« Debout la Belle au Bois Dormant ! Le petit déjeuner est servi. »Ton gobelet de café vient se réfugier entre tes doigts, et tes lunettes de soleil reviennent sur ton nez. Cachant tes yeux un peu rougis. Par la fatigue d'abord. Et parce que tu n’as pas pu empêcher ses larmes de couler durant la nuit, même au volant.
La journée va être difficile, tu le sais. C'est aussi pour cela que tu as réservé un hôtel pour passer la nuit prochaine. Tu sais qu'elle ne sera pas en état de faire le retour de Chicago juste après.
Mais pour l'instant, Marian, tu bois ton café. Marian, tu souris.
C'est sans doute la chose que tu sais faire le mieux.
« Tu sais, Jaal... » Les mots sont difficiles à trouver. Même après de longues heures passées avec ton confrère mutant à discuter du sujet. Sauf qu'aujourd'hui, c'est réel. Ce n'est pas un plan, une demande. Une supplique. C'est la réalité. C'est en train de se passer. Doigts qui se resserrent sur le volant.
« Je suis désolée, vraiment, de te mêler à tout ça. » Tu sais à quel point la situation est aussi difficile pour lui qu'elle ne l'est pour toi, Marian. Tu en es bien consciente.
« Si il y avait une alternative, je la prendrais mais... C'est la seule solution. » Un silence, à nouveau. Ta voix est basse et rauque quand tu reprends, trébuchant sur tes mots.
« Je m'en souviens comme si c'était hier. J'ai le goût amer des nuits blanches dans la gorge. Je sais que la famille c'est un peu tout ce qu'on a, sans doute la seule chose acquise dans la vie. Mais... C'est toujours là. Quand je m'endors. Son fantôme, alors qu'elle est belle et bien en vie. Elle a beau avoir ses défauts, elle mérite mieux. Elle mérite mieux que ce que la vie lui a donné. » Mots qui coincent. Souffle qui se brise.
« Elle mérite mieux que moi. » Tu fais marche silencieusement vers ta mère, t'accroupis en face d'elle pour être à sa hauteur. La fixe un instant. Calme avant l'ouragan.
La vieille dame ne semble pas te reconnaître.
« Bonjour, maman. » Voix étranglée. Tu sais que c'est pour bientôt. La tempête arrive.
Les pupilles vitreuses se dilatent. Preuve d'une peur viscérale. Tu tends la main, Marian pour essayer de prendre celle parcheminée et veineuse de ta mère. Cette dernière te repousse aussi fort que sa faiblesse lui permet, geignant des mots incompréhensibles. On peut voir des larmes perler au coin des yeux, s’engouffrer dans le chemin tracé par les rides. Une complainte faible et rauque naît dans la gorge abîmée.
Ta mère se recroqueville dans le siège. Elle prie. En lituanien. Elle prie son dieu de la délivrer du démon. Elle prie pour que la jeune femme sortie de ses entrailles vingt-huit ans plus tôt, brûle en enfer.
Tu te détourne et ton regarde croise enfin celui de Jaal, pour la première fois depuis que vous êtes arrivés.
Supplique silencieuse.
Petit sourire. Faux.
« Elle ne sait plus qui tu es. Marian, il va falloir que tu me racontes, comme tu l’as déjà fait, tous les moindres passages de ta vie que tu souhaites que j’efface, comme si je les vivais. C’est important. »Encore ? Tu ne comptes plus le nombre de fois où tu as raconté tes souvenirs à Jaal. Mais c'est visiblement nécessaire. Tu essaies de te rassurer en se disant que c'est la dernière fois que tu auras à en parler à quelqu'un.
Tu ordonnes à tes jambes de te pousser vers son ami, et tes membres exécutent ces quelques pas avec une difficulté notable. Tu essuies tes joues maladroitement et inspire doucement. Il faut commencer par le plus fort non ? Ce qui a été à l'origine de tout. Tu fermes les yeux.
« Noël 1996. Il y avait une tempête de neige cette année-là, il n'y en a pas eu de similaire depuis. Nous avons mangé chez mes grands-parents maternels. Ma mère s'est engueulée avec sa sœur, un débat idiot pour savoir si j'allais aller dans une école privée ou pas. La dispute a continué entre ma mère et mon père dans la voiture. Il neigeait très fort, et je sais que je me suis endormie un moment... » Le souffle de Marian se coupe dans sa gorge. Petit hoquet étranglé qu'elle tente de dissimuler, en vain.
« Je me réveille et ils sont toujours en train de se disputer, à croire que c'est à qui criera le plus fort. On entend à peine la radio, un journaliste qui parle de la réélection de Bill Clinton. Je me détache pour regarder à l'arrière de la route. La neige qui passe devant les phares est rouge. Et puis... La voiture fait une embardée sur la droite. Le bruit est horrible. Je m'entends crier. Ma mère crie aussi. Seul mon père est silencieux. Le camion l'as percuté de plein fouet. » Les derniers mots sont prononcés rapidement, dans un souffle. Tu as toujours les yeux fermés. Tu ne peux les ouvrir. Pas maintenant. La scène est aussi fraîche dans sa tête que la neige ce jour là. Malgré tout, tu t’accroche, et continue de parler. La présence de Jaal t'aide plus tu ne pourrais jamais l'admettre.
Tu racontes. Tu racontes l'enterrement, le moindre petit détail. Jusqu'à la marque de la bouteille de whisky que ta mère a caché dans la boite à gant de la voiture devant le cimetière. Tu racontes votre maison. Votre rue. Ta chambre au premier étage. Le voisin qui devient l'ami de boisson de ta mère.
Tu racontes les crises, les colères, les insultes, les pleurs. Tu racontes les fois où tu retrouves ta mère ivre, endormie dans les toilettes. Tu racontes les fois où tu ne mange rien pendant des jours parce que ta mère refuse de faire des courses. Tu racontes les anniversaires oubliés. Les Noël maudits. Le téléphone qui sonne parce que ta mère coupe les ponts avec sa famille. Tu racontes les verres cassés. Les assiettes brisées. Les paires de gifles et l'ignorance. Ne sachant toi-même ce qui est le pire.
Tu racontes enfin la confrontation ultime. Alors que tu ne demandais rien à personne, sauf un peu d'affection, et que tu te plongeais dans les souvenirs de ton père. Tu racontes le seau d'eau. Les menaces. Les reproches mutuels. Aucune communication possible. Tu racontes comment ton pouvoir atteint quelqu'un pour la première fois. Tu racontes la peur que ça te fait. Et aussi le plaisir que tu ressens. Coupable jusqu'au bout. Tu racontes comment tu l'infliges encore et encore à ta mère. Jusqu'à ce que celle-ci ne puisse même plus supplier. Jusqu'à ce qu'elle-même tombe et perde connaissance. Mais il aura fallu des heures avant ça. Et tu les raconte aussi, ces heures. De torture. Tu racontes que tu aurais pu arrêter, mais que tu ne l'as pas fait. Tu racontes ton nez qui saigne aussi abondamment que ta mère pleure sur la moquette enfantine de ta chambre. Tu racontes les cris rauques. Tu racontes ta satisfaction malsaine. Ton bonheur noir. Tu racontes ton sourire indigne dans le reflet du miroir avant de te laisser emporter dans l'inconscience.
Mais Tu racontes aussi l'avant. Les sorties à la plage à trois. Les goûters en revenant de l'école. Tu racontes les soirées télé. Tu racontes ta mère qui brosse tes cheveux. Tu racontes les bêtises de gamins, et les remontrances de parents. Tu racontes. Jusqu'à ce qu'il n'y ai plus rien à raconter. Jusqu'à ce que ta voix devienne rauque. Se brise.
Et seulement tu te permets d'ouvrir les yeux. Comme lorsqu'on s'éveille d'un rêve, la lumière te fait mal. Tu n'as pas conscience du temps que cela à prit, des minutes ? Des heures ? Tu ne sais plus où tu en es. Ton regard hagard vacille, tout comme toi, avant de se poser sur Jaal.
Lèvres sèches et tremblantes à la fois. Yeux humides et pleins de questions qui cherchent ceux de l'homme présent avec toi. Ton coeur bat toujours aussi fort mais cette fois, quand tu poses le regard sur ta mère, celle-ci ne se met pas à pleurer.
Pour la première fois depuis quinze ans, tu peux regarder sa mère dans les yeux sans que celle-ci ne prie l'aide de dieu, ou l'insulte d'enfant du démon. Cela te tire un petit rire. Nerveux. Partagé. Triste car tu sais uniquement que c'est parce que tu n'existes plus pour ta mère. Grâce à l’intervention de la mutation de Jaal. Mais aussi joyeux, car cette femme va peut-être enfin connaître la paix après vingt ans de chagrin. Et alors peut-être que toi aussi, Marian.
« Marian, à table ! » Tu lâches les crayons de couleurs et abandonne ton dessin en progression pour suivre la voix maternelle. Tes pieds dévalent les premières marches de l'escalier mais tu décides de terminer le chemin en glissant le long de la rambarde en bois, effrayant le chat qui pointe le bout de son museau dans le couloir au moment de l'atterrissage.
« Ne me dis pas que tu as encore joué au toboggan dans l'escalier... » Tu te contentes d'un sourire un peu penaud en prenant place à la table de la cuisine. C'est ce moment que ton père choisi pour entrer dans la pièce. Il enlace son épouse, dépose un baiser sur ton front de sa fille, et prend sa place habituelle entre les deux femmes de sa vie.
Le repas commence dans une ambiance douce, chaleureuse, la pièce baignée dans une lumière de printemps chatoyante.
« On pourrait aller au Planétarium Adler demain, qu'est-ce que vous en dites ? » La femme acquiesce calmement avec un sourire dont bénéficiera sa fille toute sa vie, alors que cette dernière, toi, quitte sa chaise et court se jeter dans les bras de son père.
« Merci papa ! » Les bras enfantins serrent l'homme avec la force de l'amour et de la joie. Pourtant, il semble faire plus froid dans la cuisine de la petite maison en bordure de Chicago. Tu ouvres les yeux, préalablement fermé dans ton geste affectif. Le toit n'est plus là, une ouverture donne directement sur le ciel et des flocons de neige tombent généreusement dans la pièce.
Tu fronces les sourcils, t'écartes de ton père. Tu le tiens du bout de tes bras d'adultes, mais l'homme est inconscient. Le visage en sang, des éclats de verre au milieu du torse.
« Papa... » Ta voix est rauque, une main tremblante passe sur la joue de l'homme sans vie alors que tu étouffes un sanglot. Des phares éclairent soudainement la cuisine, devenue route d'hiver en plein blizzard. Tu hurles en te penchant sur le corps de ton père, tournant le dos au camion qui perd le contrôle.
Un choc. Le noir.
La chaleur aussi étouffante que la fumée âcre te ramène à la réalité. Brutalement, l'air revient dans tes poumons, te faisant tousser, trembler. Tes yeux essaient de s'habituer à la nuit noire tranchée de flammes. Tu souffles, essaie de reprendre ta respiration. En dessous de toi, le corps toujours inanimé de Jaal. Dans l'explosion du BlackBird, tu te souviens avoir juste eu le temps et le réflexe de te jeter sur le corps inconscient de ton petit ami. Un affrontement entre les X-Men et la Confrérie, alors que tu quittes les premiers pour rejoindre les seconds, et tout tourne au chaos et au sang.
Ta main vérifie la respiration de l'homme, ton regard s'assure qu'il n'est pas blessé. Mais alors que tu essaies de se relever en t'appuyant sur ton bras valide, l’autre emplâtré depuis ton escapade dans l’espace avec Bishop, tu pousses un cri de douleur. Un coup d'oeil vers le seul bras en forme qu’il te reste te fait jurer dans un grognement. Une profonde entaille de l'épaule jusqu'au coude, sanguinolente, salie par des débris de métal, la terre, la poussière. Tu te mords la lèvre en détournant les yeux.
Ton regard noisette balaie le terrain en quête de tes compagnons. Elle devine la silhouette de Rogue dans les bras de Gambit qui n'a pas perdu une seconde pour les rejoindre. Tu essaies de retenir ton envie d'aller lui enfoncer le pied dans sa gueule d'ange et fait volte-face. La fumée obstrue ta vision au même titre que les flammes aveuglantes. Tu cherches tes amis. Tes nouveaux amis, les anciens. Mais tu cherches surtout Cullen. Ton ancien professeur, ton ancien amant, et ton ami de toujours. Figure masculine rassurante depuis près de vingt ans. Quelques pas, titubante. Tes jambes aussi la font souffrir.
Finalement, tu perçois deux silhouettes un peu plus loin. Pas besoin d'être devin pour savoir qu'il s'agit de ceux que tu cherches. Un dernier regard à Jaal et tu te hâtes finalement vers les deux hommes aussi vite que ton corps douloureux le permet. Tu vois d'abord Jughead, l'air toujours aussi blême mais il ne semble pas avoir plus de blessures qu'avant le crash, ce qui te soulage sur l’instant.
Soulagement momentané car ton regard glisse sur ton ancien professeur. La vision d'un bout de métal fiché dans la poitrine de Cullen te fait presque tourner la tête alors que tu t'agenouilles, ou plutôt te laisse tomber à genoux, à côté de lui. Il faut une seconde de flottement pour que tu réalises pleinement l'ampleur de la situation, déjà secouée par celle de Jughead et tous les évènements de la soirée. L’affrontement avec Scott, que tu as frappé, les hurlements de tout le monde. Tout cela ressemble à une mauvaise farce, un rêve tourné en cauchemar. Mais l'odeur ferreuse, écœurante du sang et des chairs à nu, est bien trop réelle.
« Cullen... » Le prénom est un souffle à peine audible, tant et si bien qu'on peut se demander si il a vraiment été prononcé. Pourtant, tu hurles à l’intérieur. Tes mains viennent de parts et d'autres de l'éclat de métal sur lequel tu t'écorches les paumes. Qu'importe. Malgré le plâtre à un bras, et l'autre plus douloureux que n'importe quelle souffrance physique ressentie, tu fais pression sur la plaie. Tant bien que mal. Des larmes viennent s'écraser, immédiatement absorbées par le sang qui file entre tes doigts. Une abondance mortelle.
Ton regard dérive parfois sur Jugh avant de revenir sur Cullen. Tes paupières papillonnent, les larmes rendent flou tout autour de toi. La perspective de la mort du Confrériste est insupportable. Aussi longtemps que tu te souviennes, il a toujours été là, depuis le commencement de ta nouvelle vie, de ton arrivée à l’Institut. La personne que tu n'as jamais pu se résoudre à sortir un moment ou un autre de ta vie, malgré son départ précédent pour la Confrérie. Malgré la vie qui vous a fait prendre des chemins différents. Il est l'un des piliers qui empêche ton monde de s'écrouler, de partir en fumée.
Tu pousse un grognement de frustration à sentir le sang couler entre ses doigts malgré la pression. Tu enlèves tes mains une seconde pour ôter ton tee-shirt que tu roules en boule sur la plaie pour faire pression à nouveau, espérant que ce sera plus efficace que tes mains. Ton bras la lance de plus en plus alors que tu te concentres sur ton geste désespéré et, tu refuses de l'admettre, sans doute inutile étant donné la gravité de la blessure.
« T'as pas le droit de m'faire ça, Cullen, » que tu souffles entre tes dents, la mâchoire crispée malgré le bleu qui commence déjà à voir le jour depuis le coup de Scott.
« Je t'interdis de crever, tu entends ?! » A ce stade de la soirée, l'espoir est un luxe, une illusion dont tu ne te berce même plus. Et tu voudrais hurler, Marian. Pourquoi est-ce qu’il a fallu que ça dérape ainsi ? Pourquoi est-ce que tout doit toujours s’écrouler ? Pourquoi êtes-vous autant divisés ? Même entre mutants, vous n’arrivez pas à vous accepter. Pas étonnant qu’une loi comme le Registration Act vous menace et vous fasse perdre les pédales.
Pas étonnant que tu ne finisses pas basculer dans la Confrérie, toi, X-Woman et professeur à l'institut Xavier.
La nuit tombe lentement sur New York City alors que les lumières artificielles des buildings et des rues s'allument peu à peu. La ville est toujours différente la nuit. Bien loin de s'endormir, elle semble habitée par un esprit mystérieux, vous offrant des surprises à chaque croisement de rue. Beaucoup sont déjà en train de faire la fête : samedi soir, le début du mois de juin. Ce n'est guère étonnant. Il a fait chaud toute la journée. Beaucoup trop lourd : des orages éclateront dans la nuit, et la pluie donnera cette odeur si particulière à l'air en s'écrasant sur le bitume.
Mais pour l'instant, les maisons de Staten Island se tentent d'or et de tangerine, tout comme l'intérieur de la voiture dans laquelle tu te trouves avec Kate, au bout d'une rue bordée de maison de luxe. Derrière le volant d'une voiture louée avec de faux papiers, tu parcours les environs de son regard noisette avant de le poser sur l'amie à tes côtés.
Les choses ont beaucoup changé depuis votre dernière aventure au fin fond de l'espace. D'un côté, la cadette n'est plus des Avengers, officiellement parlant. La scission du groupe te laisse perplexe est inquiète, notamment pour Kate et Clint. De l'autre côté, ton départ des X-Men pour la Confrérie ne s'est guère déroulé dans le calme et depuis, tu fuis les autorités après avoir échappé à un recensement de force. Rien que de penser à tout cela t’énerves, Marian, et sans t'en apercevoir, tu serres sa main sur le volant en détournant le regard de Kate. L'idée que quelque chose arrive à la brune t’es insupportable, surtout depuis votre périple spatial. Plus que jamais, tu te sens prise d'affection pour la jeune femme et si ce que vous vous apprêtez à faire risque de vous attirer encore plus d'ennuis, tu es déterminée à veiller sur ton amie.
Un regard de Kate accompagné d'un hochement de tête et tu remets le contact. La voiture, une sorte de pick-up à quatre portes, se met à nouveau en route, jusqu'à se garer sur le parking du Richmond County Country, un club de golf privé à la réputation de luxe. Un peu comme la maison de leur cible, de l'autre côté de la chaussée. A cette heure-çi, la plupart des gens sont en train de terminer leur repas. Le quartier est relativement calme, pas un chat dans les rues. Comme convenu, Kate quitte la voiture la première, s'assurer de la quiétude des environs.
Une dizaine de minutes plus tard, ton téléphone vibre deux fois avant de s'interrompre : votre signal pour que tu sortes de la voiture en confirmant que la rue est déserte.
Kate s'est bien renseignée et normalement, il devrait être seul dans la maison de luxe. En traversant la rue, lunettes de soleil sur le nez pour cacher un coquard résultant d'une bagarre de rue accidentelle à la sortie d'un bar, tu retiens un bruit de dégoût face à la demeure.
« Ils sont bien payés ces salauds, » penses-tu alors que tes pas te mènent jusqu'au pas de la porte. 444 Fag Pl, Staten Island. Il n'y a qu'une voiture, ce qui semble confirmer les dires de Kate. A moins que la propriétaire n'ai rangé sa Lamborghini au garage. Quand ton amie lui avait dit le modèle de la voiture du Lieutenant et colocataire de la cible, tu avais levé les yeux au ciel en poussant ton habituel
« Urgh » de dégoût. Bon, un peu de jalousie aussi.
Mais la voiture dans l'allée n'est pas celle de la blonde et heureusement, tu n’aimerais pas se retrouver face à elle en sonnant à la porte. De toutes façons, ce n'est pas elle votre cible.
Une fois gravit les quelques marches menant au perron, tu te tiens devant la porte, plutôt imposante. Tu vois de la lumière à travers le verre granité et finalement, après une légère inspiration, ton index vient presser la sonnette brièvement.
Évidemment, Marian, que tu as le trac. Un peu comme lorsqu'on va chercher son ou sa compagne avant le bal de promo de fin d'année. L'excitation en moins. Les enjeux sont trop importants, et même si ce plan est totalement fou, tu espères qu'il aura l'effet escompté.
La porte s'ouvre et immédiatement, et tu peux voir l'effet de surprise sur le visage de l'homme en face de toi.
« Bonsoir, Monsieur Stevenson, » lances tu sans attendre que le Vice-Président du Parti Collectif n'ai eu le temps d'ouvrir la bouche. Maintenant, tu devais faire comme d'habitude. Sourire éclatant, les mains venant dans les poches de ton jean violet sombre.
« Excusez-moi de vous déranger si tard, j'ai essayé de vous voir au refuge mais on m’a dit que vous ne travailliez plus là-bas. » Le mensonge n'est guère une de tes habitudes, bien au contraire, et l'espace d'une seconde tu te prends à culpabiliser. De mentir à cet homme qui techniquement, ne t’as rien fait et s'est même très bien occupé de ton chien. Mais en ces temps, tu ne peux pas te permettre de penser comme cela. Les camps doivent être bien défini, chacun assumant ses idéaux. Chacun assumant ses choix. Ses actes. Et aujourd'hui, Marian, tu t'apprêtes à enlever Milo Stevenson, le vice-président du Parti Collectif.
Tu te sens sale, Marian. Au sens littéral, comme au figuré. Dans cette sale où on t'interroge depuis près de dix heures. Pas de faveur pour les mutants. Surtout quand ils enlèvent le Vice-Président du Parti Collectif. Le tintement des menottes te fait grincer des dents. Cela fait quelques dizaines de minutes que tu es seule dans la salle d'interrogatoire. Pour la première fois, tu lèves la tête, ta nuque craque. Tu croises ton regard dans la vitre sans teint. Ton oeil au beurre noir ne date pas de la confrontation récente mais tu es quand même dans un sale état. La lèvre inférieure tuméfiée, le nez en sang, les cheveux emmêlés. Les cernes violacées du manque de sommeil, et des entailles dans les paumes. A trop serrer les poings, tes ongles entament ta chair.
Tu sursautes quand la porte s'ouvre à la volée. Le visage vicieusement familier de l'homme qui t'interroge depuis qu'on t'as amenée au poste.
« T'as le droit à un coup de fil, Carson. J'espère que t'as un bon avocat. » Sans un mot, tu te laisses traîner par le coude le long d'un couloir, au bout duquel t'attend un téléphone mural. Face à l'engin, tu soupires. Les chiffres dansent devant tes yeux noisettes. Qui appeler ? Un avocat ne te sortira pas de ce pétrin. Et le seul dont tu connaisses le nom.... Il ne sera sans doute pas disposé à t'aider. Elle n'a pas envie d'inquiéter Jughead, ni Cullen. Encore moins Clint. Ils ont tous déjà assez de soucis comme ça.
Machinalement, comme par réflexe, tu composes le numéro de la seule personne capable de t'aider en cet instant. Tu tiens difficilement le combiné. A cause des menottes. A cause de tes mains qui tremblent. On décroche finalement.
« Si-sirius… » Ta voix est rauque, et malgré toi, remplie de larmes qui commencent à couler le long de tes joues sales.
« Marian, c'est toi ? » La voix de Sirius redouble tes pleurs, peinant à aligner deux mots. Toi qui n'a pas craqué pendant l'interrogatoire, tu te sens tomber du précipice.
« Marian, qu'est-ce qui se passe ? Où tu es ? » Le temps est compté et cette pression t’angoisse de plus belle, et tu ne parviens guère à répondre comme il faut. Du coin de l'oeil, tu vois le policier assigné à ta surveillance qui t’adresse un sourire narquois en se frottant la nuque. Nausée.
« Ok, calme-toi, respire, je comprends rien. » « Je... Je suis au poste et... Ils vont me pucer... Je ne savais pas qui appeler... » Tu te rends bien compte de l'énormité de ta demande envers le X-Man après la trahison que tu lui a infligée à peine un mois plus tôt en te tournant vers la confrérie. Un instant, tu commences à souffler des excuses mais Sirius t'interrompt.
« Tiens bon, je viens te chercher. » Le merci soufflé que tu souffle est proche de la prière et tu reposes le combiné dans un long soupir. Sur le plastique, tes plaies ont déposé un peu de sang. Immédiatement, on te remet dans cette pièce que tu as eu le temps d'étudier en long et en large. Tu sais qu'on va bientôt venir ta chercher, tu pries pour que Sirius soit là à temps. Il y a environ une heure depuis l'Institut, mais à moto, Sirius peut arriver en moins de temps. Les minutes passent lentement, tu te mords les doigts, tes pieds tapant nerveusement sur le sol.
Malheureusement, la porte s'ouvre à nouveau et cette fois, sur plusieurs hommes. Tu prends sur toi pour ne pas pousser un glapissement de peur.
Effrayée, tétanisée, c'est un corps docile mais crispé que les agents traînent dans une autre pièce. On t'allonge sur une table comme on en voit chez les médecin, visage contre le papier censé protéger le matelas fin et dur. C'est l'instant que choisi ton instinct de survie pour se manifester. Tu te débats, comme un animal pris au piège. Biche apeurée. On finit par t'attacher à la table médicale. Sangles en cuir passant derrière ton crâne, tes poignets, le bas de ton dos et tes jambes. Ta respiration se fait erratique, la panique t'envahie sans que tu ne puisses rien y faire. Tu ne remarques même pas que tu gémis faiblement. Que tu supplies alors qu'on écarte les cheveux de ta nuque. Tes suppliques prennent la forme d'un nom. Sirius.
Peut-être que tu ne pries pas assez fort, Marian. Ou que Sirius a rencontré des problèmes. Qu'importe la raison : le résultat est le même. Le scalpel incise ton épiderme. Tes paupières pressées n'empêchent pas les larmes de couleur. Au fur et à mesure que les secondes passent, la peur se transforme en rage. Cette chose qu'on t’implante, qui viole ton identité, ton intimité, tu te jures de l'arracher avec les ongles s'il le faut. Après tout, encore personne ne s'est fait pucer de force. Tu es la première. Certainement pas la dernière. Mais tu ne vivras pas avec cette chose derrière ta nuque.
C'est quelques instants après la fin du puçage que des coups et des cris résonnent de l'autre côté de la porte blindée, cette dernière finissant par se faire enfoncer sans ménagement. Dans l'encadrement, la silhouette massive de Sirius qui se débarrasse sans problèmes des agents de la salle se jetant sur lui. Dans un chuintement, son couteau te libère et saute de la table d'opération. Machinalement, ta main vient toucher ta nuque, le regard un peu perdu, les larmes ayant tracé des sillons sur tes joues sales.
« Viens, on doit pas rester là. » Vos regardes sombres se croisent et tu approuves d'un signe de tête. Des bruits de pas martèlent dans le couloir, se rapprochant davantage. Sans même tergiverser, tu te rue sur les corps de deux agents au sol et t'empare de l'arme de chacun. L'un passé à la ceinture, l'autre prend position dans tes mains. La sécurité saute au moment où de nouveaux policiers s'engouffrent dans la pièce. Sans réfléchir, tu tires. Tu sais que Sirius fait son affaire de son côté alors tu te concentres sur ses propres gestes. Bien que tu aies appris à tirer avec une arme, c'est la première fois que tu doives t’'en servir en situation réelle. Bien que tu aies déjà ôté la vie à un alien quelques mois plus tôt, tu n’as jamais agressé d'êtres humains.
Pourtant, cela n'a pas l'air de te déranger. Tu ne te reconnais même pas toi-même alors que les balles traversent les chairs, arrachent des cris, ôtent des vies. C'est un point de non-retour pour la jeune mutante que tu es, et qui se fait également blesser dans un cri alors qu'elle sent une balle se ficher dans sa cuisse, une autre effleurant par miracle son oreille. Les forces de police n'avaient cependant pas prévu l'intervention d'un mutant extérieur et au bout de quelques instants, le flot des agents s'arrêtent. Des corps au sol, l'odeur désormais familière du sang qui donne la nausée. Au loin, on entend de l'agitation. Comme si le commissariat était évacué pour établir un périmètre de sécurité et les empêcher de fuir. Dans le calme, sourd après les hurlements et le bruit des tirs, tu baisses les bras en titubant. Ton dos rencontre un mur et à nouveau, l'une de tes mains accroche ta nuque douloureuse. L'autre se serre autour de l'arme, les doigts tremblants. Tu ne vivras pas avec cette chose.
D'un geste vif, tu ouvres la bouche où tu enfonces le canon de l'arme encore brûlant, pressant instantanément la détente. Cliquetis morbide, mais pas mortel.
Le chargeur est vide. Tu gémis de frustration en appuyant frénétiquement sur la gâchette sans que cela n'ai d'autre effet qu'un cliquetis métallique. Dans un geste de colère, tu cognes le mur avec l'arrière de ta tête avant de te laisser glisser le long du crépit. Les larmes brûlantes retrouvent le chemin de tes joues alors que tu mords ta lèvre déjà blessée.
Le cri poussé par Sirius résonne dans ton esprit alors que tu sembles revenir à la réalité. Tremblante, tu réalises le geste que tu viens d'avoir et laisse tomber l'arme inutile au moment où ton aîné s'accroupit en face de toi. Les mains puissantes du mutant prennent ton visage en coupe, et tu fini par plonger ton regard paniqué dans le sien.
« Je vais te sortir de là, Marian. Je te le promets, je vais trouver un moyen de t'enlever ça. » Si la fin de la phrase se meurt dans un souffle remplit de doutes, il ne t'en faut pas plus pour hocher la tête. Tes mains se lèvent pour venir se poser sur celles de Sirius, ce contact t'aidant également à retrouver ses esprits.
« Si tu comptes pas te servir de ta deuxième arme à feu pour nous aider à sortir d'ici, va te mettre à l'abri. Mais si t'as l'intention de leur faire payer, vas-y, défoule-toi. » Il se lance alors vers les policiers arrivés récemment dans le couloir. Tu grimaces en te remettant debout, la douleur pulsant dans ta cuisse où se complaît la balle reçue plus tôt. Tu essaies de faire abstraction et après une inspiration pour se concentrer, tu sors la seconde arme de ta ceinture et te met dans l'angle de la porte pour avoir un angle de tir tout en restant un minimum à couvert. Pas de peau impénétrable pour toi, alors il faut prendre des précautions. A nouveau, tu vides le chargeur, avec plus de précision au fur et à mesure que les corps tombent à la fois sous les balles et sous l'assaut mortel de Sirius.
Un policier ayant par miracle échappé au X-Man se rue vers toi alors que ta dernière balle vient de se loger dans le crâne d'un de ses collègues. Il ne te faut que quelques secondes pour mettre en pratique la technique de désarmement apprise par Clint et troquer l'arme vide contre celle du flic plus lourde, plus chargée donc. L'homme a beau être à moitié assommé par l'un des de tes coups, tu es loin d'en avoir fini. Guidée par la colère, tes doigts libres agrippent violemment les cheveux du pauvre homme à genoux alors que tu te places derrière lui. Penchée vers lui, tu appuies le canon de l'arme sur sa nuque, miroir de l'emplacement de ta puce toute fraîche. Le coup est tiré à bout portant, la balle traversant la nuque de l'homme pour ressortir par l'avant de sa gorge dans une gerbe de carmin odorant.
Et toi qui pensais ne pas laisser la peur compromettre ce que tu étais.
Elle est bien loin la petite Marian idéaliste, la X-Woman confirmée et presque pacifiste.
Elle est bien morte.
Il parait que l'argent peut offrir tout ce dont on a besoin. Ou presque. C'est en cet instant une théorie qui semble avérée. A l'arrière de ce taxi dont tu as payé le silence et la coopération du chauffeur une petite fortune, tu serres les dents, légèrement penchée en avant. Ton dos te fait trop souffrir pour que tu te permettes de s’appuyer sur la banquette, et tu ne veux pas plus tâcher le faux cuir de sang plus qu'il ne l'est déjà. Heureusement pour toi, le chauffeur ne semblait pas très empathique à la base, et à partir du moment où tu as agité le cash devant ses yeux, il n'a pas insisté pour t'emmener à l'hôpital.
La voiture rebondit dans un nid de poule qui te fait grimacer. Ta veste de cuir en lambeaux repose sur tes épaules, cachant le désastre que doit être ton dos en cet instant. Après le BlackBird qui explose, l'accident de voiture avec Sirius, maintenant un accident de train. C'était vraiment de l'acharnement du destin à ce stade. La vision du wagon en flammes dont tu as échoué à briser la vitre pour en faire sortir les passagers te revient avec force en mémoire. Tu sens à nouveau tes mains te brûler alors que tu les garde sur la vitre léchée par le feu ardent. La nausée refait surface ainsi que les larmes à tes yeux. Pas besoin de ta réminiscence pour entendre les hurlements, rendus presque inhumain par la douleur, des gens que tu as regardé brûler vifs sans pouvoir rien y faire.
La voix du chauffeur te ramène à la réalité. La voiture est désormais sur le parking d'un motel, comme tu en as fait la demande, plutôt banal mais pas non plus trop miteux. Un simple hochement de tête pour remercier le conducteur et tu t'extorques tant bien que mal du véhicule afin de te diriger vers l'accueil. Tant que tu ne montre pas son dos, cela devrait passer : tu ne dois pas être le premier individu aux vêtements sales qui s'arrête ici. La preuve en est que si l'homme à l'accueil te lance un regard un peu suspicieux, il ne bronche pas à échanger la clé de la chambre 5 contre la somme pour la nuit. Tu le remercie et te dirige d'un pas calme vers ta chambre. Tu te forces à garder le dos droit pour avoir l'air le plus normal possible, serrant la clef avec force dans ton poing.
Enfin tu déverrouilles la porte fermée à nouveau à clef dès ton entrée dans la pièce. Les rideaux se retrouvent également fermés sans attendre.
Ton intimité et sécurité assurées un minimum, tu pousse la porte de la petite salle de bain attelant à la chambre. Ta veste en cuir atterrit dans le bac de la douche. La douleur se fait lancinante et tu te mords la lèvre en enlevant ton débardeur en lambeaux dont le tissu imbibé de sang colle à ta peau. Il est difficile pour toi d'observer ton dos mais l'explosion de la vitre dans l'accident de train a entamé ta chair sur plusieurs endroits. Des morceaux de verres sont toujours fichés dans ta peau, les plaies sales du sable de l'endroit où a eu lieu l'accident. Voilà qui laissera des traces bien assorties à celles que tu sembles collectionner depuis ton entrée à la Confrérie. La cicatrice sur ton bras dut à l'explosion du BlackBird, celle sur ta clavicule encore rougie et due à une balle tout comme celle sur sa cuisse, les marques des griffes du symbiote de Kate... Mais toutes les blessures ne valent pas la cicatrice sur ta nuque. Symbole de ta monstruosité, entrave à ta liberté. Ton impuissance, ta douleur, et les émotions de tout un mois de fuite depuis New York, cela commence à faire beaucoup pour toi, et tu laisses finalement couler les larmes sur tes joues sales, passant une main dans tes cheveux emmêlés pour venir enfoncer tes ongles dans ta nuque. Saleté de puce.
Et tu es seule.
Tu t'habitues à la fuite, si on peut dire. Tu ne restes jamais plus d'une semaine au même endroit, constamment en mouvement. Au début, c'est sur le compte de la fatigue résultant de ces déménagements que tu mettais tes migraines récurrentes. Tu dors peu, et pendant les rares heures de sommeil, tu fais des rêves étranges. Comme des souvenirs qui ne t'appartiennent pas. C'est insupportable, déjà que ta vie est mouvementée, tu n'as vraiment pas besoin de devenir folle.
Mais ce n'est pas de la folie, Marian, ou en tout cas pas encore. Au bout de quelques temps, tu te rends compte que les rêves, et plus fréquemment, cauchemars, que tu fais chaque nuit sont en réalité des souvenirs bien réels, bien que ne t'appartenant pas. Jusqu'à ce jour, lorsque tu utilisait ta réminiscence sur un sujet, tu devait passer par l'émotion que tu voulais faire ressentir afin d'en faire resurgir un souvenir lié directement. Tu n'avais pas conscience des souvenirs que les gens revivaient ainsi, et pouvait seulement connaître ceux des gens qui sont proches de toi et qui ont le souvenir en commun avec les tiens : comme c'était le cas avec ta mère. Or pendant toutes ces années d'usage de ton pouvoir, et sans s'en douter une seconde, tu enregistrais les souvenirs que tu faisais revivre aux gens : ces souvenirs se stockaient en deçà de ta conscience et de ta propre mémoire. Tu ne remarquais rien, mais est arrivé le moment où ta mémoire vacille. A l'image de ta vie tout entière.
La progression est fulgurante, est en moins d'un mois les souvenirs d'autrui en ta mémoire n'attendent pas que tu dormes pour s'imposer à toi. Cela arrive en pleine journée, à n'importe quel moment, dans n'importe quelle situation, et quand c'est le cas, tu ressens une vive douleur vriller ton cerveau et coupant ta respiration. Tu en viens à devoir établir un refuge dans la maison de ton enfance, abandonnée, en périphérie de Chigaco. Chambre d'enfance poussiéreuse. Les souvenirs qui font surface sont de plus en plus nombreux et tu commences à avoir des pertes de la mémoire instantanée jusqu'à ce qu'à la fin de l'automne dernier, une amnésie totale finit par te toucher après une nuit difficile. Les souvenirs des autres ayant totalement pris la place des tiens. Tu ne te souvient pas de ton identité, encore moins de ta condition de mutante.
Tu erres dans les rues, revenant pourtant toujours à cette ancienne maison comme un animal errant, abandonné, mais qui s'accroche à un point précis. Un pilier. Avec les multiples souvenirs qui sont dans ton esprit, tu es convaincue d'être des personnes différentes suivant le souvenir le plus "récent" qui t'es aléatoirement imposé. Un des flics qui a tenté de t'arrêter au Registration Act, ta propre mère, tes amis... Le seul point commun que remarque entre ses souvenirs c'est la vision d'une jeune femme brune au visage sans traits. Ces troubles de personnalités se font de plus en plus violents, profonds, et te laissent épuiser sur la moquette d'un violet délavé.
Un soir que le whisky semble plus présent dans tes veines que le carmin velouté, tu réussis à voir le visage de la femme brune commune aux souvenirs, il ressemble au tiens comme deux gouttes d'eau mais tu ne parviens pas à t'y identifier, se mettant en tête de traquer cette femme que tu penses être ton bourreau. Celle qui te torture et se joue de toi : la folie s’immisce en toi jusqu'à la paranoïa. En parallèle, lorsque tu croises ton reflet dans un miroir ou autre surface réfléchissante, tu ne te vois pas de
face mais de
dos.
Il te faudra un mois supplémentaire de folie, de solitude et de violences envers toi même pour que tu comprends enfin que la femme que tu vois et que tu traques n'est autre que toi-même. Pourtant, tu continues de percevoir cette personne comme une menace, sans vraiment réussir à t'y assimiler au final. Ce n'est pas toi, et qui es-tu ? Cette confusion ne cesse d'aggraver ta folie et, sans comprendre réellement les conséquences que vont avoir tes actes, tu te mets en tête de tuer l'ennemie pour en être débarrasser.
Ce que tu penses un combat à mort dans la salle de bain délavée du motel où tu es depuis peu, sans même te souvenir avoir quitté la maison de ton enfance, n'est qu'une tentative de suicide pour l'homme qui te trouves. Les avant bras déchiqueté, chairs en lambeaux et odeur ferreuse de sang dans la pièce.
Tu te réveilleras une semaine plus tard à l'hôpital de Chicago. Les lumières te font mal aux yeux, mais sont étrangement familières. C'est dans cet établissement que tu as été après avoir torturé ta mère, c'est ici, que le Professeur Xavier est venu te chercher. D'un coup, c'est comme si toute ta vie défilait devant tes yeux. Mais qu'importe, parce que tu t'en souviens. Tu te souviens de tout. Tu te souviens de toi. Tu te souviens que tu es également recherchée par la police pour enlèvement et agression, alors tu profites de la moindre opportunité pour quitter l'hôpital avant que les infirmières ne découvrent ton identité. Mais qu'importe. Tu es redevenue toi même, même si tu restes dans un état un peu vaseux. Tu comprends que ta mutation et ton pouvoir ont changé, à cause de l'utilisation exagérée que tu en as fait en un laps de temps réduit.
Ryder, voilà quel est ton nom désormais. Bien que le Registration Act soit tombé, que ta puce soit désactivée et que tu en aies profité pour l'arracher avec les ongles... Tu n'en restes pas moins recherchée, on n'enlève pas le vice-président du Parti Collectif sans conséquences. Alors il vaut mieux prendre des précautions, puisque tu es de retour à New York. Pour vivre sans avoir à voler qui que ce soit, tu publies anonymement des histoires dans divers journaux et magazines, tout en bossant quelques week-end dans des fast-food ou des bars. Rien de stable, mais c'est pour le moment plus sûr ainsi. A ce jour, tu n'as encore annoncé ton retour à personne, ni tes Confrères, ni tes amis, encore moins aux X-Men que tu as trahis. Peut-être que tu culpabilises trop, peut-être que tu as trop honte de la peau de tes avant-bras gonflée de cicatrices odieuses. Comment leur expliquer alors que, finalement, tout semble un peu se calmer dans les environs ?
Mais la solitude, ce n'est pas pour toi. Elle ne l'a jamais été, alors tu sens venir le jour où tu devras revenir toquer à la porte, et leur offrir à nouveau ton sourire comme si de rien n'était.
Mais tu as bien changée, Marian, même si tu te plait à penser que tu es toujours la même. Tu es plus forte, plus déterminée. Plus dure, peut-être aussi. Et maintenant, tu as cette mémoire exceptionnelle, sans limite, que tu comptes bien utiliser à bon escient au seins de la Confrérie.