My heart still belongs to you [Gwenyson]

My heart still belongs to you

Gwen Caulfield & Dyson Jones

Étendu sur une caisse de l’entrepôt, mes pieds posés sur le rebord d’une autre, j’observe d’un regard lourd les trois autres employés en uniforme bleu jouer aux cartes. En ce vendredi midi, l’ambiance est festive, plus légère qu’à l’ordinaire. Mes collègues trouvent le moyen de se disputer pendant une simple partie de cartes et je dois dire que les observer est la seule chose qu’il m’empêche de plonger dans le sommeil. Suite à des soucies avec les commandes, j’ai été de quarts de soir durant les cinq derniers jours, alternant avec des quarts de jours. Mes paupières sont donc lourdes, devant constamment lutté pour éviter qu’elles ne se referment sournoisement trop longtemps. Le désintérêt du travail routinier rend la tâche ardue. J’accueille donc à bras ouverts la partie de cartes improvisée de mes collègues, ponctuée régulièrement d’exclamations et de cris qui me font sursauter à l’occasion. Mais toute bonne chose à une fin et la pause dîner s’achève, sans réussir à complètement ternir le sourire du gagnant du jeu. Il marche d’un pas assuré à mes côtés, me lançant un regard amusé en voyant mes cernes de mort vivant. Il s’appelle Alex. C’est un jeune homme du début de la vingtaine. Je ne pense pas qu’on m’ait déjà dit le nombre exact de son âge. Il est étudiant universitaire et pour lui le Walmart n’est qu’un job temporaire, une source de revenu afin de payer ses études coûteuses. Il m’apprécie parce que j’accepte de l’aider à réviser pendant les inventaires. Ces derniers coïncides toujours étrangement avec ses périodes d’études pour ses examens et je suis le seul ayant accepté de me prêter au jeu. Je n’y peux rien, je trouve cela fascinant. Voir tout ce qu’il doit retenir et comment de mon côté je peux apprendre en l’assistant. Aujourd’hui n’est pas un jour d’inventaire, mais nous devons tout de même nous rendre jusqu’au fond de l’entrepôt pour vérifier les nouvelles livraisons du matin.

Nous consacrons donc une heure à passer à travers la liste de livraison et à ouvrir certaines caisses pour vérifier les quantités. Tout est conforme. Par la suite, nous remplissons des chariots de fournitures dans le but de les déplacer vers l’espace actif du magasin. Dans mon chariot, se trouvent principalement des livres et certains articles de bureau. Moi et Alex nous séparons ensuite pour nous rendre dans les sections du Walmart appropriées afin de commencer à mettre les objets dans les étagères. Une fois dans la bonne rangée, je commence par vérifier les étiquettes de prix. L’une d’elle n’est pas conforme et je la retire donc. Une fois tout en ordre, je commence à décharger mon chariot et à placer les livres. De temps à autre, je fais un contrôle de qualité sur les produits. Les articles présentant un défaut majeur seront retirer de la circulation et renvoyer à la compagnie. Les défauts mineurs peuvent être sujets à une réduction du prix, mais cela dépend de beaucoup de facteurs. Si tel aurait été le cas, je devrais avoir recours au chef du secteur dans lequel je me trouve pour qu’il m’indique sa décision et le pourcentage de réduction. Je ne suis pas autoriser à prendre une telle décision par moi-même. Le contrôle qualité se passe bien, m’évitant de devoir avoir recours au chef de ce secteur que je sais être de mauvaise humeur d’ordinaire. Je termine donc de garnir l’étagère de livres et je tire sur mon chariot afin de changer de rangée. Je passe donc à une rangée de crayons, de post-it et d’autres articles de bureau. Concentré dans mon travail, je ne fais pas attention à la femme présente dans la rangée au même moment. Je me penche plutôt afin d’avoir un visuel sur l’étagère le plus basse du rayon. Elle est presque complètement vide, alors j’étire mon bras afin de me saisir des boîtes du fond et je les ramener au bord. Je vérifie attentivement les codes à barres, la différence entre chacun étant minimes dans certains cas. Alors, en tournant la tête afin de me saisir des objets à placer, je remarque pour la première fois la paire de jambes parfaitement sculptée à l’autre extrémité de la rangée. Je m’arrête dans mon mouvement, remontant tout doucement la tête afin d’améliorer mon champ de vision. Je parviens à trouver un espace entre deux boîtes de mon chariot m’offrant un visuel meilleur sur la femme. Je n’arrive pas à voir plus haut que sa taille, étant après tout toujours en petit bonhomme dans mon coin. Le chariot m’offre une bonne cachette pour ne pas être remarqué, bien que mon vacarme de tout à l’heure avec mes caisses de crayons a du attiré son attention. L’important, c’est que si elle m’a remarqué, elle s’est désintéressée de moi assez rapidement. Comme je n’arrive pas à avoir une vue d’ensemble sur son corps, je cherche d’autres positions pour y parvenir. Finalement, c’est en relevant mon nez à la hauteur des boîtes supérieures du chariot que j’arrive à voir sa tête. Ses cheveux blonds parfaitement coiffés. Puis, un mouvement de son visage dans ma direction. Son regard est toujours concentré sur ce qu’elle recherche dans la rangée, mais à présent j’ai accès à ses traits. Et je les reconnais pour être fidèles à ceux de cette photo qui traîne négligemment sur ma table de nuit dans mon appartement. Perdant l’équilibre, je tente de me retenir de tomber par en arrière en saisissant le chariot devant moi. Hors, il possède des roulettes… Je me retrouve sur le dos et je fais tomber dans ma stupidité les deux caisses sur le dessus du chariot, faisant pleuvoir sur le plancher ciré une centaine de stylos. Je réussis à empêcher ma tête de se cogner contre le sol, mais pas à éviter le bruit de l’explosion des caisses. Merde, je vais attirer définitivement son attention sur moi. Je m’empresse donc de ramasser mon bordel, gardant la tête bien basse. Hors, je la vois du coin de l’œil. Elle me regarde. Et mon cœur s’emballe alors que je tente d’accélérer mes gestes et de me saisir de tous les crayons. Son regard est brûlant sur moi. Tout simplement parce que je ne sais pas ce qu’elle pense en ce moment. Si comme pour moi, elle me reconnaît. Si comme pour moi, elle se demande se que je fous en uniforme bleu de Walmart.