I'm bleeding out [Aidan & Lux]

“Aidan Pàdraig & Lux Williams”

Les points de suture commencent à m’agacer. Je les sens serrés, agressés la peau de mon flanc droit. Mais ce n’est pas comme si j’avais le choix de les endurer ou pas. Ils sont là pour m’empêcher de saigner davantage, la balle du revolver ayant traversée ma peau comme du beurre. Assise sur la civière m’étant assignée, dans le couloir de cette urgence débordée, je suis penchée sur mon téléphone portable. L’écran est éteint, je fixe sa teinte noire reflétant la lumière des néons au plafond. J’attends la réponse de Niall. Après le départ de Betsy, je n’ai pas voulu laisser mon ami et collègue James seul dans cet hôpital. J’ai donc espéré pouvoir rester. Le médecin en charge de moi, qui est également le sien, à souhaiter me garder en observation durant la nuit, voyant que la perte de sang a créée chez moi une hypotension qui persiste. Ce qui m’arrange, en quelque sorte. Le médecin m’a prévenu que si ma pression ne s’améliore pas il va envisager d’intervenir. De procéder à une transfusion sanguine si nécessaire. Pour l’instant, on m’a donné des suppléments ferreux à prendre pour aider mon corps à gérer la perte de sang causée par ma blessure. C’est le moment qu’a choisit Niall pour me demander d’appeler d’urgence une ambulance et de l’envoyer dans le Queens. J’ai obtempéré sans discuter, jugeant l’importance de la situation. Mais après, lorsque je lui aie demandé des explications, il est demeuré silencieux. Je soupçonne un accident. Je soupçonne que c’est Aidan. Qui d’autre. Il n’y avait pas de vol prévu ce soir et il ne m’aurait pas contacté de la sorte si ça avait été quelqu’un d’autre. Est-ce une coïncidence que deux membres d’Icare se sont fait blesser dans la même journée ? Je resserre le téléphone dans ma main, n’en pouvant plus d’attendre un écho de Niall. Je sens mon cœur battre fort dans ma poitrine et ma tête tournée légèrement. Est-ce le stress ou bien cette foutue perte de sang ? J’évite d’attirer l’attention du personnel médical sur moi. Une main nerveuse vient appuyer sur mon flanc, qui tire encore plus alors que je suis ainsi penchée vers l’avant. Lorsque mon téléphone sonne finalement suite à la réception d’un message texte, je m’empresse de regarder ce que s’est. J’avais raison. Aidan est blessé. Sans réfléchir davantage, prise d’une grande peur à l’idée de peut-être avoir été à deux doigts de perdre mon patron et ami, je me jette en bas de la civière. Je me dirige vers la chambre de James, qui se trouve dans la même direction que la sortie. Je m’arrête à côté de lui et je caresse son front tiède, lui promettant de revenir pour son réveil. Quelqu’un doit veiller sur lui. Je déverrouille ensuite mon téléphone et je tape une réponse courte à Niall. Je dois me rendre à la clinique de Solus, immédiatement. Et personne ne va m’arrêter, ni lui, ni le médecin qui s’occupe de moi. Je prends le couloir du triage et je traverse le poste de garde des infirmiers sans me faire arrêter. Ils en ont déjà assez à se préoccuper pour se soucier de ma fuite. Je quitte l’hôpital et je cherche un taxi. Il me faut faire près de cinq-cents mètres à pied pour en trouver un, commençant à m’impatienter. Je lui indique une adresse un peu à l’écart de Brooklyn que j’ai appris à mémoriser par cœur. Pendant que la voiture roule, je combats les images d’horreur que mon cerveau imagine concernant Aidan. Je dois m’attendre au pire, mais je ne peux me torturer de la sorte sans savoir. Voilà pourquoi j’affiche un masque d’assurance en quittant le chauffeur de taxi. J’entre dans la clinique et je me fais arrêter presque aussitôt par Solus. Le médecin militaire est un homme que je respecte beaucoup. Mais malgré cela, il ne réussira pas à me convaincre de demeurer à l’écart plus longtemps. Il semble le sentir et se retire de mon passage. Il m’avertie seulement d’y aller mollo pour ne pas trop fatiguer Aidan. J’hoche la tête en signe de compréhension. Je veux seulement le voir et découvrir ce qui est arrivé. Je croise Niall avant d’entrer dans la chambre de mon patron, ses vêtements couverts de sang. Je fais comme si je n’avais pas remarqué, mais j’ai soudainement envie de pleurer à l’idée qu’il s’agit fort probablement du sang d’Aidan. J’entre dans la pièce et je referme la porte derrière moi. Le voir dans le lit, un masque à oxygène sur le visage et la jambe plâtrée me cause un choc. Je demeure un instant contre la porte, avant de finalement reprendre sur moi et de m’approcher de lui. Il y a une chaise à sa droite. Je m’y assois non sans grimacer de douleur. Mes points m’élancent toujours autant. Alors que je le regarde, je sens une larme coulée toute seule. Traitre. Je m’empresse de l’essuyer du revers de la main droite, tenant toujours mon téléphone même s’il ne m’est plus utile maintenant que je l’ai retrouvé. Ne sachant pas s’il est conscient ou pas, je laisse tout de même la question franchir mes lèvres, au risque de me retrouver sans réponse.

« Qu’est-ce qui s’est passé ? »

© Mister Hyde

“Aidan Pàdraig & Lux Williams”

Il ouvre les yeux et cela me fait presque sursauter. Je ne m’attendais pas vraiment à obtenir une réaction aussi instantanée à mes paroles. Je croyais qu’il se reposait et que cela me laissait ainsi le temps de souffler et de réfléchir à la suite. Mais non, le voilà qui transperce mon regard et y décèle tout ce que je voulais lui cacher. Il voit ma peur, mon inquiétude, ma triste et ma propre souffrance physique, que je ne dissimule pas encore très bien alors que j’ai une main toujours à plat sur mon flanc. Je retire cette même main lentement, me concentrant pour contenir la douleur alors que je fixe Aidan. Son rire est comme une gifle au visage. Comment peut-il trouver cela drôle ? Je ne peux m’empêcher de répondre à sa comparaison en souriant brièvement, par habitude d’entendre son humour. Mais ce même sourire se fane rapidement en le voyant tousser. J’ai pour réflexe de chercher de l’eau pour lui donner. Je vois un verre vide sur une table près de lui, mais sa quinte se calme. Je jure intérieurement. Je me sens d’une inutilité en ce moment. Même pas capable de l’aider à temps pour calmer une misérable toux. Il me dit ensuite être content de me voir. Je baisse la tête, luttant contre les larmes qui veulent revenir. Je glisse une main dans la sienne et je serre un peu trop fort, incapable de relever mon regard vers lui. Il me dit alors que je suis passé à deux doigts d’une promotion. Je relève enfin ma tête dans sa direction, surprise par ce que sous-entendent ses mots. Une seconde larme réussit à tomber malgré mes efforts, alors que mon regard se durcit. Il pense vraiment que prendre sa place est ce qui m’intéresse ? Sans lui, Icare ne sera plus jamais le même. Même si je reprends tout à sa façon, ça ne pourra jamais être ce que c’est lorsque s’est lui qui dirige. Je serre ma mâchoire et je me retiens de le frapper. Il a déjà eu assez de coups comme ça, je ne veux pas lui faire davantage mal. Je fais de gros efforts pour ne pas m’emporter. Ce n’est pas contre lui que je suis en colère, c’est contre ARES. Comment ont-ils pu nous faire cela ? Ma tête se perd dans des réflexions agitées. J’en viens à ne même plus voir Aidan, tellement ce à quoi je pense est profond. Je me mets à parler afin qu’il comprenne lui aussi le fond du problème.

« Si ARES t’a trouvé, ils nous ont forcément trouvés nous aussi. On doit changer le quartier général de place. Oui, je sais, encore. Mais on ne peut pas prendre le risque. J’étais avec James avant que Niall me contacte. Il a été attaqué comme toi, mais pas par ARES directement. Si ça se trouve, nous sommes bien plus exposé que nous le pensons. Il faut faire profil bas un moment, le temps que tu récupères. Et ensuite on frappera encore plus violemment. Ce n’est pas vrai qu’on va les laisser gagner comme ça. Je refuse de leur donner cette satisfaction. Ils ne s’en sont pas seulement pris à toi, mais à nous tous ce soir. On reste uni. On est une famille que personne ne va nous prendre sans recevoir de réplique. »

Je parle sans vraiment réaliser ce que je dis, monologuant dans une sorte de fièvre colérique. J’ai soudain une pensée qui me frappe plus fortement que les autres et cela me fait immédiatement réagir et tirer légèrement sur le bras d’Aidan, comme dans un ultime espoir de le protéger de ce qui a probablement déjà été fait sauvagement.

« Est-ce qu’ARES t’a pucé ? S’il-te-plaît, dit moi que tu t’es échappé avant qu’ils ne te l’implantent ! »

Je le regarde avec tellement d’inquiétude d’un seul coup, prête à me lever pour vérifier moi-même dans son cou s’il y a présence de la marque de la puce GPS du gouvernement. J’ai si peur pour Aidan et cela ne fait que s’amplifier. J’ai échoué à sauver James d’un mauvais traitement. Et voilà que j’ai aussi échoué à protéger la personne qui compte le plus dans ma vie. Je ferme les yeux et je me remets droit sur ma chaise, ne lâchant pas la main de mon patron. L’impuissance est vraiment ce qui me fait le plus mal en cet instant. Même face à mon propre corps et sa douleur, je suis larguée.

© Mister Hyde