Je t'ai vu grandir pour devenir ce que tu es - Feat Marian

Parfois, il y a des journées qui commencent mal. Comme si le karma était mauvais. Ou qu'un petit lutin invisible s'amusait à faire des farces à longueur de temps. Et pour Marian, c'était aujourd'hui.

D'abord, son réveil n'avait pas sonné. Elle avait donc dut sauter son café pour ne pas donner son cours en retard et se sentait d'une humeur exécrable. Quand elle avait ensuite put passer un instant dans la cuisine pour prendre sa dose de caféine, elle avait sursauté en se faisant interpeller par un élève et sa tasse avait chuté sur le carrelage pour s'y briser en répandant le liquide brûlant au sol. Cela avait continué avec Vega, l'un de ses chiots, qui avait décidé de manger sa paire de chaussures préférées et pour laquelle elle avait dut économiser des mois durant.
Et enfin, alors qu'elle se dirigeait vers la porte d'entrée pour aller faire un tour en ville, son téléphone sonna.

Le petit appareil en main, son sac dans l'autre, perchée sur ses talons, la jeune femme fixe le nom du contact. Un soupire et elle finit par décrocher en poussant la porte d'entrée.
Alors qu'elle salue froidement son interlocuteur, son regard tombe sur Poor, à laquelle elle adresse un sourire rayonnant. Lui faisant un signe de la main pour lui dire qu'elle arrive tout de suite, Marian s'éloigne un peu pour sa conversation téléphonique.

« Pourquoi tu m'appelles, Harry ? ... Non je ne veux pas écouter tes excuses, tes prétextes et encore moins tes pleurnicheries. Cela fait quatre ans. Il faut que tu tournes la page. ... Je m'en contrefiche, qu'est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ? Et ne t'avises pas de venir me chercher. Tu le regretterais. »

Le ton menaçant flotte dans l'air alors que Marian raccroche le téléphone avec un soupir qui en dit long, et se dirige vers sa collègue. Poor.
Aux yeux de Marian, c'est la plus belle femme qui soit. Un véritable modèle de beauté et d'intelligence. D'indépendance. Autrefois son élève, elle est fière aujourd'hui de pouvoir la compter à la fois parmi ses rares amies et ses collègues.

« Quand on te vois comme cela, ça donne presque envie de se mettre à fumer, tu es un peu trop élégante avec une cigarette. » Marian adresse ce sourire qui la caractérise tant à son aînée avant de reprendre. « Comment vas-tu aujourd'hui ?  »
   

Marian ne sait pas si sa mentor a entendu ou non sa conversation. Elle ne le demande pas, et se contente de s'enquir sur l'état de la femme, prenant de ses nouvelles. Mais elle ne peut s'empêcher d'être nerveuse, on le voit notamment à ses doigts qui triturent son téléphone, toujours entre ses mains. Heureusement que Poor est là pour la tirer de ses pensées maussades.

« On me le dit souvent, mais tu fais bien de ne pas fumer, je m'en voudrais que tu commences alors que cela pourrait te griller la santé. Je fumes parce que ça ne me fait rien, sinon, je n'aurais sans doute jamais commencé. En tout cas, je vais fort bien et toi Marian ? J'ai cru comprendre que la conversation téléphonique n'était pas à ton goût il y a quelques instants.  »  

La jeune femme haussa les épaules, et fini par s'assoeir sur les marches de l'escalier menant à l'entrée. Tant pis pour sa robe.
Elle n'avait jamais parlé de ce qui s'était passé avec Harry. En tout cas pas à sa collègue. C'était peut-être le moment idéal. Sans doute obtiendrait-elle quelques conseils avisés de la part de son aînée.

« Je suis sortie avec un garçon quand j'avais vingt deux ans. On est resté ensemble un peu plus de deux ans mais.  » Marian esquissa un sourire en coin, gênée. « Je l'ai quitté parce qu'il m'as demandée en mariage. Depuis il revient à la charge, on va dire presque une fois par ans.  » Un long soupir ponctue sa phrase.
« Je ne sais plus quoi lui dire, ou quoi lui faire pour qu'il lâche enfin le morceau. Cela fait quatre ans que cela dure, et à chaque fois que je crois enfin m'en être débarassée il revient à la charge.  » Marian se mordille les lèvres en écartant les mains, signe d'impuissance. « Le pire c'est que même après l'avoir quitté, j'avais des bons souvenirs de lui. Il était adorable, charmant, gentil et attentionné. Mais avec sa nouvelle attitude, il chasse tous les bons souvenirs et se transforme en quelqu'un de collant, obsédé et vicieux.  »

Elle lève le regard vers sa mentor. Elle lui a déjà parlé de choses personelles mais sans doute jamais à ce point. Il faut dire que la situation exige une main de maître.

« Qu'est-ce que tu me conseillerais de faire ?  »

Evidemment. Marian avait espéré que la discussion ne tourne pas en évaluation psychologique à deux balles. Mais c'était trop en demander. Elle repensa à ce que lui avait justement dis Harry, le jour où elle avait refusé sa demande en mariage pour le quitter : « Je pense que tu as vraiment un problème émotionnel, sans doute lié à la perte de ton père, tu devrais te faire suivre. » et le top du top ça avait été le « Pourquoi tu refuses d'être heureuse ? »
La jeune femme retient un soupir d'exaspération à la réminiscence de ce moment. Brièvement, elle avait ressentit le goût du champagne, petites bulles pétillant contre son palais.

«  Tu sais qu'en matière d'amour, je ne suis pas forcément la mieux placée pour te donner un avis. Mon âge fait que je vois ça différemment de toi sans doute. Enfin, avant de te donner un avis, j'aimerais comprendre pourquoi tu n'as pas dit oui, si tu avais de si bons souvenirs avec lui. Comme tu me dis les choses, j'ai l'impression que c'était plus difficile de dire non que oui... »

Un petit sourire étire les lèvres de la mutante cadette aux mots de son mentor, même si cette dernière se trompait sur les derniers mots qu'elle prononçait.

« Je n'ai pas dit oui... Pour la simple et bonne raison que je n'avais pas envie de dire oui. Certes, j'étais heureuse avec lui. Les moments étaient magiques. Mais... » La jeune femme s'interromps un instant pour chercher les bons mots. « C'est justement ce côté "non-éternel" qui me plait. La pente éphémère de la relation. Je ne souhaite pas que ces moments s'éternisent et durent toute ma vie. Parce que... Ce sont des efforts inutiles. Parce qu'il y aura toujours la rechute. On peut dire simplement que je fais souffrir les autres avant de souffrir moi-même. C'est sans doute vrai. Mais quitter Harry n'as pas été difficile. Je n'ai ressentit aucune peine. Pourtant, je crois que je l'aimais. Mais je savais... Je sais que je ne quitte jamais vraiment les gens. » Une pause, le regard de Marian est confuse. Elle s'apprête bien sûr à mentionner son pouvoir.
« Les gens s'accrochent entre eux par peur d'être seuls. Je ne crains pas la solitude. Ils essaient de faire durer leurs relations aussi longtemps que possible, parce qu'ils savent qu'au fil des années, leurs souvenirs s'estomperont, et ça les rends triste. Ce n'est pas mon cas. Parce que quand j'y repense au final, quand je me souviens... C'est tellement réel que c'est comme si je n'avais pas quitté Harry. Et ça me suffit. »

Marian s'arrête en fronçant un peu les sourcils, et finit par rire d'un air gêné.

« Désolée pour ce monologue, ça parait un peu incompréhensible... C'est juste dur à expliquer. »

L'écoute de Poor fait du bien à la jeune mutante. Autant du point de vue d'amie, que de collègue ou de disciple. La professeur d'histoire a toujours sut l'écouter et la conseiller auparavant, aucun doute là-dessus. Mais elle avait toujours préféré garder l'histoire d'Harry pour elle. Au final, la seule personne a qui elle en a parlé, c'est Ørvind. Parce qu'elle savait que l'homme comprendrait sans problème sa réaction. Sans chercher à l'analyse psychologiquement par derrière. Mais en voyant sa mentor, Marian sait qu'elle n'échappera pas à cette psychanalyse à deux balles.

«  C'est vrai que c'est difficile à suivre, j'en conviens, mais je crois que tout est lié à tes capacités. Si tu avais un autre pouvoir, tu n'aurais sans doute pas ce point de vue là. Tu es capable de te souvenir d'un moment précis, de le revivre en quelques sortes, mais si tu ne le pouvais pas, tu ferais comme tout le monde, tu resterais avec la personne afin de te recréer de bons souvenirs, parce que les anciens s'effacent peu à peu. Enfin, je pense que c'est ça, parce que si tu l'aimais vraiment, même si tu avais dit la même chose, la rupture aurait été plus difficile que ce que tu me dis.  »

Une petite ombre passe sur le visage de la jeune mutante. De ce qu'elle comprend, Poor pense qu'elle n'aimait pas son petit ami tant que cela. Sinon elle n'aurait pas put le quitter aussi facilement. Il est évident que les deux professeurs n'ont pas du tout le même point de vu sur la situation, ce qui est tout à fait normal, mais la cadette ne peut s'empêcher de douter un peu. Pourtant, de son souvenir, elle sait qu'elle aimait Harry. Et qu'elle n'avait jamais eu envie de le quitter avant la demande en mariage. Il avait après tout été sa relation la plus longue, car il acceptait au début le fait que Marian ne veuille pas trop s'attacher, ni construire sur le long terme.
Un soupir s'échappe de ses lèvres.

«  Tu as sans doute raison, peut-être que je l'aimais mais sans être amoureuse, je n'en sais trop rien. Au final ce n'est pas vraiment ça qui m'importe à ce jour. Je ne me pose pas de questions là dessus, c'est comme ça que je suis. Je ne m'attache pas et ça me convient très bien. J'aimerais juste... » Marian fait un geste avec les mains, les retournant paumes vers le ciel pour mimer son incompréhension. «  Depuis le temps, il trouve toujours un moyen de s'accrocher. J'ai pourtant presque tout essayé. J'ai été gentille, je l'ai soutenu quand même. Puis j'ai dut être méchante vu qu'il ne comprenait rien. Mais je n'ai pas non plus envie de le faire souffrir encore plus. Enfin, je n'en avais pas envie. Maintenant je ne sais plus. Il m'exaspère tellement que j'en viens à me dire que si je dois lui faire du mal pour avoir la paix, ça ne me dérangerait pas plus que ça. »

Un soupir de la jeune femme qui finit par se passer les mains sur le visage. Elle n'aime pas cela, mais elle doit bien admettre qu'au bout de quatre ans, elle donnerait tout pour effacer ce mec de sa vie.

Souvent, Marian se dit que la meilleure solution pour ne plus avoir de problème de sangsue affective, c'est de ne plus se lier du tout avec les gens. Mais ce n'est pas non plus ce qu'elle souhaite. Elle veut juste pouvoir profiter du bon temps, faire des bons souvenirs, sans avoir une tonne de responsabilités et de devoirs sur les épaules. Elle en a bien assez dans sa vie professionnelle, pas la peine de s'en encombrer dans la vie affective. Son but n'est pas non plus de blesser les gens ou de jouer avec, loin de là. Il y a tout simplement un manque de compréhension. D'abord de sa part à elle : Marian ne comprends vraiment pas pourquoi les quelques personnes dont elle se rapproche finissent par en vouloir toujours plus que ce qu'elle ne sera jamais prête à offrir à quiconque. Puis de leurs part : ils sont incapable de comprendre pourquoi la jeune femme ne souhaite pas aller plus loin, s'engager. Il faut dire que dans la société actuelle, pour réussir sa vie il faut le mariage, la maison, les deux gosses et le chien. La voiture, le frigo double-porte, la télé par câble. Les petits déjeuners en famille le dimanche autour de pancakes, la tondeuse à pelouse, les vacances à la mer en été, au ski en hiver. Marian s'en contrefiche. Tout ça lui semble ridicule, et faux. Pas besoin d'être une mariée et mère au foyer pour devenir une femme accomplie.

Et de toutes façons, qui voudraient élever un enfant dans un monde aussi fou que celui dans lequel ils vivent ? Qui sait, elle sera peut-être morte d'ici la fin de l'année dans un combat où parce que le Parti Collectif aura fait une purge mutante. Alors Marian ne veut pas passer le temps qui lui reste à vivre à construire quelque chose qui au final, partira en poussière comme tout le monde. Pour cela, elle profite de ce qu'elle trouve, de ce qu'elle voit, et ne construit pas de plans sur la comète.

Marian sort de ses pensées juste à temps pour entendre le conseil de sa mentor.


«  L'ignorer, j'ai déjà essayé... » Soupire de la jeune femme. «  Mais c'est vrai qu'à part ça, je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre. J'espère juste qu'il ne va pas finir par débarquer à l'improviste si il n'arrive plus à m'avoir au téléphone, ahah. » Petit rire faussement amusé, aussi jaune que sa Mini garée sur le parking.
La mutante passe une main dans ses cheveux en adressant un sourire d'excuse à Poor.

«  Désolée, je débarque comme ça et je t'implique dans mes petits problèmes personnels sans préavis, j'espère que je ne t'ai pas trop embêté avec mes histoires. »

Marian se redresse pour faire à nouveau face à son ancienne institutrice, et récupère son téléphone dans son sac. En quelques secondes, elle bloque le numéro de Harry, faisant en sorte que si ce dernier l'appelle, il tombe directement sur un message indiquant que ce numéro n'est plus attribué. Simple, mais efficace. En tout cas, Marian l'espère.

Encore une fois, Poor sait trouver les mots. Marian, face à elle, l'écoute attentivement, tournant son portable un peu soucieusement entre ses doigts. Au début, elle pensait qu'ignorer Harry n'était qu'un manque de respect, et qu'il vallait quand même mieux que cela. Jamais il ne lui était venu à l'esprit que le fait qu'elle décroche à ses appels, puisse faire penser à son ex qu'il avait encore une chance. Mais maintenant que Poor l'énonce de vive voix, ça parait logique. Parfois, Marian a envie de se donner des baffes pour se secouer un peu. Maintenant aussi en l'occurrence.

« Tu as raison, je n'y avais pas du tout pensé. Je me disais un peu que l'ignorais n'était pas très adulte mais au final, si les refus ne servent à rien, je n'ai pas vraiment d'autre solution. » Marian hausse les épaules. A vrai dire, elle se sent un peu impuissante dans cette situation, ayant l'impression d'avoir fait tout ce qu'elle pouvait, et n'aime pas du tout cette sensation. Elle qui aime toujours tout contrôler dans sa vie, que ça lui passe entre les doigts comme ça, comme de la fumée inssaisissable, c'est vraiment désagréable.
« Si il pourrait être violent ? Mhm... » La jeune femme fait une moue pensive en continuant de triturer son téléphone, le regard un peu dans le vague. « Je ne pense pas non, ce n'est pas son genre. Mais étant donné que je pars du principe qu'on ne connait jamais vraiment quelqu'un même après des années, peut être oui. J'epsère que non. Pour lui j'entends. » Malgré tout, un petit rire jaune lui échappe. Harry a beau être plus grand qu'elle, Marian est curieuse de le voir tenter quoi que ce soit de brutal. Entre ses cours de défense, d'arts martiaux, les entraînements avec les X-Men et les leçons de Clint... Elle est prête à parier qu'Harry ne pourrait pas lui faire grand chose. A mains nues en tout cas. « Enfin, je pense que si je fais comme tu me le conseilles, tout devrait bien se passer. »

« Merci beaucoup, tu m'aides beaucoup, » souffle Marian en souriant à sa collègue. Si la discussion n'était pas prévue, Poor lui est d'une grande aide aujourd'hui.
La jeune femme jete un regard machinal à son téléphone toujours entre ses doigts et fait presque un bon sur elle-même, poussant une exclamation de surprise un peu vulgaire.

« Oh merde ! Je vais être en retard pour le match ! » Il est vrai qu'à la base, si Marian passait les portes de l'institut, c'était pour assister à un match de football à New York. Seulement avec l'appel de Harry puis la discussion avec Poor à propos de ce dernier, elle avait été un peu détournée de son objectif premier. La mutante enfourne précipitamment son portable dans son sac pour le troquer contre les clés de sa petite voiture jaune. « Je suis vraiment désolée, je dois y aller. Encore merci, merci, je t'en dois une ! » Marian adresse son plus beau sourire d'excuse à sa collègue et se détourne pour se diriger rapidement vers sa voiture. Elle déteste être en retard. Marian se jure de payer un soir un verre à sa collègue pour la remercier du temps qu'elle lui a pris aujourd'hui, et en passant devant elle en voiture, elle donne un petit coup de klaxon pour lui dire au revoir.