Infirmerie de l'Institut Xavier. Marian est allongée sur une table d'opérations, électrodes sur la poitrine, capteurs sur les tempes. Les mains du professeur Charles Xavier entourent le haut de son crâne. Cela fait plus d'une heure que cela dure. Infiltrer le cerveau de quelqu'un est toujours très délicat, surtout quand on touche aux souvenirs.
Au bout d'encore quelques minutes, Marian est autorisée à reprendre connaissance. Ses paupières papillonnent, laissant à nouveau filtrer la lumière des néons blancs qui agressent ses yeux. Ses doigts viennent décrocher les patchs sur sa peau, et elle se relève à peine que déjà, l'octogénaire lui indique de l'attendre ici.
Marian descend de la table d'opérations, et enfile ses chaussures posées en dessous une heure auparavant. Elle se frotte les tempes, se pince l'arrête du nez. La sensation après que quelqu'un se soit introduit dans votre cerveau n'est pas des plus agréable, et elle la ressent un peu trop souvent à son goût ces derniers temps.
Au bout d'une dizaine de minutes, les portes de l'infirmerie s'ouvre à nouveau. Le professeur Xavier est de retour. Elle sait qu'il l'as trouvé.
« Tu es sûre de vouloir t'y rendre seule ? » demande le mutant de son éternel voix douce et empathique.
« Certaine. »Il n'y a pas besoin d'autre chose. Marian récupère l'adresse nécessaire à sa mission, et quitte les sous-sols de l'Institut.
•••
La Mini Cooper file sur l'asphalte. Marian, vêtue sommairement d'un jean et d'un pull en grosses mailles de laine d'un vieux rose pale, fixe la route d'un air songeur et déterminé. Un coup d'oeil au GPS de son téléphone lui indique qu'il ne lui reste plus que dix minutes avant d'atteindre New York. Le temps lui semble une éternité.
Les deux semaines qu'elle vient de vivre lui ont semblé durer des siècles. Depuis cet événement à Central Park, elle n'arrive pas à penser à autre chose. Il lui a pourtant fallu quelques jours pour convaincre Charles Xavier de l'aider avec sa mémoire bancale, et une fois le pouvoir utilisé sur Marian identifié, de se servir du Cerebro pour retrouver le mutant en question. L'inconnu de Central Park.
Sauf qu'entre temps, la vie de Marian a été un peu trop chamboulée pour qu'elle ne prenne le temps de se rendre à l'adresse notée sur un papier au fond de sa poche. 10 West End Avenue. Une recherche sur internet lui a rapidement appris que l'immeuble en question abrite un cabinet médical. Étrangement, cela ne l'étonne guère. Il a bien une tête de médecin. Une fois donc son emploi du temps un peu plus calme, la mutante prit rendez-vous dans le fameux cabinet. Vendredi. Dix-sept heures cinquante. Parfait. Vu les horaires des généralistes à New York, Marian ne doute pas d'être la dernière patiente de la semaine.
C'est un peu en avance qu'elle se gare sur la parking réservé à la clientèle du cabinet.
Marian sort du véhicule, et enroule son immense écharpe blanche autour de son cou. L'immeuble est impressionnant. Un miroir sur lequel se reflètent les nuages grisonnant et les piétons pressés. L'orage gronde même s'il ne pleut pas encore. Cette journée prend une tournure inquiétante. La jeune mutante sert ses bras autour d'elle. Elle ne sait pas du tout comment vont se dérouler les prochaines minutes, et cela l'angoisse un peu. Néanmoins, elle est toujours aussi en colère, voir même plus qu'elle ne pouvait l'être deux semaines auparavant, et elle entre dans l'immeuble d'un pas ferme. L'étage du cabinet est indiqué sur une plaque dans le hall principal.
L'ascenseur la mène à destination dans un bruit discret, et quand les portes s'ouvrent, Marian ne peut retenir une petite exclamation, impressionnée. L'endroit est plutôt classe, bien que laissant transparaître une certaine froideur. On peut difficile s'y sentir à l'aise.
« Bonsoir, j'ai pris rendez-vous, » s'annonce la mutante à l'accueil,
« Carson, Marian. »Le secrétaire jette un coup d'oeil à l'agenda, confirme les propos de la jeune femme, et l'invite à s'installer en salle d'attente en lui disant que le docteur la recevra d'ici quelques instants. Grâce à l'heure tardive, elle est la dernière client et, Dieu merci, la salle d'attente est vide. Elle n'aurait pas supporté des vieux croûtons ou des gamins qui braillent.
L'attente est de courte durée. A peine cinq minutes et déjà, le secrétaire vient lui annoncer qu'elle peut entrer dans le cabinet. Il est temps pour elle de revêtir son plus beau sourire, et son armure.
Un coup léger contre la porte, et Marian l'ouvre pour pénétrer dans la pièce. Il est là. Il lui tourne le dos, surplombant la ville depuis sa fenêtre. Il doit avoir un sacré complexe d'impuissance. Il ne prend même pas la peine de se tourner.
La mutante sourit. Elle réduit la distance en se dirigeant vers le bureau et, au lieu de s’asseoir sur les sièges réservés aux patients, ce qu'elle n'est clairement pas, elle contourne le meuble et se laisse tomber dans le fauteuil du médecin. Confortable au possible.
« Bonsoir, Docteur Fawkes. » Son sourire s'élargit. Elle est plutôt contente de son effet de surprise. Il ne devait clairement pas s'attendre à la revoir.
« Quoi que je peux t’appeler Samuel, non ? Je pense qu'après avoir essayé de me contrôler mentalement pour éviter d'assumer tes conneries en public, on est assez proche pour utiliser nos prénoms, tu ne crois pas ? »