let's have a nice ice cream to talk about our feels + (grind)

Je trépignais sur le ferry, sautillant sur place pour ne pas perdre la raison, rongé par l'inquiétude aussi sûrement que je l'aurais été par un produit corrosif. Ces quarante dernières minutes avaient été une course intenable durant laquelle je m'étais à peine autorisé à reprendre mon souffle. Vind appelait rarement à l'aide, ça devait être important, ou terriblement grave. Surtout vu le ton de nos conversations ces derniers jours.

Mais si ma colère n'était pas entièrement retombée, si nos disputent m'avaient gardé loin du sommeil au point de creuser d'épaisses cernes sous mes yeux, je n'étais pas prêt de le laisser tomber. Il était en danger, il avait besoin de moi. Et c'était suffisant pour tout plaquer et courir à son secours.

Quand j'avais reçus son message, je n'avais même pas prit le temps de lui répondre : j'étais partis en courant, enfilant d'un geste maladroit une veste que j'avais attrapé au vol. Et une fois au volant de Marilyn, j'avais tenté de lui répondre. Mais mon pouvoir m'avait lâchement abandonné, déconnant, cédant sous l'angoisse et la peur que je ressentais. Et tout ce à quoi je pouvais penser, alors que la radio sautait d'un morceau à l'autre comme si un épileptique avait gardé son doigt sur les boutons, c'était : Faites qu'il aille bien.

Se frayer un chemin parmi les rues embouteillées de New York avait été particulièrement éprouvant, mais certainement pas autant que l'attente dans le ferry. Ce truc allait teeeeellement lentement ! Et dans ma tête défilaient des scénario catastrophe tous pires les uns des autres. Mon cœur tambourinait avec force dans ma poitrine, j'avais la nausée à la simple idée que je pourrais arriver trop tard, et partout autour de moi les appareils électroniques se mettaient à bourdonner, comme un échos à mes propres inquiétudes.

Et enfin, finalement, cette saleté de bateau s'immobilisa et on fut autorisé à en descendre. J'attendais ça depuis ce qu'il me semblait une éternité, aussi je me jetais vers l'avant, n'hésitant pas un instant à bousculer les gens sur mon passage. Je voulais prendre contact avec lui, pour savoir ou il était et comment il allait, mais Bettie refusait toujours de répondre, se contentant de crépiter furieusement dans ma main.

Je jurais et m'élançais finalement vers la statue de la liberté, mes yeux se déplaçant avec rapidité dans la foule pour tenter d'apercevoir celui qui avait été mon amant. Mais, sincèrement, j’espérais que ce crétin allait bien. Il n'avait pas intérêt à ce qui lui soit arrivé quoi que se soit. Hors de question que notre dernier échange soit celui que nous ayons eus pas sms. Je refusais juste qu'il en soit ainsi. Pas tant que je n'avais pas trouvé le courage de lui dire...

Mon regard s'arrêta enfin sur une silhouette, celle que je connaissais par cœur, celle que mes mains avaient parcourues de nombreuses fois, celle que mon cœur avait apprit à reconnaître en un battement. Il était debout sur le muret, tendu, comme s'il s'apprêtait à sauter.

Mon sang ne fit qu'un tour et je repris ma course vers lui. Je voulus l’appeler alors que je dérapais dans la poussière, à quelques mètres de lui, mais j'avais le souffle court d'avoir tapé un sprint jusqu'ici. Je parvins tout juste à laisser échapper un petit « Vind... » qui ressemblait plus à une supplique qu'autre chose.

Et le norvégien se retourna, tendant deux glaces vers moi avec un large sourire aux lèvres. Le soulagement qui m'envahit fut tel que je me sentis cloué sur place l'espace d'un instant. Il allait bien. Il allait bien et il me souriait.

« Ah, tu es là. J'ai pris un supplément vanille pour toi, ça te va j'espère ? »

Attendez... Il allait bien ? Il m'avait fait courir partout dans New York, m'avait fait m'inquiéter pour lui pendant plus d'une demi-heure pour une GLACE ? Je sentis rapidement le soulagement laisser place à la colère à nouveau. J'avais le sentiment qu'il s'était joué de moi, qu'il prenait un malin plaisir à agiter mes sentiments pour lui sous mon nez, que tout ça n'était qu'une vaste blague. Je serrais les poings alors que je terminais de reprendre mon souffle.

« Descends de là tout de suite Vind. »

J'étais blessé, j'étais furieux, j'avais peur de le perdre. Mais peut-être que je l'avais déjà perdu après tout... Peut-être était-il temps de se montrer un peu honnête.

« Je... J'ai crus que tu étais en danger... J'ai cru que tu avais besoin de moi... J'étais mort d'inquiétudes et tu... »

Je désignais les deux glaces d'un geste brusque de la main, ne parvenant plus à trouver mes mots. L'honnêteté serait finalement un chemin bien plus difficile qu'anticipé il semblerait...

Mon regard s'accrocha au sien et je restais à nouveau cloué sur place, le suppliant silencieusement de faire quelque chose, de m'empêcher de partir en live, de m'empêcher de tourner les talons ou de dire un truc que je regretterais par la suite. Le suppliant de me retenir maintenant qu'il m'avait fait venir jusqu'ici.

Dire que j'étais perdu serait probablement un doux euphémisme. Je bouillonnais de tout un tas d'émotion que je peinais moi même à identifier. Il y avait bien sur la colère et la peur qui faisaient trembler mes mains et me paralysaient sur place. Mais il y avait aussi l’appréhension qui rendaient ma gorge sèche, le soulagement qui avaient changés mes jambes en gelée, l'inquiétude qui empêchaient les mots de franchir le seuil de mes lèvres et bien sur, l'amour. L'amour qui avait grandit depuis longtemps maintenant et que je m'étais évertué d'ignorer parce qu'en prendre conscience signifiait que les choses devraient prendre fin.

Et j'étais certainement encore très loin du compte.

Je restais donc plus ou moins immobile, un peu tremblant, fixant un regard incertain, résigné mais malgré tout plein d'espoir sur mon ex-amant qui s'était avancé jusqu'à moi. Il ne lui avait fallut qu'une seconde pour se débarrasser des glaces. Comme si elles avaient été le centre du problème. Comme si les faire disparaître ferait disparaître l'impasse dans laquelle nous nous trouvions. Je sentis mon cœur se serrer parce que, bon sang, c'était un des trucs que j'adorais chez lui.

« Graham... »

Je me retins de justesse de fermer les yeux pour goûter pleinement à cette sonorité. J'avais toujours aimé l'entendre prononcer mon prénom. Il le rendait un peu plus réel à chaque fois. Quand mon nom s’échappait de mes lèvres, Graham devenait plus vivant et Lester s'enterait plus profondément. J'avais tellement aimé m'amuser à lui faire dire mon prénom sur tout les tons, en passant de la salutation chaleureuse au gémissement de plaisir. Mais il y avait quelque chose dans ce ton ci que je n'aimais pas. Il avait un goût de fin qui m'était insupportable.

Bien sur, bien sur qu'il s'était rendu compte que je l'aimais. Et il cherchait les mots juste pour me repousser sans me blesser. J'aurais du repousser ma jalousie, l’étouffer dans l’œuf ou passer mes nerfs sur autre chose. Et tout serait resté en l'état, j'aurais pus le garder près de moi. Crétin. Il faut toujours que je sabote mon bonheur.

Et malgré le fait que je savais pertinemment ce qui m'attendait, que je savais ce qui allait suivre, je restais là, sur place, comme un lapin prit dans les phares d'un semi remorque, attendant ma sentence. Il fallait que j'entende les mots de sa bouche, sinon je ne m'en remettrais jamais. Il releva ses yeux vers moi et mon souffle se coinça dans ma gorge alors que nos regard s'accrochèrent.

« J'ai toujours besoin de toi. »

Je laissais échapper un souffle tremblant, pas bien sur de où il voulait en venir. Je m'étais bien rendu compte qu'il ne voulait pas de moi comme ça, pas comme je le désirais lui. Mais découvrir qu'il avait besoin de moi était une révélation. Besoin de moi pour quoi ? Pour lui tenir chaud la nuit ? Il voulait vraiment poursuivre notre petit jeu malgré tout ? Je ne savais pas trop si la nouvelle m'enchantait ou si je trouvais ça cruel de sa part. Mais bien vite, une petite voix au fond de moi me rappela que oui, j'étais prêt à ça pour rester près de lui.

Il s'avança vers moi et me tira à lui sans ménagement. Complètement à l'ouest, je me laissais faire, mon regard perdu dans le sien. Cette nouvelle proximité avec le norvégien ne faisait que m'embrouiller davantage, m'enfonçant chaque seconde un peu plus dans la confusion la plus totale. Par réflexe, mon corps réagit à la proximité de Vind et je levais ma main libre pour déposer délicatement mes doigts tremblants contre son torse.

« Comment est-ce que je pourrais ne pas avoir besoin de toi ?
-Qu'est ce que tu... »

Les mots moururent sur mes lèvres. Ma voix était tremblante et mal assurée, mon souffle coincé dans ma gorge. Il m'était physiquement impossible de continuer. Mon cerveau tentait avec peine de rassembler toutes ces nouvelles informations pour leur donner un sens, en vain. Et puis, il me semblait totalement vain de me concentrer sur quoi que ce soit quand il me regardait avec ces yeux là. J'aurais fais n'importe quoi, pourvu qu'il me le demande avec ces yeux là.

« Ça fait des mois que j'aimerais davantage. Que j'aimerais tout de toi. Parce que c'est ça le problème, Graham, t'es bien trop parfait, comment est-ce que je pourrais me contenter de ça quand je veux tout de toi ? Comment est-ce que j'aurais pu ne pas tomber amoureux de toi ? Je voulais te dire que je suis désolé d'avoir dépassé les limites de notre arrangement, c'est pour ça... les glaces, et je... Je vais te rembourser le ticket du ferry et te laisser tranquille.  »

L'instant était si intense que je crus en entendre les trompettes d'abondances sonner à mes oreilles. Enfin, si j'avais pus entendre autre chose que la voix de l'homme que j'aime et le bruit de mon cœur qui tambourine dans ma poitrine comme s'il allait exploser. Il était... Amoureux de moi ? Il m'aimait ? Je n'arrivais pas à en revenir, je n'avais rien vu. Strictement rien vu.

Mais ce moment de félicité s'acheva bien trop vite alors que Vind lâcha mon bras pour s'éloigner de moi. Comme un dur retour à la réalité. Ah oui, il semblerait que lui non plus n'ait pas capté que ses sentiments étaient partagé. Il fallait que je règle ça au plus vite, avant de le voir disparaître pour de bon à travers le sol.

« Vind... Je...
-Messieurs, tout va bien ? »

Je laissais échapper un gémissement de pure frustration et me tournais vers l’importun qui avait osé nous interrompre. Non, tout n'allait pas bien. Et il fallait absolument que j'arrange les choses avant qu'il ne soit trop tard. J'avais la sensation que tout ça pouvait rapidement dégénérer. Je n'avais qu'une envie, c'était d'étreindre l'homme que j'aimais pour ne plus jamais le laisser partir.

« Lester ?! Lester Kent, c'est toi ?  » 

Mon coeur manqua un battement et je m’étouffais tout seul, fixant l'inconnu avec une mine horrifiée. Non, pas maintenant. Pourquoi fallait-il que mon passé me rattrape maintenant, quand j'étais sur le point de conclure avec le plus sexy norvégien que la terre ait jamais portée ? D'autant plus qu'il y avait un truc chez ce type qui me laissait une impression bizarre.

« Je pensais ne jamais te revoir... Je suis… Hum... Je suis ton demi-frère, tu n'as pas du entendre parler de moi... »

Pendant sa petite tirade, je m'étais rapproché de Vind, cherchant instinctivement du réconfort auprès de lui, l'une de mes main agrippant le bas de son t-shirt, comme pour le supplier de ne pas m'abandonner. Mais la dernière révélation de l'homme fut de trop. Un demi-frère ? Sérieusement ? Et parmi tout les moments possible sur terre, c'était celui-là qu'il choisissait pour ses émouvantes retrouvailles ?

« Woah, bon ok. Une crise après l'autre tu veux bien ? J'étais un peu occupé à déclarer ma flamme à mon partenaire là... »

Je levais un doigt vers le dit demi-frère avant de faire pivoter mon ex-amant vers moi pour pouvoir le regarder dans les yeux, un demi sourire aux lèvre. Soudainement mal à l'aise, je me massais brièvement la nuque avant que mon regard ne rencontre à nouveau le sien.

« Merde, c'était pas comme ça que je voulais que ça sorte. Ça fait longtemps maintenant qu'il ne se passe pas une journée sans que je pense à toi et, oh mon dieu, je sonne comme un cliché ambulant mais tant pis. Cet arrangement ne me convenait plus non plus depuis un moment maintenant. On a vécu suffisamment de truc ensemble pour savoir que ta présence à un peu tendance à me rendre con sur les bords mais j'y peux rien... Je t'aime... »

Je laissais le silence flotter un instant avant de pointer le tout nouveau membre de ma famille du doigt.

« Pour ce qui concerne l'autre là, j'ai aucune idée de qui c'est... Mais Lester Kent est mon nom de naissance, un type plutôt sympa qui a fait quelques belles erreurs. Des erreurs qui m'ont poussés à devenir Graham. Des erreurs que, finalement, je ne devrais peut-être pas autant regretter puisqu'elles m'ont menées jusqu'ici. »