You left in peace, left me in pieces (Eion)

Eion & Cassydie

▴ You left in peace, left me in pieces ▴

Cassydie laissa sa main retomber le long de sa cuisse et reprit son souffle. La pièce, mal éclairée, située au sous-sol d'un immeuble quelconque, semblait assez insonorisée pour que personne n'ait entendu les bruits de lutte qui venaient de se produire. Elle jeta un coup d’œil à l'homme étendu au sol pour s'assurer qu'il était bien inconscient. L'agent du SHIELD n'avait même pas eu besoin de recourir à la lame glissée dans sa botte gauche, ni même au pistolet sagement glissé dans son dos, à l'abri des regards, recouvert par son épais blouson. L'homme était seule et pas franchement en état de se battre. Avec une grimace de dégoût, elle renifla le verre qui était posé devant lui quand elle était entrée. Il ne se contentait pas de boire un alcool fort mais en mélangeait plusieurs. La jeune femme reposa le verre et se concentra sur l'objet de sa venue ici. Elle trouva rapidement l'ordinateur, se connecta, copia ce qu'il lui fallait sur une clef USB puis s'éclipsa du sous-sol aussi discrètement qu'elle y était entrée.

Les rues de New-York étaient balayées par un vent glacial. Cassydie glissa la clef dans une doublure cousue à l'intérieur de la manche de son blouson et releva la capuche pour protéger son visage des regards indiscrets et du froid mordant de l'hiver, puis enfonça les mains dans ses poches. Les allées étaient pleines de monde, pour changer, mais la jeune femme s'y glissa aussi aisément que si elle avait été seule. Il fallait qu'elle retourne au Quartier Général aussi vite que possible, même si sa mission n'était pas d'ordre prioritaire et qu'elle pouvait bien y aller en marchant tranquillement. La brune adorait la neige et elle aurait adoré qu'il se mette à neiger.

Comme si sa prière avait été entendue, de gros flocons commencèrent à tomber sur la ville. Cassydie sentit un petit sourire étirer ses lèvres. Un enfant qui se trouvait près d'elle poussa un cri de joie. Elle aimait vraiment ce don qu'avait la neige de renvoyer tout le monde à son enfance. Sauf les éternels et irréductibles grincheux. Mais le monde n'était pas parfait. Au coin d'une rue, elle fit un mouvement d'épaule pour éviter quelqu'un et ne pas lui rentrer dedans.

Puis elle s'arrêta net. La Moore avait à peine posé ses yeux sur le visage de cet homme, sans plus d'intérêt que cela mais... Ça ne pouvait pas être Lui, où alors le destin avait décidé de follement s'amuser avec elle. Ses pieds se mirent à marcher de leur propre chef, rebroussant chemin pour suivre l'homme qui avait disparu au coin de la rue. Cassydie fouilla la foule du regard, son cœur battant la chamade, priant pour qu'il ne soit pas déjà trop loin pour qu'elle le repère. Elle ressentait une angoisse qu'elle n'avait pas éprouvée depuis longtemps. Au lieu de s'apaiser, son cœur fit une embardée et son angoisse monta d'un cran quand elle repéra la silhouette recherchée. Elle fendit la foule, bousculant parfois quelqu'un qui se retournait pour grommeler un juron, mais elle s'en fichait pas mal. Arrivée à une dizaine mètres de lui, elle s'arrêta et repris un rythme plus calme, comme si elle se promenait simplement, tandis que la neige tombait de plus en plus.

Son sang qui pulsait dans ses temps résonnait dans ses oreilles, étouffant les bruits alentours. Elle ne voyait que le dos de cette silhouette qui n'était peut-être même pas celle quelle croyait. Après tout, elle n'avait pas vraiment eu le temps de voir son visage, ça n'avait été qu'un rapide coup d’œil en passant. Cassydie ne savait même pas ce qu'elle espérait. Qu'il s'agisse réellement de lui ou que ce ne soit qu'une gênante méprise ?

Il était parti depuis dix ans. Ce tournant dans sa vie, cette immense blessure pas cicatrisée le moins du monde, avait eu lieu il y a dix ans. Une éternité et pourtant ça n'était rien du tout. Elle ne l'avait pas revu une seule fois, n'avait même pas entendu parler de lui. Il aurait aussi bien pu n'avoir jamais existé. La Moore ne rentrait que rarement voir ses parents et n'était jamais retourné frapper à la porte de ses voisins pour savoir s'ils avaient eu des nouvelles d'Eion. Même s'ils en avaient, elle, elle n'en avait aucune, et c'était une raison suffisante pour ne pas en demander. Il ne voulait pas lui en donner, il ne voulait simplement pas d'elle et il lui avait bien prouvé en partant sans un mot. Alors pourquoi est-ce qu'elle suivait une personne qu'elle pensait être lui ? Pourquoi est-ce qu'elle ressentait une angoisse comme elle n'en avait jamais ressenti lors d'une filature. Le SHIELD lui avait appris à être maîtresse de ses émotions et un simple doute, une simple possibilité le concernant lui faisait perdre tous ses moyens.

Plongée dans ses pensées, elle l'avait lâché des yeux une seconde, suffisante pour qu'il disparaisse. L'angoisse augmenta et les pulsions de son cœur montèrent en flèche. Quelle idiote ! Elle n'était même plus capable de filer quelqu'un correctement ? La jeune femme s'injuriait déjà de tous les noms, consciente qu'elle venait peut-être de passer sa seule de chance de le voir – alors même qu'il ne s'agissait peut-être pas de lui & alors qu'elle n'était même pas certaine de vouloir le voir. Avec toute la colère accumulée en dix ans, il était plus probable qu'elle ait envie de se battre et peut-être de parler ensuite. L'idée qu'il pourrait vraiment s'agir de lui réveilla cette rancœur si familière qui en profita pour saler copieusement sa vieille blessure, compagne de ses jours et de ses nuits depuis une décennie.

C'est alors qu'elle repéra, à une vingtaine de mètres, un trou entre deux immeubles qui indiquait une ruelle. Cassydie s'approcha mais hésita à y entrer.  Ses pensées tourbillonnaient, si elle avait tenu ses mains devant ses yeux, elle les aurait sûrement vues trembler. Encore une fois, son esprit lui souffla qu'il ne s'agissait peut-être pas d'Eion et que le pauvre bougre ne comprendrait pas pourquoi une folle le suivait, il prendrait peut-être peur. Se n'était pas l'idée de devoir se battre qui l'effrayait mais la simple idée de sentir une amère déception l'envahir. En même temps, elle n'était pas prête, absolument pas prête à le voir, si c'était vraiment lui.

Pourtant, elle entra quand même dans la ruelle, tirant un peu plus la capuche sur son visage.

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Eion & Cassydie

▴ You left in peace, left me in pieces ▴

Le temps était nuageux à New-York. Rien d'étonnant à cela lorsque l'on considérait que l'on était à peine au début février. Eion aimait ce genre d'atmosphère lourde, qui annonçait la neige, le froid, les flocons qui ne tarderaient pas à se déposer sur tous les habitants assez courageux pour oser mettre le nez dehors. Il voyait les gens se presser dans la rue, rentrant chez eux ou bien se rendant à un lieu ou à un autre. Les new-yorkais ne prenaient jamais le temps d'observer, c'était un fait, ils avançaient comme si leur vie en dépendait, et le blond faisait partie de ce genre là. Il ne se souvenait jamais des personnes qu'il avait pu croiser tout simplement parce qu'il ne les regardait pas, se contentant de suivre son propre chemin. Ceux qui laissaient une marque dans son esprit étaient bien souvent ceux qui revenaient souvent dans son environnement, les autres se contentant d'une marque éphémère qui disparaissait avec le temps. Pour la plupart. Il préférait de loin, lorsqu'il était seul, se plonger dans ses pensées quitte à s'y perdre. Eion n'était pas un nostalgique, il ne ressassait pas sans cesse les mêmes choses , les mêmes souvenirs, ne regrettait pas ce qu'il était, préférant de loin tirer un trait sur ce qu'il avait été.  

Non, les pensées qui le taraudaient avaient toujours un rapport avec ce qu'il se passait actuellement dans sa vie, s'il commençait à penser à sa sœur et à tout ce qu'il avait laissé de côté dix ans plus tôt, il savait qu'il s'y perdrait, et les remords … Disons que ça n'avait jamais été un élément capital de son organisme. Le plus lointain souvenir qu'il s'accordait était son entrée dans la Confrérie. Aussi étrange que cela puisse paraître, c'était sans doute le plus heureux également. Trouver un but à sa vie avait été comme qui dirait sa première préoccupation depuis son départ de la maison familiale. Et il avait comme qui dirait de quoi penser, avec la loi désormais en vigueur à New-York, son désir de vengeance avait augmenté plus qu'il n'aurait pu l'imaginer.  

Il revenait d'ailleurs d'un entraînement au tir, n'ayant plus de missions pour le moment. Il pouvait donc s'entraîner tant qu'il le voulait, même si ses résultats montraient qu'il n'en avait pas vraiment besoin. Il n'aimait pas spécialement se contenter de son pouvoir même s'il lui permettait de mettre à mal beaucoup de ses opposants. Et en arrivant dans le monde des mutants, il avait compris que parfois ça ne suffisait pas. L'activité lui permettait, outre mesure, de canaliser la rage qu'il ressentait et qui ne l'avait pas quitté depuis des années. Il y avait passé deux heures et étrangement, il se sentait pour le mdepuis son intégration, mais ce n'était pas non plus devenu son activité favorite.  

Il se rendait pourtant compte qu'il trépignait de plus en plus, lorsque rien ne se profilait à l'horizon. Le fait même de devoir aller travailler, bien que nécessaire, le mettait en attente perpétuelle. Il avait choisi ce travail principalement car il aimait la musique. Seul bémol, les relations clients n'étaient pas du tout, mais alors pas du tout sa tasse de thé, et il s'était fait reprendre plusieurs fois pour ne pas montrer assez d'enthousiasme à la tâche. Et comme ce boulot lui était nécessaire, il ne disait rien et acquiesçait. Eion avait d'ailleurs deux heures à tuer avant de se rendre à la petite boutique du centre ville, et il se dit que cela serait de moindre mal s'il allait boire un coup avant, quand bien même l'action était fortement déconseillée.  

Le mutant manqua d'entrer en collision avec une femme alors qu'il allumait sa cigarette, mais il continua sa route sans même la regarder. Elle s'en remettrait sûrement sans qu'il ait besoin de s'excuser vainement pour lui avoir " presque " barré la route. Aussi, il continua à marcher. La neige avait commencé à recouvrir les alentours, et Eion prit quelques secondes pour l'observer tomber. Il était fou comme ce genre de choses pouvaient facilement rappeler l'enfance, la luge dans Central Park quand on était encore gamin, les anges dessinés sur le sol, qui ressemblaient parfois à tout sauf à des anges, les bols de chocolat chaud devant la télévision... Comme beaucoup d'autres avant lui, il eut la brève pensée que les choses étaient bien plus simple à cette époque. Lorsque l'on ne savait rien.  

Quelque chose, cependant, le sortit de ses réflexions. Il avait l'habitude d'être toujours sur ses gardes, peu importe ce qu'il faisait. Le fait qu'il ne l'ait pas été lorsque ce client l'avait attaqué dans sa boutique lui avait bien évidemment servi de leçon et il aurait été bien stupide de réitérer l'action. Et qu'il soit paranoïaque ou pas, il sentait un regard posé sur sa nuque. Ce moment où on sent ses poils se hérisser, l'effet que procure un regard bien trop insistant sans que l'on ne s'en rende compte. Continuant à avancer, cependant un peu plus raide, il accéléra le pas. Pendant quelques secondes, il crut qu'il avait semé peu importe qui le suivait. Mais ce ne fut pas le cas. Son esprit calculateur se mit en marche, essayant sans même le voir d'estimer qui pouvait bien le poursuivre. Il n'avait heurté aucun humain à sa connaissance, du moins aucun qui pouvait encore parler, bouger ou ressentir une quelconque haine. Un mutant? Oui mais pourquoi? Le panel était, pour le coup, un peu plus large, et n'annonçait rien de bon. Mais il ne pouvait décemment pas continuer ainsi et n'avait aucune envie de mener quelqu'un qui n'avait sûrement pas d'intentions pacifiques dans un endroit qu'il fréquentait régulièrement, aussi, à la première rue adjacente qu'il vit, il s'y engouffra. La rue était déserte, c'était déjà un bon point.  

Eion se plaqua contre le mur, le couteau qu'il gardait dans sa manche coulissant pour se retrouver au creux de sa paume. Il n'était pas vraiment d'humeur à supporter une filature, bien que pour être honnête, il n'était jamais d'humeur à quoique ce soit. Il sentit quelqu'un s'avancer dans l'allée, et sans prévenir plaqua la jeune femme contre le mur, son couteau sur la gorge. " Qu'est-ce que tu me..." veux. Mais avant d'avoir pu finir sa phrase, son regard s'était posé sur le visage de celle qui l'avait suivi. Cassydie. L'étonnement lui fit lâcher la pression qu'il maintenait sur sa gorge, et il recula, comme pour se convaincre que ce n'était pas réel. Son esprit divaguait, il ne pouvait pas croire que c'était bien elle en face de lui. C'était forcément quelqu'un d'autre. Désormais persuadé d'avoir à faire à un mutant, il pointa de nouveau son couteau sur elle. " Ne bouge pas ou tu risques très vite de le regretter." La vue du visage de Cassydie le troublait, mais s'il avait un polymorphe en face de lui, c'était sans aucun doute l'effet recherché. " Qui es-tu et pourquoi est-ce que tu me suis?"

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Eion & Cassydie

▴ You left in peace, left me in pieces ▴

Cassydie pénétra dans la ruelle. À peine éclairée, quelques rares fenêtres qui donnaient dessus, de grosses poubelles poussées contre les murs en briques, elle était le stéréotype même des petites rues New-Yorkaises qui partaient perpendiculairement de chaque côté des grandes artères. C'était également un cul-de-sac, comprit-elle à peine engagée dans l'allée. Personne n'avait de raison de venir ici, à part si on voulait l'éloigner de la rue principale pour s'occuper tranquillement de son cas, à l'abri des regards. Finalement, elle s'était sûrement trompée. Loin de suivre Eion, elle s'était lancée à la poursuite d'un membre d'un gang qui n'avait aucune intention de se laisser faire.

La Moore était entrain de porter sa main au bas de son, prête à soulever sa veste pour y attraper son arme. Elle n'eut pas le temps de faire le moindre geste de plus car l'homme venait de surgir et de la plaquer contre le mur. Elle sentit la crosse de son pistolet s'enfoncer douloureusement dans le bas de ses reins et elle réprima une grimace de douleur. La froide lame d'un couteau vint se poser contre sa gorge. La brune se maudit de ne garder qu'une seule lame dans ses chaussures. Pratique quand on était attaché ou à terre, mais moins quand quelqu'un vous retenait plaquée contre un mur.

" Qu'est-ce que tu me... " Cette voix. Cassydie releva vivement la tête, ignorant la lame acérée qui lui piqua quelque peu la gorge. Elle ne s'était pas trompée. Elle n'avait eu besoin que d'une seconde, d'un aperçu furtif de son visage pour le reconnaître. C'était bien lui, en chair et en os, un couteau plaqué contre sa gorge, mais il s'agissait bien de lui. Le visage de la jeune femme avait eu l'effet d'un coup de poing chez Eion qui relâcha la pression et recula, comme s'il était sonné. Loin d'être en reste, la jeune femme se sentait chancelante. Elle appuya une main contre le mur pour se soutenir, la tête qui tournait. Elle se sentait même nauséeuse.

Comment une simple rencontre pouvait-elle la mettre dans un état pareil ? Elle avait les jambes qui tenait à peine droite et avait l'impression que tout le sang avait quitté le haut de son corps. Dix ans. Cela faisait dix ans qu'elle n'avait pas vu Eion, qu'elle n'avait eu aucune nouvelle de lui. Et au bout de dix ans durant lesquels il aurait aussi bien pu être mort, car elle n'en aurait rien sut, elle le retrouvait. Cassydie était incapable de décrire les sentiments qui l'agitaient. Une angoisse grandissante, de la panique, même. La colère et la rancœur qui commençaient à sortir du trou où elle les repoussait chaque jour. Un peu de soulagement car il avait l'air d'aller bien. Et une grande douleur qui la faisait presque suffoquer.

L'agente du SHIELD avait vécu ce maelström d'émotions en quelques secondes, tout se mélangeait dans sa tête, l'assommant et lui coupant ses réflexes, ses capacités de réaction. Elle n'eut pas le temps de retrouver une certaine contenance qu'elle sentait à nouveau la pointe d'un couteau contre sa gorge. " Ne bouge pas ou tu risques très vite de le regretter. " Cassydie releva deux yeux écarquillés d'une douloureuse surprise. Une nouvelle fois, ses pensées tournaient dans son esprit, ricochaient, incapables de se fixer et de lui donner un compte-rendu correct de la situation. Non, son cerveau n'arrivait pas à analyser, à comprendre pourquoi Eion lui parlait comme s'il ne la connaissait pas. La première pensée qui vint à l'esprit de la jeune femme fut qu'il avait perdu la mémoire. Cette pensée fut aussitôt suivie d'une bouffée d'espoir et, a-contrario, d'une bouffée de désespoir. De l'espoir car cela voulait peut-être dire qu'il ne l'avait pas reniée pendant dix ans, mais qu'il ne se souvenait plus de son passé. De désespoir car c'était comme si elle l'avait définitivement perdu, une deuxième fois. « Je... Eion. Pourquoi tu fais ça ? » L'inquiétude dans sa voix n'était pas feinte mais ne concernait nullement sa situation à elle, qui aurait pu paraître précaire aux yeux de n'importe qui d'autre. Non, cela, elle s'en fichait. Elle s'était redressée et sa main gauche restait à quelques centimètres de son pistolet. Dans une position peut naturelle, certes, mais Eion avait l'air suffisamment instable pour ne pas le remarquer. Ce qui l'inquiétait, c'était l'état d'Eion. Son regard noir, sans aucune once de pitié, et qui indiquait clairement qu'il ne voyait pas Cassydie devant lui mais une inconnue qui représentait un danger pour lui.

" Qui es-tu et pourquoi est-ce que tu me suis ? " La jeune femme en aurait pleuré. Elle se serait laissée tomber au sol et aurait pleurer toutes les larmes de son corps face à cette réaction si elle n'était pas aussi sonnée. Sentant que les larmes commençaient à monter, elle réussit à articuler quelques mots. « C'est moi. Cassydie. Et je ne te suis pas... Je voulais m'assurer qu'il s'agissait de toi. » Tout en parlant, elle n'avait pas cessé de rapprocher sa main de son pistolet. Son geste pouvait paraître équivoque mais elle espérait qu'il ne remarquerait rien. Si cette réaction était la preuve qu'il ne se souvenait pas d'elle, elle devait se préparer à se défendre car il n'hésiterait sûrement pas à s'attaquer à elle s'il la voyait comme un danger potentiel. Elle ne pouvait pas attraper discrètement son couteau mais se tenait prête à parer la lame du Fawkes avec son bras droit. Son blouson épais amortirait le contact. « Tu ne te souviens donc  pas de moi ? » fit-elle d'une voix basse, presque suppliante.

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Eion & Cassydie

▴ You left in peace, left me in pieces ▴

Eion avait tendance à réagir trop vite et trop violemment à tout ce qui lui arrivait. Il était bien conscient que c'était un défaut qui lui vaudrait quelques remords dans le futur, mais il était loin de celui qui aurait pu les ressentir, du moins à l'heure actuelle. S'il avait été l'adolescent qu'il était une dizaine d'années plus tôt, sans doute n'aurait-il pas réagi ainsi, sans doute aurait-il profité de la foule pour semer la personne qui le suivait sans chercher à en savoir plus, laisser tout le monde en paix sans pour autant tendre l'autre joue. Mais il avait maintenant ce besoin de confrontation, il avait besoin de prouver qu'il pouvait se défendre, ou peut-être seulement qu'il était conscient que c'était le cas et qu'il ne reculait plus devant l'adversité.

Peut-être le jeune homme y réfléchirait plus tard en se disant qu'il aurait dû faire appel à l'ancien lui, qu'avec ça, il se serait épargné bien des tourments, mais il ne lisait pas l'avenir, malheureusement ... Et quand bien même, ce devait être plus traumatisant qu'autre chose de savoir exactement ce qui allait arriver sans savoir comment l'éviter. Lorsqu'il vit la brune devant lui, il se rendit rapidement compte que tout ce qu'il avait espéré et redouté était en train de se produire. C'était sans doute pour cela qu'il préféra se convaincre que ce n'était pas en train d'arriver et qu'il était juste la victime d'un piège d'un autre mutant. Il avait connu des polymorphes qui pouvaient savoir exactement ce qui te mettrait mal à l'aise, à l'instar des épouvantards dans Harry Potter. Plus que de chercher à se demander pourquoi Cassydie était dans les environs, il préférait se dire qu'il avait à faire à l'un de ces spécimens. Bien plus simple que d'affronter la douleur qui surviendrait inévitablement lorsqu'il recroiserait son amie d'enfance, si cela arrivait un jour.

Pourtant, malgré la conviction qu'il n'avait pas devant lui Cassydie, le choc était bien là. C'était ce qu'il y avait de fort dans le fait de vouloir quelque chose sans être certain de pouvoir l'assumer. Lorsque cela arrivait, on se rendait compte que non, il n'y avait aucun moyen qu'il s'en sorte sans égratignure. Eion n'avait jamais été le genre de personnes à l'aise avec ses sentiments, ne faisaient jamais de déclaration émouvante à propos de n'importe quoi, n'exprimait pas ce qu'il ressentait même si ça devait mettre fin à ses relations. Il n'était tout simplement pas le genre. S'ils s'étaient retrouvés dans un film, il aurait probablement pu mettre ses principes à la trappe et ça aurait été beau, émouvant, il aurait changé pour elle et elle l'aurait supporté quoiqu'il fasse. Mais c'était ça le hic, il n'était pas dans un film et certainement pas le héros à l'apparence dure et au coeur tendre. Il était bien placé pour savoir, de toute manière, que quelque soit les sentiments qui l'encombrent, le coeur n'était qu'un organe trop facilement modifiable.

Alors il avait chassé les émotions qui ne faisaient que l'empoisonner, avait remis son masque, et s'était avancé de nouveau vers la jeune femme. Il essayait de ne pas penser aux " et si" qui lui revenait en tête. Et s'il se trompait? S'il ne voyait pas ce qui était pourtant clair? Mais rien de tout ça n'avait d'importance, il voulait juste savoir qui jouait avec son esprit et il comptait bien réussir à percer le mystère. Empli d'une nouvelle résolution qui était pour le moins chancelante, la pointe de son couteau se colla de nouveau dangereusement à la gorge de la jeune femme. Il tenta d'ignorer ce qui ressemblait plus à une supplication qu'à une question, n'y parvint qu'à moitié. Il ne voulait plus entendre cette voix, certainement pas tournée vers lui comme s'il était une sorte de monstre. C'était en partie pour cela qu'il était parti, d'ailleurs. " Tu me suis depuis dix minutes et tu te demandes pourquoi je te menace, sérieusement?" L'attaque puis la défense, les heures passées en entraînement finissaient par payer, et plutôt bien, s'il devait donner son avis.

Plus la jeune femme parlait, plus elle arrivait à mettre le doute dans ce qu'il pouvait bien penser. Si c'était vraiment elle, est-ce que ce ne serait pas fou de parler de mutation? Un monde dans lequel il ne voulait pas qu'elle se retrouve et lui en donner l'exemple? Il n'osait pas la toucher, ne savait pas dans cette situation comment son pouvoir réagirait. Mais petit à petit, il y avait l'ébranlement de ses croyances. Il le sentait et ne tarderait pas à abandonner les armes. Ou du moins à s'éloigner. Si elle avait été une polymorphe, elle aurait eu le temps de l'attaquer. Vu l'état dans lequel il se trouvait, bouleversé, sans doute aurait-il eu à peine le temps d'utiliser son pouvoir, dans le meilleur des cas. Alors pourquoi n'avait-elle pas amorcé un seul mouvement pour le démettre de son arme? Eion aurait pu lui trancher la gorge deux fois si le coeur lui en avait dit. " Cassydie?" Comme s'il se réveillait d'un cauchemar et qu'il avait complètement oublié auparavant à quoi elle ressemblait. Il se recula encore, cette fois pour de bon, pour s'appuyer sur le mur d'en face. Il ne voulait pas qu'elle avance, il avait besoin d'analyser la situation. C'était mauvais, très mauvais. Ouais, il aurait sans doute préféré qu'il s'agisse d'une polymorphe en fin de compte. " Je me souviens de toi. Je croyais que tu étais ... Quelqu'un d'autre." C'étaitl a meilleure défense qu'il puisse imaginer pour le moment, elle devrait se contenter de ça. Rangeant son couteau dans sa manche, il décida de lui tourner le dos pour se diriger vers l'avenue. " Ravi de t'avoir revue." Eion n'avait aucune envie de rester là, le souffle lui aurait presque manqué.

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Eion & Cassydie

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Il lui sembla qu'ils restaient l'un face à l'autre pendant une éternité, sans esquisser le moindre mouvement. Elle dans l'attente d'une réaction, d'un signe lui prouvant qu'il ne l'avait pas oubliée. Lui un couteau pointé sur sa gorge comme s'il avait face à lui une ennemie, l'écoutant sans réellement l'entendre. Pourtant elle voyait bien son assurance vaciller. Son visage si fermé quelques secondes auparavant commençait à perdre de sa fermeté. Que ferait-elle s'il persistait à la prendre pour une ennemie ? Elle n'en savait rien et ne se posait même pas la question. Le temps semblait s'être arrêté sur cette scène, quelqu'un avait appuyé sur le bouton pause, attendant le mot qui pourrait faire basculer les choses.

« Cassydie ? » Le destin venait de reposer son doigt sur le bouton play. La Moore se mit de nouveau à entendre les bruits de la ville, à sentir les odeurs du lieu où il se trouvait et elle se prit toutes ces informations aussi durement que si elle venait de se prendre un mur. Une sensation aussi intense provoqué par un simple mot, son prénom. Son bras retomba le long de ses cuisses pendant qu'Eion reculait d'un pas, puis de deux, jusqu'à s'appuyer contre le mur d'en face. C'était lui qui semblait sonné, maintenant. Cassydie mourrait d'envie de s'approcher de lui mais elle n'en fit rien, restant appuyée contre le mur qui était derrière elle de peur de ne pas réussir à tenir debout si elle n'avait aucun support.

Le temps s'étira à nouveau, une éternité passant pour la jeune femme qui attendait un nouveau signe du jeune homme. Un geste, un mot. Il n'avait pas prononcé son prénom comme un amnésique qui chercherait à savoir si ce prénom avait une quelconque saveur pour lui et n'en trouvant aucune, mais bel et bien comme si cela avait ouvert une porte vérouillée depuis bien trop longtemps et qu'un flot de souvenirs était entrain de l'emporter. Il se souvenait d'elle, c'était certain. Et c'était cette certitude qui faisait que le cœur de l'agente du SHIELD était entrain de cogner dans sa poitrine au point d'en être douloureux. Elle avait l'impression qu'on lui donnait coup de poing sur coup de poing à cet endroit précis tout en lui passant de la pommade entre chaque coup. La joie et la souffrance étaient à ce point entremêlé qu'ils allaient l'un avec l'autre. Une nouvelle, la situation était en équilibre, les pieds posés sur un mince filin, pouvant basculer au moindre mot, au moindre geste du Fawkes.

« Je me souviens de toi. Je croyais que tu étais... Quelqu'un d'autre. » Je me souviens de toi. Comme s'il s'adressait à une connaissance. Je me souviens de toi, nous étions au lycée ensemble. Ou a quelqu'un qu'il n'appréciait pas. Je me souviens de toi, tu celui qui a tué machin. Mais ce n'était pas je me souviens de toi comme s'il avait devant lui son amie d'enfance qui lui avait manqué pendant dix ans. Son amie d'enfance qu'il avait quittée sans aucune explication. Il ne semblait nullement ému de la revoir alors qu'elle même avait l'impression de nager à contre-courant et de se noyer. Les larmes lui montèrent de nouveau aux yeux, mais des larmes de rage, cette fois-ci. Quelqu'un d'autre ? Elle ne l'aurait jamais pris pour quelqu'un d'autre. On ne prenait pas une personne qui compte pour soit pour quelqu'un d'autre. Il ne l'avait pas oubliée. Non, bien pire. Elle ne comptait tout simplement plus pour lui.

« Ravi de t'avoir revue. » Cassydie releva vivement la tête. Eion avait rangé son couteau et s'apprêtait à quitter la ruelle. C'était tout ? Elle n'était donc plus que quelqu'un qu'on croise et qu'on laisse derrière soit sans regret pour lui, désormais ? Alors qu'elle était complètement paniquée à l'idée de se retrouver face à lui, alors qu'elle souffrait mais que le voir était comme si on lui injectait une drogue à laquelle elle était accro après de longs jours sans rien lui donner, alors qu'elle avait le sentiment qu'une vieille blessure pouvait peut-être se soigner en même temps qu'elle se ravivait, il se contentait de la planter là. Cassydie sentit que la colère montait, beaucoup trop vite pour qu'elle puisse la refrénner. Ça n'était pas bon pour son pouvoir, qui s'était toujours manifesté de manière importune dès qu'elle ressentait cette colère, cet amour mêlé de haine qui n'était due qu'à une seule personne. « Tu as raison, Eion. Fuis. Tu n'as jamais été doué que pour ça, de toute façon ! »

La Moore sentait que la rage allait la submerger. Voyant une fissure commencer à lézarder le mur contre lequel elle était adossée quelques secondes auparavant, avant qu'elle ne fasse quelques pas pour se placer dans le sillage du jeune homme, elle se força au calme. Heureusement qu'elle ne pouvait pas détruire les êtres vivants. Elle enferma la colère au fond d'elle, se promettant de la garder pour plus tard, quand elle irait s'entraîner et frapper de toutes ses forces les sacs de boxe, même si une cible plus vivante lui permettrait sûrement de mieux extérioriser, et ne conserva qu'une rage froide et lucide. « Quoi ? Tu as peur de me regarder en face, de voir toute ta lâcheté imprimée sur un seul visage ? » Les mots sortaient de ses lèvres, sans qu'elle ne puisse vraiment les retenir. Ils sortaient tout droit de son immense blessure, des mots qu'elle accumulait depuis dix ans. « Pourtant tu n'as pas l'air d'éprouver grand chose en me voyant, après dix ans. En me prenant pour quelqu'un d'autre. »

La haine était certes dominante mais la tristesse était juste en dessous. Cassydie se mordit pour les lèvres pour ne pas éclater en sanglots. Elle aurait bien taper du pied de frustration avant de fondre en larme mais s'en empêcha. Elle ne quittait pas le dos d'Eion des yeux, attendant de voir s'il allait définitivement quitter cette ruelle, ce dont elle n'était pas sûre de pouvoir se remettre, pas une nouvelle fois, ou s'il allait se retourner.

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