Démasqué [Alek, Sam & Steve]

Mon stress devient infernal au moment de franchir le barrage. Je reste silencieux et évite même de regarder par le pare-brise de devant. Je reste sagement assis en faisant profil bas, un peu comme si cela allait me protéger si finalement on nous reconnaît et nous attaque. Mais, rien de tout cela n’arrive. Sam garde une vitesse constante, puis franchit le barrage routier. Je soupire de soulagement, mais mon estomac reste noué. Dans combien de temps vont-ils se rendre compte de leur erreur? Que nous ne sommes pas un fourgon de secours qui rapatrie un blessé grave à l’hôpital? Lorsque nous nous engageons sur la route 278, je m’autorise à espérer qu’on leur a échappé. J’observe à l’extérieur, aucun signe de l’hélicoptère. En entendant l’ordre de Rogers par la radio, ils ont surement été avertis qu’il pistait la mauvaise cible. Fort heureusement pour nous, ils nous ont permis ainsi de prendre une distance considérable du lieu de l’affrontement. Sam nous conduit à Brooklyn et je ne m’y objecte pas. Je reste très calme à vrai dire. Surtout parce que maintenant que mon adrénaline retombe, je commence à ressentir les douleurs de la bataille qui était anesthésiées jusque là. Je ne me suis pourtant pas battu, mais j’ai mal partout. Je soupçonne la sur-utilisation de mon pouvoir d’y être pour quelque chose. Lorsque Sam pénètre dans une ruelle pour y stationner le véhicule, je me lève péniblement. Je manque m’écrouler lorsque vient mon tour de descendre. Quelqu’un me retient. Je me sens une fois de plus inutile, surtout que nous devons déguerpir le plus loin possible du fourgon pour ne pas qu’on nous retrouve à nouveau. Je ne peux m’empêcher de m’excuser pour mon état :

-Je suis désolé, j’y suis peut-être allé un peu fort quand je vous ai donné de mon énergie. Je me sens épuisé. Mais c’est bon, je me rétablis rapidement d’ordinaire. D’ici quelques minutes, je devrais être en mesure de courir.

Sauf qu’on ne disposait pas d’autant de temps, je m’en doutais. Je me redresse donc et une fois sur mes pieds, je réussis à me maintenir stable seul. Je regarde les deux hommes en leur faisant signe d’avancer, que j’allais les suivre. Il ne fallait pas ralentir à cause de moi. Je marche d’abord normalement, avant de courir (moins rapidement qu’eux évidemment) au bout de quelques mètres de parcouru. J’arrive à tenir leur rythme, ne les perdant pas de vu. Toutefois, une distance s’installe entre nous. Je me fatigue avant eux aussi. Je suis persuadé qu’ils auraient très envie de me laisser derrière, moi qui est un boulet pour eux. Mais comme nous sommes tous les trois dans la même galère, je présume que ce n’est pas une très bonne idée de le faire. En levant les yeux, je les vois pénétrer dans un bâtiment. La fatigue m’empêche d’accélérer le pas pour être juste après eux et au moment d’atteindre la porte qu’ils ont pris, j’aperçois une voiture de police qui tourne le coin de la rue. Je me fige. Est-ce qu’elle me voit? Est-ce qu’elle sait que nous sommes en fuite, le SWAT les ayant avertie de patrouiller les alentours pour nous trouver? J’hésite entre me mettre à courir pour attirer son attention sur moi et ainsi protéger les deux autres, ou bien entrer dans le bâtiment, au risque de dévoiler notre cachette de fortune si les policiers m’observent en ce moment derrière leur vitre teinté. Ma décision se prend en une fraction de seconde :

La compassion de Rogers me touche vraiment. Il regrette visiblement de m’avoir entraîné dans cette aventure. Je ne lui en veux pas à cet instant. Je suis beaucoup trop préoccupé par notre fuite d’abord, puis par ma condition physique ensuite. Même par la suite, il n’y a pas vraiment à craindre de moi des représailles, je ne suis pas rancunier. Il a simplement voulu en apprendre plus sur moi, découvrir si j’étais un danger potentiel pour la ville. Par la suite, cette horde d’agents surentraînés nous est tombée dessus. Nous avons tous été pris de court. Ce n’est la faute de personnes. C’est juste un concours de circonstances, une malchance qui nous touche tous les trois. Puis, Sam me remercie pour la transmission d’énergie que j’ai utilisée sur lui. Je ne peux contenir un sourire. Je ne cherche pas des remerciements, je voulais seulement l’aider. J’apprécie son geste, ça m’allège un bref instant le cœur alors que la situation est encore bien tendue.

Nous avons ensuite filé pour nous mettre à l’abri. J’étais à la traîne bien malgré moi. Aucun drame ne se produit lorsqu’une voiture de police passe près de moi. Je ne fais rien de suspect et elle ne tente rien contre moi. Toutefois dès que le véhicule disparaît, je songe aux deux autres à l’intérieur du bâtiment à ma droite. Je dois bouger. Je fais un mouvement vers la porte, au moment où l’homme au bouclier revient pour me chercher. Je le suis aux pas de course et une fois à l’intérieur, je soupire de soulagement. Évidemment, rien n’est terminé. Sauf que nous avons au moins un petit temps pour souffler, le temps de trouver une solution pour la suite. Je m’approche des deux hommes. Le plan de Rogers pour l’instant est de quitter la ville. De mon côté, je ne sais pas vraiment quoi faire. Je les regarde à tour de rôle. Il y a bien un endroit que je doute que le SWAT connaisse, mais je ne pourrais le garantir. Je décide de leur en parler, prêt à ce qu’on refuse ce plan :

-Et bien, j’habite dans une petite ville appelée Foxborough, pas très loin de Boston. Si nous devons vraiment quitter New-York, alors je peux vous hébergez aussi longtemps que nécessaire.

Il reste une chance que le SWAT soit déjà sur cette piste. Que les caméras nous ont filmés et que les images recueillies de la sorte servent aux autorités pour répertorier toutes nos anciennes adresses des dernières années. Si nécessaire, il y a toujours la maison de mes parents un peu plus loin à l’est du pays. Je ne voudrais pas en arriver là, mais je garde ce plan de secours en tête. Il est convenu que les deux hommes en uniforme doivent changer pour des vêtements civils, afin de passer inaperçu. Je ne m’y objecte pas du tout. Je pense que moi-même il serait bon que je change de tenue pour augmenter mes chances de passer sous le radar de nos poursuivants. Sam nous informe que plusieurs appartements semblent inoccupés pour l’instant. Voilà notre chance de trouver de nouveaux habits. Je suis les deux hommes vers l’un des appartements choisis. Le problème d’entrée ne se pose pas puisque j’ai deux experts en la matière il semblerait bien. Encore une fois, je me contente d’observer leur travail. Comme depuis le début, je me sens inutile. J’évite donc au maximum de me mettre dans leurs pattes. Dès que nous pénétrons à l’intérieur, nous nous précipitons pour trouver de quoi nous changer. Je n’enfile qu’une chemise noire et une veste simple, conservant mes jeans. Je change toutefois de souliers. Je trouve aussi pertinent de retourner mon manteau. Il comprend deux sens pouvant être porté. Celui à l’intérieur est plus foncé et une fois retourné, il devient un tout autre manteau. Je l’enfile en vitesse, pour ne pas retarder la suite de notre fuite. En jetant un coup d’œil nerveux à la porte d’entrée, comme par crainte qu’elle ne s’ouvre sur le riche propriétaire du logement qui rentre de vacances, j’aperçois quelque chose de brillant près de la porte. Je m’approche et en voyant un porte-clés déposé dans un bol, l’espoir renaît en moi :

-Les gars, je les appelle, je pense que j’ai trouvé notre moyen de transport.

En effet, une clé de voiture est accrochée au porte-clés métallique, comportant même le numéro du stationnement réservé pour cet appartement. Avec un peu de chance, la suite des choses sera moins ardue.

Être avec eux et leur porter assistance m’a fait réaliser que je pouvais être utile en quelque chose dans cette histoire. J’ai aussi réalisé que le gouvernement n’a pas le droit de s’en prendre à des gens comme mes deux compagnons de fortune. Je ne les connais pas vraiment, mais je sens qu’ils sont du bon côté et qu’ils ne cherchent qu’à faire le bien dans le fond. Je désapprouve les actes du SWAT d’aujourd’hui. Actions qui vont surement se perpétuer à un nombre croissant d’ici les prochaines semaines. Je suis peut-être déjà porteur d’une de leur puce, mais j’ignorais à quoi je m’associais qu’en j’ai consentie à ce qu’on me l’implante. Je ne veux pas qu’on force les autres contre leur gré et encore moins qu’on empêche des héros comme ces deux hommes de faire leur boulot! J’aimerais bien leur être utile d’une quelconque manière dans ce conflit. Ne serais-ce qu’à titre de renfort ou de simple coup de pouce de rechargement. Je veux être disponible pour eux afin de les remercier de m’avoir sauvé les fesses aujourd’hui mais surtout de me faire suffisamment confiance pour me laisser repartir chez moi. Je les regarde un instant lorsque Rogers m’annonce que je ne peux pas les héberger. Que nos routes doivent se séparer donc. J’ai un pincement au cœur. Je suis très inquiet pour leur sort. Où vont-ils aller alors? Comment vont-ils s’en sortir face à une menace aussi grande? L’évènement a été filmé, le tout doit déjà courir sur les réseaux sociaux. Le monde entier sera au courant d’ici demain. Ils ne pourront espérer rester cacher suffisamment longtemps pour qu’on les oublis. Si certains vont appuyer leur opposition à la loi, j’ai comme l’impression qu’une majorité va désapprouver leur rébellion. Ces gens-là n’auront aucune pitié s’ils les voient en cavale, ils les dénonceront aux autorités et mes amis n’auront plus de place pour se cacher. Je suis très hésitant à autoriser cette séparation. Mon combat est intérieur et bref, mais il est pénible. Je finis par consentir à cette décision, mais je ne pourrais dormir tranquille avant de savoir que le gouvernement n’en a plus après eux. Je les observe toujours, hochant la tête pour indiquer que j’ai compris :

-C’est d’accord, je leur dis. Toutefois, je tiens à vous offrir mon aide. Si dans l’avenir vous manquez d’alliés ou que la situation devient trop critique, s’il-vous-plaît contactez-moi. Je veux vous aidez comme je l’ai fais aujourd’hui. Je ne suis pas un soldat, mais je peux vous être utile d’une autre manière. Si vous me faites assez confiance pour ça, je vous promets que je ne vous laisserai pas tomber en cas de besoin.

Ce que je leur propose est énorme. Je m’expose à de gros risques de la sorte. Mais, je m’en fiche. Je me suis sentie inutile très souvent durant notre combat du jour, mais seulement parce que j’étais en plein champ de bataille. Si j’avais été dans une position stratégique pour leur assurer un approvisionnement en énergie et non coincer derrière une poubelle pour éviter qu’on me tire dessus, mon sentiment aurait été tout autre. J’ai été utile et ils me l’ont confirmé en me remerciant il y a quelques minutes. Je peux donc faire une différence et je compte le faire.

Mais pour l’instant, le temps presse. J’enfile mes nouveaux vêtements, je découvre les clés de voiture et dès que les deux autres s’en approche, nous filons au garage de l’immeuble. Trouver la voiture n’est absolument pas compliqué avec le numéro de stationnement indiqué sur le porte-clés. Je prends place à l’arrière sans même me poser la question. Nous démarrons et je me sens encore plus stresser. Tout simplement parce que plus cette voiture progresse hors de Staten Island et plus le moment de les quitter approche. Je garde un silence nerveux jusqu’à entendre Sam faire de l’humour. Étrangement, toutes tensions s’envolent et je ris de mon cœur. Ça fait du bien! Je garde le sourire quelques minutes après son intervention et je fixe le paysage défiler à travers la fenêtre de la portière. Personne ne vient nous embêter. Aucune voiture de police n’apparaît à l’horizon. C’est presque trop calme, trop parfait. Un hélicoptère passe alors au dessus de nos têtes. Je me fige un instant, de nouveau pris par l’angoisse. Sauf que rien ne se passe. L’hélicoptère poursuit ses recherches, n’ayant visiblement pas la moindre idée que ses cibles sont justes sous son nez. Il repart vers les édifices que nous avons quittés depuis à présent plusieurs minutes. Avons-nous réussi? Est-ce que le reste de la fuite pourra se passer sans embûche? Je l’espère sincèrement pour nous tous. En quittant la route principale à une sortie, la voiture se gare un peu plus loin pour me laisser descendre. Je ne sais comment leur dire au revoir convenablement vue les circonstances. Je me contente de donner à Rogers mes coordonnées pour qu’il puisse me contacter dans l’avenir. Je tiens à ce qu’il les aille, peu importe son opinion sur mon implication ou non. Je me sens ensuite hésitant à les laisser sans les remercier. Je leur serre la main à tour de rôle chaleureusement et je leur souhaite bonne chance pour la suite.

-Prenez-soin de vous surtout, j’ajoute avant de sortir de la voiture.

Je m’éloigne sans me retourner. Je dois trouver un taxi afin de rejoindre mon hôtel puis faire mes valises. Je dois rentrer chez moi au plus vite afin de quitter cette ville.