Des joyaux, du vol et du sang, belle romance ft. Aidan

« Les joyaux de Nina » est une petite boutique encastrée dans une rue étroite mais bien cotée. On peut y voir à travers la mince vitrine, un réseau entier de pierres précieuses, pendues ici et là du plafond aux étalages. Les murs tapissés d’un papier baroque donnent encore plus l’effet d’un petit endroit calfeutré et sombre. Seuls les joyaux brillent d’une belle teinte qui respire le luxe et la richesse comme l’aime leur créatrice. Derrière un petit bar qui servait de caisse, la femme aux cheveux de jais est assise, ses yeux de glace rivés sur le diamant qu’elle tient entre ses doigts habiles.

Ses yeux sensibles n’ont pas besoin de beaucoup de lumière pour travailler la pierre précieuse, et trop de luminosité lui transpercerait le crâne. Elle est pensive tandis qu’elle regarde les multiples facettes de son travail. Elle se remémore son frère, pour la millième fois. Le seul homme qui vaille le coup dans sa vie, est envolé et elle est incapable de le retrouver. Nina ferme les yeux et secoue la tête pour chasser Pavel de sa tête. Elle doit se concentrer, elle a une affaire importante, un client de marque à satisfaire. Comme la plupart de ceux qui entraient ici se dit-elle, mais elle doit simplement se montrer à la hauteur de sa réputation. Envahir New York en douce, manipuler les hommes pour gravir les échelons… Tout ça n’est pas toujours aisé et des fois elle a comme la sensation de devoir se poser, reprendre son souffle à l’abri des regards. Quand elle en arriva à se dire ça, c’est qu’elle est vraiment au bout de son inspiration.

Nina soupire et pose son diamant avant de se lever et d’observer la boutique. Or tout à coup, ce n’est pas la boutique ou ce qu’il y a dedans qui attire son regard, mais ce qu’il y a à l’extérieur. Elle se remet à sa place, fait mine de rien et fait semblant de reprendre son travail. Voilà quelque chose d’intéressant. La brune saisit son diamant pour amener son regard à l’extérieur de la vitrine. Elle y voit nettement un homme qui regarde autour de lui avec un air méfiant. Il est face à sa boutique, les cheveux blonds avec un air d’idiot. Elle en aurait rit si elle n’avait pas vu ce qu’il s’apprête à faire. Le pauvre petit est grillé à des kilomètres. Voleur de pacotilles qui est venu dérober au dernier des endroits qu’il fallait. Nina sourit doucement. Elle veut presque le remercier de lui mettre un peu d’animation dans ce moment de stagnation professionnelle.  Alors elle va faire comme si elle n’avait rien vu. Elle fera aussi mine de ne pas avoir vu à des kilomètres ses intentions qui se lisent dans ses yeux, l’habilité de ses mains prêtent à dérober. Avec habilité, elle n’en doute pas, vu la manière dont il les prépare, ou comment il repère ce qu’il veut. C’est un professionnel, sans aucun doute.

Elle sent qu’elle l’apprécie déjà. Qu’il vienne, le petit homme effronté, il lui plaît. Il traverse d’ailleurs la rue et elle peut le détailler encore mieux à travers la vitrine et les joyaux qui y sont disposés. Mais Nina doit faire plus attention. D’ici il peut la voir. Elle dispose son diamant d’une autre manière, le taille un peu avant de le rependre. Un regard furtif lui apprend que l’homme a repéré ce qu’il veut.

Elle s’impatiente déjà à l’idée de la comédie qui va se tramer. La mafia lui a déjà appris tout ça, ces attitudes de voleur, les repérages, l’œil vif et discret. Certes, elle a quitté son passé mais elle en a gardé les bonnes choses. C’est un monde encore plus impitoyable que de fuir ce dans quoi on a baigné toute sa vie, alors il faut savoir évoluer dedans et se battre. Elle sait bien que son job de tueuse à gages lui assure une certaine notoriété dans ce monde sombre afin d’éloigner au maximum les fouineurs. Elle veut simplement être loin de la Russie, retrouver son frère et vivre dans ses joyaux. Quelques hommes de temps en temps n’est pas désagréable, mais au moins elle pourrait les choisir, les meilleurs, ceux qui la méritent. Pas les vieux riches, les vicieux et les influents. Elle les déteste pour la plupart et évite le moment fatidique lorsqu’elle les séduit. Mais des fois, rien que la séduction la dégoute intérieurement. Au moins se fait-elle plaisir quand ils sont trentenaires comme elle. C’est le meilleur âge, à y réfléchir.

La clochette retentit soudainement et la tire de ses pensées. Elle relève la tête et découvre le voleur. Enfin s’est-il décidé à entrer. Un large sourire s’étire sur ses lèvres. L’heure de la comédie a commencé, et elle a hâte.