Bacon & Eggs ▲ Ft. Lauren Roberts

« Wouuuh. » Réveil compliqué dans un lieu inconnu. Il y a bien longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Malgré une gueule de bois à venir, je me ris du danger et me redresse en position assise de façon un peu brusque. Mon estomac n'a pas l'air bien solide et ma vue étrangement brouillée. Je cligne des yeux plusieurs fois pour y voir un peu plus clair, remarque ma nudité, puis la nudité de l'être humain à côté de moi. Un être humain de type masculin, il me semble. Du bout de l'index, je lui poque l'épaule. Deux ou trois fois. Juste pour vérifier qu'il n'est pas mort. Pour seule réaction, l'étranger grogne de mécontentement. Très bien, il est bien vivant et je l'agace. Je ne sais pas quoi faire de ces deux informations, alors je suppose qu'il s'agit là du moment opportun pour prendre la fuite. Attendre le réveil de ce mystérieux garçon ne m'apportera rien de plus, il me fera juste regretter d'avoir abusé de la boisson la veille. Je ne ressens pas le besoin urgent d'obtenir plus d'informations sur le déroulement exact de la soirée. Après une courte bataille avec la couette, je parviens à sortir du lit. « Il fait froid, bordel de queue... » Du regard, je pars à la recherche de mes vêtements. Impossible de mettre la main sur mes sous-vêtements. En revanche, je retrouve ma robe. Dans un piteux état. « Meeeeh ! » Elle n'a pas survécu à cette soirée slash nuit mouvementée. Je soupçonne celui qui se trouve dans le lit d'être l'assassin de ma robe, d'ailleurs. Je lui lance dessus avec rage et lui pique des vêtements sans la moindre gêne. Je n'ai rien contre le nudisme, mais avec ce froid polaire, je risquerais bien d'attraper une pneumonie. Je peux m'en passer, je n'vais pas mentir. Et très franchement, ce jogging et ce sweat beaucoup trop larges pour moi me donnent un charme fou. Sitôt vêtue, je quitte cette jolie chambre de mâle et me lance à la poursuite d'une issue de secours. La maison est un véritable champ de bataille, ce qui m'impressionne un peu, je dois le dire. Je ne sais pas à qui cette grande demeure appartient, mais à la place du propriétaire, je pleurerais un peu de la retrouver dans un tel état. Pendant deux secondes, j'envisage la possibilité de faire un peu de ménage. Juste pendant deux secondes. J'abandonne assez vite l'idée – la flemme m'attrape en plein vol.

« Hey, salut ma belle ! » Je m'arrête net et fronce les sourcils. On me parle ? « T'enfuis pas. J'suis en train de faire des pancakes. T'en veux combien ? » Oui, on me parle. Un deuxième inconnu apparaît mystérieusement dans l'encadrement de la porte de la cuisine et me regarde, avec un grand sourire. La brillance de ses yeux m'indiquie que l'alcool coule encore dans ses veines. Je jette un œil par-dessus son épaule et aperçois une pendule. Il est beaucoup trop tôt. Je suis à peu près certaine que même le soleil n'est pas totalement levé. « Euh... » « Après la nuit qu'on vient de passer, j'pense que tu dois reprendre des forces. » Oh fichtre Zeus. Qu'ai-je fait ? Les yeux ronds comme des billes, la bouche grande ouverte, je fixe mon interlocuteur d'un air assez débile. Il arque un sourcil avant de rire. « Ben... Deux ? C'est un beau chiffre, deux. » Il rit de nouveau, hausse les épaules et retourne vaquer à ses occupations. « Deux, c'est noté. » « Nickel ! Allez, salut ! » Je cours littéralement comme une furie vers la porte pour me jeter dans la rue. J'hurle à pleins poumons en sentant le froid attaquer mes pieds et mon corps tout entier. Ouais, je viens de sortir dans la rue pieds nus. C'est exactement ce qu'il vient de se passer. Alors qu'il neige. Je ne tarde pas à retourner à l'intérieur pour voler une paire de chaussures et un manteau. « BISOU ! » Je suis polie, je vole les gens avec amour. Maintenant, il s'agit de courir. Même si je doute que les deux inconnus me rattrapent, on ne sait jamais. Ma course se termine dans un café situé dans le quartier de Brooklyn. J'ai déjà passé commande lorsque je me rends compte d'une chose : je n'ai pas d'argent. Mon inquiétude se dissipe rapidement lorsque j'entends deux hommes discuter des surhumains. L'un semble les admirer (et celui-là, je lui fais un peit bisou parce que c'est bien aimable), l'autre les insulte. Et en les insultant, il m'insulte directement aussi.

Faire profil bas et continuer de m'inquiéter pour mon manque d'argent devrait être la meilleure des solutions. Pourtant, une voix intérieure me pousse à intervenir. A défaut de directement cramer le vieux rabougri, je vais m'asseoir à ses côtés. J'affiche un très grand sourire rempli de haine. « Bonjour. » Que je fais pour qu'il se retourne vers moi. « Vous avez un problème avec les trucs comme moi ? Tout ce joli petit monde qui, selon vous, fout la merde partout ? » Je rêve de lui planter sa fourchette entre les deux yeux. « Est-ce que je vous brûle maintenant ou j'attends un peu ? C'est vous qui m'dites ! » J'ai bien conscience que mon agressivité un peu motivée par l'alcool et mes menaces ne vont pas le faire changer d'avis sur les surhumains. Au contraire, je risque de mettre de l'huile sur le feu. Pas très malin, comme façon d'agir. D'un autre côté, je ne me suis jamais vantée d'être très maline.

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