You may need company | Elektra

L’esprit cotonneux, Elektra déambulait dans les rues malfamés de New York, par trois fois on l’avait interpellé, malheureusement aucun n’était allé jusqu’à la confrontation. C’était dommage. Un combat facile l’aurait peut être aidé. Elle ressassait, essayait de rassembler les lambeaux d’histoires qu’elle avait oublié avoir vécu. Elle essayait de remboiter les éléments, comme un enfant avec un jeu d’éveil. Et elle avait l’impression frustrante de s’acharner à faire entrer un carré dans un triangle.
On l’arracha à ses pensées en attrapant son bras, un imbécile ivre, dont elle ne comprit pas un traitre mot, tentait de retenir son attention. Un rictus mauvais gagna ses lèvres colorées de pourpre,  d’un geste sec elle se dégagea mais l’idiot ne compris pas. Il vacilla puis revint à la charge, un peu plus pressant. Cette fois, la rage se déversa en elle, actionnant ses muscles, un coup de poing plus tard, l’homme était au sol, tenant sa mâchoire douloureuse dont le craquement sonore avait fait se retourner quelques passants. Elle se baissa pour l’attraper par le col et le traina sur le trottoir alors qu’il se mettait à brailler des excuses désordonnées.
A cet instant toute sa haine était dirigée contre ce type. Ca lui faisait un bien fou, elle avait un endroit ou la décharger. Elle le redressa et son poing s’écrasa à nouveau contre son visage, sur ses pommettes, déviant sur son nez craqua. Quelques gouttes se perdirent sur son imperméable beige, sans qu’elle n’y prenne garde. Il retomba et elle décocha un coup de pied dans le pathétique corps prostré à ses pieds. Si elle n’avait pas été capable de se défendre, qu’est-ce qu’il se serait passé ? Qui était ce type qui pensait qu’une femme qui marchait seule dans la rue était disponible ? Un second coup de pied, son talon s’enfonça dans la chair molle de son ventre et une voix intérieure, désagréablement familière, lui hurla de s’arrêter. Elle s’interrompit, réalisa que les badauds observaient la scène, le contentement qu’elle ressentait retomba, la laissant un peu groggy.

Elle avait besoin d’un verre.

Elle reprit sa déambulation, le visage fermé, la colère refluant, laissant place à un malaise étrange. Elle tourna à l’angle et avisa un bar, le genre miteux. Le genre, ou la veille, elle avait observé un foutu avocat se rendre. Un avocat qui aurait dut être mort. Elle poussa la porte, ça sentait le tabac et l’alcool pas cher, quelques têtes se tournèrent, très peu de femme, beaucoup de solitude dans cet endroit. C’était un trou, loin du luxe, loin des pianos bar, loin de ce que fut sa vie.
Elle se hissa sur un tabouret, posa son sac à main sur le bar poisseux. « Une tequila, Mezcal, si vous avez. » Les mots étaient venus sans qu’elle n’y réfléchisse, mue par une habitude. Le barman haussa un sourcil, elle comprit agacée, que ce n’était pas le genre de l’établissement, elle abdiqua. « N’importe quoi, mais fort. » Sans surprise, il déposa un whisky devant elle. Elle détourna les yeux de sa décevante boisson, pour observer le bar, le brouhaha des conversations anodines emplissait le lieu. A côté d’elle, un type encapuchonné, il regardait devant lui, presque obstinément, elle prit une gorgée de Whisky et reposa un peu brutalement son verre. Elektra n’aimait pas qu’on l’ignore.
Elle capta son regard d’un surprenant bleu délavé à travers le miroir tacheté qui s’étalait derrière le bar. « Bonsoir » dit-elle, son léger accent tintant son salut, elle n’avait pas lâché son verre, guettant une réaction. Ce type tout seul, portant sa capuche comme un rempart, éveillait sa curiosité et elle avait besoin d’une distraction. « Vous attendiez quelqu’un peut être » pas qu’une réponse affirmative ne fasse se déplacer, c’était une techniquement simple pour ouvrir la conversation.



 

Il bégaie Elektra n’est pas patiente et pour une raison à laquelle elle refuse de réfléchir, son agacement s’accroit lorsqu’elle s’aperçoit qu’il évite consciencieusement son regard. Son regard à elle est perçant, il n’y a que les menteurs malhabiles qui évitent les regards. Elle lève son verre tranquillement, reprenant une gorgée du whisky médiocre. Elle prend son temps pour lui répondre, elle n’est pas pressée. Dans le bar règne une certaine tension, presque palpable elle charge l’air d’électricité. Elle se demande si c’est pour elle, ou si c’est pour lui.

Pas que ça change quelque chose

Elle aime se battre, elle a de la tension à évacuer, peu importe que le combat la concerne, elle s’en mêlera ou elle y sera mêlée. Ces petites frappes ne seront rien d’autres qu’un amuse-bouche. « moi non plus. », finit-elle par répondre. Elle le jauge, Elektra est curieuse et c’est pas là son moindre défaut. Ce type est étrange, elle pourrait s’en foutre, finir son verre, offrir une tournée de shots au bar, piocher un mec et l’oublier, puis retourner servir les intérêts de La Main sans se demander quels sont les siens. Sauf, qu’elle peut pas. Elle peut pas, parce qu’elle commence à comprendre que quelque chose fonctionne pas dans son histoire. Qu’elle avance sur des fondations en argiles ; elle avance, elle tangue parce que les fondations s’effritent.
Son voisin n’était pas un bavard, trop poli pour dire qu’il n’a pas envie de parler, trop perturbé et elle était presque certaine qu’elle n’était pas l’unique cause de son trouble. Le raclement des pieds d’une chaise contre le sol, lui fit tourner la tête, par-dessus son épaule, elle vit un type sortir du bar, son téléphone vissé à son oreille. Elle croisa son regard et eut l’intuition qu’elle était le sujet. Il portait un tatouage dans la nuque, une tête de bulldog, c’était le membre d’un gang auquel elle avait rendu une visite. Elle n’avait pas pris la peine de couvrir son visage pour menacer cette bande de pathétiques voyou. Elle avait égorgé leur chef et laissez quelques-uns s’enfuir. Apparemment, ils n’avaient pas compris la leçon.

Elektra se tourna franchement vers son voisin et demanda d’un ton léger : « Tu fais partie d’un gang ? Tu es un espion ? » Elle avala le reste du whisky et reposa son verre, ça allait devenir sportif dans peu de temps. Cette constatation lui apporta une certaine allégresse, déplacée compte tenue de la situation, mais elle s’en foutait. Elle déboutonna son trench sans pour autant l’ôter, coincé dans la ceinture de son pantalon se trouvait ses saïs qui étaient comme une extension de son corps, sans pour autant s’en saisir, elle plongea la main dans une poche intérieur et posa sur le comptoir un billet froissé et fit signe au barman, sans même quitter des yeux le jeune homme, de recharger son verre. Celui-ci observait sa clientèle d’un œil inquiet, il avait l’air de se demander, s’il devait appeler les flics ou son assureur.