Saurez-vous donner la punition qu'il faut ? - Feat Frank

Saurez-vous donner la punition qu'il faut ?

Il n'y avait que le travail qui comptait, fait proprement, sans bavure, rapidement. Ce n'était pas un euphémisme que d'affirmer qu'il ne vivait que pour ça, Frank avait été ressuscité par de foutus anges dans le seul et sacro-saint but d'éradiquer la vermine plongeant la Terre dans les abîmes de la dépravation. Il leur avait dit merde à ces cons, saloperies d'emplumés qui ne pensaient qu'à leurs idéaux périmés pendant que lui, être vivant, avançant parmi les corps d'autres êtres humains, voyait de ses propres yeux ce qu'était la réelle profanation. Et il la haïssait, voilà pourquoi il la traquait sans relâche, sans s'autoriser ne serait-ce que la moindre pause. Du moins, pas d'autre pause que celles qui lui étaient imposées. Comme lorsqu'il était envoyé en prison. Pourtant, en cette soirée il n'avait pas la force de lutter. Ce n'était pas physique, ni même un caprice ou un semblant de moral qui, comme Red, le pousserait à ne pas tuer. C'était juste l'anniversaire de leurs morts et il ne se sentait pas apte à combattre bien que repenser à leurs décès puiserait la force nécessaire pour qu'il détruise tout un quartier.  

Alors il était là, assis dans un bar. Il se fondait dans la masse, cassé, vieux, si banal que ça en devenait transparent. Si on faisait abstraction du bon nombre de bleus qui couvraient son corps, ressortaient sur la peau tannée de son visage qu'il cachait en portant une vieille casquette de base-ball. Finissant d'une traite le liquide de vie, il n'eut pas le temps de bouger le petit doigt qu'une nouvelle tournée arrivait. Et d'un glissement de prunelles il la vit, coquette, des orbes bleutés comme jamais. Elle était jolie, il le pensait. Sauf qu'il réfléchissait plus avec le cœur qu'autre chose, n'idéalisait pas ce qui pourrait advenir de cette soirée s'il la laissait s'enfoncer dans de fausses idées. Il resta statique, longtemps, plus que de coutume malgré les rares occasions où ce qu'on appelait « la drague » s'était présentée. Depuis Maria il n'avait jamais réfléchi à une autre relation, nouer des liens avec de parfaites inconnues.. des civiles qu'un coup de feu avait le don de trouer. Comme Karen. Cette demoiselle lui amena la douce image de la rousse, après tout, à quelques exceptions faites, elles se ressemblaient. Fraîches, fringantes, à qui la vie souriait mais qui avaient le don de s'attirer des ennuis infinis. Parce que pour offrir un verre à une type qui aurait pu être son père, elle devait cacher son don d'infortune. Il ne refusa cependant pas ce scotch, ses doigts effleurant la matière hyaline pour la tapoter du bout des ongles. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il le porta à ses lèvres comme pour se donner courage. Le courage de lui parler, s'il avait l'un de ces vieux dégoûtants qui ne disaient pas non à la première paire de seins qui passait. Castle n'était néanmoins pas de cette trempe-là, ainsi quitta-t-il à contrecœur son tabouret pour se mouvoir plus proche d'elle. L'étrangère.

- Le verre, c'est de vous. Pourquoi ?

L'incompréhension craquait dans sa voix, ce qui changeait de sa léthargie usuelle. Ce n'était aucunement fluide, il n'y avait là aucun intérêt de sa part à prendre part au petit jeu auquel s'adonnaient les mâles. La question était brusque, peut-être même stupide étant donné les circonstances et l'endroit où ils se tenaient. Sauf que cela n'avait aucune importance à ses yeux, il n'avait guère l'envie de l'ignorer et ressembler à un bougre qui n'agissait que par acte de cruauté. À son âge, elles aimaient s'amuser, un peu trop certainement.  Ses lèvres initialement pincées s'ouvrirent pour qu'il puisse reprendre la parole après un coup d’œil circulaire au reste de la salle, son attention se rapportant sur celle qui lui faisait face alors qu'il levait la main pour attirer le serveur.

- Qu'est-ce que vous prendrez ?

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