Kidnapping [Mini-Intrigue / Groupe 1]

“Anna Marie Raven, Sinthea Schmidt, Wanda M. Maximoff & Loreine Marchand”

Ma tête tourne. J’ai cette désagréable sensation que je vais vomir partout. Je me focalise un instant sur ma respiration, souhaitant par-dessus tout ne pas expulser le contenu de mon estomac. La peau de ma joue contre le sol métallique, les paumes de mes mains qui tremblent légèrement, j’ai froid. L’odeur bizarre n’aide pas à contenir mon mal de cœur. Je ne saurais comment la décrire, elle m’est inconnue. Mais cette forte âcreté chatouille désagréablement mes narines. Mes yeux sont clos. Mes oreilles entendent tout. Des respirations, des murmures, des bruits de pas, de la panique même. Cela me prend plusieurs minutes avant de contrôler le chao de mon corps et de mon esprit. Je réussis à me redresser, m’appuyant contre le mur juste à côté de moi. Et j’ouvre enfin les yeux. La vision qui s’offre à moi est terrifiante. Pourtant, je ne suis pas en mesure de ressentir de la peur. Mon estomac noué, mon étourdissement qui perdure et cette étrange sensation d’être enfermée. Comme un bétail. Même en réalisant cela, mes paupières sont lourdes de fatigue. Se pourrait-il que la récente téléportation m’affecte toujours au point que je ne réalise pas encore la gravité de la situation? J’ai beau chercher dans ma mémoire, mon dernier souvenir se décrit comme moi vacant à mes tâches ménagères dans mon appartement. L’instant suivant, je me trouve dans une pièce fermée, avec une cinquantaine d’autres personnes. Je scanne légèrement les gens présents. Personne que je connais ne s’y trouve. Cela m’aurait étonné, puisque j’habite à New York depuis à peine six mois. Pourquoi supposer que tous ces gens sont des Newyorkais? Parce qu’ils expriment leur angoisse avec un accent américain? Pourquoi supposer que cela pourrait être des gens d’ailleurs? Rien ne me l’indique, non plus.

Soudain, une porte s’ouvre. Je ressens pour la première fois la menace de la situation en voyant les personnes qui entrent et se saisissent violemment de trois pauvres victimes pour les emmener au loin. La porte se referme à nouveau, alors que des larmes glissent sur mes joues. Je m’empresse de les essuyer, ne voulant pas une fois de plus passer pour la plus faible du groupe. M’appuyant le dos contre le mur, je tente de calmer la panique qui s’est installée en moi. Je ne dois pas y céder, mais l’impression de danger imminent ne contribue pas à m’apporter le sentiment que je désire. En tournant le regard vers ma droite, je remarque une femme dont le visage me dit finalement quelque chose. À force de la regarder, je reconnais l’identité de cette personne : La sorcière dont les journaux parlent, celle qui est recherchée. Immédiatement, j’ose m’approcher et je lui souris pour ne pas qu’elle se méfie de moi. Je lui pointe la porte lorsqu’elle me regarde.

« Vous croyez pouvoir ouvrir cette porte? Ou du moins empêcher ces gens de s’en prendre à d’autres innocents lorsqu’ils vont revenir? »

Ma voix est tremblante. Le stress ne s’est pas envolé en un clin d’œil, loin de là. Je ne sais même pas pourquoi je lui demande ça, mais il faut bien tenter quelque chose, non? Puisque s’il y a une chose de certaine, c’est que ces gens vont revenir pour se saisir d’autres victimes.

© Mister Hyde

Un sursaut léger, c’est la sensation de froid qui la réveille. Elle n’ouvre pas les yeux immédiatement, la sensation de son crâne qui pulse, la nausée légère. Elle a du mal à émerger du brouillard comateux dans lequel son esprit est perdu. Un effet de la téléportation, elle sait ça. Elle fronce un peu les sourcils, ses doigts se plient, cherchent une accroche mais il n’y a rien d’autre qu’un sol dur et froid. Elle entend des bruits de pas, son regard papillonne, sa vision est floue, elle voit des silhouettes emporter d’autres silhouettes qui s’agitent. Quel rêve étrange. Il y a des cris des pleures, puis le bruit violent d’une porte qui claque. Cette fois elle sursaute, se redresse à demi, écarquille les yeux, son estomac lui signale que sa vivacité soudaine est peu appréciée. C’est pas un rêve, c’est un putain de cauchemar bien réel. Elle regarde autour d’elle. Un peu éberlué. Elle parlait avec Magnus, il y a quelques instants à peine. Ou plutôt elle se disputait avec. Elle se rappelle avoir claqué la porte et… se réveiller ici.  Au milieu d’un certain nombre de personne, les bras nus. C’est ce qui la fait tiquer. Du monde et elle porte juste un foutu débardeur. Et. Un. Short. C’est pas la pudeur qui la fait se replier soudain. C’est le début d’une crise de panique. Un putain de cauchemar.

Deux voix parlent non loin d’elle, Rogue tourne la tête, elle voit la sorcière rouge et un instant elle se dit que ça y’est, ils ont fini par trouver un moyen de déporter les gêneurs. Son regard passe sur la foule, certaines personnes ont le regard vide, apathiques, elles semblent figées par la résignation. « Ou est ce qu’on est ? » demande soudain une voix à côté d’elle, une adolescente qui semble au bord des larmes. Elle tend sa main vers Rogue et celle-ci bondit en arrière, frappe du plat de la main le bras de la jeune fille, un peu trop fort. L’adolescente éclate en sanglot incontrôlés, tenant son bras douloureux, une femme l’accueil dans son giron en adressant à Rogue un regard peu amène. « Je suis désolée » marmonne-t-elle avant d’ajouter gauchement « me touchez pas ok ». Elle chasse de son visage les mèches blanches qui obstruent sa vue puis croise les bras, mal à l’aise, quelques-uns la dévisagent. La tentative d’arrestation dont elle a fait l’objet quelques temps auparavant a fait le tour des médias, heureusement ça n’a été filmé que depuis un téléphone, malheureusement ces machins sont de plus en plus perfectionnés, machinalement elle cherche le sien, elle sait pourtant qu’il est resté sur sa table de nuit et qu’il est de toute façon peu probable qu’il y ait du réseau dans ce qui ressemble à une prison. Et puis il y a eu son procès quelques années auparavant, ce qu’elle regrette de ne pas avoir succombé à la tentation du masque et de l’identité secrète. D’un autre côté, qui accordait de l’importance à ce qui pouvait arriver aux mutants ? Les affaires s’enchainaient plus rapidement que les frasques de Trump dans sa parodie de campagne.

Au fond de la salle, il y  a cette porte qui les nargue et qui les menace en même temps, elle décide de s’avancer vers les deux femmes. L’inaction va la rendre dingue, elle s’avance, fait attention ou elle marche, hésite à voler puis se dit qu’il est plutôt préférable de s’afficher le moins possible. Ce qui dans son cas est déjà en partie raté. « Même si on démolit cette porte, on a aucune putain d’idée de ce qu’il y a derrière. » Plus agressive qu’elle ne l’aurait voulu, en vérité elle panique, elle passe sa main sur sa gorge plusieurs fois. La dernière fois qu’elle s’est retrouvée enfermée dans un endroit comme ça, elle avait un collier inhibiteur autour du cou. La dernière fois, elle a failli devenir folle. Elle fait refluer la panique. Rester forte. Elle a toujours ses pouvoirs, n’est-ce pas ? Et c’est la première fois que cette idée lui offre un quelconque soulagement. Encore une fois son regard parcours l’assemblée, depuis combien de temps ses gens sont là, leur passivité l’effraie, elle a envie de les secouer, mais elle est quasiment certaine qu’ils n’ont aucune réponse. De plus, elle n’a ni patience, ni compassion, elle veut juste sortir. Ou avoir quelqu’un ou quelque chose sur lequel taper. Ou hurler. Probablement les deux.

“Anna Marie Raven, Sinthea Schmidt, Wanda M. Maximoff & Loreine Marchand”

Je ne suis toujours pas stable émotionnellement. J’ai cette peur qui me fait mal jusque dans les trippes. J’ai ma tête qui semble tournoyer, comme si l’évanouissement me guettait. La réalisation d’avoir une personne dotée de capacités considérable parmi cette foule me donne l’espoir de lutter brièvement contre ma panique. Je sais pourtant que je suis extrêmement fragile. D’une manière ou d’une autre, si ces étranges individus s’approchent de moi, je sais que je vais flancher et me retrouver à leur merci. Cela me met en colère rien qu’à y réfléchir. Je ne suis pas forte, je ne l’ai jamais été. Et voilà que ma faiblesse m’apparaît encore plus insupportable alors que la situation est aussi critique et confuse. Oui, parce que nous ne savons rien de nos kidnappeurs, tout comme me le rappelle la sorcière. Nous ne savons pas non plus où nous sommes présentement. Il y a de fortes chances qu’opposer de la résistance à ces monstres nous apporte de graves conséquences. Mais je sais surtout que ne rien faire est encore pire. J’ignore pourquoi ils nous ont capturés. Pourquoi ils nous retiennent tous prisonniers dans cette cellule. Et surtout, pourquoi ils viennent simplement nous chercher un par un, comme pour progressivement tous nous conduire à l’abattoir. Je crains pour nos vies, à tous. Cette pensée n’aide pas à calmer mon agitation intérieure. Au contraire, plus j’y réfléchis et plus j’ai de la difficulté à respirer. Je ne dois pas retomber dans la panique maintenant. Je ne serais que plus inutile de la sorte. L’arrivée de cette femme derrière nous deux contribue à porter mon attention ailleurs, m’éloignant de la crise. Ce qu’elle dit est probablement ce que nous pensons tous, mais avec une plus grande agressivité. Je la fixe un instant, ne sachant quoi lui répondre. Il est évident que nous sommes face à l’inconnu en ce moment et qu’ouvrir cette porte ne va que nous en amener d’avantage. Je me tourne vers Wanda, dans l’espoir que sa propre vision des choses équilibre la mienne.

« Nous n’avons pas vraiment le choix. Ces gens ne vont pas s’arrêter et ils me semblent évident à présent qu’ils cherchent à nous faire du mal. Je ne vois aucune autre explication à tout ce cirque. On peut toujours trouver un moyen de fuir, mais leurs visites dans cette pièce vont demeurés. Détruire la porte va attirer des ennemis à nous, c’est certain. Mais peut-être que nous en prendre à eux alors qu’ils sont dans cette pièce nous permettrait d’avoir quelques réponses à nos questions. »

Le flot de mes paroles est dirigé instinctivement. Je me surprends moi-même dans ma confiance et dans la clarté de chaque mot. Je suis toujours fébrile toutefois face à ce plan. J’ai peur au même titre que chaque personne dans cette cage. Mais attendre la mort les bras croisés est hors de question. Je ne veux plus être ce genre de personne.

© Mister Hyde