Un nouveau fiasco dont je me passerais bien. Cardiff, Pays de Galles. Une mission qui devait en être une comme les autres, avec son lot de bouleversements. Mais un comme celui-là…je ne pouvais pas en vouloir à Wanda. Comment lui en vouloir ? Elle voulait bien faire en évitant que l’homme qui tentait de se faire exploser avec sa ceinture ne fasse de gros dégâts au sol. Elle ne pouvait pas savoir qu’un autre soldat lui tirait dessus en même temps. Les médias étaient désormais unanimes : nous étions des dangers publics. Entre ça et les déclarations de Tony dans la presse, la ferveur populaire qui avait accompagné notre première sortie à New-York avait complètement disparu. Nous étions des ennemis de la nation, du moins pour ceux d’entre nous qui choisissaient la clandestinité plutôt que la ‘’légalité’’. Ce pays n’avait plus rien à voir avec celui dans lequel j’avais débuté en tant que Captain America. Désormais, l’Oncle Sam était remplacé par Tony Stark sur les affiches, une propagande en faveur de la loi faisant rage dans tout le pays pour vendre de la meilleure des manières le fait d’enregistrer les personnes possédant des pouvoirs.
Le retour dans le Quinjet avait long et lourd. Aucun d’entre nous n’avait envie de discuter ou quoi que ce soit. Cela me rappelait, et c’était l’ironie de l’histoire, notre échec contre les jumeaux Maximoff lorsque Wanda avait utilisé ses pouvoirs contre nous, nous faisant ainsi avoir des visions. Je ne me souvenais que trop bien de ce vol. Le silence pesant qui y régnait témoignait parfaitement des erreurs de notre équipe. Nous avions été trop négligents devant Ultron et les Maximoff. La discussion qui avait suivit avec Tony avait été des plus houleuses. Je nous avais considérés comme des caniches maîtrisés avec facilité. C’était totalement le cas. Ma part d’ombre…tout le monde en possède une. Je ne vois pas l’intérêt de la montrer aux autres. Bref, tout ça pour dire que le nouveau fiasco Gallois, malgré des vies sauvées et des ennemis neutralisés mettaient un coup au moral. Mais pas le temps de tergiverser car, en rentrant à la base, je recevais un message sur mon téléphone. Surprenant, car mis à part ceux qui avaient choisi de quitter les Avengers, personne d’autre ne l’avait.
Ce n’était cependant pas un message comme les autres. A la place d’un texte normal, d’une discussion normale même, il y avait des chiffres. Des coordonnées pour être plus précis. Je me rendais dans le laboratoire, sur l’ordinateur, pour entrer ces chiffres afin de trouver la localisation exacte que le message me transmettait. Ces données m’indiquaient que l’endroit se trouvait à quelques centaines de kilomètres de la base, dans une forêt qui bordait une petite ville. D’abord méfiant, je me retrouvais très vite intrigué par cette situation. Je m’équipais de mon bouclier et de ma tenue puis prenais la moto que Bucky et moi avions volée dans l’ancien QG de l’équipe face à Stark. Je me devais d’être prudent, c’était peut-être un piège, un coup monté pour m’arrêter. Le voyage dura un long moment, mais en prenant les petites routes à l’écarte des grands axes, c’était logique. Une fois arrivé à la lisière des bois, je pris un autre chemin, pour prendre de la hauteur et voir qui pouvait être cette mystérieuse personne.
Je sortais les jumelles du sac que j’avais amené avec moi puis observais un peu voir qui allait arriver. Après quelques longues minutes à attendre, à guetter le moindre bruit suspect, des bruits de pas se firent entendre. Et une fois cette personne visible, la surprise fut totale. Ni plus ni moins que le Docteur Banner. La dernière fois que nous nous étions croisés, c’était sur les Terres de Solovie pendant le conflit contre Ultron. Il avait fuit à bord d’un Quinjet une fois la mission remplie, ne donnant plus de nouvelles par la suite. La surprise était grande donc. Je descendais dans sa direction, bouclier fixé dans le dos. Une fois près de lui, je pouvais lui adresser les premiers mots.
« Docteur Banner ? Je dois dire que c’est une surprise de vous voir ici. »
J’avais des choses à lui dire, mais autant me montrer courtois dès le départ. Je n’avais pas très envie de l’énerver, si vous voyez ce que je veux dire.
Une brindille craqua sous mes pieds. Cela faisait plusieurs mois que je n'avais pas frôlé un sol forestier. D'ordinaire, mes pas ne heurtaient que les pavés et le bitume de la ville. Le silence m'angoissait désormais plus que le bruit constant de la circulation. Je n'avais plus l'habitude d'avoir pour unique compagnie les battements réguliers de mon cœur, le son de ma respiration et le gazouillis joyeux des oiseaux sur leurs branches. Le froid piqué se heurtait à ma peau. Je frissonnai. Hulk ne craignait ni le froid, ni les grandes chaleurs, moi, en revanche, j'étais vulnérable. Je n'avais ni bouclier, ni armure. J'étais seulement... Bruce Banner. Et je le serais resté sans cet accident qui avait radicalement changé ma vie. Je l'avais accepté, désormais. Il le fallait bien. Avais-je le choix ? Non. Je ne l'avais jamais eu. Je devais vivre avec celui des autres, les décisions qu'on avait prise à ma place, les conséquences d'actes d'autrui. Et me voilà, au milieu de la forêt, à l'écart des grandes villes, à essayer de ne pas faire payer les autres pour leurs propres erreurs.
J'étais en expert dans bien des domaines, et je tentais d'aider à ma façon. Une façon que certains ne pouvaient pas comprendre, contre le gouvernement, contre ceux qui avaient été mes amis (sans doute...), en tout cas mes alliés. Contre Tony le premier, et c'est sûrement ce qui me faisait le plus de mal. Jusqu'alors je l'avais considéré comme mon meilleur ami, un frère, quelqu'un qui pouvait me comprendre en toutes circonstances, qui n'avait pas eu peur, qui m'avait vu, et qui avait, surtout, accepté Hulk sans le traiter différemment. Mais j'étais désormais redevenu Bruce Banner, solitaire, sans attaches.
Je ne me trouvais pas ici pour faire ami-ami. J'étais là pour tenter de parler. Les tensions étaient plus qu'évidentes, et je devais avoir des informations pour continuer ce que je faisais. Proposer mon aide, aussi peut-être. Mais j'étais sceptique, et ne voulais pas réellement me mêler à la politique. Je ne faisais ça que par intérêts divergents. Je n'étais pas un tampon, mais je me retrouvais coincé. Du plus loin que je me souvienne, Steven Rogers n'avait jamais été un ami. J'étais plus souvent dans le laboratoire en compagnie de Tony Stark qu'en compagnie des autres membres de l'équipe. Nous avions pourtant était soudés, à une époque, et avions mis au point des projets, parlés, échangés. Désormais, cela me semblait lointain, tiré d'une époque inexistante, imaginée. Une idyllique bande, seulement concrète dans les fantasmes de certains. A la base, je n'étais pas censé rester. C'était Tony qui m'avait convaincu, et je m'étais laissé séduire par l'idée. Je savais que les autres me considéraient avec un brin de crainte, ils ne me connaissaient pas, je ne les connaissais pas non plus. Pas vraiment. Je n'avais pas fait de réels efforts, je l'admets, et la seule qui avait tenté de me parler, en dehors de Tony, se trouvait être Natasha. J'avais une réelle affection pour elle aussi, mais cela me paraissait encore plus lointain et fantasmatique que tout le reste. J'étais définitivement seul (enfin presque, je n'étais jamais seul).
Désormais, je marchais dans la forêt, transi par le froid, dans l'espoir de... De quoi, déjà ? Un rire nerveux franchit mes lèvres. Pourquoi avais-je choisi ce lieu de rencontre ? Ah oui, parce que je n'avais pas d'espoir, et que je craignais le pire. Je m'attendais toujours au pire. Dans tous les cas, le territoire était neutre, et personne ne pourrait jamais nous surprendre, nous prendre un grappe. Je n'avais personne pour couvrir mes arrières, personnellement, à part un géant de Jade, comme il était nommé dans les registres. Plus le temps passait, plus je commençait à me prendre d'une réelle affection pour l'Autre que j'avais combattu. Il m'était utile, comme il pouvait être dangereux. Je devais seulement le comprendre. Sa colère était la mienne, et ses actions n'avaient pour seul but que de me protéger, et de se protéger lui-même. Je serrais ma veste contre moi et pressai l'allure. Lorsque j'arrivais au point de rencontre, je jetais quelques regards furtifs autour de moi, soucieux. Je n'avais sur moi aucun appareil électronique à part ma montre (une montre qui mesurait mon pouls, et se mettait à biper lorsque mon rythme cardiaque dépassait un certain seuil) ; je ne donnais aucun élément pour que l'on me suive à la trace. La seule chose que je possédais de potentiellement dangereuse était l'ordinateur que j'avais récupéré, et qui était présentement caché dans un sac à dos, dans le bâtiment désaffecté que j'avais pris pour laboratoire de fortune (rien de bien développé). Et là encore, j'avais utilisé d'anciens programmes de pour prévenir une quelconque menace extérieure. J'ignorais si T'challa avait pu parler de mon retour à quelqu'un, mais je préférai être prudent. Comme l'on dit si bien : « Mieux vaut prévenir que guérir ». Et je savais que Stark ne serais pas assez fou pour tenter de me piéger. En souvenir d'une complicité, peut-être, mais aussi en connaissance de cause, plus sûrement.
Je n'attendis pas longtemps sur place. Le fameux Captain America semblait surprit, il y avait de quoi l'être, je n'avais absolument rien dit dans le message que je lui avais envoyé, à part des chiffres lui indiquant cette position précise. J'avais pu récupérer son numéro par le biais d'un honteux hackage. Une localisation par satellite, un chargement de données, et le tour était joué. C'était d'ailleurs pour cela que je ne conservais rien qui puisse trahir ma position fixe, à part mon ordinateur. Et encore, il n'était pas précisément à mon nom, et l'adresse changeait toutes les heures. J'avais appris à brouiller les pistes au fil du temps, je n'en étais pas à ma première année de cavale, de fuite et de dissimulation. Je fis un léger sourire en direction de Rogers, lui rendant ainsi la politesse qui pointait avant tout dans le ton de sa voix. Les hostilités n'étaient pas de mises (j'espérais que cela durerait). Je me détendis et plongeais les mains dans les poches de mon jean. Un léger vent s'engouffra dans le creux de ma veste entrouverte, mais je n'en tins pas compte, me contentant d'avancer de quelques pas, sans pour autant franchir la ligne invisible qui s'était instantanément dressée entre nous.
« Bonjour, Captain, j'imagine votre surprise, en effet, je suis désolé d'avoir été aussi énigmatique mais... Enfin je suppose que vous comprenez pourquoi je l'ai été. »
Inutile d'entrer dans des explications sans queue ni tête, qui durerait jusqu'au petit matin. Nous avions tous les deux connaissance de la délicate situation, inutile de prendre des pincettes. Je me raclai la gorge, il me fallait être direct, je ne comptais pas tourner autour du pot. Avant tout, je préférai tout de même tâter le terrain, afin de savoir de quoi il en retournait.
« Vous semblez ... Plutôt en forme, en tout cas. » On ne pouvait pas dire qu'il recelait la joie de vivre, mais c'était normal, étant donné la situation dans laquelle il se trouvait. Voilà, les tournures de politesses étaient faites. Il fallait passer aux choses plus sérieuses. « Je vous propose d'aller droit au but, je ne vous ferais pas perdre votre temps plus que de mesure. » Aucun mot gentil, aucune compassion. Ma voix était calme, comme d'habitude, mais plus tranchante que je ne l'aurais souhaité. J'étais malgré moi anxieux, et je ne voulais pas le laisser paraître. Etait-il venu seul ? Si la discussion tournait mal, tenterait-il quelque chose ? Non, il n'était pas stupide. « J'ai une promesse à tenir, et je ne suis venu ni me battre, ni vous convaincre de quoique se soit. » j'éloignais ainsi les questions qui auraient pu parasiter la conversation. « Que comptez-vous faire, Steve ? » je me permis de l'appeler par son prénom, mais regrettai aussitôt de l'avoir fait, nous n'avions jamais été proches, comme dit plus tôt. Mais je n'étais pas un diplomate, bon sang ! « Je parle de vous, mais aussi de votre protégé. » A m'entendre, cela sonnait comme une accusation, ce n'était pourtant pas le cas. Pas vraiment. Qui étais-je pour accuser qui que se soit, de toute façon ? Je ne me rangeais pas du côté de la Registration Act, car je savais ce qu'il n'y avait que de beaux discours, et pas de réelles bonnes intentions, mais je n'approuvais pas pour autant les guérillas qui en découlaient. En voulant protéger quelque chose, on finissait par le détruire. Dans un camp, comme dans l'autre.
Bruce Banner, Hulk. Parfois, les gens avaient la fâcheuse tendance de confondre les deux personnes. Après tout, le Géant de Jade faisait son apparition à partir de la colère de son hôte. Comment se douter qu’une telle personne pouvait cacher une telle créature dans ses entrailles ? La première impression que j’avais eu en le voyant fut qu’il semblait un homme calme, posé, droit dans ses chaussures. Un scientifique pas comme les autres cependant, puisque le SHIELD lui avait demandé de travailler avec eux pour retrouver le Tesseract volé par Loki. Tout ce que je savais de lui au moment où nous nous étions serrés la main sur l’héliporteur était cela, un scientifique apte à faire en sorte que le monde ne se transforme pas en un gigantesque terrain de jeu pour un demi-dieu souhaitant mettre à ses pieds l’humanité. De le voir se transformer en géant monstre vert…ça faisait son effet la première fois, c’est certain. Mais on s’y habitue. Quand on croise un homme dont le crane est rouge, ou encore des êtres venus d’une civilisation ressemblant à s’y méprendre aux vikings, plus rien n’est surprenant.
Je ne prétendrais cependant pas être un proche de cet homme, non. Tony l’était, ou l’est, j’ignore quelle est la véritable situation du docteur. Stark avait énormément de défauts, mais j’espérais qu’il n’ait pas celui de courir après celui qui était certainement son allié le plus proche, celui avec qui il avait contribué à la naissance d’Ultron et à moindre mesure celle de la Vision. Sa fuite après le combat final ? En toute sincérité…je le prenais un peu comme une désertion. Ne m’en voulez pas, mais le soldat en moi n’aime pas quand on quitte le combat, quand on s’en va alors qu’il reste encore des choses à faire. Bien sûr il avait sauvé Natasha, bien sûr il avait contribué à faire d’Ultron un mauvais souvenir. Mais cette désertion…elle ne passait pas, elle me restait en travers de la gorge. Je pouvais comprendre qu’il puisse avoir envie de prendre du recul, surtout après ce combat féroce en Afrique entre Tony et lui, alors affecté par les pouvoirs de Wanda. Mais cela ne changeait rien à tout ça.
Clint, Tony et Thor avaient tous les droits justifié leur départ de l’équipe. Ultron ayant considérablement fragilisé les liens, il était normal que certains prennent du recul, je le comprenais. Banner était juste parti sans laisser de traces, sans laisser la moindre indication à qui que ce soit sur sa destination, sur ce qu’il allait faire, nous laissant dans le flou le plus total. J’aurai peut-être l’occasion de lui dire tout ce que j’ai sur le cœur, je ne sais pas. Ce n’est pas l’envie qui me manque, mais plus la sensation que si je le mets en rogne, je ne suis pas certain de pouvoir apercevoir le soleil se lever le lendemain. Si Tony avait eu du mal à maîtriser la bête dans son armure grandeur nature, alors je me voyais mal, moi, avec mon simple bouclier et ma tenue de Captain America, faire le poids face à une telle force brute. Prendre des pincettes, en parler sans se montrer désagréable et éviter que le ton ne monte un peu trop fort. Voilà les seules idées qui me venaient pour discuter de cet épineux sujet avec le Docteur Banner.
Je n’étais pas un de ses intimes. La seule discussion sérieuse et sortant du contexte des Avengers que j’avais pu avoir avec lui était à propos de Natasha, du fait de foncer et de ne pas laisser le temps empiéter sur leur relation. J’ignorais ce qu’il était advenu de tout ça, mais ce ne sont pas mes affaires, ce qu’ils font entre eux ne me regarde absolument pas. Même avec mon amie, je n’en avais pas parlé. Je pouvais remarquer la tenue plus que précaire de l’ancien Avenger. Pas de chaussures, des vêtements qui paraissaient usés par le temps. Il avait certainement fait un long chemin pour parvenir jusqu’ici, même si une fois encore, je n’avais pas connaissance de la destination qu’il avait prisée en fuyant la Sokovie. Une fois les salutations faites, je posais mes mains autour de la boucle de ma ceinture. Je comprenais les premiers mots de Bruce. Je voyais déjà la tête de Ross en nous voyant, nous deux fugitifs converser ensemble. Comme si Noël venait plus tôt cette année.
« Fuir permet de rester en bonne forme. », répondis-je tout simplement au Docteur Banner. Je ne pouvais pas autant en dire de lui, et je me retins de lui retourner ma pensée.
Lorsqu’il va droit au but, je lève un sourcil, songeur. Il ne perd pas de temps. C’est un luxe qu’il ne peut se permettre, tout comme moi. De rester au même endroit pendant un long moment est dangereux, surtout avec les autorités qui rôdent, c’est pas bon. Lorsqu’il m’indique qu’il a une promesse à tenir, je me demande bien de quoi, ou de qui il parle. A-t-il parlé à un membre de l’ancienne équipe ? Ses paroles semblent agressives, comme si elles m’intimaient de répondre dans la foulée. Une fois ces questions sorties, j’y réfléchie. Je me demande à qui il fait la mention en parlant de protégé. Est-ce Bucky ? Est-ce Wanda ? Je sais qu’il ne l’apprécie pas à cause de leur passif en Afrique.
« Je doute que vous ayez vraiment envie de vous battre. » répondis-je en premier lieu à l’ancien Avenger. « Ce que je compte faire…c’est simple. Continuer à combattre pour la liberté des droits des uns et des autres en intervenant comme avant, au gré de la loi et des paroles qui en découlent. Cette loi est oppressive et dangereuse pour la population. Je n’ai pas besoin de vous faire un cours d’histoire pour savoir que la puce est un peu l’équivalent d’un certain symbole pendant la Seconde Guerre Mondiale. » Banner était assez intelligent pour comprendre le rapprochement entre la puce et l’étoile. Reste à savoir désormais quelle était sa position sur ce sujet. J’espérais ne pas être tombé dans un piège monté par Stark. Je commençais à me méfier de cette visite, quelque chose clochait, ou alors je perdais complètement la tête à imaginer des complots partout. « Vous parlez d’une promesse…à qui l’avez-vous faites ? Tony ? Natasha ? » Je posais un regard interrogateur sur mon interlocuteur, cherchant à déceler quoi que ce soit dans le sien. Il me semblait déceler un ton accusateur dans sa phrase à la mention de mon protégé. « De qui parlez-vous ? Je ne protège personne. Les personnes qui ont choisi de me suivre l’ont fait de leur plein gré, pas parce que je leur promettais une protection ou une sécurité, qu’elle soit financière ou physique. Mais je suppose que vous avez un nom à me donner. »
Je ne voulais pas ça, mais quelque part, je sentais que la tension commençait à monter, et que les prochaines réponses allaient être déterminantes.
Fuir permet de rester en bonne forme. Je ne pus empêcher un sourire amer de naître au coin de mes lèvres. Ce n'était vrai ni pour lui, ni pour moi, et nous saisissions tous deux l'ironie de la situation. Je ne me targuais pas de savoir lui dans les pensées des autres, ni même de les deviner. Pourtant, je pouvais d'ores et déjà supposer que Rogers et moi-même, si nous avions pu être en bon terme un jour, ne le serions plus jamais. J'étais trop neutre dans cette situation, et sûrement trop lâche pour qu'il puisse me comprendre. Tout comme il était trop extrême dans ses idéaux pour que je puisse l'encourager. Ce qu'il m'annonça ne fit que confirmer mes pensées. Se battre. Pour quoi ? A quoi bon ? A quelles fins ? Pourquoi de morts, toujours des morts, des traques, des conflits ? Cela n'en finirait jamais, ne prendrait jamais fin. L'idée avait fait son chemin depuis longtemps. Il fallait se battre, constamment. Pour vivre, survivre, évoluer. Se battre sur le plan mental, sur le plan physique, dans la douleur, ou dans la joie du triomphe, se battre aussi dans la défaite. Mais à l'horizon, il n'y avait finalement que chair brûlée, cris, horreur, massacre. Peur.
Chacun de ces « camps » qui s'était formé avec à la fois avantages et inconvénients. Mes pensées rejoignaient en partie celles de Rogers. La loi était oppressive. Elle emprisonnait la liberté, laissait, encore une fois, les rennes dans les mains d'un gouvernement terrorisé et autoritaire à sa façon. Je ne pouvais pas le blâmer pour ce qu'il ressentait, ni pour le besoin de se battre qui palpitait dans ses veines. Après tout, il était un soldat, l'avait toujours été, ou presque. Il souhaitait voir ce qu'il considérait comme sa patrie libérée de tout oppresseur. Mais nous n'étions pas tous comme lui. Certains étaient rassurés, les destructions massives pouvaient être prévenues, contrôlées. Les familles pouvaient dormir plus tranquille, sans une épée de Damoclès constamment suspendue au-dessus de leur tête, prête à frapper. La raison pour laquelle j'avais choisi de demeurer fugitif était personnelle, je ne tranchais pas vraiment d'un côté ou de l'autre. Je n'avais rien à voir dans tout ça. Pourtant, voilà que je m'impliquais jusqu'au cou en donnant rendez-vous ici, loin de toute civilisation, face à Rogers dans un froid printanier encore piquant.
Doucement, je secouai la tête, à la fois pour démentir ses propos, concernant ceux qui, potentiellement, m'envoyaient, mais aussi en contradiction avec certains de ses propos. Pourtant, je n'étais venu ni me battre (certainement pas), ni créer des tensions entre lui et moi. Nous n'étions pas amis, certes, mais nous n'étions pas ennemis non plus, n'est-ce pas ? Je levai légèrement les mains, en signe d'apaisement ; signe bref et rapide.
« Cela n'a rien à voir avec Tony ou Natasha. » je n'étais, de toute façon, toujours pas retourné les voir. Cela faisait quelques temps maintenant, et je n'avais pourtant pas pris ma décision, enchevêtré entre remords, crainte, rancœur, lassitude. « Lorsque je suis revenu à New-York, j'ai appris la mort tragique d'une ancienne connaissance m'ayant aidé par le passé, le roi du Wakanda. » laissai-je tomber, remettant en place le contexte. « Lorsque son fils m'a parlé d'un certain Soldat de l'hiver, je n'avais pas la moindre idée, mais je me suis promis de mettre en place de quelconques recherches. Vous sembliez tout désigné pour commencer. »
Je plongeais les mains dans les poches de mon jean et laissai échapper un soupir inaudible. Je ne comptais vendre aucune information à qui que se soit. J'étais comme un entremetteur, mais je jouais à un jeu dangereux, je le sentais. Je me tenais sur le fil du rasoir, et je pouvais en chuter à tout instant. Je ne donnais pas de nom, mais Rogers comprendrait de lui-même.
« Et puis, les nouvelles sont tombées. Mais ma promesse tient toujours, et je me devais de vous contacter. Je ne suis pas celui qui cherche vengeance, et encore moins celui qui cherche à se battre. Je viens simplement essayer de comprendre. » J'attrapai mes lunettes et me massai les yeux, déjà fatigué par la discussion qui allait suivre, sachant que je risquais de me heurter à un mur. « Écoutez, Captain, je sais ce que vous pensez de cette loi, de la situation... Je suis moi-même contre beaucoup de ses principes. Mais ne risquez-vous pas bien plus de dégâts de cette manière ? Je me demande si tout ceci vaut vraiment la peine de se battre sans relâche pour finalement ne laisser derrière que destruction. »
Fuir ne permettait évidemment pas de rester en forme. Malgré la nouvelle base, je me sentais plus fatigué que jamais, épuisé par ces courses à répétition qui rythment mes jours et mes nuits depuis quelques semaines. Epuisé par tous ces combats successifs, qu’ils soient contre HYDRA, Ultron ou dernièrement Tony Stark. Je suis un soldat, c’est mon rôle, mon devoir de combattre les menaces, peu importe leur localisation. Mais devoir combattre mes anciens partenaires, voir amis, me fatiguait. Pas physiquement, car le sérum qui coulait dans mes veines me permettait de garder la forme, mais moralement. Pourtant, il faut avancer, faire en sorte que ce combat contre la loi et le gouvernement vaille la peine d’être mené. En rassemblant les personnes qui avaient dû fuir, je voulais que l’on conserve notre libre arbitre de pouvoir intervenir où et surtout quand intervenir sur les lieux d’un drame. Quelles auraient les conséquences des conflits contre Loki et Ultron si nous étions sous le contrôle du gouvernement ? Nous n’aurions pas été aussi rapides, c’est certain.
Et les dégâts auraient sûrement été encore plus conséquents. Une grosse partie de Manhattan avait souffert de l’arrivée massive des Chitauris, alors qu’Ultron avait rasé la totalité d’un pays dans le but d’éteindre définitivement l’humanité. Sans nous, le monde tel qu’on le connaissait aujourd’hui n’existerait certainement plus. Ce n’est pas de l’arrogance, juste une vérité implacable. Mais l’homme a la mémoire courte : tantôt il dressera des héros dans les moments les plus sombres, afin d’obtenir un peu d’espoir, tantôt il les descendra de leur piédestal quand il trouvera autre chose à mettre en lumière. C’est comme ça et ça l’a toujours été. Il faut plus que je m’étonne de ça. Je regardais le docteur Banner, écoutant ce qu’il avait à me dire. Sa promesse, me dit-il, n’avait rien à voir avec Stark ou Natasha. Quelque part, ça me rassurait. Alors à qui d’autre avait-il fait une promesse ? Je le regardais, mes yeux trahissant l’interrogation du moment. C’était une première entre nous, une conversation durant un peu plus que cinq minutes. Autant les mettre à contribution avec intelligence.
J’avais également apprit la mort du souverain du Wakanda, le Roi T’Chaka. Je ne connaissais pas du tout cet homme, mais je respectais ce qu’il avait fait dans sa vie. En revanche, ce que je ne respectais pas, c’était la chasse à l’homme lancée à l’encontre du supposé responsable de sa mort, le Soldat de l’Hiver. Le parfait coupable. Bucky ne l’était pas. Je lui faisais confiance. Il n’avait aucun intérêt à se relancer dans ses anciennes activités. HYDRA n’étant plus, je voyais mal d’autres soldats tenter de le reconditionner pour faire ce genre d’action. Non, ce n’est pas lui. Dans les paroles de Bruce, je comprenais rapidement qu’il considérait l’ancien membre du Howling Commando comme le coupable. Cela me laissait perplexe. Je comprenais qu’il s’était entretenu avec son fils, et que sa traque était devenue une affaire importante pour le Wakanda.
« Je suis navré pour cette perte, sincèrement, mais à vous entendre, j’ai l’impression que le coupable est déjà tout désigné. » dis-je au docteur Banner en croisant son regard. « Mon ami n’est pas responsable de la mort du Roi du Wakanda. Et au risque de vous décevoir, je n’ai aucune idée de sa localisation. Il ne laisse pas de traces derrière lui. »
Je mentais bien évidemment. Vendre mon ami d’enfance aux autorités serait comme vendre mon âme au diable, et il est donc hors-de-question pour moi de laisser trainer la moindre information sur sa localisation. S’il voulait le retrouver, il n’avait qu’à effectuer ses propres recherches. La base m’aidait encore une fois à cacher mes partenaires, dont Bucky qui en faisait également parti. Si je fais ça, alors je vendais également Sam, Wanda ainsi que les autres. J’ignorais à quoi jouais l’homme qui se transforme en monstre géant une fois en colère, mais ça ne me plait pas du tout. Il faut juste espérer que tout cela ne nous mène pas à une confrontation physique, car je doute pouvoir faire le poids face au Géant de Jade. Mon seul bouclier pourrait m’aider, mais seul, cela serait du suicide. Mais si je n’ai pas le choix, alors je le combattrai. Je n’aime pas la tournure de cette conversation, de même que les intentions de mon ancien allié qui me semblent louches.
Je hausse les sourcils face aux paroles de Banner. S’il y en avait bien un qui pouvait comprendre cette loi, ces fuites successives, cela devait être lui. Passer des années à fuir Ross à cause de sa situation, de cette personne qu’il devenait quand on l’embête un peu trop. Je ne reconnais pas l’homme en face de moi.
« Plus de dégâts ? Vous ne croyez pas que c’est en nous divisant que les dégâts seront plus importants ? Imaginez un instant qu’un nouveau trou s’ouvre dans le ciel avec des envahisseurs pour nous asservir. Vous attendriez que l’on vous donne l’ordre de défendre la planète ? Notre libre arbitre a été supprimé au moment où la loi a été votée. Nous faisons peut être des erreurs, mais nous nous améliorons. Je pensais que vous plus que quiconque comprendrait cette situation. »
J’étais déçu des paroles de Banner. Je lui faisais comprendre ma façon de penser, moi qui le croyais contre la loi. Une question me tarauda l’esprit.
« Pourquoi n’êtes-vous pas aller vous recenser alors ? »
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