How to save a life ? ✖ Hela

Hela & Willow 

Il est près de deux heures du matin, l’appartement est plongé dans l’obscurité et le silence le plus total. Willow est allongée sur son lit, les yeux rivés sur le plafond. Sa poitrine se soulève dans de profondes inspirations et expirations, l’air est moite, presque irrespirable. Dieu qu’elle déteste l’été ! Elle préfère largement l’hiver, la pluie et le froid plutôt qu’une chaleur aussi humide comme c’est le cas à New-York. La petite brune se retourne dans le lit, ce n’est pas forcément la température bien trop élevée qui l’empêche de trouver le sommeil mais tous les soucis qui se sont présentés à elle ces dernières semaines. Elle qui, en rentrant d’Irak, pensait retrouver un semblant de tranquillité… Ces quatre derniers mois auront été d’une intensité dont elle se serait vraiment passé ! La jeune femme n’aspire qu’à la tranquillité, chose qui lui semble bien impossible à trouver. D’un côté, si elle avait véritablement voulu d’une vie calme, elle ne se serait jamais engagée dans des agences comme le MI6 puis le Shield ; Willow a toujours cherché les ennuis, dans le fond. Parfois, l’envie de tout plaquer, repartir en Angleterre pour n’être plus qu’une « simple » scientifique lui effleure l’esprit mais elle se rappelle de ce que Venom lui a fait, de ce stupide RA aussi. Car s’il ne concerne que les Etats-Unis pour le moment, rien ne dit que d’autres pays n’adopteront pas le même système. Une sonnerie. Will sursaute, tirée de ses pensées et se redresse vivement dans son lit en secouant la tête de gauche à droite pour sortir de sa demi-torpeur. Si elle possède deux téléphones, celui sonnait est uniquement réservé aux urgences et très peu de personnes connaissent le numéro. La brune ouvre le tiroir de sa table de nuit, récupère le portable et décroche. La voix d’Amanda résonne dans le combiné ; celle-ci est confuse, rapide et Willow ne parvient pas à comprendre.

« Calme-toi, je ne comprends rien de ce que tu dis. » Marmonne Will.

Un sanglot. Les mots sont toujours aussi confus mais cette fois, la brune parvient à capter les plus importants : Ella, hôpital, urgent, vite. Le sang de l’agent du Shield ne fait qu’un tour tandis que son rythme cardiaque augmente considérablement. Elle bondit hors de son lit, ne prend même pas la peine d’enfiler des vêtements et reste uniquement vêtue de son débardeur et bas de pyjama. Elle s’en fiche. Elle n’a pas le temps. Des chaussures ? Nop. Toujours pas le temps. Elle en oublie même d’enfiler son masque multi-visages dans la précipitation, claquant la porte de l’appartement sans même penser à sa colocataire qui dort dans l’autre chambre. Pas le temps. Willow dévale les escaliers quatre à quatre, se mettant à courir dans la rue aussi vite que possible, ignorant les badauds de sortie par une heure aussi tardive. La peur et l’inquiétude étreignent son ventre, c’est violent, cette crainte est la plus violente qu’elle ait jamais connue dans toute sa vie. La brune finit par s’engouffrer dans un taxi dans lequel le chauffeur commençait sérieusement à s’endormir ; malgré son souffle court, elle parvient à lui donner l’adresse et donne un coup dans le siège pour qu’il se bouge au lieu de la regarder avec un air d’abruti. Si elle ne se retenait pas, Willow aurait carrément sorti le chauffeur de son véhicule pour le « réquisitionner » mais sa situation est trop précaire pour tenter ce genre de choses de plus, l’oublie de son masque multi-visages est une mauvaise chose. Le taxi fonce dans les rues, Willow a la main posée sur la poignée de porte, prête à bondir lorsque la voiture s’arrêtera. Ses jambes sont agités de soubresauts nerveux, son coeur ne cesse de cogner violemment contre ses côtes, ce trajet est interminable. Enfin, après ce qui lui semble avoir été une éternité, le taxi s’immobilise devant le « New York–Presbyterian Hospital ». La brune balance un billet de cinquante dollars et sans attendre sa monnaie, s’échappe du taxi pour se remettre à courir.

Willow s’élance dans les couloirs aseptisés de l’hôpital, cherchant à rejoindre le plus vite possible les urgences pédiatriques. Elle y est presque. Elle pousse des portes, bouscule quelques personnes sans même s’excuser pour finir sa course dans le hall des urgences. Son regard cherche Amanda, qu’elle finit par apercevoir, un peu plus loin dans un couloir adjacent en compagnie d’un médecin à la mine grave. Will s’avance, Amanda la remarque et cette dernière éclate en sanglots. Son coeur se serre un peu plus. Ses mains tremblent, ses pieds sont soudainement collés au sol de l’hôpital et elle a du mal à respirer lorsque le médecin s’avance vers elle. Il pose une main compatissante sur l’épaule de la jeune femme qui le regarde avec confusion. Il se met à parler. A expliquer les détails, les points médicaux mais Willow n’écoute pas vraiment, son esprit est plongé dans le chaos le plus total.

« Je suis désolé. »

Voilà la seule phrase que la brune retient. Désolé. Elle cligne des yeux, le docteur a disparu et ne reste plus qu’elle et Amanda, en larmes sur l’une des chaises en plastique. Son regard tombe sur le petit renard en peluche, tombé sur le sol, qu’Ella a l’habitude de trimballer partout ces dernières semaines. D’un geste mécanique, Willow récupère le jouet et sans écouter Amanda qui baragouine des excuses, elle s’éloigne pour sortir prendre l’air. A l’extérieur, les sirènes des ambulances hurlent ; des parents arrivent avec des enfants plus ou moins souffrants mais Will ignore le monde qui l’entoure. Distraitement, elle commence à serrer la peluche contre sa poitrine et dans son esprit, au fil des minutes puis des heures, tout s’éclaircit petit à petit. Pourtant, elle reste dans le déni. C’est une erreur. La brune pénètre dans l’hôpital pour la seconde fois, refait le chemin en sens inverse jusqu’à la chambre devant laquelle se trouvait Amanda ainsi que le médecin. La quinquagénaire a déserté le bâtiment médical, elle a même parlé à Will mais celle-ci ne s’en est pas rendue compte. Doucement, Willow pousse la porte de la chambre pour tomber sur un lit vide et refait. Ella n’est pas ici. Il n’y a qu’un seul endroit où la fillette peut se trouver. Tel un automate, l’agent du Shield se remet à parcourir les couloirs jusqu’à trouver des escaliers menant à la morgue de l’établissement. Personne ne lui prête attention, comme si elle s’était soudainement transformée en fantôme ; et c’est un peu l’impression qu’elle a. La brune ouvre la porte de la morgue, vérifie que personne ne s’y trouve afin d’éviter de se faire jeter. Heureusement, l’endroit semble désert pour l’instant alors elle se glisse dans la pièce ; se met en quête d’un registre des entrées qu’elle trouve assez facilement. Numéro 17.

Les frigo mortuaires s’étalent devant elle et elle cherche du regard le bon. Il est sur sa droite, dans la rangée du milieu. La main tremblante, l’anglaise actionne la poignée, ouvre la porte et tire la civière sur laquelle repose un petit corps recouvert d’un linge blanc. Ses doigts sont comme engourdis, ils ont besoin de quelques secondes avant de finalement repousser le linceul afin de découvrir le buste du corps sans vie. Le visage de sa fille apparait, celui-ci a une expression apaisée, donnant l’impression à l’agent que l’enfant est juste endormie. Elle vient délicatement effleurer une joue ; la froideur du corps vient frapper violemment Will, lui faisait soudainement réaliser la situation. Sa fille est morte. Si elle a déjà été en contact avec la mort à maintes reprises, c’est la première fois que cela la touche si directement. Que la douleur est aussi vive, viscérale, même. Elle passe une main dans les cheveux châtains de la fillette, ses yeux se sont remplis de larmes qu’elle n’essaie même pas de retenir. D’accord, Willow n’a jamais élevé son enfant, certes elle est bien loin d’être une mère exceptionnelle mais putain… Il a fallu qu’Eleanor décède pour que Will se rende compte de son profond attachement et son amour pour la gamine de cinq ans.

« Tu ne devrais pas être là… Murmure-t-elle d’une voix serrée par les sanglots. Je suis tellement désolée, j’ai été pitoyable ; c’est moi qui mériterais d’être à ta place… Pas toi… »

Elle baisse la tête, incapable de retenir ses sanglots plus longtemps. Ses jambes tremblent, menacent de céder à tout instant mais la brune se refuse à s’effondrer ainsi. Ses doigts ne cessent de glisser dans les cheveux de sa petite fille tandis qu’elle continue de parler toute seule.

« Si je pouvais… Je ferais tout pour pouvoir te ramener… Absolument tout. »

Mais que peut-elle faire ? Rien.

Hela & Willow 

Les larmes ne cessent de dégouliner le long des joues de Willow. Celles-ci glissent doucement sur la peau, finissent leur course dans le creux de son cou, mouillant légèrement le débardeur en coton que porte la jeune femme. Dans la morgue, la température n’a rien à voir avec le restant de l’hôpital. Il fait froid. Et si la brune n’avait pas été dans un tel état de détresse, elle se serait sûrement rendue compte que tous ses membres tremblent à cause du froid… Et peut-être aussi du désespoir psychologique dans lequel Will se trouve. Elle a déjà mis les pieds dans une morgue, à bien des reprises et la jeune femme n’a jamais été dérangée par ce lieu ; tout comme la présence de cadavres ne l’a jamais réellement touchée. Sauf peut-être ceux de ses compagnons en Irak, pourrissant juste à côté d’elle durant quelques jours. Mais là ? Elle exècre cet endroit. Exècre cette odeur aseptisée qui l’a pourtant toujours rassurée, en quelque sorte. Aujourd’hui, celle-ci n’a plus rien de rassurant, plus rien de sympathique. La mort a une nouvelle odeur et Willow la déteste de tout son être. L’anglaise ne cesse de passer ses mains dans les cheveux clairs d’Eleanor, entortillant de temps en temps quelques mèches. La peau de l’enfant est glacée, a perdu de sa tendresse ; les membres sont rigides. Une voix résonne soudainement entre les murs de la morgue, faisant sursauter Will qui relève la tête pour la tourner du côté d’où provient la voix féminine. Son regard se pose sur une jeune femme qui semble plus jeune que Will, brune et portant une blouse blanche. Très probablement le médecin légiste ou alors, une étudiante. Elle a peut-être l’air jeune mais ce n’est pas une chose à laquelle il faut se fier. Willow le sait d’expérience.

« Merci… » Murmure-t-elle du bout des lèvres.

Qu’elle essaie seulement de la faire sortir de la pièce. Que quelqu’un tente de mettre Willow à la porte de cette foutue morgue et il risque sévèrement de le regretter. Elle s’en fout des conséquences. Elle se fout de tout. Elle a cette impression que plus rien n’a d’importances. Comment une telle souffrance physique et psychologique peut-elle exister ? Willow était tellement loin de se douter que le trépas d’une personne puisse ainsi vous écraser. Oh, son père est bien mort, sa mère aussi mais ces derniers n’ont jamais rien représenté à ses yeux, elle les a toujours détestés, haït alors leurs décès n’ont éveillé que de l’indifférence. Mais Ella… Willow a ce sentiment qu’une partie d’elle-même vient de mourir avec elle, une partie qui ne pourra jamais être guérie, peu importe les mots réconfortants et les années. Alors c’est ça, être mère ? Cette vive douleur qui vous détruit lorsque son enfant disparait soudainement ? S’inquiéter de tout à son sujet ? Finalement, peut-être bien qu’elle avait un côté un peu maternel…

« Si vous avez besoin d’aide, je peux rester dans les environs si vous voulez… On a du café dans la salle de repos. » Dit l’autre brune présente.

Will ne peut s’empêcher d’avoir un rire froid. Elle essuie rageusement ses larmes avant de regarder à nouveau sa fille.

« Besoin d’aide… Je ne vois pas trop en quoi vous pouvez être utile. Sauf mon respect hein. Fait sèchement Willow. Alors à moins que vous puissiez, par je ne sais quel tour de magie, faire revivre ma fille, vous n’êtes d’aucune aide. »

L’abatement laisse doucement place à autre chose, à la colère. A cette rage contre le monde entier, contre Amanda qui n’a pas été capable de se rendre compte plus tôt de la maladie de la petite fille, contre ces médecins qui n’ont rien pu faire pour la sauver. Contre tout et n’importe quoi. Mais puisqu’il n’y a que cette pauvre légiste dans la pièce, c’est sur elle que la colère de Willow se déversera. La brune se redresse brusquement, prête à tout renverser sur son passage si on ose lui demander de se calmer.

« Je n’ai jamais eu de soucis avec la mort. C’est un processus naturel dont on ne peut échapper. C’est comme ça, il faut bien y passer un jour. Je m’en fiche de mourir, si le moment est venu, qu’il en soit ainsi. Commence Will. Mais je ne me rendais pas compte à quel point elle est injuste ! Elle n’a que cinq ans, bon sang ! Ce n’est pas un âge pour mourir ; elle aurait dû avoir toute la vie devant elle mais non. Parce que… Je ne sais pas, le destin ou un idiot de Dieu en a décidé du contraire, tout s’arrête brusquement !? Oh je sais, on me dira « ce n’est pas la seule, d’autres enfants meurent aussi. » Je m’en fous des autres. Là de suite, j’en ai rien à faire des autres gosses, il n’y a que la mienne qui compte ! »

Will se retourne, observe encore une fois le visage d’Eleanor. Son petit nez légèrement retroussé et parsemé de tâches de rousseurs, les petits fossettes sur ses joues et cette expression trop paisible. La brune passe une main sur son visage ; abatement, colère puis l’apathie. Trop de sentiments contradictoires en elle ; elle qui a toujours voulu tout contrôler est perdue.

« Si vraiment il existe un quelconque Dieu, je serais prête à lui vendre jusqu’à mon âme. » Finit par murmurer Will mais plus à elle-même qu’à la jeune femme en face d’elle.

Hela & Willow 

Elle se sent vide. Comme si toute la vie qui l’habitait l’avait soudainement quittée. Mais n’est-ce pas le cas ? Elle a perdu un morceau d’elle en même temps que sa propre fille. Le choc, le déni, l’abattement, la colère et maintenant une profonde lassitude. En quelques heures, la jeune femme aura ressenti plus d’émotions qu’en toute une vie ou presque. Les larmes se sont taries, laissant un sillon humide sur son visage. La brune relève les yeux lorsqu’un bruit d’objet qu’on traine retentit dans toute la morgue, l’autre jeune femme se trimballe une chaise pour s’installer de l’autre côté du corps, en face de Will. L’anglaise fronce légèrement les sourcils, que fait-elle ? Ne devrait-elle pas mettre Willow à la porte ? Après tout, sa place n’est pas ici ; le corps d’Ella lui sera rendu pour l’enterrement… Son ventre se noue, son coeur se serrer et ses yeux piquent. Il va falloir enfermer le petite corps de sa fille dans une boite qui sera ensuite mise en terre. La pensée de la future tombe de l’enfant lui brise le coeur. Elle se promet de fait payer à Amanda sa négligence ; car même si elle sait la quinquagénaire attachée à la fillette, elle ne pourra se retenir de la punir un peu plus. Elle s’en fout de sa souffrance. Elle s’en fout de tout. La seule personne que Willow s’est efforcée au mieux de protéger n’est plus et le reste n’a plus de sens. La voix du médecin légiste vient briser le silence, Will a l’envie de l’envoyer bouler, de lui demander de la laisser seule encore un peu avec sa fille ou qu’à la limite, elle se taise. Mais elle ne fait rien. Après tout, la jeune femme pourrait très bien appeler la sécurité qui se charger de faire débarrasser le plancher à Willow. Non. Il vaut mieux se montrer raisonnable et sage, ne serait-ce que cette fois-ci.

« Je suppose que c’est ce que font tous parents… Implorer un quelconque miracle voir même un Dieu quelqu’il soit. Je ne crois pas aux miracles tout comme je ne fais pas confiance aux Dieux. Car à moins que ce ne soit dans leurs intérêts, ils ne feront rien. Mais après tout, ne faisons pas tous cela ? Nous sommes tous des égoïstes. »

Puis quel Dieu pourrait bien venir ressusciter sa fille ? Loki ? Thor ? Ils n’en sont pas capable, n’ont pas les pouvoirs adéquats. Will relève les yeux afin de regarder, d’observer le visage de la légiste et il est certain qu’il y a quelque chose chez elle qui intrigue l’agent. Sa raideur, sa presque froideur et sa stature si… Digne. Elle se tient droite comme un « i » ; un peu comme l’on imaginerait une quelconque princesse un peu sombre. Elle est étrange. Ses paroles le sont tout autant.

« Si je vous disais que l’issue de votre nuit pourrait être bien différente, voire heureuse, répondriez-vous à mes questions sans détour, sans tenter de me mentir ou de me piéger ?
-Je ne vois pas trop comment cela pourrait arriver. Répond Will dans un haussement d’épaules avec un petit rire triste. Mais après tout, qu’ai-je à perdre de plus ? Ma vie ? Ce n’est pas bien grave. »

Les question arrivent et celles-ci laissent Willow sceptique. La brune croise ses bras contre sa poitrine, se met à réfléchir à toute vitesse. C’est certain qu’elle réagit d’une façon qui l’étonne elle-même. N’était-ce pas elle qui clamait que la mort était un processus naturel, dont l’humanité avait besoin et une fatalité ? Si. Bien sûr que si. Les décès ne l’ont que rarement véritablement touchée, tout au plus légèrement contrariée mais rien de plus. Elle remet en place une mèche de cheveux derrière son oreille, jette un dernier rapide coup d’oeil au visage blafard de sa fille.

« L’inconnu, en général, fait peur. Je crois qu’on a tous eu peur, à un moment donné de notre vie, d’emprunter un chemin que l’on ne connait pas. Nous ignorons tous ce qu’il se passe, une fois mort et c’est probablement cela que bien des gens craignent. Je suis une scientifique pour ma part et ce que je ne connais pas me frustre. Le manque de savoir me déplait. Alors je ne crains pas de partir. Peut-être y-a-t-il quelque chose ou peut-être que non mais n’est-ce pas une expérience personnelle. »

Ses doigts caressent tendrement la joue froide d’Ella, un sourire triste étire ses lèvres.

« Pourtant, ce n’est pas ce que je souhaite pour elle. Pas ce que je souhaitais. Dans une certaine mesure, la mort d’un enfant rappelle sa propre mortalité avec d’autant plus de force. Et finalement, peut-être ai-je un peu peur de ce qu’il y a de l’autre côté… Elle marque une pause, remet le drap blanc sur le visage de sa fille, ne supportant plus la vue de son cadavre. Je sais que je n’ai pas été une mère exemplaire, pourtant je sais aussi que mes choix étaient les plus raisonnables ; ma situation est bien trop… Compliquée. Pourtant, si je pouvais avoir une seconde chance… Je ferais ce que j’aurais dû faire depuis longtemps : cesser de confier sa vie et son éducation à quelqu’un d’autre que moi. »

Elle se frotte les bras pour essayer de se réchauffer un peu.

« Enfin vous me direz… Mon patron a bien réussi à revenir d’entre les morts. Alors qui sait, s’il y a une chance infime… »

Hela & Willow 

Un vague rictus étire les lèvres de Willow. Une enfance heureuse… Peut-être. Possible ? A vrai dire, la brune ne voyait sa fille qu’une à trois fois par semaine, grand-maximum. Notamment depuis son retour d’Irak et avec toutes les complications qu’ont engendré son nouveau statut d’inhumaine. Elle suppose qu’Ella n’était pas malheureuse, Amanda s’est toujours très bien occupée de l’enfant mais peut-être que cette dernière aurait préféré passer plus de temps avec sa mère biologique que sa soit-disant grand-mère… Non, c’est certain. Will pousse un petit soupir et hausse des épaules. De toute façon, il est trop tard pour changer quoi que ce soit. Par pur politesse, elle répond tout de même, se fichant franchement du jugement de la jeune femme.

« Oui, je suppose. Puis il est trop tard pour pouvoir changer tout ça, de toute façon. Alors à quoi bon se lamenter ainsi, hein ? Avec des si… Fin vous voyez quoi. »

Elle se passe une main sur le visage, cherchant à chasser l’immense fatigue qui s’abat soudainement sur ses épaules. Willow aurait bien envie de retourner se coucher ; de dormir pendant plusieurs jours sans rouvrir les yeux et rester cloîtrée dans sa chambre pendant des semaines. C’est probablement ce qu’elle va faire, d’ailleurs. Qui viendra la tirer de son lit ? Marian ? Non. Un quelconque collègue ? Non plus. Personne n’est au courant de l’existence de sa fille, personne ne comprendra donc ce deuil et cette dépression qui, Will le sent, risque d’être violente. On mettra sous le coup du stress de son affrontement avec Venom et rien de plus. A la limite, sa détention en Irak pourra être évoqué comme facteur probable. Willow s’en fout bien, des qu’en dira-t-on. L’agent du Shield relève les yeux pour regarder le médecin légiste, qui soudainement s’intéresse à l’activité de Will qui en fronce légèrement les sourcils.

« Oui, entre-autre. Je donne également des cours dans diverses universités un peu partout dans le monde. Puis je travaille pour une agence. » Répond vaguement Will.

Tout de même. Certes elle n’est pas dans son état normal mais elle ne va tout de même pas parler clairement de son emploi au Shield. Depuis que l’agence s’est désolidarisée du gouvernement américain, cette dernière n’a pas forcément gagné en popularité… Dire qu’on est agent du Shield, ne vous sort plus vraiment de situations compliquées. Notamment lorsque cela a un rapport avec le RA, les agents d’ARES n’ont que faire que vous soyez du Shield ou autre, tout ce qui les intéressent, c’est de vous arrêter et vous mettre une bien jolie petite puce sous la peau. En y pensant, la jeune femme a de longs frissons ; elle a eu affaire à ARES et heureusement, elle n’est tombée que sur Strange, craignait réellement de revoir débarquer Venom à ses trousses pour lui régler son compte une bonne fois pour toute. Ca n’aurait pas été bien compliqué, vu l’état dans lequel la brunette était après son affrontement dans l’espace. Un peu distraitement, Will parle de Coulson, mort puis miraculeusement revenu à la vie. Mais le médecin légiste ne semble pas bien y croire et tout ce que sa réponse apporte comme réactions de la part de Willow est un rire.

« Je ne suis pas une idiote. Il était mort. Que vous le croyez ou non, poignardé par Loki et vidé de son sang. Rien n’aurait pu le ramener sur Terre et pourtant il est revenu frais comme un gardon, quelques mois plus tard. J’ai vaguement entendu parler d’une histoire de sérum ou je sais trop quoi. Ca ne m’étonnerait qu’à moitié. Enfin. »

Tendrement, Willow remet en place des mèches de cheveux brunes de l’enfant, caresse une joue glacée avant de se pencher pour embrasser le front de la fillette pour ensuite revenir placer le drap mortuaire sur le petit corps.

« Mais vous avez raison sur un point : c’est trop tard pour Ella. Personne ne pourra rien y changer, plus maintenant. »

Dans des gestes maniaques, elle vérifie que le drap ne se coincera pas dans les portes du frigo mortuaire puis lentement, la jeune femme repousse la civière, faisant disparaître une toute dernière fois le cadavre de l’enfant et referme la porte. La poignée est abaissée, un malaise grandit en Willow, elle se rend véritablement compte que c’était la dernière fois qu’elle voyait sa fille. Il n’y aura pas d’enterrement, la brune n’a pas de religion et ne voit pas l’intérêt de s’attacher à un corps décédé. Elle sera incinérée et les cendres dispersés quelque part au vent. L’anglaise se penche, ramasse le renard en peluche qui a glissé sur le sol pour le serre contre sa poitrine avant de s’éloigner.

« Merci de votre patience. Au revoir. »

Sans vraiment attendre une quelconque réponse, elle se retourne pour pouvoir regagner la sortie de la morgue et quitter cet endroit qui, pour la première fois, lui glace le sang.

Hela & Willow 

La porte n’est plus qu’à quelques mètres d’elle, d’ici trois petites secondes, Willow quittera cette foutue morgue pour ne plus jamais y remettre les pieds. Pas tant que le corps de sa gamine sera dans l’un de ces horribles frigos. C’est fini. Cette putain de nuit va prendre fin, elle va regagner son appartement qu’elle partage avec Marian, se glisser sous ses draps et, très probablement, pleurer tout son saoule puis ensuite il faudra se relever. Un jour ou l’autre. Enfermer la douleur quelque part, très profondément et s’occuper pour ne plus y penser. Jamais. Sa main va se poser sur l’un des battants afin de le pousser lorsque la voix tranchante de la jeune femme résonne dans la morgue. Son timbre donne des frissons à Willow, quelle voix… Etrange. Où donc est passé le ton conciliant de la frêle jeune femme ? Will tourne la tête afin de regarder Hela, elle est debout et l’observe avec attention. Que lui veut-elle ? Aurait-elle oublié quelque chose ? La brune ne croit pas, la peluche est avec elle et elle est venue sans rien d’autre. Ou peut-être doit-elle signer quelque chose ? Une sorte de décharge ? Après tout, l’anglaise n’a jamais eu à s’occuper de tout ça, lorsque sa mère est décédée, Will ne l’a appris que… Bien six mois plus tard, n’en ayant rien à faire. La main de la jeune femme s’abaisse, elle se tourne complètement face à son interlocutrice. Sûrement aurait-elle dû sortir mais maintenant, elle est intriguée. D’autant plus lorsque le médecin légiste prononce le nom Coulson. Comment… Comment peut-elle savoir ?

« Oui, c’est bien lui. » Répond Will, suspicieuse.

Cette femme est décidément bien étrange. Tout dans son attitude l’est. Son regard, sa façon de se tenir, de marcher, de parler. Les yeux bruns de Willow fixent avec attention les traits du visage d’Hela, comme si elle cherchait une réponse dans ce qu’elle voit. L’agent du Shield n’a jamais été très douée pour lire les êtres humains, ces derniers restent un peu une énigme pour elle ; il est impossible d’appliquer la logique aux Hommes et c’est sûrement ce qui a toujours frustré Willow dans ses relations avec ses congénères. Le silence pèse, longtemps. Beaucoup trop longtemps. Qu’est-ce que cela peut-il bien faire que Willow bosse pour Coulson ? La jeune femme aurait-elle un quelconque lien avec le directeur du Shield ? Un membre de sa famille ? Aux dernières nouvelles, Philip n’en a pas mais après tout, Will a bien caché l’existence de sa fille pendant cinq années alors pourquoi pas ? Mais l’attitude d’Hela n’est pas vraiment celle d’une soeur, nièce ou autre inquiète. Non, elle est toute autre. Elle semble plus… Intéressée. La brune remarque l’anneau à son doigt que la légiste fait tourner sur son doigt, presque comme un tic nerveux. Puis enfin, la voix d’Hela vient briser le silence avec une proposition… Qui laisse Willow pantoise. Ses paupières clignent, sa bouche s’entrouvre légèrement.

« Qu… Quoi ? » Baragouine-t-elle, sous l’effet de la surprise.

Son cerveau se met à tourner à tout vitesse, elle analyse les paroles de la jeune femme et au début, elle se dit que cette dernière débloque complètement. Ramener les morts à la vie… Et comment ? Elle va la toucher et hop ! Magie magie ?! Will ressent de l’agacement, en quoi est-ce drôle de proposer ceci à une mère qui vient de perdre son enfant. Elle l’observe encore un fois. Et si elle ne plaisantait pas ? Et si… elle avait réellement un moyen de faire revivre sa fille ?

« Qui êtes-vous ? Rare sont les personnes ayant le pouvoir de ressusciter les morts. »

Elle fixe la jeune femme, analyse une seconde fois les mots utilisés par la légiste. Elle les a choisis, ils ne sont pas là par hasard. Volé… Rétablir l’ordre naturel des choses… Ils sont liés. Et si elle parlait de la vie de Coulson ? En quoi la lui aurait-on volée ? Rapidement, le mystère s’éclaircit. La légiste n’est décidément pas une femme comme les autres ; ni même une humaine.

« Vous êtes la fille de Loki, n’est-ce pas ? Hela, c’est bien ça ? »

La question, elle connait déjà la réponse. Cela ne peut être que la Déesse de la mort. Enfin, elle peut aussi être une sorcière extrêmement puissante mais ramener les morts… Willow n’est même pas certaine que Strange en soit capable et c’est le Sorcier Suprême de cette dimension. La brune croise les bras contre sa poitrine.

« Vous me demandez quoi ? De tuer Coulson pour vous ? De trahir le Shield au passage. Je n’aime pas avoir le sang d’innocents sur les mains. »

Coulson ne lui a jamais rien fait même si depuis son retour d’Irak, l’agent ne fait plus confiance à son patron. Mais de là à le tuer ? Le regard de Will se porte sur la porte du frigo dans lequel repose le corps d’Ella. Son coeur se saigne. Si ça peut lui ramener sa fille… Est-ce une bonne idée ? La mort fait partie de l’ordre des choses, est-ce qu’y changer quelque chose ne risque pas de… Elle ne sait pas, tout chambouler ? D’un côté, on a bien ramené Philip… Faire revivre Eleanor signifierait aussi avoir la chance de faire les choses différemment… N’est-ce pas ce qu’elle voulait, ce qu’elle a dit ?

« La vie de Coulson contre celle de ma fille… Murmure-t-elle en s’approchant des frigos mortuaires. Très bien. J’accepte votre marché. »

Sa décision est prise. Trahir le Shield pour retrouver son enfant.