Un jour comme les autres, ou du moins pratiquement. Le soleil est déjà bien haut dans le ciel, la journée bien entamée, et je suis toujours étalée telle une vieille baleine échouée sur mon lit. La soirée avait été chargée, une des danseuses habituelles était absente, j’ai dû donc assurer ses numéros. Enchaîner les chorégraphies, les changements de costumes à un rythme effréné, je commence à perdre l’habitude. L’âge ? Ou bien l’hiver qui s’installe et ramolli les organismes, je ne sais pas. Quoi qu’il en soit j’ai juste envie de passer la journée enroulée dans ma jolie couette bien confortable, et de n’en sortir que pour les besoins naturelles. Le visage enfoui dans mon oreiller, je tente de faire abstraction de ces fichus rayons. Je sombre de nouveau dans un sommeil, un demi sommeil, puisque j’entends les voisins se disputer encore à propos du déjeuner. Morphée m’attire dans ses bras, mais je m’en échappe aussitôt en sentant les murs se mettre soudainement à trembler, et ce bruit sourd bourdonner dans mes oreilles. Un juron s'échappe d'entre mes lèves. Encore de nouveaux propriétaires qui ont décidé de pourrir mon unique moment de détente à faisant des travaux. Le poing serré et d'un geste vif je tape dans le mur au dessus de moi. Je quitte donc mon lit douillet pour essayer de rattraper ce début de journée pourri avec un bon café bien corsé pour se remettre les idées en place. Je mets la cafetière en route, et décide de mettre un peu de musique en fond pour atténuer ce bruit de perceuse qui me prend la tête. Doucement je pose mon smartphone d'une certaine marque avec une jolie pomme croquée en logo sur son enceinte, et la musique remplit peu à peu la pièce. Mon humeur s'apaise, je m'installe sur un de mes hauts tabourets, tasse à la main, et buvant tranquillement mon café sur un fond de musique bien rock. Un peu brutal pour un réveil ? Peut être pour la normale, mais pour moi c'est ce qu'il me faut pour me mettre d'aplomb.
Une fois l'appartement nettoyé et rangé, la vaisselle faite, je consulte mon emploi du temps, toujours sur mon smartphone, et constate que j'ai un rendez-vous relativement important dans une heure. Zut. Je cours donc me préparer en quatrième vitesse, douche, maquillage et légèrement coiffure, avant de m'habiller pour ensuite partir en ville, direction l'esthéticienne ! Pour la gente féminine c'est important d'avoir une peau lisse sans aucun poils pour venir gâché le tableau. Sur le chemin, je sens mon téléphone vibrer, je le sors et constate avec une légère surprise le nom de Katjleen s'afficher. J'hésite quelques instants avant de décrocher finalement. Un rencard pour ce soir, ça aurait pu mal tomber, mais par chance c'est mon jour de repos. J'accepte donc la proposition sans broncher et raccroche. Je ne sais pas si j'ai bien fait, Kat' et moi c'est un peu de l'histoire ancienne non ? Notre situation est un peu compliquée, après avoir été en couple, nous voilà dorénavant «sexfriends». Transition un peu brutale à mon goût, surtout que généralement, je n'apprécie pas ce genre de personne, qui s'attache à quelqu'un juste pour le sexe. Mais c'est ce qu'on fait, non ? Enfin je pense que c'est bien plus complexe que ça, mais je commence à avoir de plus en plus de mal à supporter tout ça. J'arrive devant le salon d'esthétique non loin de là où j'habite, j'entre doucement pour m'avancer vers l’accueil, vide. Je patiente quelques minutes avant qu'une jeune fille à peine sortie du lycée vienne s'occuper de moi, et m'installe dans une salle spécifique. Je retire mes vêtements, enfile la serviette spéciale puis laisse la professionnelle faire son travail.
L'heure du rendez-vous approche, pour dire la vérité, dans dix minutes, et je suis toujours chez moi. Un soupire s'échappe d'entre mes lèvres lorsque je ne trouve pas mes clés de maison. Finalement ces dernières étaient déjà dans mon sac. Sans perdre une seconde je cours en bas de mon immeuble interpeler un taxi, prendre les transports me feraient perdre trop de temps, et je n'aime pas être en retard. Je monte dans le véhicule jaune, indique l'adresse, et profite du silence du chauffeur pour observer sagement le paysage urbain défiler. Je plonge de nouveau dans mes pensées, et si cette vie ne me convient plus ? Que dois-je faire ? Je me sens bien seule dans mon grand appartement... je songe sérieusement à me prendre un animal de compagnie pour éviter les longues soirées de célibataire. Le chauffeur me tire de mes songes en annonçant le montant que je lui dois. Je fouille dans mon sac à main et lui tend un billet, en indiquant sourire aux lèvres qu'il peut garder la monnaie. Pour deux dollars je ne fais pas de chichi. Je me recoiffe rapidement, puis m'avance vers sa porte. Etrangement les battements de mon cœur sont plus rapides, saccadés, et j'ai bien envie de prendre mes jambes à mon cou, juste pour ce soir. Je respire profondément puis me décide finalement à sonner, affichant mon éternel sourire en coin habituel.