When death meets reality - Hela

Les journées pluvieuses commençaient toujours de la même manière. Étrangement, tout le monde était mélancolique et triste. La pluie n’était nullement un signe de réjouissance ou de joie. Au contraire, elle ramenait les mauvais souvenirs et ranimait les blessures du passé. Chaque goutte semblait être accompagnée d’une histoire triste ou d’une parcelle de vie connotée par du désespoir. Or, ce phénomène ne durait qu’un moment. Accoutumé à ce phénomène, Ethan n’eut qu’à décoller son regard de la fenêtre pour faire disparaitre les sentiments négatifs qui s’emparaient de lui. Aujourd’hui était une journée comme une autre. Bien qu’elle n’était pas ensoleillée, il refusait l’équation facile : Pluie = mauvaise journée. Il était trop vieux pour avoir une manière de réfléchir aussi simpliste. Marchant jusqu’à la salle de bain, il prit le temps de se regarder dans le miroir avant de se rincer le visage. En fermant les yeux, une vision de lui-même apparut, lui rappelant sa jeunesse. Il se souvenait l’époque où il associait les aléas météorologiques aux caprices de Dieu. Cette époque était révolue et ses études avaient détruit l’être naïf en lui. Ainsi, il était hors de question d’être accablé par une journée grise. Fermant le robinet, il attrape une serviette et essuya son visage avant de se regarder à nouveau. Le fantôme paraissait bien dans la glace. L’espace d’une seconde, il daigna même s’offrir un sourire, mais fut coupé par la sonnerie de son téléphone.

-La morgue…?

S’interrogeant sur le motif de l’appel, il hésita quelques secondes à décrocher. Sa sonnerie se répéta une fois, deux fois jusqu’à ce qu’il ose appuyer sur le bouton vert. Sur le coup, son rythme cardiaque s’accéléra et ses mains devinrent moites. On aurait dit que son organisme anticipait la mauvaise nouvelle. Les signes d’un évènement triste s’étaient alignés pour le préparer mentalement à cette annonce. Or, même écrit dans le ciel, il ne l’aurait pas cru…

-J’arrive…

Sur le coup, tout se mit à tourner autour de lui. Titubant lentement vers la droite, White n’eut nul autre choix que de prendre son appui sur le cadre de porte. Autrement, il serait tombé. Suffisamment renversé par la situation, il ne voulait courir aucun risque et décida d’appeler un taxi. Il était hors de question qu’il prenne le risque de renverser quelqu’un en conduisant dans cet état.


-Où aller-vous?

Se raclant la gorge, il mit quelques secondes avant d’accepter les mots qu’il prononça.

-La morgue Stanley.

Soudain, le chauffeur porta son regard vers son rétroviseur central pour fixer l’homme au teint livide. Voyant que celui-ci avait détourné la tête, il se contenta de démarrer le moteur et d’entamer le trajet.

Tout au long du chemin, un silence mortuaire régnait dans la voiture. Le chauffeur n’osait même pas allumer la radio. Il ne connaissait pas Ethan, mais il savait qu’intérieurement il souffrait. Lorsqu’ils arrivèrent à destination, Ethan sorti un billet de sa poche, mais fut promptement arrêté.

-La course d’aujourd’hui est offerte, Monsieur.

En temps normal, Ethan aurait protesté, mais il n’était pas en état de le faire. De plus, il comprenait que c’était la manière dont cet homme lui offrait ses condoléances. Se contentant de lui faire un bref signe de la tête, il ouvrit la porte de la voiture et la referma. Entama la marche vers la morgue, il réalisa ô combien cette épreuve risquait d’être douloureuse. Pour une fois, il aurait aimé pouvoir pleurer facilement. Malheureusement, il en était incapable pour le moment. Soit ses larmes s’évaporaient au contact de sa peau ou soit elles se gelaient avant de prendre de l’ampleur. Dans les deux cas, il était incapable de pleurer ce qui ne faisait que resserrer la pression sur son cœur. Chaque pas était d’un poids insupportable. Il avait l’impression que sa tête se remettrait à tourner à tout moment. Pourtant, il trouva tout de même la force d’entrer dans l’antre des morts.

-Je viens voir le corps de Monsieur Jackson.

Rapidement, un membre du staff en habit vert s’occupa de lui montrer le chemin vers la salle où de nombreux corps étaient entreposés. Cette même personne entra avant lui et ouvrit un grand tiroir duquel émergea un corps recouvert d’un drap blanc.

-Mes condoléances monsieur. Je vais vous laisser seul, si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à faire appel à nous.

Sur ces dernières paroles, l’homme disparut et Ethan put enfin entrer dans la pièce. Son regard était concentré sur le corps inanimé. L’environnement autour de lui ne l’importait guère. Il aurait pu y avoir une arme nucléaire à quelques mètres du corps, il ne l’aurait pas remarqué. L’ex-marine était simplement dans son monde, un monde duquel son compagnon n’était plus.

-Jackson…

Découvrant calmement le drap blanc, il aperçut le visage de son fidèle ami. Un violent pincement le força à se mordre la lèvre, puis la sensation fut étouffée. Le mal et la tristesse se transformèrent en frustration. Cette scène devait arriver tôt ou tard, Ethan le savait. Or, il n’aurait jamais cru qu’elle arriverait aussi rapidement. Faisant partie des survivants de l’Opération Carnage, Jackson était un de ceux qui avaient eu du mal à tourner la page après de tels évènements. Si Ethan avait pu continuer ses études et obtenir un diplôme, Jackson, lui, s’était retrouvée sur le marché noir de l’information. Raclant de nouveau sa gorge, White ferma les yeux pour visualiser les derniers souvenirs qu’il avait de cet ami fidèle. Ce n’est qu’à ce moment précis qu’il se rappela qu’en temps normal ils se seraient vus dans quelques jours. Tranquillement, il se remémora l’urgence qu’il avait sentie dans la voix de son ami qui devait à tout prix lui transmettre une information clé. Cette pensée poussa Ethan à ouvrir les yeux brusquement. Il venait de réaliser que cette information était tombée à l’eau.

Dans l’espèce de douleur que les humains manifestaient face à la mort, Hela avait toujours trouvé qu’il y persistait une forme d’égoïsme. Lorsqu’elle voyait quelqu’un arriver à une nouvelle étape de son existence dans un voyage sans retour, les autres voyaient la fin de tout. Leurs existences courtes rendaient chaque étape de leur vie intense et rendait leur fin plus spectaculaire. Les cultures humaines avaient des cérémonials d’une infinie complexité quand il s’agissait de tout ça. Ils parlaient beaucoup, ou pas du tout, ils faisaient la fête ou alors se recueillaient dans le silence, ils brulaient le corps ou alors ils l’enterraient… Cette dernière tradition avait laissé Hela perplexe. Pourquoi donc vouloir que les restes apparemment si importants d’un être soient mis sous terre où ils pourriraient et seraient mangé par la vie sous-terraine ? Tout cela sonnait comme un paradoxe étrange. Les hommes traitaient leurs morts comme des êtres intouchables mais ne prenaient pas soin de leurs personnes âgées… Ils acceptaient d’envoyer certains des leurs à la mort directement alors qu’ils se scandalisaient lorsqu’un individu à part décidait d’une sentence personnelle sur un de ses concitoyens. Les hommes lui semblaient incroyablement inconstants et compliqués. Mais cela ne rendait son expérience et son observation que plus intéressante. Chaque jour, il y avait de nouvelles choses à apprendre mais aussi de nouvelles questions apparaissaient. Toujours plus de mystères et de complexité. Les habitants de Midgard semblaient être très doué pour choisir des routes tangentes et ne jamais aller au but.

Hela, à côté, se pensait une observatrice neutre et impartiale mais des fois elle admirait leurs capacités à donner du sens à quelque chose qui lui semblait absurde. La vie, la maladie, la mort… Tout semblait prendre une importance significative et la course au bonheur autorisait tout, même les mesures les plus drastiques. La course contre la montre qu’ils allaient inévitablement perdre ne connaissait aucune règle que celle d’avancer le plus vite possible, qu’importe ce qui se mettait sur sa course. Bien sûr, il y en avait quelques-uns, comme des élus qui gagnaient gloire et pouvoir, mais comme tout ce que les humains construisaient dans ce monde, tout avait une fin et tout devait un jour pourrir et décrépir et rejoindre son monde.

Dans la morgue, plusieurs corps étaient arrivés dans la nuit. Deux de morts naturelles directement de l’hôpital qui était à une rue de la morgue et une criminelle qui présentait une blessure par balle. Le médecin légiste principal n’avait pas encore eu le temps d’ouvrir l’homme et avait été appelé sur une affaire plus urgente. Ce genre de corps était souvent surveillé de près pour éviter les contaminations ou les tentatives de vol… Lorsque la jeune femme mit sa blouse blanche pour aller faire des examens préliminaires sur un corps, elle prit en même temps les dossiers. On la prévint que quelqu’un était dans la salle principale et avait besoin de supervision. Elle ouvrit la porte de la salle principale qui contenait les corps en examen et les portes vers les salles d’examens. Elle s’arrêta. Un homme était là. Un rapide coup d’œil à son dossier indiqua qu’il était installé devant l’homme qui devait encore être inspecté pour la police. Elle s’approcha et dit d’un air neutre « Bonjour… Mes condoléances. Je vais vous demander de ne pas toucher le corps, la police n’a pas encore récupérer d’échantillons… » Toucher le corps de quelques manières que ce soit pour un civil compromettrait l’enquête. Les humains avaient beau avoir développé des sciences hallucinantes et des technologies à vous donner le tournis, ils avaient encore besoin de leur intelligence basique pour découvrir ce que leurs congénères faisaient… Les hommes étaient assez difficiles à lire dans ce sens. Ils avaient des motivations monétaires, politiques et sentimentales qui les rendaient un peu trop compliqués.

« Aussi… Je me dois de vous prévenir que le nom que vous avez donné à la réception sera donné à la police. C’est la procédure classique. » Hela tenta de se fendre d’un sourire réconfortant. La jeune femme avait vu ses collègues faire quand des proches de morts venaient les voir. Il fallait se montrer compatissant voir aussi triste qu’eux. Ce dernier point, Hela ne pouvait pas le feindre complètement et avait peur que son jeu ne se voit. Alors elle avait choisi d’adopter une attitude que les autres qualifiaient de « professionnel ». Dans un élan de curiosité malsaine, la jeune Déesse se demanda si elle avait devant elle le tueur de ce brave et jeune homme allongé dans son éternel sommeil. Hela décida finalement que non. Le type devant elle… Un certain Ethan, semblait bien trop affligé de cette disparition apparemment imprévue.

Ethan était tellement perdu dans ses pensées qu’il ne réalisa pas qu’une personne venait d’entrer dans la pièce. Ce n’est qu’en entendant sa voix, qu’il comprit qu’il n’était plus seul. La période de deuil et de solitude avait été de courte durée. Il était maintenant l’heure de refermer la plaie et de camoufler la douleur par une façade glacée. Portant son attention sur la femme, il fut étonné par son jeune âge. Il n’avait pas été à la morgue très souvent, mais généralement, il avait l’habitude de côtoyer des employés frôlant la quarantaine. Semblait-il que c’était une journée d’exception. Dans tous les cas, Ethan fut intrigué par ses paroles, surtout par sa dernière phrase. Or, il ne savait pas par où commencer. Devait-il se renseigner sur l’échantillon dont elle avait fait mention ou devait-il plutôt s’occuper de lui demander l’anonymat total ? Ne sachant pas comment réagir, il fit les deux en même temps. «Ne donnez pas mon nom à la police ! Et de quoi parlez-vous ? Quel échantillon devez-vous prendre ? » La réaction était vive, prompte et confuse. Son visage de glace s’était fendu pour laisser place à un caractère beaucoup plus réactif et animé. En venant ici, Ethan venait de s’exposer à un grand risque et le fait de voir son nom paraitre dans les registres officiels de l’état ne l’amusait pas vraiment. En plus de ne pas s’être soumis à la règlementation sur les mutants, son intuition lui disait que certaines personnes risquaient de s’intéresser à sa présence en ces lieux si le tout était archivé. Or, comment expliquer cela à une jeune femme sans paraitre suspect ? Prenant une grande respiration, il tourna entièrement son corps vers l’assistante avant de planter ses iris dans les siens. «Je veux dire, je préférais demeurer anonyme si possible et je suppose que c’est quelque chose qui est en votre pouvoir ».

L’ex-marine ne voulait pas à avoir à se justifier. Certes, il aurait pu utiliser l’excuse du fait qu’il soit troublé pour ensuite utiliser son charme pour la convaincre de se plier à sa demande. Or, il détestait faire ce genre d’âneries et il n’était pas dans une situation suffisamment confortable ou joyeuse pour manipuler les gens de la sorte. Dans tous les cas, il devait trouver une solution pour obtenir le motif de la mort. Si c’était une mort naturelle ou accidentelle, il n’avait rien à redouter. Par contre, il n’était pas dupe, une mort accidentelle pouvait très bien avoir été préméditée par des gens qui savaient comment s’y prendre.

Dans un moment comme celui-ci, une tonne d’information circulait dans l’esprit de l’humain . Le plus douloureux était qu’il devait tout de même rester suffisamment éveillé pour entretenir une discussion avec l’assistante. Autrement, il se serait probablement allongé en fermant les yeux pour planer dans ses pensées. Lorsqu’une situation était délicate, il n’était pas rare qu’il se referme totalement sur lui-même pour l’évaluer de tous les angles. Par moment, il réagissait à chaud, mais lorsqu’il en avait l’opportunité, il réagissait à froid. En prenant du recul, il avait bien souvent évité des situations contraignantes ou délicates. De plus, le recul était un élément clé pour être en mesure de passer outre une situation. Malheureusement, dans le cas suivant, il était en mesure de n’effectuer aucune des deux choses qu’il savait si bien faire. Il devait rester tiède, chose qu’il détestait. Garder l’équilibre entre le désir de se recroqueviller et le désir d’exploser était une tâche très lourde, surtout dans une situation comme la suivante. À tout moment, un des deux désirs pouvait prendre le dessus, ce qui ne faisait que rendre la situation plus complexe. Pourtant, il se devait de faire des efforts pour éviter que cette mort soit vaine. Il devait trouver des réponses à ses questions. Le moindre indice pouvait l’aider à deviner qui avait causé cette mort et le motif. Ensuite, il en ferait une affaire personnelle. Ainsi, il prit une autre respiration avant de soupirer et de s’éloigner d’un pas du corps. Le fantôme ne pouvait plus fuir la situation ni l’affronter, il devait la vivre. «Je suis désolé, je vous laisse faire votre travail…mais je suis curieux de savoir ce qui a pu causer sa mort. Devrez-vous faire une biopsie pour le savoir ? » Si elle ne voulait révéler aucune information au sujet du cas suivant, elle se devait tout de même de lui dire si une biopsie serait nécessaire. Dépendant la réponse, il se rapprocherait probablement un peu plus de la vérité.

L’homme semblait totalement absorbé par la vision qui s’offrait à lui. Sa connaissance, morte, découverte seulement au visage et aux épaules, semblait simplement dormir, à ceci près que sa peau était blanche et commençait à bleuir sous l’effet du froid de la pièce. En effet, les températures étaient gardées basses en général dans le bâtiment et les grands tiroirs contenants les corps étaient encore plus glacés. Le type sembla presque choqué lorsque Hela lui annonça les règles, somme toute, assez classiques de la morgue. En effet, il y avait un registre et s’ils gardaient une trace de tout le monde, cela se révélait encore plus finement analysé si des gens venaient se recueillir sur un corps pour lequel on avait ouvert une information judiciaire. Après tout, une chose que Hela avait appris en se renseignant sur les ficelles de son métier terrien c’était que les coupables revenaient souvent sur le lieu du crime ou tentaient de s’approcher des preuves ou victimes. La réaction de l’homme lui parut, ainsi, très suspecte et la jeune femme fronça les sourcils sans se départir de son air neutre.

« C’est la règle, on doit garder une liste des gens entrants et sortants de la morgue pour des questions d’assurances… Et pour des personnes décédées en lien avec une enquête, c’est encore plus règlementé. » Elle eut presque envie de rajouter que si il n’avait rien à voir dans la mort de ce type, il n’aurait pas à s’inquiéter et la police aurait rapidement fini avec lui. Après, la Déesse avait aussi croisé des gens qui se comportaient de manière suspecte à cause de l’inconfort du lieu ou de la présence de cadavres ou de policiers. L’homme lui demanda presque de but en blanc si elle pouvait effacer son nom du système… En bref, il lui demandait d’aller contre les règles et accessoirement contre la loi. Hela n’était pas particulièrement attachées aux lois ou aux règles. Les humains avaient des règles pour tout et ne semblaient pas beaucoup faire usage de leur bon sens. Il fallait que quelqu’un d’autre leur dise ce qu’ils pouvaient ou pas faire, apparemment les sentiments l’emportaient souvent sur les sentiments. De plus, la jeune Ase ne négligeait jamais la possibilité de récolter des dettes auprès de simples mortels qu’elle pourrait utiliser plus tard.

Ses yeux bleus perçants scrutèrent un instant le visage de l’homme. Il devait, selon son observation des canons de beauté terriens, être considéré comme un beau spécimen. Sa musculature témoignait soit d’une envie maladive de cultiver des biceps d’une taille conséquente ou alors un travail dans la sécurité, la police ou l’armée. Il pouvait aussi être un sportif de haut niveau bien que sa corpulence ne semblait pas montrer de signes d’entrainements excessifs. Son visage enfin, lui inspirait un profond désintérêt. Non pas qu’il ne flattait pas son œil, mais pour elle, il était transparent et elle ne s’en souviendrait possiblement pas le soir même.

« Hm… Je peux vous enlever du registre, bien sûr… Mais sachez que si ça se sait, ça me met moi, ainsi que vous, dans une mauvaise situation. » Serait-il prêt à aller jusqu’à enfreindre la loi et cacher sa présence aux autorités devant elle ? L’homme était soit dans de gros ennuis soit un petit peu fou pour faire confiance derechef à une personne qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Le type ne ressemblait pas vraiment aux gros criminels qu’elle s’imaginait plonger dans ce genre de travers. En fait, il semblait plutôt inoffensif si on négligeait sa carrure qui pouvait intimider quelques humains.

« Une biopsie ? Je doute que ce soit particulièrement nécessaire… » Prélever des tissus et faire des analyses lui prendrait un temps interminable. Elle prit le bout de tissus posé sur le corps et découvrit le torse du mort. Son torse était aussi pâle que le reste, le rose s’échappait doucement pour ne laisser qu’une fine peau bleuâtre. De ce spectacle monochrome ne se détachait que la plaie par balle présentant encore des croutes rouges et brunes de conglomérats sanguins qui avaient dû couler pendant un court instant après le dernier souffle de l’occupant de ce corps. « Je pense que les conclusions seront assez claires pour celui-là… Pas besoin de biopsie. ». Elle jeta un coup d’œil à a porte principale. Personne. Elle se retourna vers le visiteur « J’imagine que vous n’êtes pas le tireur alors, monsieur… » Elle lut le registre et dit « Ethan White… ? »

Plus la journée avançait et plus elle devenait étrange. Entre le désir de risquer son emploi pour lui, le trou dans le corps de son ami et la dernière question de l’assistante, Ethan ne savait plus où donner de la tête. Il était perplexe au point qu’il avait oublié les conditions environnantes dans lesquelles il était. Il ne réalisait pas la température glaciale qui régnait dans la pièce et l’important flux d’information l’empêchait de pouvoir traiter celle-ci pour y remédier. En fait, il était en quelque sorte immunisé à ce froid. Pour lui, ce n’était rien. Si pour certains, une température avoisinant les 30 degrés était l’été, celle qui régnait dans la pièce était loin de l’automne ou de la saison hivernale. Au contraire, Ethan avait chaud. D’ailleurs, la situation délicate dans laquelle il était ne l’aidait pas vraiment. Si le contrôle de ses facultés ne s’était pas amélioré au fil des années, ses neurones auraient probablement surchauffé face à une telle question.

Prenant le temps de racler sa gorge pour une millième fois, il perdit de son nouveau son regard dans celui de la jeune femme. Or, cette fois-ci, ses yeux ne restèrent pas immobiles. Rapidement, ses iris se mirent à bouger au fur et à mesure qu’il parcourait les moindres traits de celle qui lui tendait une main de manière presque trop gentille pour être réelle. Sur le coup, il cherchait l’élément clé qui lui permettrait de savoir quoi répondre et comment réagir. Était-ce une bonne idée de faire confiance à une inconnue ou allait-elle attendre patiemment qu’il disparaisse avant d’alerter les autorités le plus rapidement possible ? Malheureusement pour lui, aucun indice évident n’était lisible sur son faciès. La seule chose qu’il fut en mesure de distinguer fut ces traits jeunes, mais matures. Peu importe l’angle sous laquelle il fixait celle-ci, il se heurtait à la même impression. Elle était jeune et belle, deux faits qui n’étaient pas négligeables. De plus, ses traits étaient rares et son intuition lui disait qu’elle avait probablement des origines européennes. Ethan n’arrivait pas à cerner la provenance de ses parents, mais il soupçonnait un mélange de deux pays. Toutefois, là n’était pas la question. Malgré les traits élégants, gracieux et mélodieux qu’elle possédait, il avait du mal à se détacher de ce regard. Lorsque Ethan se regardait dans le miroir, il avait l’étranger impression de se retrouver dans un couloir infini. Étrangement, il ressentait la même sensation en la regardant. On aurait dit qu’il était en train de se regarder dans une glace et de sombrer dans un gouffre qui était trop profond pour lui.

Sur le moment, il ne réalisa pas à quel point il paraissait étrange lorsqu’il pencha légèrement sa tête sans quitter le contact visuel. Ses iris se plongeaient littéralement dans ceux de l’assistante. Puis, au moment de franchir un point de bizarrerie sans retour, son esprit le ramena à la raison. « Évidemment que je ne suis pas le tireur… ». Prenant un bref moment pour retourner dans le contexte initial, il arqua les sourcils de manière quasi théâtrale. Il était si en retard que sa réaction paraissait tout sauf naturelle. « Désolé, je suis un peu sous le choc en ce moment. »

Le fantôme revenait peu à peu à la vie, mais son teint exprimait le contraire. Or, sa raison semblait lentement lui revenir, elle qui s’était momentanément sentie hypnotisée par un phénomène qu’il ne connaissait que trop bien : trop réfléchir et se laisser engloutir par les limbes de la pensée. « Je devais le rencontrer dans quelques jours et je pense qu’il allait me parler d’un sujet important, mais les gens concernés l’ont probablement fait taire juste avant. »

Reportant son attention sur le corps percé de son ami, il eut la mince satisfaction de savoir qu’il ne semblait pas vraiment avoir souffert. La personne qui avait tiré l’avait fait de manière professionnelle. « Il y a parfois des cadavres qu’il vaut mieux ne pas déterrer et c’est pour cette raison que je préférais garder l’anonymat. » Par contre, Ethan n’était pas prêt à impliquer quelqu’un d’innocent pour garder le secret de sa présence. Bien qu’il lui arrivait de paraître égoïste dans sa solitude, il n’était pas du genre à mettre la vie des autres en danger. Il avait vu beaucoup trop de gens innocents succomber aux malheurs de facteurs incontrôlables pour être insensibles à ce genre de situation. « Par contre, j’ai du mal à comprendre pourquoi vous seriez prête à risquer votre emploi pour me sortir de cette situation…madame ». Donner une main à un être humain était comme lui donner tout un bras. Une simple proposition venait de se transformer en question existentielle. Il n’était pas du genre peu reconnaissant, mais il était très sceptique lorsque tout était trop facile. Ainsi, l’homme au teint cadavérique reprit sa concentration et planta son regard dans celui de l’inconnue. Cette fois-ci, il ne comptait pas se perdre et il attendait une réponse.

L’humain semblait totalement confus. Ils l’étaient souvent il fallait le dire… Leur monde était un agglomérat de confusion. Rien ne semblait simple ou linéaire à la fin. Contrairement au royaume d’où venait Hela, où elle avait grandi et ce qu’elle avait toujours connu. La mort était simple et pourtant si lourde à porter pour les êtres mortels. Ils semblaient vouloir s’en tenir éloigner le plus possible alors que chaque âme qui passait le portail de son monde affichait toujours une expression de soulagement. Les hommes oubliaient leurs soucis et les tourments qui avaient rendus leur vie terrestre un cauchemar et reprenaient une nouvelle vie dans son royaume. Hela avait bien rit en voyant un peu ce à quoi les gens s’attendaient. La religion la plus en vogue décrivait son royaume et la décrivait, elle et ses gardiens, comme des bêtes assoiffées de sang et leur seule rédemption était, bien entendu, de vénérer leur unique Dieu et de renoncer à certains principes.

Certaines institutions n’avaient rien à envier au sadisme de son père et leurs volontés de conquête avaient amené des évènements incroyablement plus destructeurs que ce que l’Ase avait fait à New York. En se penchant sur l’histoire infinie de l’espèce humaine, Hela était surprise mais en même temps s’y attendait. Car finalement, toutes ces âmes perdues s’étaient retrouvées chez elle. Midgard suivait un cycle de guerre assez régulier et amenaient des grands groupes de personnes, pas forcément des soldats, à ses portes. Si la maladie et les causes naturelles étaient peu clémentes envers les êtres de chair et de sang comme eux, leur propre haine faisait des ravages autrement plus conséquents.

Les hommes avaient au moins beaucoup d’imagination… En tout cas, les humains en général. Celui qu’elle avait devant elle présentement ne semblait pas arriver à faire sens de tout ce qu’il se passait. En même temps, la jeune femme n’avait pas encore totalement compris comment les humains interagissaient et comment elle devait réagir à chaque tournant de la conversation. Elle manquait par exemple de culture générale relative aux existences des habitants de cet endroit. Ils faisaient beaucoup de références et semblaient partager une connaissance commune particulière qui vous rendait pour le moins étrange si vous ne la partagiez pas.

L’homme confirma qu’il n’était pas le tireur, se montrant presque un peu outré, comme si la jeune femme était censée savoir qui le tueur était ou si elle était censée pouvoir lire dans son esprit… Il s’excusa ensuite d’être sous le choc. La jeune femme remit le drap jusqu’aux épaules du cadavre et dit « C’est normal… » elle n’avait pas vraiment vu d’autres réactions que le choc, la tristesse ou la colère entre ces murs. Finalement, le dénommé Ethan lui avoua que la personne morte devant eux devait le rencontrer quelques jours plus tard et qu’apparemment ils devaient parler d’un sujet pressant mais que les personnes concernées avaient dû trouver une manière définitive de stopper le rendez-vous… Hela hocha la tête tout en croisant les bras. Elle avait face à elle un élément assez capital pour l’enquête qui se lancerait… Mais ce n’était pas forcément l’homme qui lui parlait et respirait encore.

Ethan avoua qu’il préférait garder l’anonymat car il n’aimait pas qu’on remue trop dans son passé. Peu de personnes aimaient ça, il fallait dire. Puis, il commença à se poser les bonnes questions. Sur sa dernière phrase, une petite lueur de curiosité s’alluma dans les yeux de la jeune femme. Prenait-elle ça pour un jeu ? Peut-être un petit peu… Mais ce n’était pas un jeu particulièrement dangereux. Ce type lui avait avoué qu’il préféré se tenir éloigné de la police et il ne semblait pas appartenir à une quelconque élite. Elle ne risquait pas grand-chose à enfreindre les règles devant un tel témoin… Elle haussa les épaules : « Ça ne me coûte rien et personne ne le verra… Et puis, un travail, ça se retrouve. » La Déesse se recula de quelques pas pour faire le tour du cadavre et s’appuyer contre le mur. « Qu’est-ce que vous donneriez pour savoir ce que votre… Ami voulait vous dire ? » la lueur de curiosité était toujours là et son amusement montait doucement.

En posant sa question, Ethan s’était mis dans une position où son côté extraverti prenait le dessus. Cette facette de lui-même se montrait excessivement curieuse. Ainsi, même lorsqu’elle lui annonça qu’elle était prête à lui rendre ce service bénévolement, le jeune homme ne pouvait s’empêcher d’attendre le « mais ». Or, il fut quelque peu intrigué par sa question. Il n’était pas rare que les gens se posent ce genre de question après un tragique incident. Ethan savait pertinemment qu’il était inutile de se laisser engloutir par de telles pensées. Au contraire, par le passé, il avait été sujet à ce genre de réflexion et il avait appris qu’il valait mieux laisser la vie comme elle était. Bien souvent, les « si » impliquaient une possibilité ; une dernière chance ce qui était loin d’être réel. Or, pour la peine, il comptait lui répondre. Il ne pouvait rester impassible face à la curiosité qui semblait s’installer chez son interlocutrice, d’autant plus qu’elle venait de lui proposer de lui rendre service. Il ne savait toujours pas s’il allait saisir l’occasion qui s’offrait à lui. Pour le moment, il préférait faire preuve d’ouverture. « Généralement, je n’aime pas répondre aux questions hypothétiques du genre, mais aujourd’hui, je ferais exception. »

Avant d’entamer sa réponse, le jeune homme décida de s’installer confortablement. Ce faisant, il imita la jeune femme et s’adossa sur une surface dure. Était-ce un mur ou un casier ? Il ne le savait guère. L’essentiel était que son attention était dirigée vers une curiosité qui semblait alimenter son désir de parler. « En toute sincérité, je ne donnerais rien pour savoir ce que mon ami voulait dire. »


Cette phrase risquait probablement de choquer la jeune femme. Or, un sérieux olympien était personnifié par l’expression de l’ancien soldat. Il ne rigolait aucunement et ses yeux ne le trahissaient guère. Le bleu de ses iris devenait de plus en plus dense au fur et à mesure qu’il s’engouffrait dans sa conscience. Encore une fois, il y avait une exception et il devait l’admettre. « Mais… » . En toute sincérité, il ne savait nullement si se confier était une bonne idée. Cependant, il venait de franchir un point de non-retour . Il lui était donc impossible de faire marche arrière, il devait assumer ses propres pensées et oser les verbaliser. « Ce cas-ci est différent. Je pense que je ferais exception puisqu’autrement, sa mort aura été vaine ce qui est actuellement le cas. » La guerre interne entre son côté introvertie et extravertie s’était soldée d’une victoire pour l’extraversion. Par contre, il avait du mal à trouver ce qu’il serait prêt à sacrifier pour une question du genre. Généralement, c’était le genre d’interrogation auquel il s’attendait lors du jugement dernier. Si certains considéraient les examens universitaires comme difficiles, celle-ci était une vraie torture. À première vue, cette question semblait simple puisqu’il n’y avait ni bonne ni mauvaise réponse. Pourtant, le fait de mesurer la valeur de quelque chose de totalement subjectif était difficile. En réalité, la question n’était pas ce qu’il ferait pour savoir ce sur quoi son ami travaillait. La vraie question était plutôt à combien Ethan évaluait les dernières années, de travail de son collègue. « Je serais prêt à avoir une dette ». La réponse était pour le moins surprenante, mais elle n’était pas stupide.

« Peu importe de quelle manière je tourne la question et les circonstances, il m’est impossible de mettre une valeur aux années de travail qu’il a consacré à ce qui a causé sa mort. Je préfère donc offrir une dette plutôt que de sous-évaluer ou de surévaluer le fruit de ses recherches. Et les gens qui me connaissent savent à quel point je déteste les dettes ». Comme pour justifier sa réponse, il rehaussa sa valeur en y ajoutant une caractéristique. Toute sa vie, Ethan avait évité les dettes pour être libre comme l’air. Si plusieurs voyaient le tout comme inoffensif, lui voyait les dettes comme des outils d’esclavage. Ne sachant toujours pas où sa vie se dirigeait, chaque seconde était précieuse et chaque millième de seconde qu’il devait sacrifier pour le bienêtre égoïste de quelqu’un d’autre était l’équivalent de l’esclavage.« Vous, qu’offriez-vous dans une telle situation ? » Il n’était pas du genre à retourner les questions aux gens, mais sa curiosité le poussait à vouloir connaître sa réponse. Peut-être avait-elle une autre perception de la situation et de sa valeur.

Le type semblait assez peu friand de ce genre de questions. Hela n’avait jamais vraiment eu à devoir répondre à ce genre de choses. Déjà, elle n’avait pas beaucoup d’attaches et le peu d’êtres vivants qu’on pouvait qualifier de proche n’étaient pas du genre à se faire tuer ou à se mettre dans des situations desquelles elles ne pouvaient s’extraire. Son père était particulièrement doué pour provoquer des désastres mais il n’y avait rien laissé au hasard vraiment. Il calculait ses coups et semblait aussi assez peu entrain de révéler ses points faibles. Hela était comparable au fait qu’elle ne possédait pas beaucoup d’alliés. Ses deux compagnons du royaume des morts ne bougeaient pas de leurs places et ne pouvaient donc pas la déranger dans ses plans. En plus, la reine n’était pas vraiment sûre que son loup comme la géante gardienne savaient faire preuve d’initiative…

L’homme dit qu’il ne donnerait rien pour savoir la vérité. Ce fait fit froncer les sourcils à la jeune fille… Vraiment ? Il y avait des organisations entières de personnes en longues tuniques qui recueillaient des tonnes de prières chaque jour de la part d’humains qui voulaient savoir une vérité hors de leur porté. Les personnes les plus puissantes du monde clamaient connaitre ce qui se passait dans l’au-delà, clamaient pouvoir tous les sauver de leur fin et clamaient savoir le secret du bonheur. Les humains gaspillaient de leur précieux argent constamment pour se faire rassurer, se faire faire avaler de force des foutaises toutes plus énormes les unes que les autres pour avoir la simple impression d’avoir le contrôle de leur vie. Ce genre d’êtres n’avaient pas le luxe de simplement se reposer sur leurs acquis. Ils devaient toujours avoir plus et en plus grande quantité. Certains habitants de Midgard, des couches les plus inférieures, n’avaient pas le temps de penser à tout ça par eux même alors ils se livraient aux plus puissants pour penser pour eux… Mais Ethan White, l’homme en face d’elle, ne semblait pas comme ça. Il semblait le genre à avoir les moyens de chercher pour lui-même. Pendant une seconde, Hela se demanda à quelle secte il appartenait.

Changeant quelques peu sa réponse, l’assistante légiste esquissa un petit sourire. Son intérêt avait été attisé. Lorsqu’Ethan prononça le mot « dette », Hela savait que rallier ce mortel à sa cause de manière forcée ou idéologique serait plus ou moins facile. Malgré le fait que la Déesse avait beaucoup de choses à apprendre sur Midgard et ses coutumes, elle savait que donner sa confiance aux mortels n’était jamais quelque chose de bien malin. Il y en avait quelques-uns qui portaient de l’importance à la loyauté. Bien entendu. Mais beaucoup retournaient leurs chemises à la première occasion, quand le vent tournait. L’Ase pouvait le comprendre : leurs vies si fragiles valaient-elles vraiment de se faire sacrifier aux premiers problèmes qui se présentaient ? C’était un réflexe qu’elle pouvait comprendre même s’il ne l’enchantait pas du tout. Peut-être que si elle savait qu’elle ne vivrait pas pour des milliers d’années et qu’elle avait été élevée pour penser que la mort serait la pire chose qui pourrait lui arriver, elle aurait cédé à ce genre de pulsions.

Dans le dossier qu’elle avait sur le décédé elle savait qu’il était militaire. Vu la corpulence et la relation des deux humains face à elle, cet Ethan avait de fortes chances d’être aussi un militaire ou un ancien militaire à en juger par sa volonté de rester hors des papiers officiels. Lorsqu’il lui retourna la question, Hela le fixa un instant avant d’aller poser le dossier un peu plus loin et de répondre « Je n’offre jamais rien… J’échange… » Elle revint près de l’homme et l’observa un instant avant de recroiser les bras. Il était bien plus grand qu’elle mais elle ne semblait pas du tout impressionnée par lui. « Quel genre de dette ? Vous feriez tout ? N’importe quoi ? Jusqu'où vous pourriez aller pour rembourser une telle dette ? Une dette… C’est un mot qu’il ne faut pas lancer à la légère vous savez… On risquerait de vous prendre au mot. » Elle ne doutait pas que l’homme adulte qu’il était comprenait le sens des mots et de leur portée, mais elle se demandait jusqu’où l’ex militaire irait dans sa conversation avec une parfaite inconnue. Il avait déjà révélé bien assez pour avoir l’air incroyablement suspect. Un autre assistant légiste aurait peut-être déjà appelé la police et aurait reporté l’accident. Mais Hela ne faisait pas ce boulot pour respecter la loi et faire ce qui était juste. Non… Elle faisait ce travail pour suivre l’action et aussi mettre la main, au sens littéral comme figuré, sur des humains qui n’avaient plus rien à perdre car ils venaient de tout perdre.

 Alors qu’il ressentait un étrange soulagement après s’être exprimé, il regretta sévèrement sa décision. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps avant qu’il se sent soudainement oppresser. Ce qui semblait être une conversation normale devint surtout une conversation existentielle. On aurait dit que des vies étaient en jeu. Lorsqu’il mentionna les dettes, le ton, la démarche et les gestes de la professionnelle changèrent. La même impression qu’il avait ressentie en se perdant dans ses iris se manifesta à nouveau, mais sous une forme différente. Le plus inquiétant était l’absence d’option. Il ne pouvait ni fuir, ni reculer, il ne pouvait qu’assumer. Si elle s’était donnée pour mission de sonder son âme, c’était réussi. Or, elle l’avait peut-être fait sans s’en rendre compte. Son attitude non verbale laissait présager le contraire, mais il lui devait au moins le bénéfice du doute. « Vous n’avez pas tort. » Tentant de trouver une échappatoire, Ethan devait lui donner raison. Ce qu’elle disait était plus que véridique et il devait l’accepter. Or, lorsqu’un fusil était pointé contre sa tempe, il était du genre à trouver un moyen pour inverser les positions. Il n’aimait pas se retrouver dans ses retranchements, car une seconde facette de lui prenait le dessus. Certains auraient pris la fuite devant ce sermon incendiaire, lui préférait mettre de l’huile sur le feu, « Vous avez tellement raison que je serais prêt à parier que vous me parlez d’expérience ».

Sa réflexion était la suivante : seule une personne qui avait été victime d’une dette pouvait réagir de manière si impliquée et forte. Autrement, elle était peut-être une Socrate des temps modernes se cachant sous le voile d’une assistante légiste, mais les probabilités étaient faibles. « Quoiqu’il en soit, nous vivons dans un monde où il y a de nombreuses anomalies, mais je doute que cette situation arrive un jour. » Marquant une pause, il fronça les sourcils et commença à réfléchir. Se sentant dans un jeu d’échecs, le fantôme devait faire attention aux prochaines paroles qu’il prononcerait. De manière rythmée, son rythme cardiaque s’accélérait. Il sentait l’adrénaline du moment inspirer ses moindres pensées, ses moindres sens. Sous cette facette, Ethan se laissait totalement guider par ses intuitions. « Mais dans le cas où elle arriverait, je pense que j’offrirais cette dette à condition qu’elle remplisse mes cordes. S’il y a bien une chose qui ne s’achète pas, c’est bien ma loyauté et il est hors de question que je l’offre à un être qui ne la mérite pas. Je suis à un stade de ma vie où chaque seconde compte. Donc, il est hors de question que j’offre une goutte de ma loyauté à quelqu’un qui n’en vaut pas la peine. Donc, je pense que je me laisserais la possibilité d’accepter ou de refuser l’échange.» Plusieurs êtres humains auraient probablement joué le tout pour le tout et offert même leur âme. D’ailleurs, Ethan soupçonnait de nombreuses personnes d’avoir fait des pactes avec des gens malsains. Or, il n’était pas de ceux qui négligeaient leur âme et leur vie. Il n’avait encore rien accompli pour sacrifier sa vie entre des mains malsaines. « Même si je suis dans une situation crève-cœur, je n’oublie pas le fait qu’il était prêt à mourir pour les risques qu’il a pris. Il est mort en ayant conscience de cela. »


Ses paroles étaient bien réfléchies, voire même sages. L’être en plein deuil semblait s’être métamorphosé en un autre individu, mais ce n’était qu’une illusion. Ethan avait simplement deux visions paradoxales sur la situation. « Les morts ont toujours tort et il serait regrettable que je regrette une décision et que je rejette cette faute sur quelqu’un qui est déjà mort. Ce serait comme cracher sur son cadavre. » N’ayant plus rien à ajouter sur le sujet, Ethan se contenta de croiser ses bras, signe qu’il n’avait plus rien à ajouter pour le moment. Il attendait patiemment la réaction de l’assistante. En fait, il devait avouer qu’il était perplexe. Elle l’intriguait énormément à un point tel qu’il avait l’impression que quelque chose clochait à propos d’elle. Malheureusement, il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

La jeune femme sourit quand Ethan suspecta qu’elle parlait d’expérience au sujet des dettes. Hela n’en était pas à ses premiers essais en matière de négociations. Si elle était une redoutable combattante à main nue et qu’elle ne se débrouillait pas mal avec sa propre magie, ses mots et son éloquence avaient toujours été armes qu’elle avait aiguisé sans cesse. On aurait pu voir là aussi un héritage génétique de son père qui possédait le monopole des mensonges et de la fourberie, mais il y avait aussi là le désespoir de la nécessité. De petite créature mi-cadavre mi-vivante, sans possession aucune et sans soutient, à la reine du royaume des morts, elle avait dû s’armer de patience et surtout, de rhétorique. Une fois Garmr et Móðguðr dans sa poche, la conquête avait été plus facile, évidemment, mais rien n’était jamais gagné pour la fin des temps. Après tout, l’autre Monde regorgeait de créatures toutes aussi assoiffées de pouvoir que son père et il fallait toujours prévoir deux coups à l’avance si on voulait garder une chance de sauver sa peau. Ou ce qu’il en restait. Hela avait compris très tôt l’importance de la parole, des promesses et des dettes. Bien entendu, tout se passait mieux quand on avait un bras armé pour faire passer la pilule, mais les êtres sentients aimaient qu’on communique avec eux, qu’on les implique et qu’on les manipule. Savoir ce qu’une personne voulait c’était presque comme avoir déjà une dague sous sa gorge. Tout le monde voulait quelque chose et tout le monde cherchait quelque chose. A partir de ce principe-là, il fallait juste s’emparer de l’information et se donner les moyens de pouvoir négocier.

L’homme s’emmêla ensuite dans les concepts de loyauté tout en reconnaissant que sa situation était compliquée. Hela abhorrait les êtres aveuglements loyaux. Bien sûr qu’on avait besoin d’eux et son armée de mort avait une loyauté toute relative car il n’y avait qu’elle qui donnait des ordres… Mais elle n’aimait pas les gens trop proches de leurs principes. Souvent, ils finissaient morts ou gâchaient leurs talents. Les humains voyaient la perspective d’une manière affreusement réductrice, isolant l’information et l’opinion qui les satisfaisait le plus tout en ignorant les faits contradictoires. Ils n’apprenaient jamais de leurs histoires et répétaient encore et encore les erreurs comme un fou répétait encore et encore des actions absurdes dans l’espoir d’avoir une issue différente. Qu’attendait cet homme avec sa loyauté ? A quel prix l’évaluait-il ? Le seul prix de pouvoir se regarder dans le miroir ? En ignorant le poids extérieur de ses décisions ? Ou le prix d’avoir un jour son nom scandé par ceux du « bon côté » ? Il y avait autant d’humains que d’aspirations mais la Déesse voyait aussi un schéma qui se répétait.

Cet humain était un peu étrange… Hela ne comprenait pas bien son cheminement ni même où il voulait en venir avec tout ça. « Vous n’avez pas l’air très décidé avec tout ça… Je vais vous faciliter la tâche. Je vais rendre tout cela concret. On arrête avec les hypothétiques… » Elle manqua de dire « les humains aiment beaucoup imaginer sans jamais rien risquer » mais elle se retint au dernier moment… « C’est trop facile d’imaginer sans jamais rien risquer… Qu’est-ce que vous me donneriez à moi, si je ramenais votre ami à la vie ? Pour lui poser quelques questions ? Avoir des réponses ? A moins que vous vouliez le faire revenir complètement à la vie… Après tout il est si jeune… Il a certainement encore beaucoup de choses à vivre… » Mais la note sera plus salée, évidemment… Et il faudra la rembourser, une âme pour une âme… Après tout, cela n’était que juste et logique. Les humains aimaient la logique du chiffre et les informations rassurantes et précises comme les statistiques. Ils faisaient aussi plus confiance aux médecins même si bon nombre se détournaient d’eux pour faire confiance à des personnes moins rigoureuses comme les voyantes ou les religieux. Mais ils se détournaient seulement d’un humain clamant « je sais » pour un autre disant exactement la même chose. Au moins, elle, elle proposait du concret. Elle proposait quelque chose de réel et de palpable. Et ça, cela valait son pesant d’or.

 L’espace d’un instant, il y avait cru. Pendant un moment, il pensait avoir réussi à prendre contrôle de la situation. Or, c’était tout le contraire. S’il s’était senti oppressé quelques minutes auparavant, cette fois-ci, il avait littéralement l’impression qu’on l’étouffait. Les paroles de la femme étaient douloureuses et confuses. Il ne comprenait pas d’où venait sa motivation. Son exemple était très concret, mais Ethan restait sceptique. Puis plus la conversation avançait et plus il avait l’impression d’avoir affaire à quelqu’un qu’il ne connaissait pas réellement. Du peu qu’il avait appris d’elle au cours des dernières minutes, elle n’était pas du genre à rire ou à dire des paroles en l’air ce qui laissait planer un doute dans son esprit. Était-elle bel et bien en mesure de ramener les morts à la vie ? Si tel était le cas, il ne serait pas très surpris. Après tout, les gens dotés de facultés spéciales consacraient souvent leur temps dans des lieux dans lesquels ils étaient en mesure d’utiliser leurs capacités à leur plein potentiel. D’ailleurs, ceci expliquerait bien des choses, notamment le fait qu’elle veuille entendre son discours et qu’elle soit prête à faire une exception pour lui. Cependant, quelque chose clochait. Plus elle parlait et plus Ethan avait l’impression qu’elle tentait de lui faire une offre qu’il ne pouvait refuser. Agissait-elle ainsi avec tout le monde ou était-il un cas d’exception ? Dans tous les cas, le fantôme ne se sentait pas très à l’aise, à un point tel qu’il préférait ne pas répondre. Malheureusement, le mal était déjà fait et il se mettait à réfléchir aux nombreuses possibilités qui s’offraient à lui. Promptement, son esprit se mit à envisager le poids des conséquences de chacune de ses décisions. Dans le cas suivant, la fuite était impossible puisqu’elle représentait une décision comme une autre. Dans un sens, il voulait revoir son ami et lui donner une seconde chance et de l’autre, il préférait ne rien faire quitte à vivre avec son inaction sur le poids de sa conscience. « S’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »

Étrangement, dans un moment où de nombreuses personnes auraient utilisé des phrases liées à la vie et à la mort, Ethan se contentait de se défendre avec ce qu’il connaissait de mieux, la science. Le terrain sur lequel elle tentait de l’amener était sinueux, mais surtout inconnu. Il préférait la ramener sur son propre terrain dans le but de rendre la situation moins menaçante pour lui. « Œil pour œil, dents pour dents » Le code qui avait longtemps guidé les actions humaines refaisait surface. Si aujourd’hui il était désuet, il avait tout de même son utilité dans la situation actuelle. Déjà, elle devait avoir réalisé la corrélation entre ses deux phrases. « Le prix d’une âme est beaucoup trop élevé pour être pris à la légère. Les contes de fées n’existent pas, il faut une âme pour une âme et l’offrir serait comme mettre une corde autour de mon cou; un suicide. » Comme toujours, il y avait toujours un « mais ». L’ex-marine savait qu’il ne fallait pas jouer avec les âmes. Pour une fois, les cours de morale et de religion obligatoires du secondaire allaient peut-être l’aider. « L’idée de tourmenter les âmes dans leur repos ou tourmente n’est pas mon option favorite, mais restituer une âme temporairement est probablement moins couteux qu’une résurrection» .

Sur le coup, Ethan eut un  fou rire interne. Il avait du mal à croire qu’il discutait de facteurs totalement incontrôlables comme s’il avait la possibilité de les influencer ou d’en faire ce qu’il voulait. Il était vrai qu’il n’avait aucun contrôle sur la mort, mais peut-être que ce n’était pas le cas de l’assistante. Cette réflexion le poussa à poser une question qu’il aurait du poser bien avant. « Avant de donner ma réponse finale à ce sujet, j’ai besoin de savoir une chose. » Marquant une brève pause, il prit le temps d’établir un nouveau contact visuel avec la femme à la chevelure sombre. « Qui êtes-vous vraiment et qu’est qui vous motive autant ? Votre curiosité est… anormale pour quelqu’un qui n’est pas ma conscience ».  Dans un monde optimiste, elle était bel et bien vivante et Ethan ne se parlait pas à lui même depuis quinze minutes. Dans ce monde idéal, elle était en mesure de faire parler les morts et le fait de savoir son identité et ce qu’elle voulait vraiment allait aider Ethan à savoir s’il était prêt à faire affaire avec elle. Malheureusement, rien n’était blanc ou noir, tout était gris et il se doutait bien qu’ils n’étaient pas dans ce monde idéal.

Le type venait de se rendre compte que peut être, Hela n’était pas quelqu’un de « normal ». Il avait peut-être mis du temps comparé à ce que la Déesse pensait. Ses collègues la trouvaient bizarre. Elle ne sortait pas vraiment, ne buvait pas, ne mangeait pas avec eux, elle ne faisait pas de blagues et ne semblait pas avoir de familles… Mais aussi, le lieu professionnel qu’elle avait choisi la protégeait de trop d’interrogations. Mine de rien, dans cette ambiance morbide, les gens acceptaient plus facilement les comportements froids voire distants. On se disait que seuls des gens bizarres bossaient là et que si la jeune nouvelle était bizarre, eux devaient aussi posséder une sacrée couche. Ce n’était pas dans une morgue que vous trouveriez la plus grosse camaraderie et la franche rigolade. Que ce soit à cause de personnes venant sans cesse reconnaitre des êtres aimés décédés ou la police pour assister à une autopsie ou récupérer un rapport… Il serait mal vu que ces gens-là passent la porte pour tomber sur cinq employés en train de se fendre la poire. Du coup, la retenue qu’Hela affichait ne semblait pas si étrange de ce point de vue-là. Ce qui ne voulait pas dire que les autres employés ne trouvaient pas bizarre qu’elle ne se joigne jamais aux sorties entre collègues.

En tout cas, Ethan White, dans toute sa tristesse avait apparemment mit du temps à flairer le piège. Maintenant, la conversation commençait vraiment. Hela aimait bien ce jeu où les gens se cherchaient, se jauger pour savoir qui avait le dessus ou qui allait deviner les intentions de l’autre en premier. Mais la jeune Ase n’avait pas le luxe de continuer cette valse très longtemps. Déjà, un employé pouvait venir les interrompre à tout moment et tout foutre en l’air ou les embêter durablement. Ensuite, les projets de la reine des Morts étaient pressants et elle avait besoin de personnes sur qui compter pour sa petite entreprise. Il lui fallait une réponse claire et net assez rapidement. Surtout qu’une telle occasion ne se représenterait pas tout de suite…

Une chose était claire : notre gentleman ici présent ne savait pas bien comment réagir ni vraiment ce qu’il pouvait ou non dire. Il semblait résonner tout seul, comme s’il réfléchissait à voix haute. Hela ne l’interrompit pas. Après tout, elle ne voulait pas précipiter l’homme pour qu’il finisse par se refroidir le moment venu. Elle attendit seulement qu’il finisse par se demander enfin qui elle était et surtout ce qu’elle était pour pouvoir lui proposer un tel marché. Elle sourit doucement avant de simplement lui dire. « Je suis Hel… Les humains dans ce monde appellent mon royaume Hell*… Je suis la reine de ce royaume. Ainsi… Ton ami… » Elle s’approcha du cadavre et l’observa un instant « … Je peux le ramener sans problème. Et comme on en a parlé, cela a un prix. Je ne détourne pas le protocole de mon royaume par simple gentillesse ou par faiblesse. A combien évalues-tu les connaissances de ton compagnon ? A combien évaluerais-tu le fait de le ramener pour qu’il tente de finir sa vie convenablement ? J’ai une idée du prix que je pourrais te demander, mais je vais te laisser l’honneur d’ouvrir les négociations. » Car finalement, c’était bien ce qu’ils étaient en train de faire. Négocier pour que l’humain puisse récupérer les informations dont il avait besoin. Hela recula d’un pas avant de dire « Par contre… Nous n’avons pas le luxe du temps. Tu dois prendre ta décision rapidement. Ce n’est pas une offre à durée illimitée. Aussi, ce corps deviendra bientôt inutilisable. » La mort pouvait prendre son temps, mais sur Midgard, rien n’était vraiment impérissable et les choses changeaient vite. Cet humain devait bien le savoir… Et puis Hela ne s’était jamais considéré comme quelqu’un ayant du cœur ou de la gentillesse à revendre.

*Hell : Enfers en anglais

 La confusion venait d’atteindre son paroxysme. Lorsqu’elle mentionna son nom, Ethan eut l’impression qu’elle s’amusait avec lui. Sincèrement, il se serait esclaffé dans un autre contexte, mais il ne le pouvait guère. Il n’avait ni le cœur à rire ni le cœur à se faire taquiner de la sorte. Or, ce qui rendait la situation horrible était le sérieux qu’elle dégageait. Soit elle était une actrice de renom et savait bien voiler ses sentiments, soit elle était schizophrène et se prenait pour une autre ou soit elle disait bel et bien la vérité. « … Merde ». En ajoutant cette dernière pièce à son casse-tête, tout semblait s’expliquer ; la curiosité inégalée, les questions étranges, mais surtout son désir de faire exception pour lui. La seule chose qui clochait était son apparence. Il avait visualisé la mort sous divers angles et il réalisait à quel point il s’était trompé du début à la fin. Dans sa conception, la mort n’était ni un homme, ni une femme. Or, dans le cas suivant, la mort était une femme très attrayante. Le seul aspect sur lequel il ne s’était pas trompé était les traits sombres. Bref, ce n’était nullement le temps d’admirer la déesse des enfers, il avait des préoccupations beaucoup plus importantes comme le fait de devoir s’assurer que personne ne les interromprait. « Je vous prierais de m’excuser. »


Marchant lentement vers la porte d’entrée, il s’assura que personne ne viendrait les déranger. Doucement, il ferma la porte avant de concentrer son énergie sur la poignée. Promptement, celle-ci devint froide au point de devenir impossible à tourner. Il appuya ensuite sa main sur la fenêtre qui fut recouverte de givre. Ethan n’aimait pas montrer ses pouvoirs. Malheureusement, elle ne lui laissait pas le choix. Elle utilisait le temps à son avantage et il préférait ralentir son élan. Ils avaient des intérêts communs, mais il n’était pas très précoce à l’idée de signer un pacte avec la mort. « Pour le moment, personne ne viendra nous déranger. » D’un regard sévère, il fixa celle qui prétendait être une déesse et se mit à la défier du regard. Il tentait de trouver une faille, mais il se heurtait constamment à la même barrière. Généralement, les gens qui mentaient avaient toujours tendance à agir de manière plus ou moins normale. Or, aucune anomalie ne transparaissait de cette personne mis à part l’ensemble de sa personnalité. « Je veux que vous rameniez mon ami le temps qu’il me confie l’information, ensuite retournez-le dans votre monde. »


Il avait pris sa décision. C’était un choix difficile à faire, mais il ne l’aurait jamais fait s’il n’avait pas un plan. En fait, il comptait utiliser la curiosité de celle-ci à bon escient. Si elle était bel et bien ce qu’elle disait être, elle n’aurait probablement aucun mal à accepter sa proposition. « Comme dit, œil pour œil, dent pour dent. » Alors qu’il commençait de plus en plus à se sentir dans son élément, Ethan se mit à marcher dans la pièce froide. « Donc, en échange, je vous offre la possibilité de trouver une information de votre choix ». Marquant une brève pause pour se convaincre de son propre plan, il entama la seconde parcelle de sa proposition « Je serais en quelque sorte votre informateur, mais seulement pour obtenir une seule information. Vous pourrez recourir à mes services le jour que vous voudrez. » Alors qu’il semblait avoir terminé sa proposition, le jeune homme ajouta la cerise sur le gâteau. « Vous êtes curieuse et je suis certain qu’il y a des informations que même vous avez du mal à trouver. Une information pour une information, rien de plus, rien de moins. Un échange équitable auquel j’ajoute même un petit bonus grâce auquel je répondrais à toutes vos questions de base sur la nature humaine et sur la culture générale. » D’entrée de jeu, Ethan y allait all-in. Il était hors de question qu’il lui laisse le temps d’hésiter. Si elle avait cru lui mettre toute la pression sur les épaules, elle avait tort. La balle était maintenant dans son camp.

L’homme montra un clair choc lorsqu’elle annonça qu’elle était la reine du royaume des morts. Il lança une exclamation, comme s’il venait de se rendre compte de quelque chose qu’il savait depuis quelques temps. Il s’excusa finalement avant de se lever et de se diriger vers la porte. Hela, pendant un instant, crut que l’homme allait s’enfuir et elle l’aurait simplement laissé s’en aller… En effet, qui irait le croire sincèrement ? S’il ne voulait pas attirer l’attention des autorités sur lui, déclarer que la Déesse de la Mort lui avait offert un service ne l’aiderait pas vraiment. Observant de loin ce qu’il fit sur la poignée, le sourire de la jeune femme s’élargit légèrement. Elle avait compté sur le fait d’avoir une alliance avec un militaire possiblement doué et avec quelques contacts utiles, finalement, elle aurait apparemment aussi la possibilité de recruter un surhumain en prime… C’était de mieux en mieux. Ce que l’étranger venait juste de lui montrer voulait dire beaucoup plus de choses que ce qu’il pensait… En faisant ça, il venait implicitement de lui dire qu’il n’était pas recensé et que, du coup, si elle voulait faire pression sur lui pour une raison X ou Y, elle pourrait faire planer la menace de la police sur le coin de la figure. Un nom, ce n’était pas très utile sans un motif d’arrestation immédiate. Gardant ce détail dans un coin de sa mémoire, elle le vit retourner, et l’accueilli avec un petit sourire.

Il finit par accepter qu’elle ramène son ami juste le temps de récupérer l’information recherchée. La Déesse hocha la tête lentement, attendant la suite. Car le type montrait clairement qu’il pensait être dans le camp de ceux qui avaient le contrôle. Il avait l’air assez sûr de lui et de son intelligence, et cela pouvait bien le nuire. Ne jamais penser que l’on avait assez de coups d’avance pouvait sauver des vies. Il y en avait tellement des gens suffisants dans ce bas monde qui pensaient tout contrôler, même leur destiné et leur mort. Cela ne mis pas longtemps. Il voulait échanger une information pour une autre. La Déesse fronça les sourcils tout en gardant son sourire. Elle le laissa terminer simplement avant de s’éclaircir la gorge. Elle considéra l’homme un petit moment sans rien dire

« Sauf que… Jeune homme… Tu n’es pas très doué en maths. Œil pour œil, dent pour dent, tu peux continuer à m’embrouiller autant que tu veux mais tu te rends bien compte que le troc n’est pas égal. Donc tu me demandes de ressusciter quelqu’un, de détourner les lois de la nature pour parler avec ton ami. Et toi, en échange ? Tu me donnes une information ? Tu as déjà commercé humain ? Qui me dit que tu me donneras une bonne information ? » Elle se rapprocha un peu de lui. « Ce que tu me proposes pour le moment, c’est du vent… Et pour ton bonus si généreux… » elle insista sur ce dernier mot avec une touche d’aigreur. « Je vais le refuser… » Elle se redressa. « Tu penses vraiment mener ces négociations ? Je te propose un honneur qu’aucun de tes pairs n’a jamais eu dans ce monde et tu me proposes des ragots et un exposé personnel sur la race humaine alors que des centaines de livres peuvent me l’apporter. J’ai peut-être eu tort de penser que tu étais un humain digne d’intérêt… Ethan White… » Elle fit demi-tour et se rapprocha de la table où elle avait laissé son dossier. Lui tournant le dos, elle feuilletait le dossier, comme si elle ne faisait plus attention à lui.

 L’espace d’un instant, Ethan avait cru à sa proposition, mais intérieurement, il savait qu’elle ne faisait aucun sens. Il était encore indécis et son offre immature le démontrait en tout point. Étrangement, il eut envie de rire lorsqu’elle déclina férocement son offre. Il réalisait à quel point il aurait dû se taire et ne rien dire. Par moment, réfléchir était mieux que de laisser son intuition agir. L’intuition était une arme redoutable que lorsqu’il n’y avait pas de confusion dans l’esprit. Dès l’apparition d’une certaine dose de confusion, l’intuition devenait une arme infidèle. En tentant de fuir la pluie, Ethan était tombé dans la tempête. Sa posture était plus précaire qu’il y a quelques minutes et il eut même un léger pincement au cœur lorsqu’elle lui annonça sa perte d’intérêt pour lui. Ce qui avait commencé par un pincement promptement un mal permanent. Étrangement, il se sentait mal dans sa peau. Le fait de décevoir était un sentiment avec lequel il vivait constamment. Chaque jour, il se regardait en ayant une étincelle de déception dans les yeux. Chaque jour, il se rappelait ô combien sa vie semblait être destinée à tourner continuellement en rond. Il ne savait ni où aller, ni quoi faire pour lui donner un sens réel. L’ex-marine venait d’entrer dans une partie douloureuse de sa conscience au mauvais moment. « Tu as raison Hela, je ne suis pas digne d’intérêt ». Ses paroles ne cessaient de résonner dans sa tête maintenant qu’ils les avaient prononcés. On aurait dit qu’il s’apitoyait sur son sort et s’avouait vaincu. Hela ne faisait rien pour l’aider à se sentir mieux, son attention s’était immédiatement dirigée vers ses fichiers. Ethan était une victime de son offre vicieuse.

Un court moment de silence s’installa et la dernière phrase d’Hela résonnait de manière incessante. Son rythme cardiaque et la vitesse de répétition suivaient le même rythme. S’il continuait, il allait exploser. Soudain, les paroles cessèrent de résonner dans son esprit au moment où il réalisa quelque chose. « Du moins, pour le moment. C’est bien pour cela que je vous offre de me tuer 2 ans plus tôt que l’heure prévue ». Le fait de n’avoir aucune valeur pour le moment ne devait pas le tracasser puisqu’il n’avait guère trouvé son chemin. De plus, le fait de réduire la durée de sa vie de deux ans risquait de le motiver à trouver sa voie le plus tôt possible. L’échange devenait donc équitable. Bien que 2 années de sa vie pouvaient représenter un prix élevé pour une courte conversation, il devait s’assurer de faire une offre qu’elle ne pouvait refuser. Indirectement, il cherchait peut-être à se prouver quelque chose ou à lui prouver quelque chose.

Quoi qu’il en soit, il voulait relever ce défi. S’il y avait bien une chose qui était désagréable, c’était le fait d’être perdu. Généralement, les gens se perdaient les premières années de leur vie adulte, pas une dizaine d’années. « Je réaliserais ce que j’ai à réaliser en 2 ans de moins, voilà tout. » Plus il y pensait et plus il croyait que son offre avait du sens. Il n’aimait pas l’idée de devoir mettre sa vie en jeu, mais il n’avait pas le choix. Elle ne lui avait pas laissé le choix et il ne s’était pas vraiment aidé. « J’espère que ce sera suffisant pour toi, jeune fille ». Sur le coup, son ton parut probablement insolent d’autant plus qu’il s’était légèrement approché pour capter de nouveau son attention. Le fantôme ne savait pas à quelle réaction s’attendre puisqu’elle était un type d’énergumène qu’il n’avait jamais rencontré avant. Or, il commençait à reprendre confiance et quoiqu’il arrive, il ne devait pas se décourager. Il s’était trop compromis pour partir les mains vides.

L’homme parut blessé par ses paroles. Elle était tombée sur un humain avec une bien faible personnalité. Bien entendu, peu de gens rencontraient des divinités dans la vie de tous les jours. Certains le voyaient comme un grand honneur et d’autres comme une grande malédiction. Mais ce n’était pas rien… Par contre, divinité ou pas, porter une valeur aussi élevée sur les mots prononcés par quelqu’un que vous veniez à peine de rencontrer, que cette personne soit importante ou non, démontrait que vous étiez quelqu’un qui se basait beaucoup sur ce que les gens pensez de vous. Après tout, si vous n’évaluiez votre propre personne sur vos jugements et vos actions, vous n’auriez nul besoin de savoir ce que les autres pensaient. Pour Hela, c’était quelque chose d’assez simple. Les humains avaient peur de la mort. Et comme toute chose avec laquelle ils n’étaient pas très à l’aise, ils la haïssaient et ils faisaient tout pour la combattre. C’était pour cela qu’elle ne s’attendait pas à autre chose que de la peur ou de la défiance quand elle révélait son identité véritable. Mais ce n’était pas pour cela qu’elle s’attendait à moins que ce qu’elle méritait. Et si on ne lui donnait pas assez, elle le prendrait. Comme pour son royaume, comme quand Odin l’avait banni.

Puis, après un cours silence, l’humain tenta d’éveiller un instant l’intérêt de la Déesse en insinuant qu’il avait quelque chose de valeur. Déplaçant son regard vers l’homme, il lui révéla sa proposition… Le tuer deux ans avant sa mort. Hela ne dit rien et ne montra aucune émotion… Elle allait presque rire et se moquer de lui et de la valeur qu’il accordait à sa vie. De sa vie de Déesse elle avait rencontré peu de personnes qui avaient des chevilles aussi grosses. Thor était bon premier, mais Ethan n’arrivait pas loin derrière. Mais alors qu’elle se mettait à esquisser un semblant de sourire, Ethan l’appela Jeune fille… Elle se tourna vers lui et lui lança une décharge mystique dans le ventre, assez fort pour le propulser sur quelques mètres…

Citation :

Pile : il valse contre le mur et ne fait pas beaucoup de bruit.
Face : Il valse dans les étagères métalliques qui contiennent des corps et fait tout tomber.

Ethan décolla et atterrit dans les étagères métalliques qui contenaient quelques corps en attente de se faire examiner. Le choc fut tel que certains tiroirs se détachèrent et tombèrent tout en déversant des corps nus et froid sur le sol. Ethan n’était pas blessé. Il était un grand gaillard et avait certainement vu pire quand il était militaire. La Déesse dardait ses yeux pleins de colère sur lui à présent. « Toi… Ne m’appelle plus jamais jeune fille… Tu es un insecte. Tu as l’impression que ta petite vie d’humain m’importe. Deux ans de ta vie ? Et que vais-je faire avec ça ? Deux ans… Cinquante ans… Ton âme ne vaut rien. Ta vie est en sursis, tu m’appartiendras un jour donc tu m’appartiens déjà maintenant. Que ce soit demain ou dans cent ans, je n’en ai rien à battre. Je t’offre l’honneur de déjouer la mort, un honneur pour lequel des centaines de milliers de tes congénères tueraient… Mais toi tu ne me proposes que des prix dérisoires. Tu m’as pris pour qui ? Une idiote ? Une gamine ? Je te donne encore une minute pour te décider sur un prix équitable, non pas juste une offre risible ou une offre avec laquelle tu pourrais m’arnaquer… Je déciderais de ta destiné en fonction. Réfléchis bien, ou au moins, essaye... »

Pourquoi une minute ? Car ce vacarme avait alerté les autres employés et qu’ils allaient très vite arriver à la porte pour voir ce qui se passait. Ils découvriraient la porte fermée et bloquée… Ce qu’Hela dirait quand ils entreront, cela allait dépendre du choix qu’Ethan allait prendre à cet instant précis.

La surprise fut rude et douloureuse. Il ne s’attendait pas à une telle force et surtout pas à un tel pouvoir. S’il avait précédemment eu un doute sur son identité, ce doute venait de disparaitre. Elle pouvait revivre les humains, créer des décharges mystiques, et faire probablement des choses effrayantes ? Ethan ne savait aucunement l’étendue de son pouvoir et son changement soudain de personnalité ne fait qu’envenimer la situation. Le soldat était complètement désorienté, comme à la guerre. « Argh!».La douleur l’empêchait de penser de façon claire, mais il allait s’en remettre. Ce qui le troublait le plus était la posture dans laquelle il se trouvait. En plus de devoir péniblement se relever, le bruit avait probablement alerté les employés qui n’allaient pas tarder à venir vérifier la pièce. En plus, il était incapable de se venger d’une quelconque manière sans subir des conséquences trop élevées. S’il y avait bien une chose qu’Ethan savait faire, c’était bien de jauger la force de quelqu’un et d’agir en conséquence. Par cette simple démonstration, il réalisait que Hela était d’un niveau hors de sa portée, d’autant qu’elle ne lui avait probablement pas montré l’étendue de sa force. Pire encore, même en ne faisant rien, celle-ci pouvait le dénoncer lors de l’arrivée de ses collègues ce qui risquait de mener à son arrestation. La prison n’était pas une option et recevoir la puce l’était encore moins. Ce faux dilemme était tout sauf agréable, mais il devait faire un choix. La décision était facile, mais douloureuse. « Si je suis encore vivant, c’est probablement pour une bonne raison, je suppose. Ma mort ne vous serait d'aucune utilité »

Ethan était peut-être en train de délirer , mais il commençait à se demander pourquoi elle ne l’avait pas achevé. En tenant compte de sa réaction, il était clair et net qu’il n’avait aucunement ciblé ces besoins. Comme tout être rationnel, il aurait dû lui poser des questions afin d’en savoir plus sur ce qu’elle voulait vraiment et quel genre d’offre lui serait intéressant. Or, il avait fait preuve de témérité et avait suivi son instinct qui s’était révélé insuffisant. « Mais ça n’a plus vraiment d’importance ». Mettant une croix sur sa liberté personnelle et sur son orgueil, il renonça à sa fierté le temps d’un moment. « Vous êtes peut-être reine de votre royaume, mais ce monde n’est pas votre royaume ». Toujours aussi sincère, même dans une situation critique, Ethan amorçait sa proposition finale, en espérant ne pas se faire tuer avant d’avoir fini ce qu’il avait à dire. « En échange de détourner les lois de la vie et de la mort pour le ramener à la vie le temps d’entendre ses derniers mots, je vous offre l’intégralité de mes services, et ce, sans conditions». Ethan ne disait pas cela pour la rabaisser. Il se basait seulement sur le fait que l’union faisait la force. . « Œil pour œil, dents pour dents. Je suppose que cette fois-ci, c’est plus ou moins équitable non ? Mes services pour le vôtre.» Les traits du jeune homme étaient caractérisés de déception et de crainte. Il ne savait pas où cette offre allait le mener et quel genre de chose elle pourrait possiblement lui demander. Or , se lancer tête première dans l’eau risquait d’être différent de tout ce qu’il avait fait par le passé. Le résultat de cet échange risquait d’être un tournant pour sa vie et quoiqu’il arrive, il ne savait pas si l’issue serait positive ou négative.

L’homme ne semblait pas avoir prévu l’attaque. Peut-être avait-il douté de la véracité de ses propos. En tout cas, on pouvait reprocher à Hela d’être beaucoup de choses mais on ne pouvait pas dire qu’elle était capricieuse. Elle avait donné à l’humain plusieurs occasions de se rattraper et les choses qu’Ethan avait fait étaient tous plus mauvais les uns que les autres. Elle s’étonnait même du fait qu’il avait survécu aussi longtemps dans ce monde qui se révélait souvent impardonnable. Peut-être avait-il des restes d’instincts de survie qui allaient finalement se réveiller pour épargner sa ridicule vie ? En tout cas, il était temps que ce garçon commence à réfléchir à ses actes et à tenter de réfléchir avant d’agir. Elle en avait vu des personnes comme ça… Humains comme Ases. En première position, elle pensait à Thor qui réglait les choses avec ses poings et son marteau avant de s’arrêter quelques minutes et réfléchir. Il s’était plusieurs fois mis dans de beaux draps, que ce soit sur Asgard ou Midgard. Il avait failli perdre tous ses pouvoirs et toute sa puissance. Cela aurait facilité la tâche à Hela finalement… Mais autant il était subtil comme un éléphant, autant il avait de la chance et des alliés loyaux, et tout cela rendait difficile de faire tomber l’héritier au trône d’Asgard.

Hela pouvait sembler explosive quelques fois, mais elle avait toujours un plan en tête. Elle ne s’aventurait pas dans des terrains dangereux et incertains sans avoir une porte de secours prête, au cas ou. Contrairement au mutant devant elle, l’Ase mesurait chaque décision et la portée de celles-ci. Même si des surprises arrivaient toujours, il n’y avait pas une parole qu’elle n’émettait sérieusement, surtout quand elle se révélait, qui n’était pas préparé. La jeune Déesse était perplexe en fait. Comment un homme, apparemment poursuivi par la police et non recensé, arrivait à un tel niveau de négligence tout en étant encore en liberté. C’était un mystère absolu et Hela se demandait si l’homme n’avait pas un talent caché qu’il allait révéler dans les prochaines secondes pour se sortir de la merde noire dans laquelle il était.

L’homme reprit la parole et lui dit que sa mort ne lui serait d’aucune utilité… Il la provoqua ensuite encore plus en lui disant que Midgard n’était pas son royaume… Avant de retourner sa veste et d’offrir toute sa personne sans conditions. Hela le considéra. Déjà des pas précipités se faisaient entendre dans le couloir adjacent.

La Déesse avait déjà pris sa décision. Cet humain était incapable de penser aux conséquences de ses actes. Il ne pouvait pas mesurer le danger que ses actions occasionnaient. Il n’avait aucun respect pour les entités qui lui étaient supérieures et en plus, il ne savait pas parlementer. Quand on contrebalançait ça avec les avantages qui étaient son passé militaire et ses capacités surhumaines, il ne fallait pas être devin pour réaliser que cet homme était un élément incontrôlable qui donnerait plus de mal à la Déesse que de bonnes choses.

« Trop tard, humain… » Les employés avaient commencé à tenter de défoncer la porte. Hela se recula de quelques pas et s’assit sur le sol en lançant un petit sourire à l’humain. Elle leva une de ses mains et se griffa la joue jusqu’à en faire sortir du sang. Puis, lorsque les coups se firent plus forts, la porte céda et Hela se mit à crier, en désignant Ethan « Il est devenu fou ! C’est un mutant ! Appelez la police ! » tout en se tenant la joue ensanglantée, allongée sur le sol…

En aucune situation, il n’aurait cru que Hela réagirait ainsi. Sur le coup, Ethan eut littéralement envie d’exploser de colère. Si ce n’était pas des bruits de pas qui devenaient de plus en plus bruyants, il ne sait pas ce qui se serait passé dans cette salle. Soit il aurait tout fait fondre ou soit il aurait tout gelé. Dans tous les cas, il aurait explosé de colère et cette explosion se serait répercutée dans la morgue. Il venait de rencontrer le Diable en personne, en chair et en os, et elle avait refusé ses services. C’était une histoire assez cynique sachant que la mort ne refusait jamais une âme. Toutefois, sans le savoir, la mort venait probablement de lui sauver la vie. La journée était pleine de paradoxes et quoiqu’il arrive, il ne voulait ni finir dans les bras de la police, ni finir dans le royaume de cette folle.


En entendant la porte céder, Ethan pointa un regard meurtrier vers Hela. Elle était très intelligente ce qui la rendait excessivement redoutable. Toutefois, sa malice risquait de la mener à sa perte. Joignant ses mains, l’ancien militaire utilisa ses deux mains pour créer un épais nuage de vapeur qui s’intensifia rapidement et se propagea dans la salle. Quelques secondes furent nécessaires afin de brouiller suffisamment la vision des gens pour opter pour une fuite. Or, avant de foncer vers la porte, il s’approcha de la victime avant de lui glisser ses dernières paroles : « Ce n’est pas fini Hela. On ne m’appelle pas Ghost pour rien. » Chose dite chose faite, il entama sa fuite. Dépendant les circonstances, il allait peut-être réussir à s’évader sans rencontrer d’embuches. Cependant, s’il y était forcé, il était prêt à employer la force pour se frayer un chemin.

Citation :

Pile : Ethan arrive à s'enfuir sans embuche en étant dissimulé par le nuage de vapeur.
Face : Ethan doit bousculer quelques personnes pour se frayer un chemin vers la sortie

Par chance, il n’eut aucun mal à se faufiler calmement vers la sortie. Les autres employés étaient entrés dans la salle et avaient concentré leur énergie vers Hela. Leur but premier était de la trouver et de s’assurer qu’elle allait bien. Ce faisant, Ethan eut l’avantage de profiter du chaos pour pouvoir s’enfuir. Une fois à l’extérieur de la pièce, il quitta les lieux sans paraitre trop précipité. Il marchait rapidement, mais pas assez pour avoir l’air d’un fugitif. Une fois à la sortie du complexe, il n’attendit pas son reste pour partir au pas de course. Par chance, il commanda un uber qui devait arriver dans moins de trois minutes. Le temps que le véhicule arrive, il se remémora le visage de Hela et ne put s’empêcher de se mordre la lèvre inférieure. Elle l’avait eu de A à Z. Au moment où il avait cru pouvoir rivaliser avec elle et négocier sur un pied d’égalité, il s’était tiré une balle dans le pied. À aucun moment, il n’avait contrôlé de la tournure des évènements. Au mieux, il s’était retrouvé dans une position neutre avant de prononcer ses premières paroles. C’était décevant, mais intéressant. Cette rencontre risquait probablement d’avoir un impact important sur sa vie. Il ne savait pas de quelle manière, mais son intuition lui disait que les problèmes ne faisaient que commencer.