque chose pour ne pas sombrer pour de bon. Rester conscient. C’est le plus important. Rester concentré sur quelque chose. Alors j’agrippe la chemise d’Aidan. J’ai les mains pleines de sang, il va râler parce que je vais niquer sa chemise…

Je m’accroche à lui de toutes mes forces. Soudainement, j’ai peur qu’il ne cède à la panique et ne m’abandonne derrière. Ma respiration s’accélère alors que je cède à la panique. Et s’il se contentait de m’abandonner devant un hôpital ? Ça serait la chose logique à faire. Je me réveillerais avec une puce dans la nuque et les flics au pied de mon lit. Tout mais pas ça. Plutôt claquer ici que de vivre avec cette merde sur ma nuque. Je veux m’exprimer, lui dire que je préfère qu’il me laisse crever que de me retrouver dans un hôpital. Mais je ne parviens qu’à sortir une plainte alors que mon corps est pris d’un léger spasme. Je n’arrive pas à relâcher la chemise d’Aidan, même quand ce dernier se redresse pour déchirer sa manche. Il va me tuer. Si la balle que j’ai prise pour lui ne le fait pas, il va me tuer pour avoir dû détruire l’une de ses chemises pour moi.

Mon corps se courbe de lui-même, cherchant à échapper à cette main qui appuie sur ma blessure. Une plainte s’échappe de ma gorge avant que je ne reprenne mon rythme de respiration rapide, mon torse se soulevant rapidement, prit par l’angoisse et la douleur. Je ne sais pas combien de temps on reste comme cela. Ma chemise à le temps de prendre totalement une teinte rouge et j’ai l’impression de passer des heures en dessous de lui, à me tordre de douleur comme un asticot alors que l’angoisse nous tétanise tous les deux. En refusant de lâcher sa chemise, je me laisse manœuvrer. Lorsque je me retrouve sur mes pieds, je vois des points de douleur danser devant mes yeux. Je transpire alors que mon corps essaye de faire quelque chose pour combler le trou que j’ai dans le ventre. Être debout est infernal. Chaque pas fait s’étirer les chaires, m’arrachant grimaces et gémissements. Je m’accroche à Aidan comme à une bouée de sauvetage. Fermement, comme si ma vie en dépendait. J’y mets plus d’énergie qu’à me tenir debout, forçant le roux à porter une grande partie de mon poids.

Il accélère le pas une fois qu’on est dehors. J’ai du mal à le suivre et je manque le lâcher à plusieurs reprises. Mon corps entier frisonne alors que j’ai l’impression d’avoir trop chaud… Tout en ayant trop froid. Aidan m’aide à m’allonger dans un véhicule. Je ne réalise même plus que c’est le sien. Mes mains tremblantes retrouvent ma blessure, recommençant à la presser, bien que plus doucement que ce qu’Aidan a pu faire. Putain, je ne peux pas claquer ici. Pas maintenant, pas ce soir. Mon regard fiévreux se porte sur la nuque de mon ami d’enfance. Il a l’air d’aller bien.

Cette constatation m’apaise un peu. Aidan n’a rien. De nous deux je suis probablement celui qui a le plus l’habitude de prendre une raclée. Je grimace et gémi de douleur alors que la voiture passe sur une bosse. Mon dos se cambre légèrement et je le regrette tout de suite alors que la peau blessée se tend à nouveau. « Pas l’hôpital… » J’ai du mal à articuler, ma voix sonne trop bas. Je prends une grande inspiration tremblante et je recommence. « M’amène pas…  à l’hôpital… Je préfère… que tu me laisse crever… que de me retrouver… avec cette saloperie…. de puce… dans la nuque. » Ma voix sort un peu mieux de ma gorge mais je ne sais pas s’il m’a entendu. Je ferme les yeux en grimaçant, laissant une longue plainte m’échapper. J’ai envie de me tordre de douleur mais chaque mouvement est douloureux, tirant sur la blessure.

Les yeux fermés, j’essaye de calmer ma respiration bruyante. Je n’ai pas l’impression qu’Aidan me réponde. S’il le fait, je ne l’entends pas. Je me sens faible, j’ai du mal à saisir ce qui m’entoure. Ma main ne fait presque plus pression sur ma blessure, se contentant de reposer là. J’ai le gout du sang en bouche. Je n’ai même plus la force de le cracher ou de me tordre de douleur. Alors, les yeux fermés, j’abandonne la lutte et je me laisse aller à l’inconscience sans me soucier du risque de ne pas revenir. Et alors que je perds conscience de moi, je n’ai aucune idée de la suite des événements. Je ne me sens pas être transporté en urgence à l’intérieur d’un cabinet de chirurgie clandestin, je n’ai pas conscience de la pince qui fouille la chaire pour extraire la balle, je n’ai pas conscience de mon arrêt cardiaque juste après que la balle soit retirée.



Lorsque j’ouvre les yeux, je ne comprends pas où je suis, je n’ai pas conscience non plus d’être à Helheim.

J’observe le sol enneigé sous mes pieds et tout cela laisse place à la confusion la plus totale. J’ai une impression de déjà-vu. Je me retourne, je cherche une personne avec qui je serais venu ici ? Où est Aidan ? Je ne sais pas pourquoi, je n’ose pas l’appeler. La neige tombant doucement sur ma peau ne me donne pas plus froid que cela, le lieu semble figé dans le temps mais en constant mouvement tout de même. C’est étrange, la sensation n’est pas des plus agréable. Et alors que je tourne sur moi-même, que mon regard balaie le paysage à la recherche d’un visage connu, je sens la panique monter doucement, se mélangeant à ce sentiment de déjà-vu.

Et finalement mon regard accroche celui d’une jeune femme. Ses cheveux sombres encadrent son visage. Elle semble s’arracher à la neige de par le contraste du blanc et du noir. L’espace d’un instant, j’ai l’impression d’être dans un conte de fée mais plus du genre œuvre originale que version Disney. Le souvenir m’explose en plein visage sans la moindre délicatesse. Je suis déjà venu ici. Je n’avais pas bien comprit la première fois. Ce n’est qu’après, lorsque je suis revenu à moi qu’Aidan m’avait tout raconté. La prise de mélange de médicaments, un arrêt cardiaque et une chance monstre d’arriver à me réanimer alors que j’avais été cliniquement mort plusieurs minutes. L’information me fait l’effet d’une bombe.

Je me sens chanceler, je ne sais pas par quel miracle je me tiens debout. Je ne peux m’empêcher de baisser les yeux en voyant le regard furieux d’Hela posé sur moi. Soudainement, j’ai honte. Honte de me souvenir avoir eu une seconde chance et honte de voir ce que j’en ai fait. Je me suis accroché à la vie, je ne peux pas le nier. Mais ce n’est que depuis un an que j’ai commencé à m’investir pour faire réellement changer les choses, que j’ai commencé à faire quelque chose de cette seconde chance. Combien de temps ça m’aura pris ? Beaucoup trop. Marcher sur ce pont enneigé ne m’aurait pas dérangé il y a plus d’un an. J’aurais rejoint Hela sereinement, heureux de laisser derrière moi cette existence insatisfaisante. Mais depuis… Les choses ont changées.

Alors que je sens toujours son regard furieux posé sur moi, je pense à Graeme… Qu’est-ce qu’il va faire sans moi ? Et Gabriel ? Graham ? Vind ? Marian ? Et Adain ? Oh mon Dieu, il ne se le pardonnera jamais… Comment va-t-il le dire à Mouse ? « Niall ? Que fais-tu ici ? » Sa voix claque dans l’air et je me force à relever les yeux pour affronter son regard et son jugement. Physiquement, elle est restée la même. Les années ne semblent pas avoir d’emprise sur elle. Comment le pourraient-elles en même temps ? La vieillesse est avant tout un traquât de mortels.

Je ne sais pas quoi répondre. Je fronce un peu les yeux en essayant de me souvenir de la raison de ma présence. Il n’y a pas de médicaments impliqués cette fois, j’ai arrêté depuis des années. Pourtant, je reste un peu confus, un peu perdu. Je ne sais pas quoi répondre à la jeune femme qui se tient bien plus loin que moi. Alors que j’ai grandi et maturé, je me sens toujours comme un jeune con prit en flagrant délit devant une adulte responsable et imposante. Je suis mal à l’aise et je ne sais pas trop sur quel pied danser. « Je… Je crois que j’ai pris une balle à la place d’un ami… » Les événements me reviennent sous forme de flash. Le sang, la douleur, la peur. Je me revois pousser Aidan, penser à lui avant de penser à moi. J’ai été con. Je ne suis pas invisible comme me le prouve ma présence ici. Mais je ne regrette pas ma bêtise. Car il me semble que cela a payé. « Aidan n’est pas ici au moins ? » Difficile de cacher l’inquiétude qui perce ma voix, la rendant fébrile et tremblante. « Je… Je suis désolé. J’ai déconné sur ma seconde chance mais j’ai besoin de savoir qu’il va bien. » Soudainement, l’angoisse monte. Faites qu’il aille bien.

Mon esprit a du mal à remettre les choses dans l’ordre. Les événements se mélangent dans mon esprit et j’en viens à poser mes paumes sur mes tempes. « Putain… J’peux pas être partit comme ça… » Après tout ce que j’ai risqué, après le nombre de fois où j’ai frôlé la mort, hurlé ma douleur, serré les dents pour continuer d’avancer… Je ne peux juste pas mourir connement d’une balle prise à la place d’un ami. C’est tellement con. Je me suis jeté par des fenêtres à quatre étages de hauteur, j’ai été partiellement croqué par un dragon et il faut que je claque à cause d’un cambriolage qui tourne mal… Cela me laisse un gout d’injustice dans la gorge. J’ai envie de crier ma révolte, de me jeter aux genoux d’Hela, de la supplier de me laisser repartir une nouvelle fois, que cette fois ci je n’oublierais pas, que je m’assurerais de profiter pleinement de ce cadeau. « Ma vie prenait enfin du sens… J’peux pas… » Sous l’angoisse et la neige, mes bras cerclent mon corps, cherchant un peu de réconfort quelque part. « Je suppose qu’une seconde chance c’est pas quelque chose de commun… Mais il y a peut-être moyen de s’arranger ? J’ai pas grand-chose mais je fais un bon soldat. Je ferais n’importe quoi pour une nouvelle chance ! »

« Ça n'est pas supposé marché comme cela, Niall. Je ne peux pas renvoyer les gens encore et encore en espérant que le résultat sera différent. » Le désespoir s’abat sur mes épaules. C’est fini alors ? Plus de retour possible ? La dernière fois où j’aurais merdé. Après tout… C’est une belle mort… Prendre une balle pour un ami. Mais cela me laisse un gout d’inachevé en bouche. J’aurais pu faire plus. Tellement plus… Face à la déesse aux yeux clos, je resserre un peu plus mes bras contre moi. Je me mords les lèvres alors que mes yeux retombent sur le sol. J’aurais voulu faire plus, donner un réel sens à ma vie. Mais maintenant c’est trop tard. Il n’y a plus que le froid environnant et le regard sévère d’Hela.

Elle rouvre les yeux et m’observe un instant. Je n’y crois pratiquement plus, prêt à m’avancer  sur ce pont, à dire au revoir à tous ceux que je connais sans qu’ils ne puissent jamais l’entendre. Je m’apprête à faire un pas résigné en sa direction quand sa voix brise à nouveau le silence glacial. « J'ai des affaires en cours, sur Terre. J'aurais besoin de soutiens de la part d'humains. Seulement, ce sera ta dernière chance, Niall. Ne crois pas que je le fais par simple bonté de cœur. Il y a un ordre naturel, la vie la mort, et je ne peux continuer de faire des exceptions pour toi. » Je me fige, l’information a du mal à faire son chemin. Je tentais ma chance comme on tente le tout pour le tout sans y croire. J’ai du mal à croire que cela a fonctionné, qu’une deuxième fois, je vais échapper aux griffes de la mort.

Elle s’approche de moi alors que je commence à comprendre qu’elle va à nouveau me ramener. Je ne crois pas à ma propre chance. Moi qui ai toujours tellement la poisse, comment croire qu’elle va me céder une seconde fois ? Comme croire que moi, petit SDF insignifiant, je glisse pour la deuxième fois entre les doigts de la mort ? Alors qu’elle est tout en face de moi, nos torses se touchant presque, je baisse mon regard un peu honteux dans le sien. Je me sens comme un enfant prit en faute à qui on cède un caprice. « Je viendrais te voir bientôt. En attendant, n'oublie pas que celle-ci, c'est ta dernière chance. » « Merci je… » Je n’ai pas le temps de m’excuser que sa main passe sur mon visage et que je me sens tomber en arrière.

L’angoisse. Elle me saisit les tripes alors que je me sens chuter dans le vide. Combien de temps cela va durer ? L’arrivée ? Vais-je m’aplatir comme une crêpe ? Des souvenirs me remontent en tête. Je me revois chuter en compagnie d’une rousse. Je me souviens de la douleur, du craquement sinistre qui a retenti quand j’ai percuté le sol. Les mains vers le ciel, je vois la silhouette d’Hela disparaitre, devenir de plus en plus petite. Puis, il n’y a que la chute et mon hurlement d’angoisse. Si la peur ne me serait pas autant les tripes, j’aurais presque l’impression de flotter. Combien de temps vais-je chuter ainsi ? M’a-t-elle réellement ramené parmi les vivants ?

Et soudain, ma chute s’arrête. J’heurte violement quelque chose. Une onde de douleur se répercute dans tout mon corps. Quand j’ouvre les yeux, je suis dans une salle que je ne connais pas. Mes lèvres s’ouvrent précipitamment, avalant goulument de l’air, cherchant à oxygéné mon corps étant resté mort un moment. Mes poumons se gonflent douloureusement. Ma respiration se fait sifflante, raisonnant dans la salle au silence pesant. Mon corps me parait lourd, il me faut quelques secondes pour me rappeler que je dois expirer l’air qui gonfle mes poumons si je veux en inspirer à nouveau. Anarchiquement, ma respiration se remet en place.

Mon corps entier me fait mal. Sans doute résultat de cette nouvelle chute. Je panique. L’angoisse de me sentir tomber est toujours présente. Il y a des cris dans le couloir. Je reconnais la voix d’Aidan. Mes bras ne m’ont jamais paru aussi lourds mais cela ne m’empêche pas de retirer les perfs et autre qui y sont plantées. « Aid… » Ma gorge est sèche et ma voix ne porte pas assez loin. Désespérément, je cherche quelque chose sur quoi m’appuyer pour me relever. La douleur semble doucement se centraliser, venir de mon ventre.

Je me souviens alors avoir pris la balle, m’être vidé de mon sang dans la voiture d’Aidan, d’avoir perdu conscience. Je trouve enfin l’une des machines qui m’entoure du bout de la main. J’essaye de pousser dessus pour me redresser, pour aller voir si Aidan va bien lui aussi, pour lui lancer avec un sourire amusé qu’il en faut plus pour me tuer. Mais les choses ne se passent pas toujours comme on le voudrait. Tout ce que j’arrive à faire, c’est faire tomber le matériel médical au sol. Le vacarme que cela fait me fait grimacer. J’essaye de rouler sur le flanc mais la douleur combiné à ma crise d’angoisse fait danser des taches de couleur devant mes yeux. Je respire trop vite. Ma main se tend vers la porte. J’ai besoin d’Aidan. D’un visage connu. De quelque chose de rassurant. « Aidan… » Le nom s’échappe en un souffle rauque, m’arrachant la gorge au passage.

Soudainement c’est l’anarchie autour de moi. Les silhouettes se multiplient, des ordres sont lancés. Je m’en fiche. Il n’y a qu’une chose qui importe. Aidan. Où est Aidan ? J’ai mal. J’ai si mal. Je me sens faible, comme la dernière des sous merde. Rendez-moi Aidan, un visage connu. J’ai besoin de savoir qu’il va bien, qu’il est à côté de moi, qu’il me soutient. J’ai besoin de lui montrer que je suis encore en vie, que je suis revenu pour lui, pour qu’il n’ait pas cela sur la conscience. Des mains palpent mon ventre, on attrape mes bras, me piquant à nouveau, me remettant des perfs de je ne sais pas quoi… Sans doute du sang vu la couleur.

Mon regard paniqué cherche mon ami d’enfance. Où est Aidan. Je ne vois que des silhouettes foules. Jusqu’à ce que deux lèvres se pressent contre les miennes. L’instant semble flotter. Agar, je pose les yeux sur la personne qui m’a embrassé. Ma respiration est toujours laborieuse mais je souris quand je reconnais enfin ce visage que je cherchais. Il est là, il va bien. Lentement, je me force à tendre le bras vers lui. Il interrompt mon geste, glissant sa main dans la mienne. Ce qui doit être des médecins s’affairent autour de moi.

Lors de ma… mort… Le sang a du coaguler sur la plaie, stoppant l’hémorragie. « Ça va aller, je suis là » Je sers faiblement cette main qui est dans la mienne mais malgré tout le plus fort que je puisse. Je laisse ma tête retomber sur la table  d’opération. Je suis en vie. Il va bien. Et j’ai une dette envers Hela. Merveilleux. Mon corps est perclus de douleurs, si bien que, l’espace d’un instant, je me demande pourquoi j’ai tant insisté pour revenir. Si c’était pour affronter ce genre de choses. Mais, au fond de moi, je sais pourquoi. Ou plutôt pour qui. Pour toutes ces personnes qui m’entourent. Toutes ces personnes auxquelles je tiens trop que pour les laisser derrière, que pour mourir aussi bêtement.

« J’suis viré hein ? » Malgré la situation, le ton est à l’humour. Souffle rauque, ma voix ne porte pas loin. Ma gorge est douloureuse, me forçant à tousser pour essayer de dégager la sensation désagréable. Cela semble attirer l’attention des médecins car un masque à oxygène est rapidement placer sur mon visage. Juste… Je n’ai pas respiré pendant un moment… Je suis resté mort combien de temps ? J’espère qu’être ramené par Hela ne signifie pas devoir vivre avec d’hypothétique lésion cérébrales dû au manque d’oxygénation du cerveau pendant la mort…

Je lance un regard implorant à Aidan. Ne me laisse pas mec… Je m’en fou d’être viré, je m’en fou si tu ne peux pas prendre le risque d’avoir un élément aussi poissard que moi dans ton équipe mais le laisse pas. Pas maintenant. Les contours du visage d’Aidan se font de plus en plus flous. Je n’arrive pas à garder sa main fermement dans la mienne. Je sens ma poigne se desserrer, mes yeux se fermer. Et lentement, je me sens glisser sous l’anesthésie.

Quand je rouvre les yeux. Les médecins sont partis. Le bip entêtant et paresseux d’une machine retentit dans la pièce silencieuse. Je me sens toujours autant comme de la merde. Ma main se resserre doucement. Je m’attends à ne trouver que les draps mais c’est avec émotion que je me rends compte que la main d’Aidan est toujours dans la mienne. Piteusement, je tourne la tête vers lui. Il a pris une chaise Et s’est installé à côté du lit, à moitié avachit dessus, à moitié assoupi lui aussi. Je le vois redresser la tête et je force un sourire. « Tu pensais pas te débarrasser de moi comme ça j’espère… ? » Comme on le dit… Mieux vaut en rire qu’en pleurer non ? Je ne doute pas un instant du traumatisme que cette expérience va être pour moi dans les jours à venir mais là, tout de suite, je n’ai pas envie de pleurer et de craindre les angoisses du futur. J’suis en vie putain. Je suis en vie !

Si j’ai envie de me réjouir de ma résurrection, il semble que ce n’est pas le cas de tout le monde. Je le vois au visage d’Aidan, à ses traits tirés par l’angoisse et par la culpabilité. « T'es vraiment qu'un con, Niall, t'aurais pu y passer » La remarque claque dans l’air, brisant les retrouvailles jusque-là presque émouvantes. Je grimace. Je n’aurais pas pu, j’y suis passé. J’ai eu de la chance dans mon malheur, c’est tout. Enfin, si avoir une dette envers Hela est considéré comme une chance. Je n’ose même pas imaginer ce qu’elle va me demander en échange de m’avoir poussé du haut d’Helheim. La main d’Aidan se resserre dans la mienne. Il transpire l’angoisse et l’inquiétude. « Pourquoi t'as pris cette balle ? T'aurais pas dû faire ça… Cette balle était pour moi, c'est moi qui devrais être sur cette table. » Je m’attendais un peu à ce genre de discours… Mais je m’étais attendu à avoir plus de temps pour me remettre aussi avant de devoir l’affronter.

Mon cul dans ce lit, je suis encore à moitié dans le gaz alors que j’observe l’inquiétude de mon ami d’enfance déborder, me crier presque dessus. J’essaye de ne pas me formaliser de sa réaction, de me dire que c’est juste un ami qui s’est consumé d’inquiétude, qui m’a cru mort pour le protéger. J’essaye de me dire que je réagirais pareil. Mais il est difficile de rester sage et poser lorsque l’on revient du monde des morts. Et surtout quand la chute vers le monde des vivants a été on ne peut plus traumatisante.

Sans un mot, ma main quitte la sienne pour aller se saisir de son avant-bras. Faiblement, je le tire vers moi. Je n’ai pas envie de m’engueuler avec lui, je n’ai pas envie de me faire crier dessus. J’essaye de me redresser pour aller vers lui mais une onde de douleur m’en empêche, m’arrachant une grimace et une plainte de douleur. Mais Aidan est là, il se penche vers moi. Alors, je tends les bras, le tirant à moi pour l’étreindre. « Ressasser ce qu’il s’est passé ne servira à rien. On a eu peur tous les deux mais il était hors de question de te laisser prendre cette balle. J’suis revenu. C’est le principal. » Sans m’en rendre compte, je passe une main dans ses cheveux, le serrant un peu plus fort alors que ma chute vers mon corps me revient à l’esprit. Je déteste la sensation de tomber. Je déteste sentir cette sensation du cœur qui remonte dans la poitrine, je déteste me faire avaler par le vide. Je déteste le moment de heurter le sol. « J’suis revenu… » Je ne sais pas qui j’essaye d’apaiser avec ces mots. Aidan ou moi ? Cela n’a pas d’importance. Ils ont l’air de faire effet alors je les répète, encore et encore, tel une litanie.

Ma gorge me fait mal, ma voix finit par se faire murmure alors que je m’apaise au contact de mon ami d’enfance. Ma dernière chance. Il va être question d’en faire quelque de bien, de ne pas la gâcher celle-ci. A contre cœur, mes bras relâchent le rouquin. « Tu voudrais bien aller me chercher de l’eau ? J’ai la gorge super sèche et la bouche pâteuse. » Je regarde en silence Aidan s’exécuter et aller me chercher à boire. Et le temps où il n’est pas là, le silence envahis la pièce, brisé par les bips des instruments de mesures qui s’assurent que ma vie n’est plus en danger.

Je me passe une main sur le visage. L’odeur du sang. Partout autour de moi. Obsédante. Dans ma gorge, son gout ferreux. Mon autre main passe sur le bandage qui me cercle le ventre. Je grimace au léger touché. Le bandage est rouge lui aussi. Ca à l’air moche. Ça ne m’étonne pas trop que j’y sois passé. Que faire maintenant ? Mon regard fixe le plafond sans vraiment le voir. En parler aux autres ? Pour quoi faire ? Leur dire ‘Hey ! Salut les gars ! Au fait, je suis mors aujourd’hui mais vous inquiétez pas, j’ai passé un pacte avec la gardienne du monde des morts et elle m’a ramené à la vie sous conditions donc tout baigne ! Mais j’vais pas pouvoir aller sur le terrain pendant quelques jours le temps que je me remette de la balle que j’ai pris dans le bide.’ ? Non, ça serait ridicule. Autant disparaitre du radar le temps de m’en remettre avant de recommencer à me montrer à la Confrérie.

La porte de la chambre s’ouvre et c’est avec un plaisir non dissimulé que j’accueille le retour d’Aidan. Il me tends une petite bouteille d’eau en plastique qu’il a déjà ouvert. Je l’accepte en silence. J’essaye de me redresser mais je fais face au même échec que la première fois. Presque immédiatement, les mains attentives de mon ami d’enfances sont là pour m’aider à me redresser. Ma main tremble un peu quand j’amène la bouteille à mes lèvres mais l’eau qui coule dans ma gorge me fait un bien fou. Le gout du sang semble s’y répandre davantage mais cela fait du bien à ma gorge asséchée. Un mal pour un bien. Quand je redépose la bouteille entre mes jambes, Aidan vient directement la fermer. « Je pourrais sortir quand ? J’vais être sous perf de sang encore longtemps ? » Je sais, on dirait un gamin mais quitte à être en convalescence quelque part, je préfère que ça soit chez lui qu’ici.

« Aucune idée » Les mots résonnent comme une très mauvaise nouvelle. Je me vois déjà coincé plusieurs jours, immobile, dans l’odeur ferreuse du sang et dans cette chambre impersonnelle. Mes mains se referment doucement sur les draps et mon visage se referme sur lui-même. Mon regard se repose sur la porte d’entrée lorsque le médecin arrive. Je sens mon cœur battre un peu plus vite. Bonne ou mauvaise nouvelle ? En général on ne s’embarrasse pas très longtemps des patients dans les cliniques illégales… Si nous étions bien dans une clinique illégale.

Je sens un creux d’angoisse grandir dans ma poitrine et ma main vient fouiller ma nuque à la recherche d’une éventuelle puce. Non, il n’a pas pu me faire ça ! Je ne peux retenir mon soupir de soulagement quand je ne trouve pas la petite cicatrice des recensés. Au milieu de ma petite crise de panique, je capte une information. On peut rentrer. Nouveau soupir de soulagement alors que le médecin commence à me libérer de tous ces fils et ces tubes qui m’oppressent. Il parle non-stop, nous bombardant d’un flot de conseils et de la marche à suivre pour changer le bandage. Pas sûr que je le changerais effectivement toutes les huit heures, ça risque de me saouler assez vite.

Ma vie n’est plus en danger, ce qui est clairement une bonne chose. Mais j’ai tout de même perdu beaucoup de sang. Les perfs on put amortir le choc mais ils ne m’en transféreront pas beaucoup plus compte tenu du fait que nous ne sommes pas dans une vraie clinique. J’ai ce qu’il faut pour me refaire une santé tout seul, ça leur suffit. Finalement, on me transfère dans une chaise roulante. Je fais de mon mieux pour de pas grimacer ou me plaindre alors qu’on me brinquebale du lit à la chaise. Putain, ça fait un mal de chien. Et je ne dirais pas non à une bonne douche et une nuit de sommeil. Ou une journée entière tant qu’à faire. Après tout, ce n’est pas comme si j’allais faire grand-chose d’autre que dormir dans les jours à venir.

Et c’est en silence qu’Aidan pousse ma chaise roulante en direction du garage. Le grincement des roues s’arrête soudainement. Nous sommes encore à plusieurs mètres de la voiture. Je relève la tête pour voir ce qu’il se passe, la raison de cet arrêt soudain. Mon cœur manque un battement quand je vois l’horreur au fond des yeux de mon ami d’enfance. Oh. Oui. La voiture… Là où j’ai perdu conscience… Là où je me suis vidé de mon sang. Il ne me remarque pas, trop occupé à fixer sa voiture. Je pince les lèvres et je laisse mon regard retomber. Pour peu, il me ferait presque culpabiliser d’avoir pris cette balle pour lui…

Je ne fais aucune remarque lorsqu’il nous détourne vers un van, prétextant l’air que rien que ça sera plus facile pour transporter la chaise. La vérité, on la connait tous les deux mais je n’ai pas le cœur de lui faire la moindre remarque. Moi non plus je ne veux pas revoir le sang que j’ai perdu dans cette voiture. Vient le moment de me faire grimper côté passager. Je grimace alors que la peau tire sur mes points de suture, alors que je fais un effort qui me parait surhumain pour me hisser sur le siège passager. J’y arrive presque épuisé. Aidan va mettre la chaise roulante à l’arrière avant de rejoindre le volant, finissant de faire démarrer le véhicule sans ses clés.

On se met en route sans un mot et mes bras viennent instinctivement cercler mon ventre, là où je suis blessé. Ou roule un moment dans le silence avant que je ne commence la très difficile entreprise de retirer ce qui me reste de chemise. Je préfère ne rien porter que de porter ce tissus rougit par le sang. « Va falloir bruler nos vêtements, pour ne pas laisser de trace… Et j’dirais pas non à une bonne douche avant d’aller m’effondrer dans mon lit. » Je décide volontairement de ne pas mentionner le changement de véhicule, de ne pas parler de ses mains qui tremblent. La soirée a été épuisante pour moi comme pour lui. Je suis peut-être celui qui est mort ce soir, mais il est celui qui porte le poids de la culpabilité. Et ça, je ne sais que trop bien à quoi point ça peut te flinguer la santé. « Je suis désolé pour ce soir… J’pouvais juste pas te laisser prendre cette balle sans rien faire… J’ai agis par instinct. Je sais ce que ça fait la sensation d’avoir le sang d’un ami sur les mains… Mais… Je t’assure… Il y a moins de casse dans ce sens-là. » Parce qu’Hela ne l’aurait jamais laissé partir, lui. Elle ne se serait même pas déplacée pour le voir arriver. Au final, tout est pour un mieux.

Après un gros effort, j’arrive enfin à me libérer de ma chemise que je jette négligemment à mes pieds. Je frissonne lorsque mon torse nu rencontre la fraicheur ambiante et je me penche pour allumer le chauffage dans le véhicule. « Je ne t’ai pas laissé le choix, ce qu’il s’est passé ce soir n’était en aucun cas ta faute. »

Le van s’arrête brusquement. Peut-être que j’aurais dû attendre avant de parler de tout cela. Mais je sens qu’Aidan est sur le point de craquer, qu’il est à bout de nerf. Mieux vaut maintenant que plus loin, alors qu’il sera toujours au volant. Mieux vaut relâcher la pression au plus vite. « Bien sûr que si, c'est ma faute ! J'aurais dû me prendre cette putain de balle, j'aurais dû mourir sur cette table d'opérations et je n'aurais pas dû revenir, et tu sais pourquoi ? Parce que c'était ma connerie ! J'ai fait une erreur et t'en as payé le prix ! Et c'est pas juste ! Ce garde, c'était moi qu'il visait et tu es intervenu, t'aurais dû te planquer et me laisser crever là-bas parce que c'est comme ça que ça aurait dû se passer ! J'ai merdé et j'aurais dû payer pour ça ! C'est mon job, putain ! Protéger mes gars de ce genre de truc, c'est mon putain de job ! Alors, si je suis pas capable de protéger moi-même mon cul alors, c'est bien fait pour ma gueule ! Putain, Niall t'es mort sur ma banquette arrière... » Mon cœur se sert quand j’entends sa voix se brisée, quand je me rends compte que, alors que j’avais pensé le sauver, je viens en fait de le briser. Cette culpabilité, je ne la connais que trop bien. Ce moment où l’on voit les personnes qu’on aime souffrir et qu’on ne peut rien n’y faire. Cette sensation désagréable qui rode par la suite, c’est l’enfer. Très probablement qu’il dormira mal pour le mois à venir, très probablement qu’il lui faudra plusieurs jours avant de me regarder dans les yeux à nouveau, très probablement qu’il faudra longtemps avant que les choses ne redeviennent normales entre nous.

Et avoir brisé ça… Je ne sais pas si je me le pardonnerais. Mais je préfère me retrouver avec une relation à reconstruire qu’avec plus aucune relation du tout. Les morts ne parlent plus, les morts n’existent plus. Comment je pouvais juste le laisser se prendre cette balle putain ?! Comment, sous prétexte que c’est juste mon boss et que c’est lui qui est censé assurer mes arrières, j’aurais pu le laisser ce prendre cette putain de balle ?! Parce qu’il est clairement plus pour moi. C’est d’Aidan qu’il s’agit bordel ! Mon Aidan ! Mon ami d’enfance, le gars à qui je confierais ma vie sans la moindre hésitation ! Le gars avec lequel j’ai vécu tant de choses. Le gars pour qui j’irais au bout du monde. Pourquoi ne peut-il pas voir cela ? Pourquoi ne voit-il que son échec là où il faut voir notre amitié ? Ça fait mal. Et l’amertume que j’ai actuellement en bouche, ce n’est très certainement pas celle du sang. « J'ai merdé et en plus de ça, j'ai été incapable de te sauver la vie. J'ai paniqué, Niall ! Tout ce sang m'a rendu dingue ! Si j'avais réagi tout de suite, si j'avais conduit plus vite, si j'avais eu les bons gestes au bon moment, tu ne serais pas mort ! Tout ça, parce que je suis un putain d'escroc qui se prend pour un leader et qui n'est pas capable de sauver ses gars. J'ai complètement perdu pied dans ce musée, tout ce sang sur le sol, sur toi, sur mes mains… Il y en avait partout, absolument partout… Cette odeur, cette sensation poisseuse, elles restent incrustées… »

Il n’y a rien qui soit agréable dans cette situation. Je me sens faible, à deux doigts de me laisser happé par Morphée une nouvelle fois. J’ai mal. Tellement mal. Physiquement, mais aussi intérieurement. Mal de voir l’état dans lequel il se met par ma faute. Mal de voir ce que je lui inflige. Je vois ses mains agitées de spasmes et je serre les points. Fais chier. J’ai envie de me laisser aller, de chialer avec lui, de m’excuser jusqu’à ce qu’il me pardonne d’être un con égoïste qui ne regrette pas la moindre seconde d’avoir pris cette balle à sa place.

Je sursaute quand la portière claque. Je me passe une main dans les cheveux et je ferme les yeux pour ne pas le voir s’éloigner. Putain. Putain. Putain ! Mon souffle s’accélère. Je déteste savoir que je suis celui qui a fait ça, qui l’a mis dans cet état. Je voudrais tellement faire un truc pour l’apaiser, être capable de le calmer. Alors je me dis que je vais peut-être le rejoindre. J’essaye d’ouvrir la portière. J’essaye. Depuis quand les portières de voitures pèsent si lourd ? Ce n’est qu’au prix d’un énorme effort que j’arrive à l’ouvrir. Il me faut un peu de temps pour m’en remettre. Alors, pendant ce temps, j’essaye de me rendre utile. Je sors mon téléphone et j’envoie un sms à Lux. Pour lui dire qu’on a besoin d’un nettoyage d’urgence au musée, pour lui dire qu’elle pouvait faire disparaitre la voiture d’Aidan. Je doute qu’il s’en serve à nouveau. Quand j’envoie le message, mon souffle s’est un peu calmé. Mais Aidan est toujours dehors.

Je lance un regard à la portière de voiture. Allez Niall, tu as déjà été dans un état pire que ça… Lentement, je me laisse couler sur le trottoir. Je m’accroche désespérément à la portière alors que je sens que mes jambes vont avoir du mal à me porter. Toujours avec la même lenteur, je coulisse le long du véhicule, me retrouvant appuyé sur le capot, le regard fouillant l’obscurité à la recherche de mon ami. L’effort et la douleur me fait monter les larmes aux yeux. J’ai peur. Peur de ce que j’ai fait à mon ami d’enfance, peur de ce que je lui fais subir, peur qu’il décide que je lui apporte trop de souffrance, peur qu’il m’abandonne… encore une fois… « Pars pas Aidan… Je suis désolé… Je suis désolé… Pardon… Pardon… » J’ai le souffle court, j’ai du mal à faire porter ma voix. Elle n’est qu’un murmure pathétique, un appel à l’aide plus qu’autre chose. J’ai eu tort d’aborder le sujet ce soir. On ne peut pas s’effondrer tous les deux en même temps… « Je suis désolé Aidan… Je voulais pas… » L’abandon. Sans doute l’une de mes pires terreurs, avec son amie la perte. Mes jambes ne me portent plus et je tombe à genoux. J’ai essayé d’être fort pour lui depuis mon retour mais, seul à côté de cette voiture, Aidan au loin, je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus quoi dire. Il ne va pas m’abandonner là quand même ? « Me laisse pas… » Murmure terrorisé dans l’obscurité de ce bout de route, mon regard rendu humide par les larmes fouille l’obscurité, cherchant la silhouette familière de celui qui, je l'espère, est toujours mon ami.