↨↑ One Minute Man ↨↑ Rémy → Emma

Il y avait beaucoup de défauts que l'on pouvait reprocher à Remy. Joueur, menteur, tricheur, fieffé coquin, bien d'autres et pas spécialement meilleurs. Mais s'il était une qualité qu'il fallait bien lui reconnaître, c'est qu'il était un véritable professionnel pour improviser une solution de secours et gérer des situations catastrophiques - qu'il avait en général lui-même déclenchées bien entendu. Ça et la capacité presque systématique de sa gueule d'ange à se faire pardonner les choses les plus graves. Mais quelques fois, ça ratait. Et en l'occurrence, Scott Summers n'était pas vraiment du genre à être sensible au sourire et regard-GHB de Remy. Dieu merci, faire exploser le X-Jet n'avait pas été une si mauvaise idée que ça. D'une part parce que cela avait fait rester Rogue plusieurs jours à l'institut (durant lesquels il serait mensonger de dire qu'il n'y avait pas eu une tension sexuelle inadmissible et silencieuse dans les tentatives d'esquive de l'un à l'autre. Si si Rogue, je sais que tu me lis ne le nie pas), bien que l'atmosphère n'y soit pas spécialement la plus sereine du monde, et d'autre part car il valait mieux un X-Jet mort qu'un X-Jet entre les mains d'incompétents imbéciles comme ceux de la Confrérie. Les circonstances de leur fuite outrageuse étaient encore à élucider mais il était clair, en prenant le recul nécessaire, que des évènements aléatoires non contrôlés avaient semé le chaos un peu partout. Heureusement, Poor n'en était pas à sa première décapitation ni Logan à sa première immolation. Toujours était-il que si Remy pouvait se targuer haut et fort d'avoir su ce qu'il faisait de A à Z (bien que cela ne soit pas vrai), il savait bien que la destruction de son joujou avait été comme un coup de poignard dans le cœur de Scott.

Également un trou dans le budget financier de l'Institut. Non pas que celui-ci soit dans le besoin mais le Blackbird était toujours un calvaire à faire refaire. Originellement basé sur un modèle qui n'était actuellement plus en production, son design old school n'était pas tant un problème d'industrie qu'un caprice de tout le monde.Toujours était-il que cela en avait résulté en un soucis de plus et de nombreuses heures de montage, de livraison, de tests et d'autres choses mécaniques ultra complexes qui font bien à ressortir en société au cours des dernières semaines. Et si Remy s'était décidé à se racheter un peu dans le reflet monocculaire du regard que lui lance Cyclope, il ne fallait pas se leurrer, le cajun passait plus de temps à retaper la Bentley gracieusement laissée dans le jardin par les confréristes que le Blackbird. Mais la mécanique et les grosses bécanes, qu'elles soient à ailes ou à roues, était néanmoins, il fallait l'avouer, un exutoire pour les deux X-Men en ces temps troublés et à l'avenir incertain. Car s'il y avait bien une chose pour laquelle Remy ne regrettait pas de s'être intégré à l'Institut, c'était bien le garage, et peu de choses étaient à même de détrôner cet argument, hormis peut-être une Anna en jean-salopette, pleine de cambouis et tripotant sa mécanique avec une dextérité bien à elle.

Et ce matin, comme tous les matins, Remy s'était levé de très bonne heure d'un air débraillé, était allé cherché un café dans la cuisine avant que les élèves ne soient levés (c'est moins gênant - pour les autres - quand on se balade en caleçon) avant de finir par s'échouer de nouveau dans sa chambre pour se préparer tranquillement. Arrangeant son allure dans le miroir, il se posait plusieurs questions depuis un moment. N'était ni une figure publique de la presse ni un professeur enseignant, le mutant avait autant de temps libre que vingt quatre heures pouvaient lui en accorder mais qui, sous couvert de séances de mécaniques qui finissaient tard dans la nuit, ne faisaient que masquer l’incroyable non sens de sa présence ici. La situation actuelle était tendue, c'était bien peu que de le dire, et il ne fallait pas être beaucoup plus intelligent que Logan ou Summers pour savoir que, tôt ou tard, ce que personne ne s'accordait à prononcer à voix haute allait arriver : une descente du gouvernement dans l'école pour ficher et pucer tout le monde. Ah, quelle sinistre ironie. Magnéto devait probablement rager comme un pitbull sous acide actuellement et le cajun eut un petit rictus plein de dégoût à la pensée de son concurrent en amour. Ah ! Drame, Agonie, Désespoir, qui aurait imaginé que le plus dangereux prétendant au grand, à l'incroyable, au terriblement sexuel Remy Lebeau serait un vieillard sénile qui portait probablement des couches sous son costume ?

Il chassa cette idée de sa tête et s'en alla armé de l'essentiel - ses lentilles de contacts holographiques, ses clopes et ses vêtements - pour marcher un peu et se changer les idées. Il y avait un quelque chose de satisfaisant à observer le défilé incessant des élèves changeant de classe. Posté là contre un mur, le mutant se demandait si Xavier éprouvait la même chose que lui au moment où son regard remontait le fessier d'une charmante dame qui, oh bordel, ne devait sûrement pas être une étudiante. Mais ses pensées furent interrompue par le son si caractéristique de la paire de talons de Madame la Sous-Directrice Frost. Et comme à son habitude elle charriait cette espèce de provocation bourgeoise qui avait eu raison des barrières libidineuses de Robocop. Elle tira une première salve pour ouvrir les hostilités dans une certaine candeur qui arracha néanmoins à Gambit un sourire où s'y lisait l'ombre d'un outrage. Prenant un ton à l'exagération plus qu'appuyée, il répondit à son petit jeu avec un tact mérité.

_ Il est vrai, Madame la Sous-Directrice Frost, que je n'ai ni vos atouts ni vos atours. Et peut-être en termes de séduction devrais-je m'en remettre avec humilité à votre grande expérience de la bouche. »

Se redressant, il ne fut pas sans laisser son regard aller voler quelques instants sur les courbes avantageuses qui lui faisaient sa réputation sulfureuse.

_ Mais je sais encore reconnaître une femme qui a passé la nuit seule. Est-ce pour ça que tu viens me voir, chère ? »

En réalité, c'était plus une supposition qu'autre chose, mais Remy n'était pas à un râteau près et il se moquait grandement de s'en manger une si l'outrage en valait la peine.

Remy savait qu'Emma était une femme fatale mais il fallait bien l'avouer : elle en jouait très bien. Elle maniait le talon aiguille et le décolleté avec un savoir faire tout ce qu'il y avait de plus féminin et terrible. Une vraie femme, ça pour sûr, qui savait croquer les hommes et jouer du pouvoir de l'hormone. Et s'il y avait une chose à laquelle Remy ne pouvait pas résister, c'était bien les femmes fortes. Ce n'était pas étonnant, en réalité, et l'une des nombreuses raisons qui firent que le cajun tomba sous le charme de la très délicate, subtile et panoramique Rogue - panoramique pour le côté décolleté exagéré que les dessinateurs de comics ont toujours eu beaucoup de mal à réfréner. Dans tous les cas, Remy avait actuellement à faire face à une éclipse d'un tout autre genre et non moins désirable. Il n'avait jamais compris comment Emma avait pu s'attacher à ce crétin de Scott. Sûrement la mâchoire carrée et le côté capitaine de l'équipe de quaterback qu'il se donnait avec les X-Men. Ça et les lunettes de soleil. Bien que Summers n'ait pas le choix, à vrai dire, ça n'en faisait pas moins quelque peu douchebag. Mais, dans un sens... Et bien dans un sens ça donnait le goût d'une satisfaction encore plus savoureuse lorsque l'on parvenait à cueillir le fruit défendu.

Le mutant laissa libre cours à la provocation d'Emma lorsqu'elle intima un contact physique tout sauf innocent. Remy était un habitué du scandale et avec sa charmante interlocutrice il jouait après tout sur un terrain qu'il connaissait bien. Et vu qu'il était célibataire depuis qu'Anna avait décidé d'envoyer valser cette vie faite de normalité qui leur laissait enfin une chance de construire un avenir commun sans tout le stress, le danger et les aléas d'une vie pleine d'embûche et de mauvais retournement scénaristiques, il était, donc, totalement libre dans son libertinage. Certaines mauvaises langues diraient que la fidélité n'était pas quelque chose qu'il avait jamais eu l'habitude de respecter mais c'était bien mal le connaître. Néanmoins, tout ceci avait un léger arrière goût amer, comme une vieille nostalgie devenue inaccessible, le bon vieux temps où il se faisait taper sur les doigts quand il laissait les femmes toucher son corps d'une façon désintéressée et anodine, l'air de rien. Mais maintenant tout ceci n'avait plus d'importance, et c'était bien triste. A vrai dire, même Emma allait lui manquer. Son scandale, son allure, son caractère. Il la regretterait presque, après toute ces années. Conservant cette proximité ambiguë, il laissa flotter un petit sourire sur ses lèvres et son regard pétillait de cette malice envoûtante qui hypnotisait les femmes bien malgré lui à cause de l'influence mentale de son pouvoir. Il lui chuchota comme sur un ton de confidence :

_ Tu sais, je me suis toujours demandé ce que tu trouvais à Scott. Le genre de gars un peu idiot et qui dégage le passage avec une mâchoire aussi large que son ego. »

Pas étonnant qu'elle ait passé une nuit atroce. C'était peut-être de la médisance venant de la part de Remy mais, selon lui, Monsieur Pectomuscle manquait de la sensibilité propre à la séduction des femmes. En termes de performances romantiques, Scott était entre la table et le lustre.

Mais il finit par se détourner, un peu à contre cœur, tournant la tête pour observer vaguement les vas et viens de quelques étudiants dans le parc, au travers des fenêtres.

_ Je t'aurais bien kidnappée pour une virée à moto mais j'ai bien peur qu'il ne soit trop tard. »

Il allait provoquer une rage dans 5...4...3...2...1...

_ Je vais quitter l'institut, Emma. A cause du RA et des puces. Cette nuit sera ma dernière. »

Mais il fallait toujours voir le côté positif des choses : la rage se résolvait souvent dans le sexe.