Calamity's child, where you'd wanna go ? ft Karen, Ptr Prkr

Comment était-elle parvenue  à se trainer jusque-là ? Le taxi l’avait déposé à Hell’s Kitchen et elle s’était trainée sous la pluie battante jusqu’à l’immeuble de Matthew Murdock. C’était le seul endroit ou elle avait envie d’être, ou elle pouvait être. Elektra avait à nouveau affrontée Bullseye, son meurtrier. Elle n’avait pas perdu, mais elle n’avait pas gagné non plus. Le combat l’avait laissé blessée, confuse, fébrile, avec l’impression persistante d’une saleté poisseuse collant à sa peau et que la pluie glacée  ne parvenait pas à laver.
La main posée sur le flanc, elle pressait sa blessure la plus importante, celle qui ouvrait son costume et sa peau, celle de laquelle s’échappait encore quelques filets de sang qui glissaient entre ses doigts. Elle boitait mais persistait à forcer sur l’articulation blessée de son genou. Elle ne retournerait pas se faire rafistoler chez les sbires de La Main, elle n’irait pas à l’hôpital et elle ne crèverait pas sous une pluie battante.

Elle donna un coup d’épaule dans la porte d’entrée de l’immeuble qui s’ouvrit sans grande difficulté. Elektra senti le choc se répercuter dans son corps et révéler chaque point douloureux, elle jura entre ses dents et manqua de trébucher en entrant. Elle s’appuya quelques secondes contre le mur, le souffle court, elle chassa les longues méchés détrempées collées à son visage et senti le bombé d’un hématome sur sa pommette. Elle frissonna, elle pouvait encore sentir le souffle de Bullseye quand il parlait, chacun de ses mots avaient pénétré son esprit avec la précision de milliers d’aiguilles. Un haut le cœur l’obligea à se plier en deux. Elle frappa le mur du plat de la main, le son se répercuta mollement dans le couloir obscur. Elle resta encore quelques secondes supplémentaire, sa tête tournait et c’est chancelante qu’elle entreprit de franchir les quelques mètres qui la séparait de la porte.

Quelques traces de sang sur le mur, quelques gouttes sur le sol, elle était trop mal pour s’inquiéter. Les derniers mètres lui parurent interminables. Elle savait que la porte serait fermée, elle essaya tout de même de l’ouvrir, elle n’était pas d’attaque pour des acrobaties. Son poing cogna sur le métal plusieurs fois, lourdement, désespérément. Pathétique, songea t-elle, Tu retournes vers lui dès que ça va pas, tu es pathétique ma pauvre fille.
Prise d’un vertige, elle chût, s’agrippant à la poignée au dernier moment. Un sinistre s’échappa de ses lèvres. Tu vas crever là, encore, juste devant sa porte. Ils te trouveront peut-être avant lui. Ils te ramèneront, peut-être même qu’ils feront un meilleur boulot. Avec un peu de bol tu te souviendras définitivement plus de rien. Ça fera marrer cet enfoiré de Trevor, t’entends déjà son rire railleur, tu vois déjà son regard moqueur. Elektra s’adossa contre le mur, juste à côté de la porte, ses jambes étendues devant elle. Il est foutu ton joli costume , réalisa-t-elle en apercevant les nombreux trous qui déchiraient son pantalon, chacun révélant une coupure ou une plaie.  T’es foutue. Ils savent. Ils vont plus te lâcher.

Elektra ferma les yeux se laissant gagner par la douce torpeur d’une inconscience bénéfique, puis sursaute quand fuse dans son esprit, le souvenir de  la photographie qu’elle reçut quelques heures plus tôt. L’immonde photographie, le chantage de la Main. C’était Matthew et sa blonde dans le viseur d’un type, menacés parce qu’elle avait qu’elle avait laissé s’échapper quelques putes. Menacés pour l’inciter à terminer le travail. Elles étaient mortes maintenant et une partie du sang qui imprégnait sa combinaison était le leur. Celui de Bullseye, de quelques sales types et des prostituées ukrainiennes qui avaient cru voir leur sauveuse arriver. Lève-toi. Barre-toi. T’as vraiment envie d’affronter ça ? Le retour de ton ex et de sa nouvelle, prêt à s’envoyer en l’air ? Barre-toi. Elle prend appuis pour se redresser, mais elle est épuisée, elle n’arrive qu’à se faire mal. Tant pis.  Avec un peu de bol, elle sera morte avant qu’ils arrivent.


 

Des bruits de pas, talons qui claquaient sur le sol du couloir. Elektra essaya de se redresser, mais la douleur de la blessure à son flanc la tétanisa. Une voix presque soufflée, le choc marqué sur ses traits. C’était la jolie blonde de Matthew, qui accroupit face à elle observait son état. Elles s’étaient déjà entraperçues. Elektra était alors aussi mal en point mais en phase de rémission et lui avait à peine jeté un regard lorsque celle-ci avait fait irruption dans la chambre et si celle-ci l’avait reconnue elle ne le montra pas. Si l’absence de Matthew l’interrogea elle n’en dit rien. Son orgueil supportait déjà mal la situation, la présence des deux ensembles aurait été le coup de grâce.

Elle sentie la chaleur de ses mains sur ses épaules et réalisa à cet instant qu’elle avait fermé les yeux. Son regard inquiet lui était insupportable. Elle acquiesça mollement et se laisse redresser. Son corps protesta et elle serra les dents pour ne laisser passer aucune plainte. Elektra claudiquait soutenue par cette femme beaucoup trop altruiste, qui n’avait posé aucune question, qui n’avait pas simplement appelé la police. Avec précaution, elle fut guidée jusqu’au canapé, puis allongée. Elektra observait la jeune femme, elle observait son regard surtout. Très clair, très expressif, très choqué. L’expression de Karen lui offrait un miroir. C’était donc si moche. Elle était dans un piteux état, trempée, ensanglantée, frigorifiée, livide. Sa plaie au flan était la plus grave et elle sentait le sang chaud s’ en écouler et probablement imbiber le tissu du canapé.

A peine la jolie blonde posa-t-elle une bouteille de vodka à portée de main qu’Elektra s’en saisit maladroitement. De ses doigts poisseux de sang elle dévissa le bouchon qu’elle laissa tomber et rouler sous le meuble. Elle but une première longue rasade qui la réveilla un peu puis une seconde pour la forme. La brulure de l’alcool lui parut presque réconfortante. Elle était encore en vie. Plus ou moins. Elle releva son haut avec une pudeur inhabituelle que lui inspirait la situation et peut être la présente de la blonde angélique, une madone qui n’aurait pas dépareillé sur les vitraux des églises qu’affectionnait Matthew. Elle reprit une troisième gorgée et baissa son regard pour constater les dégâts. Ses côtes étaient contusionnées, elle les frôla en grimaçant à l’instant ou la jeune femme revint chargée de compresses. Quand le coton se pressa sur sa peau tranchée, elle feula, se crispa, comme si l’alcool rongeant sa chair. Un murmure, puis elle déversa directement le contenu de la bouteille, Elektra s’agrippa au canapé pour éviter de s’en prendre à son infirmière improvisée.

Elle souffla puis attrapa les glaçons empaquetés qui lui étaient tendus, pour les poser contre sa pommette. « Pas les secours » siffla-t-elle sans trop savoir si sa voix avait été audible. En la voyant extirper de son sac son téléphone, d’un geste guidé par l’urgence et l’impatience, elle lança la poche à glace qui percuta le téléphone. « Pas les secours » répéta-t-elle plus fort, la voix tendue ignorant délibérément sa question. « Ou est… » commence-t-elle avant d’être brutalement interrompue par l’irruption d’une troisième personne qui termine involontairement sa question en posant la sienne.

Cette nuit est sans fin.

Elektra se redresse péniblement en prenant appui sur le dossier du canapé, extirpant de son dos l’un de ses saïs qu’elle pointe dans la direction de l’intrus : un ado dégingandé qui leur adresse un signe de main. La scène est absurde mais Elektra n’est pas d’humeur à le relever. « T’es qui toi ? » demande-t-elle agressivement. Un genou enfoncé dans les coussins, son autre jambe tremble un peu, de même que son bras tendue. Une bouffée de chaleur l’a fait vaciller, prise d’une faiblesse, même son saï lui parait lourd et l’arme tombe dans un cliquetis métallique, c’est le dernier son qu’elle entend avant d’être happée par l’inconscience.



 

La poche de glace la soulagea un peu. Elektra se laissa manipuler sans plus faire d’histoire, elle n’en avait plus la force et si le gamin était un tueur, elles seraient déjà probablement toutes les deux mortes. Son corps est un poids mort, elle a besoin de cette inconscience, c’est son répit. Un repos cotonneux que lui imposait son état général. Elle entendit Karen donner des directives et un sourire un peu fatiguée étira ses lèvres. Les copines de Matthew avaient toujours un caractère bien trempé, il savait les repérer. Il voyait mieux que la plupart des gens. Une pression la tire de ses pensées, elle soubresaute, mais elle est incapable d’ouvrir les yeux. Trop épuisée, elle entend leur conversation, des bribes lui parviennent. Le mot colocataire notamment se grave dans son esprit. Matthew Murdock a pris un colocataire. Et depuis peu puisqu’il ne semble pas connaître Karen. L’idée même est risible, qui est ce gamin ? Son Robin ? Il est impossible de vivre avec Matthew sans découvrir son petit secret qu’il pense si bien gardé. Ou alors c’est un attardé.

Elle sent comme un lointain écho, l’aiguille remonter le long de sa blessure, resserrer la chair, arrêter l’hémorragie. Elle fronce un peu les sourcils, A force de piqure, elle refait progressivement surface et recherche machinalement la bouteille qui était posée là plus tôt. Ses mouvements font chuter la poche de glace tombe, mais elle s’en fout. Elle tâtonne jusqu’à saisir du goulot, puis prend une nouvelle rasade, avant même d’ouvrir les yeux, puis la ré-abandonne au sol. Elle sait qu’elle a d’avantage besoin de sucre et de repos que d’alcool et de sarcasmes mais les derniers points sont une partie non négligeable de ce qu’elle est. Et après sa rencontre avec Bullseye elle a besoin de s’en rappeler. Besoin de son anormale normalité et de son étrange étrangeté.

Elle cligne plusieurs fois des paupières à la fois pour s’habituer à la luminosité incertaine mais aussi dans l’espoir de chasser la migraine qui succède à sa lamentable perte de conscience. Elektra entend la pluie battre les carreaux, elle a froid, la sensation de sa longue chevelure humide collée dans sa nuque est désagréable, mais elle s’en fout, elle est en sécurité. Elle effleure du bout des doigts la gaze fermement serrée, elle sent le relief des sutures en dessous. Cette fois-ci, c’est précautionneusement qu’elle se redresse, elle adresse au gamin un regard perçant. Le colocataire, l’idée est si risible qu’elle se fend d’un demi sourire qu’elle paie instantanément en sentant se réveiller la douleur dans sa pommette presque noire. Il ne l’a pas raté. Elle non plus. Son sourire ne se fane pas pour autant. Elle est encore en vie. Il a joué avec elle, la prochaine fois elle ne se laisserait pas avoir. La prochaine fois, elle le tuerait.

Elektra n’a aucune idée du temps où elle est restée inconsciente : trente secondes ou une heure. Il n’y a toujours pas de trace de Matthew et la glace n’avait pas fondu, donc probablement peu de temps. « Vous ne vous êtes jamais rencontrée avant ce soir ? » finit-elle par dire, une pointe de sarcasme dans sa voix fatiguée : « Le colocataire et la petite amie ». Elle tourne un regard se voulant neutre vers Karen, elle se demande si elle souvient. Elektra oui, elle se rappelle de son expression lorsqu’elle était entrée. « Oui, on s’est déjà croisée » continue-t-elle en l’observant, elle est belle, très blonde, très pâle, son opposé. Elle a la beauté et cette impression de pureté que dégage la représentation d’une madone par le plus fervent des peintres. Son regard repasse à l’adolescent « J’étais déjà plus ou moins dans cet état. », ajoute t-elle. C’était il y a plusieurs mois maintenant, avant que tout ne devienne encore plus compliqué. « Je suis également terriblement maladroite » conclut-elle presque nonchalamment en attrapant paresseusement la poche de glace qu’elle a fait tomber plus tôt. Son mouvement lui arrache une grimace, son geste tire sur son flanc et sur les coutures, mais elle retrouve aussitôt une expression d'indolence insouciante complétement déplacée au vu de son état.
 

Son petit sarcasme heurte la blonde, elle le voit à son expression, ou peut être juste qu’elle se souvient de leur précédente rencontre. Elektra s’amuse de la voir descendre la bouteille. Elle affronte son regard sans sourciller, sa détresse, sa colère et s’étonne de l’entendre dire qu’elle n’est pas sa petite amie. Le garçon est devenu lent. A sa décharge cependant, elle l’a gardé plutôt occupé, puis, plutôt meurtri. Mais tout de même, des mois se sont écoulés… « Vous avez l'air de savoir qui je suis, mais je ne sais rien de vous, au bout de la deuxième rencontre, il serait temps d'y remédier, vous ne pensez pas ?» Si elle n’avait pas tant mal elle serait tentée de rire, bien sûr il n’a pas parlé d’elle. Il compartimente, même Foggy a mis des semaines à savoir pour eux et ils vivaient pourtant littéralement ensemble à cette époque. « Jamais avant la troisième » elle se moque, mais l’éclat de malice dans son regard s’est éteins. Avoir songé à Foggy l’a ramené à cette nuit ou elle a essayé de le tuer, toujours sous le plein contrôle de La Main. Elle n’avait aucun droit de venir ici. « Je... j'voudrais pas vous couper, mais faudrait peut-être faire quelque chose, au sujet des blessures. Je m'en sors relativement pour recoudre, mais un hôpital servirait bien mieux. » Elle tourne vivement son regard vers le colocataire. « Pas d’hôpital » rétorque-t-elle fermement, dangereusement vive.  Elle passe ses doigts sur la plaie recousue, ça fera l’affaire, elle s’en fout que ses cicatrices soient laides.

Elle a cédé à la panique et elle a filé vers la probablement seule personne de confiance qu’elle connaissait. Il n’est pas là et il y a ces deux là, qui la regardent, qui la surveillent. Elektra est bien incapable de dire merci. De se laisser aller au sommeil que son corps malmené désespère d’obtenir. « Qu'est-ce qu'il vous est arrivé exactement ? Et pas la peine de dire que vous êtes tombées sur votre machin ninja, ça passera pas. Je, hum, je suppose que vous connaissez Matthew, si vous êtes là... » Elle leva les yeux au ciel et se redressa avec des précautions qui trahissaient douleur et épuisement. « Je me suis battue contre un très vilain garçon. » Il n’y avait plus de sarcasme dans sa voix et la légèreté de son explication était alourdie par son air grave. Ils seraient amenés à se rencontrer encore et encore, jusqu’à ce que l’un des deux ne meure. De façon définitive cette fois. « Et oui. Tu supposes bien. » Avare de paroles et d’informations elle se tût, essayant de rassembler ses forces et son courage pour quitter ce canapé et cet appartement dans lequel elle n’aurait jamais dû mettre les pieds. Elle ne voulait plus l’affronter, ni ses questions, ni ses reproches ou pire encore : sa compréhension. Elle ne pouvait pas venir se réfugier chez lui, chambouler sa vie à chaque problème qui la dépassait, elle n’en avait pas le droit.

Et puis, ses problèmes actuels dépassaient de loin tout ce qu’elle avait eu à affronter jusque-là et elle n’avait aucune envie de les partager avec qui que ce soit. Toute égoïste soit-elle, Elektra éprouvait pour Matthew Murdock trop de respect, trop d’affection pour l’entrainer dans l’odyssée macabre qu’était devenu sa vie depuis que La Main l’avait ressuscité. Et il y avait ces deux-là, qui la fixaient : Karen qu’elle enviait et plaignait en même temps et cet adolescent bizarre avec ses demis questions. « Je ne suis pas une ennemie. Pas la sienne. Pas tout à fait. » finit-elle par dire, sentant une suspicion qu’elle n’avait pas le courage d’affronter. Elle était quasiment  certaine que ces deux-là savaient pour Daredevil et jouer à ‘de quel côté es-tu, le premier qui prononce Daredevil a perdu’ avec elle, allait prendre des heures. Et elle n’avait pas ce temps. La Main avait déjà prouvé qu’ils connaissaient ses liens avec Murdock et ils étaient capables d’envoyer quelqu’un ici et elle n’avait pas envie d’avoir le sang de ses proches sur les mains. Il pouvait pardonner beaucoup de chose, pas ça.

Elle extirpa de sa poche son smartphone sévèrement abimé et miraculeusement fonctionnel. Elle avait reçu plus tôt ce soir-là une photo, celle qui lui avait fait perdre son sang-froid et se jeter dans la gueule d’un loup affamé. Matthew et la jolie blonde attablés dans un petit restaurant, une cible grossière dessinée sur eux suivit d’un ordre de mission cryptique. « Regarde ça » Elle lance l’appareil à Karen, elle a le droit de savoir, en partie, si elle veut les détails elle les lui demandera. « Ils savent rien. Juste que j’ai refusé de tuer le satané avocat qui défend la veuve et l’orphelin. Alors ils l’utilisent quand ils veulent que je sois sage. » Elle s’interrompt un moment, elle ne dégage rien d’autre qu’une neutralité travaillé puis ajoute « Ne me demandez pas qui sont ‘ils’, je ne répondrai pas. » conclu t-elle avant qu'elle ne puisse poser la moindre question à ce sujet, elle avait fait ce qui semblait juste. Après tout, elle aurait pu la laisser crever sur le paillasson, elle lui devait au moins quelques informations.

 

Karen pose tellement de question auxquelles Elektra n’a pas la moindre intention de répondre. Elle s’agite, elle s’énerve, elle peut presque voir les rouages de son esprit tourner à plein régime sous ses cheveux blonds. Elle extirpe son téléphone, Elektra a un rictus mais ne l’en empêche pas. « Le code est une mission. La photo une menace. » Puis elle l’accuse c’était inévitable, presque tardif compte tenu de la situation, elle lève les yeux au ciel, elle n’a pas la force de s’énerver mais son regard brille d’un agacement qui peut rapidement lui redonner assez d’énergie pour au moins lancer un objet directement dans la tête de la jeune femme. Elle n’aime pas ses accusations, les mains crispées sur le tissu du canapé contenant ce qui pourrait être un geste tout à fait regrettable.  « Ouais, ils peuvent le mettre dans un viseur et le retrouver quand il mange tranquillement au restau, mais ils ont totalement besoin de moi pour lui tendre un piège. »  dit-elle d’une voix basse avant d’ajouter plutôt bassement « Je pensais que Matthew préférait les femmes intelligentes » termina-t-elle durement, sans aucune satisfaction mais avec l’envie pernicieuse qu’elle surenchérisse pour avoir de quoi l’attaquer encore. Quand le colocataire se met à parler, essayant visiblement de temporiser la situation, Elektra lui adresse un regard noir « Il n’y a pas d’endroits s… » Commence-t-elle non sans une certaine véhémence avant d’être brutalement interrompu par un fracas de verre.

Si elle avait pu blêmir d’avantage, Elektra serait probablement devenu transparente. D’abord Bullseye, maintenant lui. Elle déteste cette secte et tous les malades qui la composent. Elektra rabaisse les bras qu’elle avait dressés par réflexe devant son visage pour se protéger des éclats de verres. « Chérie… Daddy is Back… Je t’ai manqué ? » Elle déglutit, elle n’est pas en état de l’affronter, elle n’est même pas en état de le fuir et pourtant il est plutôt lourdeau. Son sourire brille comme celui du chat de cheshire, bien qu'elle ne distingue que mal ses traits dans la semi obscurité et l'éclairage glauque de la rue. Elle songe soudain, qu’il doit tellement bien s’entendre avec Bullseye. Tout ça a l’air de profondément amusé, mais il sourit beaucoup trop. Beaucoup plus qu’elle et c’est déjà un exploit. Elle se lève ignorant la douleur, doucement elle n'a aucune envie de tomber dans les vapes encore une fois. Encore moins devant lui. Elle le toise, elle n'a pas peur de lui mais des dégâts qu'il pourrait faire. Il pourrait éclater le crâne d'un des autres simplement parce qu'il n'aimait pas sa façon de le regarder, simplement parce que ça le ferait marrer de voir une boîte crânienne exploser. Elle sent la menace dans son ton et son ego se dispute à sa raison. Elle pourrait dire non et probablement provoquer la mort des deux autres derrière et ça il n'y aurait aucune chance que Matthew le lui pardonne et il était probablement la seule personne dont l'avis revêtait une quelconque importance à ses yeux.

Il a arrêté de pleuvoir constate t-elle alors qu'elle est toujours dans sa combinaison trempée. "T'as un problème avec les portes Walker." lache t-elle nonchalamment. Elle croise les bras et d'une neutralité parfaite demande ironique "t'en as mis du temps, t'étais coincé dans les embouteillages ?" Elle reprend contenance, elle espère que les deux autres ne seront pas assez idiot pour tenter de jouer les héros. Vu le vacarme que son arrivée à produit, ça ne serait pas étonnant que le voisinage ait appelé les flics, il fallait donc repartir vite. Bien que, les flics n'étaient jamais pressés de venir quand les problèmes étaient à Hell's Kitchen, sans doute parce qu'il y en avait trop. Constamment. Elle ne se sent pas bien et ce n'est pas dû qu'à son état lamentable, à la perspective envolée d'un peu de liberté, Trevor la met profondément mal à l'aise et les petits noms qu'il lui donne la débecte mais pragmatiquement elle est soulagée d'être dans le même camp que ce type. Si elle peut se battre contre Bullseye, elle n'a aucune arme qui perfore l'adamantium et aucune piscine portative pour le noyer. Bien que, après ce soir, elle sait que La Main n'est pas prête de lâcher ses chaînes et sa présence c'est aussi un moyen de tirer sur son collier étrangleur. Elle n'a pas d'autres choix que de le suivre, elle peut garder la tête haute, plaisanter, elle n'a pas le choix, elle le sait, il le sait et ça l'enrage.
 

La pièce reste sinistrement silencieuse quelques instants, puis le bruit des pas de Trevor qui écrasent les débris de verre, lui s’amuse de la mine horrifiée de Karen, du calme du gamin et probablement aussi de l’état général d’Elektra. L’ego de celle-ci prend un coup quand il l’entoure de son bras, il la provoque et elle retient les piques et les sarcasmes qui envenimeraient la situation. Elle hausse simplement un sourcil, impatiente qu’il termine son petit laïus. Elle a mal partout et elle veut juste s’effondrer, de préférence sur un lit et dormir autant qu’elle le pourra. Laisser à son corps le temps de se remettre des blessures et à son esprit celui de ne pas céder à la folie. Son pistolet grappin à bout de bras, Elektra lève les yeux au ciel, elle n’a pas pour habitude de jouer les demoiselles en détresses et pourtant c’est le tableau qui est peint là. Elle tuera bullseye, même si elle devait encore en crever.

Elle ravale une plainte, ça tire sur les coutures trop fraiches, elle saigne encore et Trevor à la délicatesse d’un tank. D’un geste agacé, elle l’empêche d’accéder à ses mini-grenades, pas question de faire exploser quoi que ce soit. Elle le regarde en biais, il n’insiste pas. Derrière eux il y a toujours un silence de mort, elle ne sait pas ce qu’ils vont raconter à Matthew, mais il y a peu de chance pour que leur prochaine rencontre soit sereine. Lorsque le mécanisme de remontée du grappin s’enclenche, elle maudit silencieusement cet engin et son possesseur et s’agrippe par réflexe à son bras, elle est quasiment certaine de tomber une fois encore dans les vapes avant même de terminer la traversée. Et si ce n’est pas le cas, elle le doit uniquement à la force de son ego suffisamment malmené ce soir pour n’avoir pas à endurer plus de raillerie de la part de son chaperon en chef.

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Arrivée dans ce qui leur sert de planque, Elektra est pâle et son pas moins assuré qu’à l’ordinaire. « Garde tes sarcasmes pour plus tard » dit-elle en poussant la porte de la salle de bain, elle se débarrasse tant bien que mal de sa combinaison glacée et poisseuse de sang qu’elle abandonne en tas informe sur le sol. Elle est épuisée et elle doit se tenir aux parfois de la douche pour ne pas s’effondrer. L’eau coule rouge dans le siphon, elle s’accroupit après quelques secondes d’une lutte stupide pour rester debout et vide le contenu de son estomac. Elle tremble de rage et de fatigue. Elle ne sait pas encore comment, mais elle fera tomber cette foutue secte et ses membres tarés. Elle doit s’assoir pour se sécher, elle a l’impression d’avoir 85 ans. Puis elle s’enroule de bandage, autour de sa taille, d’une cuisse et d’un bras, elle accorde les dernières miettes d’attention à cette tâche, avant de partir, enfin, s’effondrer sur un lit. Elle n’a pas même le courage de se glisser convenablement entre les draps et se contente de rabattre sur elle les pans de la couette. Elle a les yeux fermés et sa respiration, déjà, s’apaise, mais avant de s’endormir pour de bon, sans même jeter un œil dans la pièce, d’une voix lasse mais ferme, elle dit « N’y pense même pas. »