La renaissance du Phénix (Meredith Embrey & Jean Grey)

« Vous semblez fatiguée… J’imagine que vous ne prenez toujours pas les médicaments que je vous ai prescrits ? »

Le psychiatre était tranquillement installé sur son fauteuil alors que Meredith était debout face à la fenêtre, son regard posé sur la ville. Tout semblait calme vu d’en haut mais elle savait pertinemment que ce n’était pas le cas. Il y a les problèmes habituels bien sûr: les malfrats, la pègre, le mal et tout le reste. Puis il y avait tous les autres problèmes, ceux des mutants: Le recensement, le virus, la haine, la peur… Des problèmes qui, malheureusement, la concernaient tout autant. Elle était toujours arrivée à cacher son pouvoir au reste du monde mais pour combien de temps ? Il était hors de question qu’elle se fasse recenser, elle trouvait cela complètement idiot et dangereux pour les mutants. Pour elle, ce n’était qu’un moyen de les pointer du doigt, tendre le bâton pour se faire battre en somme. Une policière hors la loi, quel bel exemple ! Mais elle n’était plus réellement à ça près maintenant, il ne lui restait plus que son frère en ce bas monde et il serait sûrement bien plus heureux sans elle.

« Vous êtes perspicace, avez-vous déjà envisager une carrière dans la police ? Nous manquons cruellement de gens comme vous ces derniers temps… »

L’homme esquissa un sourire, habitué à ce genre de réaction de la part de la jeune femme. Les séances avec elle n’étaient jamais ‘comme les autres’. Merry n’était pourtant pas un cas isolé à proprement parlé : Les victimes de troubles de stress post traumatiques sont beaucoup moins rares qu’on ne le pense malheureusement… L’insomnie, les cauchemars, les crises d’angoisse, l’irritabilité, les excès de violence, l’asociabilité sont des signes normaux de PTSD mais elle, elle avait le sarcasme, cette nonchalance et cette fausse confiance en elle. D’après son dossier, il lui a fallut près d’un mois pour pouvoir reparler correctement… Un vrai traumatisme qui n’a finalement pas laissé de grandes traces pour un simple mortel. Pour l’humain lambda, elle est simplement froide et dure à cuire car elle ne montre aucun de ses symptômes en public. Une guerrière qui refuse d’en venir aux médicaments, qui pense ne pas avoir besoin d’aide mais qui sait qu’elle doit faire semblant d’aller bien pour rassurer les autres, son frère surtout.

« J’avoue que cela m’a toujours attiré mais j’aime trop dormir sur mes deux oreilles. »

Avoua-t-il tout en prenant des notes dans son petit calepin. Pour Merry, ce n’était qu’un ramassis d’idioties uniquement là pour justifier un salaire bien trop élevé… Mais elle fit mine de rien, fixant toujours la ville qui, comme elle, ne dormait jamais.

« Physiquement compliqué… » Murmura-t-elle. « Et vous y parvenez avec le nombre de tarés que vous voyez par jour ? Comment dormir quand vous faite semblant de soigner des psychopathes dangereux pour qu’on puisse tout simplement les relâcher ? »

Les criminels, l’injustice, c’était ça le problème de Meredith, c’était ça qui la rongeait vraiment. Son époux était mort à cause d’une injustice, un homme trop connu pour être coupable, de faux alibis, la pègre, l’inaction de la police… Combien d’hommes entraient dans ce genre d’endroit pour se ‘faire soigner’ après avoir violé Dieu seul sait combien d’enfant ? Combien d’entre eux sortaient lavés de leur pêchés car ils avaient étés bien sages ? Combien recommençaient encore et encore ? Plus le temps passait et moins elle croyait en ce système qu’elle était censée représenter et les choses n’allaient pas en s’arrangeant… Mais elle se faisait violence car c’était en ce système que croyait James, il y avait forcément un moyen de le rendre meilleur de l’intérieur, un moyen de changer les choses à son échelle ? Il fallait se battre, encore et toujours, c’était tout ce qui lui restait…

« Vous savez très bien que ce n’est pas aussi simple que cela et l’esprit est capable de nous jouer bien des tours… Tout le monde mérite une seconde chance, vous ne croyez pas ? »

Une seconde chance oui… Pas tout le monde selon elle mais c’est ce qu’elle tentait de soigner en priorité: Être plus optimiste, plus confiante, un travail de longue haleine qui ne semblait pas très efficace pour le moment. Elle serra les poings, geste invisible entre ses bras croisés. L’idée que des monstres puissent se balader dans la rue sous prétexte qu’ils méritent une seconde chance l’insupporte au plus haut point mais ainsi est faite la justice et le monde…

« Sûrement… » Dit-elle simplement avant de jeter un œil dans le reflet de la pendule qui, par chance, indiquait enfin l’heure de la fin. « Bien, non pas que je n’apprécie pas votre présence mais j’ai un vrai travail qui m’attend. A la prochaine doc’ ».

Sans attendre son reste, elle attrapa la veste en cuir qu’elle avait laissé sur le dossier d’une chaise puis disparut. Elle était obligée de venir ici et c’était toujours son ancien chef à Scotland Yard qui payait les séances. Un vieil ami du couple, un chef trop gentil qui avait réellement peur qu’elle finisse mal ou du mauvais côté de la justice… Malheureusement, avec tout ce qui se tramait en ce moment Merry avait de plus en plus envie de prendre un masque pour faire sa propre justice, la seule chose qu’elle l’en empêchait un peu été l’inutilité profonde de son pouvoir: Qu’elle idée, un pouvoir qui ne sert qu’à se défendre ! Elle ne pouvait même pas protéger quelqu’un d’autre, voilà bien une preuve d’égoïsme qui ne lui correspondait pas du tout (malgré les apparences). D’ailleurs, il n’était pas facile de connaître la vraie Meredith dans cet étrange personnage qu’elle s’était créée à la mort de James… Même son frère ne la reconnaissait pas parfois.

Quoi qu’il en soit, la séance d’aujourd’hui n’avait rien changé à son état ou à ses habitudes. Elle repassa au commissariat où elle travailla jusqu’à tard puis elle retourna chez elle. Ce dernier élément n’était pas très fréquent car, en général, elle passait d’abord une partie de la nuit dans des bars pour ne pas dormir. Seulement elle avait fait une promesse à son frère, la même qu’à chaque visite chez le psy: Passer la soirée ensemble. Comme à son habitude elle remonta un pack de bière sur le toit où il l’attendait déjà à moitié endormi sur un transat, une couverture sur les genoux. La place de Merry était déjà prête, tout comme le pique-nique qu’il s’obstinait à lui préparer alors qu’elle ne mangeait presque rien.

« Hey SuperCop ! Quoi de neuf ? »

« Et bien je continue à financer la piscine de mon psychiatre si c’est ça que tu veux savoir ! »

Shaun sait exactement comment réagir en face de ‘sa nouvelle sœur’ : ne pas trop chercher, ne pas trop parler, tenter de le faire rire mais ne pas insister. Un vrai génie, un professionnel, le seul qui arrive encore à apercevoir l’ancienne Merry parfois. Le seul en qui elle a une confiance aveugle et pour qui elle sacrifierait le monde entier. Installés confortablement sur leur siège, au chaud sous leur couverture, ils refont le monde comme quand ils étaient jeunes, la seule différence est cette part d’ombre trop présente. Shaun a tout tenté pour la sauver, pour lui faire oublier mais ce fut vain… Ce qui ne l’empêche pas d’essayer encore et toujours, il se doit de protéger sa petite sœur, de tout faire pour son bonheur.

Puis soudain, alors qu’il lui avait enfin arraché un éclat de rire, une lumière tranche le ciel calme. Pas une étoile filante non… Plus gros, plus brillant et plus menaçant. Ils se taisent, observent la scène, incrédules. Finalement, l’objet termine sa chute non loin de la ville, suffisamment fort pour que le bruit sourd les atteigne. Pas assez fort pour réveiller le voisinage mais assez fort pour les inquiéter.

« Il faut que j’y aille, il y a sûrement des blessés… Appelles les secours. »

Dit-elle dans un souffle en se levant de sa chaise. Il fallait intervenir, la police, les pompiers, les ambulances. D’ici, l’objet semble être tombé tout près de l’institut Xavier, une école pour jeune, il faut prier pour qu’ils ne soient pas touchés ! Shaun se lève d’un bond lui aussi, prêt à la suivre. En cas de catastrophe, on n’a jamais trop de bras pour aider.

« Je m’en occuperai dans la voiture, hors de question que tu partes seule, des vies sont peut-être en danger. »

Merry n’aime pas savoir son frère en danger mais elle sait qu’il est plus têtu qu’une mule et qu’il n’a pas tort. Ils ne seront pas trop de deux si les renforts mettent du temps à arriver. Et ce n’est pas impossible en vue de l’heure tardive… En un rien de temps, ils sont en bas de l’immeuble puis dans le Dodge de Merry entrain de foncer vers l’extérieur de la ville. Pendant le trajet, Shaun n’a pas le temps d’appeler le 911 que le téléphone de la policière sonne.

« Embrey, incident près de… »

« Incident ? Vous êtes sérieux ? C’est une p***in de météorite, je suis déjà en route, faite en priorité venir des ambulance et les pompiers au cas où. »

Puis elle raccroche et fonce, gyrophare sur le toit. Comme prévu, elle est la première sur les lieux et, par chance, seul le champ semble touché. De la fumée partout, des restes de flammes et une étrange odeur mais pas de victimes apparentes. Leur cœur se calme un peu, ce n’est peut être pas aussi urgent que ça en avait l’air.

« Va faire un tour du périmètre et demande aux gars qui vont arriver de faire pareil. C’est sûrement juste un gros caillou, tout ce qui compte c’est de s’assurer que tout le monde aille bien et il faut rassurer les gens. Je vais voir dedans quand même, dis leur de ne pas s’y risquer. Si je ne reviens pas d’ici un quart d’heure, qu’ils appellent des renforts. »

Merry était consciente de la présence extraterrestre et elle envisageait donc aussi qu’il ne s’agisse pas uniquement d’un caillou… Un vaisseau peut être, et peut-être autre chose que des amis. Hors de question de prendre des risques, elle irait seule avec sa couverture de secours en guise d’amure, son arme toujours à la ceinture. Shaun acquiesça (lui aussi conscient qu’il n’avait en réalité pas trop le choix) puis ils se séparèrent. Après quelques pas, la jeune femme se retrouva au bord du cratère dans lequel elle découvrit… Rien d’abord, de la fumée, la chaleur. Plissant les yeux, tentant de ne pas trop respirer, ses sens reprirent un fonctionnement normal et elle put apercevoir une silhouette… Ni une ni deux, elle se jeta sur sa couverture de survie et se laissa glisser jusqu’au fond du trou. Il y avait une victime, restait à savoir comme elle avait fait pour être encore entière et pour faire disparaître le gros objet qui avait percé les cieux…

Une fois proche du corps, elle s’empressa de vérifier le pouls sans chercher à identifier quoi que ce soit. Le cœur battait encore, le corps était chaud mais raisonnablement. Une fois la panique passée, elle observa un peu mieux la personne : des cheveux couleur feu, un visage relativement pâle… Elle l’avait déjà vu, tout le monde l’avait déjà vu au moins une fois à la télévision, il s’agissait de Jean Grey, une mutante tristement célèbre. Une mutante non répertoriée, potentiellement blessée et qui était morte depuis près de dix ans… Ils allaient se jeter sur elle, l’enfermer, la forcer à se recenser et surtout après ça… Au loin, les sirènes arrivaient, Merry n’avait pas le choix, il fallait agir et la précipitation ne fait pas toujours prendre les bonnes décisions…

« Mademoiselle Grey, s’il vous plait réveillez-vous, nous n’avons pas beaucoup de temps ! »

Murmura la jeune femme en passant son bras sous le corps de Jean. Elle n’était pas assez forte pour la soulever, elle ne savait pas changer tout son corps en métal pour avoir plus de force et, même si c’était le cas, elle serait trop épuisée pour continuer à marcher une fois sortie de là (si elle est encore en vie après un tel effort…). Il fallait que Jean marche un peu, juste assez pour regagner la voiture sous le couvert de la fumée encore bien présente. Bientôt, il y aurait du monde partout autour d’eux et Merry ne voulait pas qu’ils les voient.

« Je n’ai pas le temps de vous expliquer, j’ai juste besoin que vous fassiez quelques pas et je me charge du reste, tout va bien se passer… »

Ajouta-elle tout en la soulevant assez pour la remettre sur ses pieds. Regagner la voiture toute proche, rentrer à la maison puis improviser une fois au calme, elle n’avait pas de meilleur plan en tête pour le moment. Il faut dire que son cerveau était pas mal enfumé !

Meredith n’avait pas réfléchi en voyant le corps presque sans vie de la rouquine : il fallait faire vite, se cacher, lui laisser le temps de reprendre du poil de la bête avant de la confronter à la nouvelle réalité de ce monde. La police n’allait pas tarder à arriver et ils ne plaisanteraient sûrement pas avec le Phénix, pas avec ses antécédents. Un mutant lambda devait se recenser mais elle… Merry n’était même pas sûre qu’ils lui laissent cette chance en vue du danger potentiel. Ils risquaient de l’envoyer directement dans une cellule susceptible de contenir un pouvoir aussi énorme (à compter que cela existe) ou pire encore... Il était hors de question que cela se passe comme ça, pas après tout ce que la pauvre mutante a du vivre.

Entourant rapidement ses épaules de la couverture, elle l’avait aidé à marcher hors du trou vers sa voiture. Jean était faible mais ses blessures n’étaient en rien proportionnelles au choc qu’elle avait du subir. Comment pouvait-elle être encore vivante après un crash pareil ? Qu’elle ‘soit’ la météorite ou qu’elle ait été en dessous, c’était juste extraordinaire ! Mais elles n’avaient pas le temps de tergiverser car les premières sirènes se faisaient entendre au loin. Elle n’aurait jamais dû demander des renforts seulement, comment aurait-elle pu deviner une chose pareille ?! Essoufflée et étouffée par la fumée, Merry tenait bon mais une silhouette vint troubler ses efforts. Ce n’était pas son frère mais plutôt une femme… Il n’y avait personne à son arrivée et maintenant elle distinguait une seconde voiture. Que ce soit un flic ou non, elles étaient grillées… Mais quitte à être hors la loi, autant l’être pour de bon et Merry se sentait prête à assommer l’autre femme si cela pouvait leur permettre de fuir rapidement. Malheureusement pour elle, le Phénix en avait décidé autrement et Jean s’empara d’elle par la gorge… Ses yeux étaient noir et sa force extraordinaire. Meredith plaque ses mains sur la sienne, tentant de la faire lâcher, en vain. Quelle mort absurde !

« Je suis là… pour vous aider… nous devons… fuir… »

Parvint-elle à murmurer avant de se faire expulser à plusieurs mètres de là, toujours sans le moindre effort apparent. La main sur sa gorge, elle ne put qu’observer la suite des évènements : Jean qui se soulève du sol, le feu qui se ravive, la poussière, les cris… Bien qu’elle soit assez loin, Merry recula encore un peu, s’éloignant au passage de la figure de plus en plus indistincte. Où était donc passé son frère ? Elle espérait qu’il ne soit pas témoin de tout ça et surtout qu’il soit hors de tout danger. Difficilement, la blonde parvint à sortir son arme mais ce n’est pas Jean qu’elle visait, c’était l’autre femme. Qui que cela puisse être, elle se sentait le devoir de protéger le Phénix et elle savait que personne n’hésiterait à lui tirer dessus pour tenter de la calmer… Hors c’était sûrement plus dangereux que d’attendre patiemment ! Comme à son habitude, Meredith ne visait pas pour tuer, elle voulait simplement la blesser, l’empêcher de sortir son arme ou pire encore. Sans rien faire, Merry gardait son arme pointée sur la silhouette enfumée, surveillant du coin de l’œil Jean qui se trouvait entre elles à présent. Puis soudain, sans que personne ne s’y attende, une explosion : l’une des deux voitures, impossible de savoir laquelle dans toute cette fumée…

« Shaun !!! »

Hurla-t-elle, presque par reflexe. Elle n’avait rien vu autour des voitures mais… L’idée qu’il puisse être là bas lui brula littéralement le cœur, l’empêchant même de bouger et imbibant ses yeux de larmes. Son arme n’était plus pointée nulle part et ce n’est que la voix de Jean qui lui permit de sortir de sa torpeur. Il fallait relativiser, rester calme. Si Shaun était dans la voiture, il était mort sinon, les secours étaient déjà là, il allait s’en sortir. Jean en revanche… Merry secoua la tête, séchant ses yeux d’un revers de la manche. Elle était pleine de sueur, de boue et de suie, toujours étouffée par la chaleur, toujours perdue mais elle pointa à nouveau son arme sur l’inconnue, le souffle court. Ne pas perdre le Nord, se rapprocher de la rouquine pour l’aider à fuir, profiter de la pagaille. Le phénix était de nouveau au sol, inconsciente mais visiblement secouée… Meredith eu à peine le temps de la rejoindre qu’elle était de nouveau réveillée et debout. Ses blessures n’étaient plus et elle semblait en vouloir à l’inconnue qui était toujours à une bonne distance d’elles. Sans que Merry eu le temps de dire quoi que ce soit, son autre arme était dans la main de Jean, elle aussi pointée vers la silhouette.

« Je ne peux pas vous laisser là, ils ne vous laisseront pas le choix… A compter qu’ils vous en laissent un. Il faut fuir. »

Fuir oui… Mais comment ? Une des voitures a explosé et l’autre doit-être en piteux état… Sans compter l’étrangère entre elles et la sortie… Fuir par les champs ? Courir à s’en rompre les poumons en espérant trouver une âme charitable à l’autre bout ? Voler une voiture de police quand ils arriveront ? Et l’étrangère ? C’était très compliquer voire même impossible… Phénix était forte, elle pouvait se défendre seule mais Merry ne voulait pas lui imposer tout ça si tôt après son retour. Pourquoi cet attachement ? Il n’y avait pas d’explication, à part peut être l’appartenance à une même espèce, le même combat ? Ou peut être que son cerveau avait grillé, qu’il avait trop longtemps manqué d’oxygène. Qui pouvait-elle appeler à la rescousse ? Fuir maintenant voulait dire devenir officiellement hors la loi, mutante ou non, elle allait être poursuivie pour ça… Et ils découvriraient ensuite le pire : qu’elle n’est pas recensée… Un véritable casse tête. Pourvu que Jean ait une meilleure idée !

Ce qu'elles ignoraient c'est que Shaun avait réussi à échapper à l'explosion et qu'une fois remis de ses émotions, il se mit en quête d'une autre voiture...