2004"Caches-moi ça, Mercedes ! Tout de suite !"La petite fille d’une dizaine d’années fit à nouveau rentrer sa langue dans sa bouche, baissant les yeux face au regard courroucé de sa mère. Une scène, somme toute, assez classique entre une mère et sa fille. Mais ce qui n’est pas normal avec cette petite, c’est que cette langue, si abruptement rangée par la remontrance de sa mère, n’est pas humaine, elle est fine, fourchue, à l’instar de celle d’un serpent. Depuis toujours elle possède cette langue ; et si du temps où elle n’était qu’un nourrisson, ses parents pouvaient la cacher car elle n’allait pas en crèche, depuis qu’elle va à l’école et qu’elle est capable de comprendre ce qu’on lui raconte, ils lui ont expliqués qu’elle devait absolument cacher ses…Différences. Sa langue, ses écailles…Ne rien laisser transparaître et surtout, surtout, ne jamais s’en vanter, toujours le cacher. Car qui sait ce qu’il pourrait arriver si quelqu’un découvrait que leur fille était un monstre de foire. Enfin, ce n’est qu’un nom…
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2009Elle ne s’est pas méfiée quand ses parents lui ont dit qu’ils allaient au cirque. Ce n’était pas la première fois, mais c’était rare qu’ils l’autorisent à porter autre chose qu’un de ces sweats à capuche hideux et inconfortables sur ses écailles sensibles. Elle a le droit de porter un simple T-Shirt, avec un petit gilet pour l’extérieur. Etrange, mais ça lui faisait plaisir, d’autnat plus d’aller au cirque, alors elle ne se pose pas plus de questions et se laisse conduire jusqu’au
« Cirque ». Un Cirque d’un nouveau genre visiblement, car elle y voit une femme à barbe, un homme bien plus petit que la moyenne et un peu difforme…Et bien d’autres personnes, différentes. A la fois comme elle et pas comme elle. Car elle a fait des recherches, elle a essayé de comprendre ce qu’elle avait ; elle devait être malade pour affiche de tels stigmates, non ? Oui, sans aucun doute. Mais elle n’a pas encore trouvé ce qui pourrait expliquer ce phénomène. Elle est allée demander à des médecins dans l’hôpital où travaille la mère d’une camarade de classe, prétendant l’écriture d’une nouvelle pour son plaisir personnel, cherchant à rester réaliste dans l’explication d’une telle différence. Si les gens de l’hôpital sont surpris de voir une adolescente de quinze ans leur poser ce genre de questions, ils ne sont que trop heureux de pouvoir partager leur savoir avec une personne qui, possiblement, pourrait s’intéresser à ce domaine si on lui transmet la passion suffisamment tôt. Espoirs vains, car jamais la médecine n’a intéressée Mercedes, bien plus un esprit d’analyse que de recherche.
Ils avancent vers une tente d’où un homme sort, une bonne cinquantaine passée, les cheveux gris et à ses épaules, la carrure impressionnante et les yeux gris perçant, suivit par un autre, plus jeune, les cheveux visiblement noir mais rasé très courts, aux yeux d’un bleu intense et tout aussi perçants que ceux du plus âgé.
"Alors c’est elle ?" demande le plus âgé.
"Oui. Comme convenu Mr Islington."Et là, la jeune femme a peur de comprendre, quand les mots sortent de la bouche de sa mère et elle recule, les larmes aux yeux, ne voulant pas y croire. Mais déjà, elle voit l’argent passé de mains en mains et elle ne peut empêcher ce sifflement anxieux qui s’échappe de sa gorge, cette langue inhumaine qui sort et tâte le terrain, cherchant à deviner par les odeurs ce que l’instinct lui dit déjà. C’est quand elle voit les yeux du plus jeune se poser vers elle et comprendre ce qu’il lui passe par la tête qu’elle se retourne et court, surprenant tout le monde.
"Icky ! Rattrape-la !"Aussitôt, le plus jeune des deux hommes s’élance à sa poursuite. Elle a de l’avance et est rapide, la meilleure de sa classe en course à pied, mais il a l’avantage du terrain qu’il connaît par cœur, et très vite, il la rattrape, malgré les paniers et caisses renversées, sans égard pour leur contenu, au sol, tentant de le ralentir. Finalement, quand elle se tourne et ne le voit plus derrière elle, le soulagement fait irruption dans sa poitrine : elle va y arriver, elle va s’échapper et elle va –
Rien du tout. Elle ne va rien faire du tout car deux bras s’enroulent autour d’elle et la soulève du sol comme si elle ne pesait rien du tout, et elle se débat, elle crie, pleure, hurle, tente de le mordre, mais il sait comment faire, comme si ce n’était pas la première fois qu’il avait eu à faire ça. Sa voix à lui tente de percer vers elle, de se faire entendre. Finalement, c’est quand il ressert encore sa prise sur elle, et qu’elle commence à fatiguer, qu’il arrive à lui parler, à l’oreille, doucement.
"Arrêtes, tu ne ferais qu’aggraver ton cas. Calmes-toi, tu verras, tout ira bien."Elle ne veut pas le croire, mais elle a peur, elle se sent seule, terriblement seule, ici, et maintenant qu’elle n’a plus nulle part où aller, l’adrénaline quitte doucement son corps et elle devient telle une poupée de chiffon. Son cerveau décide alors de la déconnecter de ce qui vient de se passer pour les prochaines heures.
Elle vient d’être vendue à un cirque par ses propres parents.
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La porte de la caravane s’ouvre et c’est Icky qui passe la tête, prudemment, car les première fois, elle en profitait pour essayer de filer, mais aujourd’hui, elle est calme, ou résignée, ou simplement déprimée ; il n’en sait rien, mais il entre, lentement, sans faire de bruits ni de gestes brusques, et s’approche. Elle tourne la tête vers lui et lui lance un regard noir, accompagné d’un sifflement rageur.
"Woah, du calme Kaa, je t’apporte juste à manger." Il désigne l’assiette qu’il tient dans sa main. Son sifflement s’arrête et elle détourne la tête.
"Pas faim." Lui soupire, car ce n’est pas la première fois.
"C’est ça, et moi je suis le pape. Aller Mercedes, il faut que tu manges."Il s’approche encore et elle s’élance, comme un ressort que l’on aurait relâché, et elle envoie valser l’assiette, et va pour le mordre lui, mais il a des réflexes et la retient à distance.
"Arrêtes ! Tu me tues, tu fuies et après, tu vas faire quoi ?!" elle tente à nouveau de le mordre et il la repousse, la collant contre le mur de la caravane
"Retourner chez tes parents ?! Pourquoi faire ? Ils t’ont vendu à MON père ! Alors ouais, c’est pas la joie, et je comprends, mais ici tu seras logée, nourrie, blanchie et en plus personne t’emmerderas pour tes écailles ou quoi que ce soit. Car on est tous des Freaks ici !" il se tait et la regarde, attentivement, et elle croise son regard, le sien encore sombre de colère et de rancœur envers ces parents qui l’avaient lâchée ici
"Je vais te lâcher. A partir de là, tu peux me tuer et filer, ou rester avec nous et vivre une vie presque normale…"Tenant parole, Icky relâche sa prise sur Mercedes et recule lentement, méfiant malgré tout, mais la jeune femme ne fait rien, elle pourrait, mais ses mots résonnent dans sa tête. Tout se mélange dans sa tête : à la fois le désespoir de se rendre vraiment compte qu’elle n’était qu’une erreur, qu’un poids pour ses parents, qu’une erreur qu’ils auraient mieux faits de jeter aux ordures dès qu’ils ont vu qu’elle était différentes ; mais aussi l’espoir de, peut-être vivre comme n’importe qui, malgré ses différences physiques flagrantes. Finalement, elle s’effondre en larme et il est là. Il ne la touche pas, il reste juste assis à côté d’elle, une présence calme et rassurante, alors qu’elle déverse toutes ses frustrations dans des larmes lourdes et chaudes. Puis, les sanglots cessent progressivement, la fatigue la prenant par la suite et c’est Icky qui la dépose dans le lit de la caravane, avant de partir, sans même verrouiller la caravane. Si elle le souhaitait vraiment, il la laisserait partir, même si son père lui en ferait probablement voir de toutes les couleurs (majoritairement du bleu, jaune, violet et noir) pour cet « oubli » de verrouillage.
Le lendemain, elle se réveille, groggy de sommeil, mais la décision claire dans son esprit : elle reste. Elle va vers la porte, tente de l’ouvrir et…sort, tout simplement. Vagabondant dans le campement de fortune, suivant les sons puis les odeurs grâce à sa langue de serpent entre autre, elle trouve l’endroit où se font les repas. Plusieurs paires d’yeux se posent sur elle, dans un silence de mort. Ils attendent sa réaction, elle attend la leur. Elle est à deux doigts de courir et de se réfugier dans sa caravane quand Icky se lève et parle.
"Voilà la belle au bois dormant ! Dix minutes de plus et t’avais pas de petit déjeuner. Allez viens."Sur ces mots, les conversations reprennent et elle s’avance doucement, un sourire hésitant sur les lèvres. Oui, elle allait être bien ici, elle le sentait.
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2013Les derniers spectateurs entrent et se pressent pour s’installer sur les gradins de bois. Le chapiteau est plein à craquer ce soir, comme souvent lorsqu’ils font escales aux abords de Washinton. Les gens de la capitale sont avides de ce genre de Show, bien qu’étant les premiers à jeter la pierre sur les mutants. Cependant, ici, personne ne prend au sérieux les faits extraordinaires qui se déroulent devant leurs yeux. Pour eux, tout ceci n’est que poudre aux yeux, effets spéciaux et la première règle de la magie : le détournement d’attention. Sans compter que même s’ils comprennent que certains parmi les artistes, tels que Mercedes, sont de vrais mutants, ça ne fait rien, ils sont sous contrôle, en exposition ; un peu comme lorsque les gens vont au Zoo pour voir des certains animaux les plus dangereux. Si elle s’est faite à cette vie d’exhibition itinérante, la croyance qu’ont les gens qu’elle est sous contrôle la rend malade. Combien de fois s’est-elle dit qu’ils mériteraient qu’elle les morde ? Pour leur montrer que oui, elle s’expose à leurs yeux mais en rien elle n’est un jouet, un objet sans volonté propre.
En coulisse, tout le monde s’active et fini de se préparer. Icky supervise le tout, étant devenu le nouveau Mr Loyal, il vérifie que tout est en place, son costume (un simple pantalon de cavalier orné de broderies dorées, avec des bottes noir et une simple veste sans manche, ni fermeture, rouge et dorée, couleur de sa profession, laissant apparaître nombre de ses tatouages) déjà enfilé et prêt à monter sur la piste et commencer le Show. C’est d’ailleurs ce qu’il fait quelques minutes plus tard ; les régisseurs manipulant sons et lumières nécessaires au rythme et à l’ambiance demandée pour un tel spectacle.
"Mesdames, Messieurs. Bienvenus, en cette belle et intrigante soirée." Quelques applaudissements retentissent, puis un seul et unique spot l’illumine lui, aucune musique ne l’accompagnant, et il reprend
"Êtes-vous prêt, chers invités ? Prêt pour le mystérieux ?" Un nouveau spot s’allume, illuminant au-dessus des gradins, un homme habillé très chic, un haut de forme ornant ses cheveux bruns, Enzo, leur magicien. Il s’inclina devant la foule avant de disparaître dans un nuage de fumée
"Pour le fascinant ?" La lumière se braque sur Greta et sa barbe luxuriante, ainsi que son ample poitrine
"Pour le sensationnel ?" cette fois, ce sont Enric et Shiva qui sont découverts, Shiva perchée sur une des épaules de son mari, les trapézistes
"Pour l’étrange ?" la lumière arrive sur Mercedes, cette dernière apparaissant comme enroulée autour du poteau, écailles brillantes sous la lumière et elle siffle, usant du micro fournit dans son costume pour se faire entendre, puis remonte, agile et serpentine, sur la plateforme qui est la sienne
"Pour l’amusement ?" Au départ, la plateforme est vide quand le spot s’y dirige, mais quelques secondes plus tard, c’est un jeune homme qui grimpe sur la plateforme, exagérant sa difficulté et s’affaissant une fois en haut. Barry, environ de l’âge de Mercedes, un jeune clown acrobate qui est entré récemment dans le cirque
"Si vous êtes prêts, mesdames et messieurs…Alors bienvenus au Cirque du Freak !"Ils retournent tous en coulisse pendant la transition, et elle reste près du rideau, observant Icky faire le show. C’est son habitude, regarder et imiter ce qu’il dit sans une once de voix, simplement parce qu’elle connait son speech par cœur, après quatre ans dans le cirque. Elle sent soudain des yeux sur elle. Son regard parcourt le public et elle croise un regard, refermant prestement le rideau à la suite de cet évènement. Pourquoi est-ce que ce type la fixait ? Il n’y avait pas de doute quant à ce fait ; la prestation de Shiva et Enric se passe en hauteur, pas vers elle. Durant toutes les prestations avant la sienne, Mercedes reste cachée, peu rassurée après sa dernière constatation.
"Et maintenant Messieurs, Dames, vous avez une bonne idée de ce que l’on peut vous proposer, n’est-ce pas ?" Le public lui répond par une affirmation générale
"Vous en voulez plus ? Plus extraordinaire, plus…Etrange ?" une nouvelle affirmative
"Alors laissez-moi vous présenter la charmante, l’envoûtante Slither !"Mercedes est prête, en position sur la planche, lascive, allongée. Son corps, ses écailles pleinement visibles. Son perchoir descend vers la piste, et elle sent les regards sur elle, mais un différent des autres. Elle scanne la foule et retrouve le regard de l’homme, lui tirant un frisson de malaise. Elle porte son attention sur la musique, sur la performance qu’elle doit donner ce soir, comme tous les soirs. Une fois stabilisée, elle s’assoit, ses pieds touchant à peine le sol. Avec grâce et volupté, elle descend de son pied d’estale, se mouvant sur la piste. Des mouvements fluides et précis, nés de longues heures d’entrainements avec Shiva en danse Orientale et d’exercices d’agilité afin de donner au maximum l’illusion d’un serpent se mouvant dans l’air. Ses pas la porte près du public et elle choisit une proie, une cible. Délibérément, elle va vers les gradins à l’opposé de ce regard si insistant qu’elle sent, omniprésent. Son choix se porte vers un homme, peut-être un peu plus vieux qu’Icky, clairement accompagné, au premier rang. Elle arrive à la bordure de la piste et s’accoude dessus, face à lui. Elle sourit alors que lui cligne des yeux, incrédule.
"Alors, Monsieur…Le spectacle vous satisfait-il ?"Elle insiste sur les « S », sifflant, sortant sa langue de serpent de sa cachette et même ses crocs quand elle rit à gorge déployée face à la rougeur persistante qui s’est installée sur son visage. L’état de presque nudité de Mercedes doit y être pour quelque chose, assurément. Elle recule et fait chemin sur la piste, dansant les yeux clos et sentant à nouveau un regard brûlant sur elle. Celui-là, en revanche, elle le connait bien et un sourire fier s’affiche sur son visage. Elle sort de piste, finalement, et enfile un peignoir fin qu’on lui met à disposition, avant de se tourner vers Enric.
"Il y a un type qui me fixe depuis le début du spectacle…""Tu peux me le montrer ?" elle acquiesce et désigne discrètement l’homme en question
"Tu resteras dans ta caravane après le show et Icky, Greta et moi on surveillera ce type. Okay ?"Elle hoche la tête, Show must go on.
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Elle est dans sa caravane, changée, démaquillée et se brosse les cheveux quand sa porte s’ouvre. Levant les yeux vers le miroir, elle voit Icky et a un petit sourire.
"Ton admirateur tout sauf secret est bien reparti après le spectacle.""Merci Icky. Ca me rassure." Elle se lève pour aller ranger des bijoux.
"Peut-être que si tu étais un poil moins hypnotisante sur la piste…" son ton est léger, taquin, mais Mercedes sent bien ce que ce ton veut cacher et elle compte bien en jouer.
"C’est toi qui me vends comme ‘charmante et envoûtante’. Je ne fais que suivre tes directives…" elle croise son regard dans le miroir, y étant revenue, et lui sourit, le défiant ouvertement. Il s’approche lentement, son regard à l’égal de celui d’un prédateur, et pose finalement ses mains sur les hanches de la jeune femme, ses pouces caressant les quelques écailles qu’il peut atteindre.
"Mercy, you little minx…" ses lèvres se posent dans le cou de la jeune femme, cette dernière se laissant aller contre lui, une main allant à l’arrière de son crâne.
Mercy…Un surnom qu’il lui donne, depuis qu’elle est arrivée ici, qui dénote d’une familiarité entre eux. Même si à l’extérieur de leurs caravanes respectives, ils cachent cette relation aux yeux de tous. Elle s’est entamée il y a deux ans déjà, et bien qu’Icky soit son aîné de 10 ans, elle s’en fiche, il l’aime telle qu’elle est, écailles, crocs et tout ce que cela implique. Si la plupart n’en n’aurait rien à faire, elle sait parfaitement que le père d’Icky lui en ferait voir de toutes les couleurs s’il s’affichait avec une mutante comme elle. Ses lèvres parcourt le cou de Mercy, jouant avec ses écailles, la titillant, lui tirant de délicieux frissons, jusqu’à ce qu’elle se retourne brusquement et ne lui vole un baiser.
"Ichabod !"Icky se tend contre elle et Mercy le serre tout contre elle, tentant de se faire rassurante. Il n’aime pas quand son père l’appelle de son prénom complet, ça l’effraie, car ça ne présage rien de bon. Il enfoui son visage dans le cou de son amante, comme si cela l’empêcherait d’entendre la voix de son paternel l’appeler. Mercy dépose un baiser sur sa tempe.
"Tu vas aggraver ton cas…Vas-y, on se retrouve plus tard." Son regard, quand il croise le sien, est plaintif et elle passe une main rassurante sur son visage. Il l’attrape dans une des siennes et en embrasse la paume.
"Un jour Mercy, on s’en ira d’ici. Rien que tous les deux, je te le promets…"Elle sourit et acquiesce. Il dit toujours cela et ils ne l’ont jamais fait. Mais du moment qu’ils sont ensembles, tout ira bien.
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Ce sont les petites heures du matin, pas encore l’aube mais plus tout à fait la nuit non plus, quand Mercy se réveille à cause d’un intrus dans sa caravane. Elle l’a entendu arriver et se redresse vivement, tous crocs dehors. L’intrus en question lève les mains après s’être immobilisé.
"Du calme ! C’est moi, Icky!" La jeune femme soupire, à la fois soulagée et agacée qu’il la réveille en pleine nuit
"Prépare ton sac, le stricte minimum, on se casse !" murmure-t-il, urgent. Elle ouvre de grands yeux.
"T’es sérieux ?"Pour toute réponse, il brandit les deux billets de car qu’il a acheté en cachette et dévoile son propre sac de voyage. Un immense sourire illumine le visage de Mercy et elle se lève en trombe, lui volant un baiser avant de commencer à préparer son sac. Laissant de côté toutes les affaires de spectacle, prenant vêtements, une paire de chaussure supplémentaire, un essentiel de toilette et quelques objets avec une valeur sentimentale. Enfin, elle s’habille, enfilant son hoodie lui permettant de cacher les écailles de ses mains et laissant ses cheveux libres afin de cacher au maximum celles dans sa nuque. Puis ils sont partis. Le cœur battant à l’idée d’être découverts par quelqu’un du cirque…Ce qui arrive. C’est Greta qui les croise. Pendant une seconde, tous les trois restent figés les uns face aux autres, les deux fuyards attendant la réaction de la femme à barbe pour décider de leurs propres actions. Cette dernière allait préparer le petit-déjeuner et leur sourit.
"Grimpez là-dedans les tourtereaux." D’un signe de tête, elle désigna le chariot qu’elle poussait devant elle. Les deux ne se firent pas prier et se cachèrent, Greta les amenant à la limite du campement, dans un endroit calme.
"Partez, vivez votre vie. Et Ichabod ?" il releva les yeux vers elle
"Prend soin de notre petite Mercy. Si j’apprends un jour que tu lui as fait du mal…Que Dieu te vienne en aide"Icky déglutit à la menace à peine voilée et Mercy rit doucement, serrant la main de son amant. Bizarrement, il n’y a aucun doute qu’elle puisse les retrouver si elle le souhaitait et ce n’est pas pour rien qu’elle fait partie de la sécurité du cirque. La brune donne une dernière étreinte à Greta qui, à bien des égards, fut comme une seconde mère pour elle, la femme à barbe lui rend son étreinte et quelques mots.
"Allez, filez avant que le grand patron ne se lève. Zouk zouk mes Liebings."Un dernier au revoir et les voilà partis, direction la gare routière de la ville, direction New-York.
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2014"Deux BBQ burgers et un spécial du chef, avec trois sodas. Très bien, autre chose ?"Les clients lui signifient que leur commande est complète et Mercy repart à coup de patins à roulettes pour donner la commande au chef. Elle attire les regards la petite brune, pas particulièrement parce qu’elle jolie, bien que son petit ami tendrait à lui dire le contraire, mais parce qu’on est en plein été et qu’elle porte encore des manches longues et des mitaines, ainsi que des collant opaques avec son uniforme. Rien ne le lui interdit dans le règlement intérieur, et au moins si les clients tentent un toucher un peu déplacé, ils ne peuvent pas dire qu’elle porte son uniforme trop court. Elle aime ses écailles, elle a su en jouer pendant quatre longues années au Cirque du Freak, mais ici et maintenant n’est pas le lieu de s’en montrer fière. Elle ne veut pas que ce boulot déjà ingrat devienne encore plus invivable. Bien évidemment, il y a ceux qui se croient malins et qui lui demandent si elle a froid et si elle a besoin qu’on vienne la réchauffer, mais ça, elle en a l’habitude et sais exactement comment y répondre pour à la fois les envoyer paître sans être désagréable. Elle aimerait pouvoir s’épargner des couches supplémentaires, et Icky aimerait lui aussi pouvoir profiter un peu plu des écailles de son petit serpent, mais s’ils veulent vivre un peu en paix avec ce fichu Parti Collectif qui attise la haine envers les mutants, elle se doit de le cacher lorsqu’ils sont en dehors de leur petit appartement dans le Bronx.
Quand ils sont arrivés à New-York, avec à peine 700$ en poche, les deux tourtereaux n’ont pas trop su par où commencer. Ils avaient à peine de quoi se loger dans un motel pour une semaine, si on comptait avoir de quoi manger. Leur priorité a donc été de trouver du travail pour tous les deux, mais si chacun était débrouillard en eux-même, à part les arts du cirque (et encore), ils ne savaient pas faire grand-chose. Icky ayant des notions en mécanique, il a écumé tous les garages qu’il pouvait trouver, essayant de se faire embaucher ne serait-ce que comme pompiste, tandis que Mercy tentait de se trouver un job, quel qu’il soit. A eux deux, ils ont enchaîné les petits boulots, jusqu’à ce qu’ils trouvent leurs emplois actuels : Ichabod dans un garage qui a accepté de le former, et Mercedes dans un petit diner type années 50 en tant que serveuse. Les débuts ne furent pas simples, mais une de ses collègues fut d’une aide précieuse, lui apprenant comment tenir son plateau tout en se déplaçant sans renverser les verres, ainsi qu’un peu de self-control…
Ca fait presque un an maintenant qu’ils sont arrivés et la vie n’est pas idyllique, mais ils ont leur chez eux, un minuscule deux pièces dans le Bronx, raison pour laquelle Icky a pris l’habitude de venir attendre la jeune femme à son travail pour ne pas qu’elle se promène seule et de nuit dans le quartier. Ce soir ne fait pas exception à la règle et il dîne même là, au plus grand plaisir du patron qui le voit bien trop souvent attendre en ne commandant qu’un café, noir et sans sucre. Leur journée est enfin finie, ils peuvent rentrer chez eux, aller se blottir sous la couette et dormir jusqu’au lendemain, Mercy plus que lui, ne travaillant pas le lendemain. Elle retire ses mitaines lorsqu’ils sont sortis du Diner, juste pour profiter un peu de l’air sur ses écailles et de la main de Icky dans la sienne, pleinement. Si peu montrées, si peu exposées aux regards des autres, dans les couleurs s’assombrissant du crépuscule. Mais suffisamment pour attirer l’œil de quelqu’un, une personne qui ne rate pas l’éclat mordoré sur le dos de ses mains, et qui comprend. La tasse de café se renverse sur la table à cause du choc, et les yeux se froncent soudain, un plan germant dans sa tête.
"Enfin à la maison, j’en peux plus !" s’exclame-t-elle en se laissant lourdement tomber sur le canapé, jambes tendue devant elle et yeux fermé. Icky la rejoint rapidement à ses côtés.
"Et moi donc. Vas prendre une douche, je nous prépare du thé pendant ce temps." Elle entrouvre un œil, joueuse.
"Tu m’y rejoins ?" il rit
"Pas cette fois, ma belle." Elle fait la moue mais se lève malgré tout, grognant tout du long et l’aîné ne peut s’empêcher de rire en la voyant faire, sachant qu’elle exagère les choses juste un peu, pour essayer de le faire céder à venir avec elle, mais il a d’autres projets. Mercy comprend qu’il ne viendra pas et se dirige seule et un peu frustrée dans la salle de bain. Une douche est obligatoire, ses cheveux sentent la friture à force de servir des burgers et autres mets peu raffinés et raffolés par les clients du Diner. Ceci fait, elle revient dans le salon, en pyjama et Icky est devant la télé, une émission bidon quelconque, deux tasses accompagnée d’une théière sur la table basse.
"T’es un ange chaton…Je ferais quoi sans toi ?""Tu te nourrirais probablement exclusivement de pâtes au fromage, et tu ne prendrais même pas la peine d’aller jusqu’à la chambre pour dormir." Répond-t-il, taquin et Mercy lui donne une légère tape sur le bras
"En attendant, j’ai une surprise pour toi." Il attrape un petit sachet sur la table basse, et le lui tend. Curieuse, elle s’en saisit, commençant à se demander si elle a oublié une date importante pour eux, quand elle voit l’anneau dans le sachet, un petit anneau, tout simple, deux serpents entrelacés, argenté, elle ne saurait dire si c’est de l’argent ou non, mais elle a peur de comprendre.
"Icky, est-ce que…Tu me demandes de t’épouser ?" Il se contente de hausser les épaules, comme si la réponse lui était égale. Mais elle a appris à le lire et elle sait bien qu’il est juste inquiet de sa réponse et ne veut pas le montrer. Elle enfile l’anneau et se jette dans ses bras
"Tu croyais vraiment que je pourrais dire non ?" et le sourire qu’il lui offre est si radieux, elle n’est pas sûr que le soleil puisse faire mieux.
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Est-ce trop demander que de réussir à au moins vivre tranquillement ? Apparemment oui. Car à peine deux jours plus tard, ils se font attaquer par un trio d’individus masqués. Ils étaient prêt à donner argent, téléphone, objets de valeurs qu’ils pouvaient avoir sur eux, pensant à une agression simple, juste pour de l’argent. Rien de tout cela n’intéressait les trois hommes. Non leur but était simplement de s’en prendre à Mercy, car elle est une mutante et qu’elle n’a rien à faire ici. Quoi ? L’incompréhension fit rapidement place à la colère et à la violence et tout se passa si vite. La jeune femme se fit envoyer dans le décor rapidement, probablement par Icky qui voulait la mettre à l’abri, mais elle n’est sûre de rien. Elle est sonnée, et se relève difficilement, pourtant tout se fige au son d’un coup de feu. Les malfrats, Icky, elle. Pendant une seconde qui semble durer une éternité, rien ne se passe, puis les trois personnes filent au pas de courses et Mercy voit son fiancé s’écrouler au sol.
Une balle. C’est tout ce qu’il aura fallu pour briser un rêve de normalité. Elle se jette sur lui, tentant de le garder éveillé tout en appelant une ambulance. Elle monte mais refuse qu’on la touche. Elle n’a pas de blessure, rien, juste une bosse à l’arrière du crâne tout au plus, mais elle s’en fiche. Même à l’hôpital, ils essaient de l’ausculter, mais elle refuse, se défile habilement et se débat comme un beau diable pour ne pas qu’on la touche, qu’on ne voit ce qu’elle est réellement.
"Ne me touchez pas !"Cet éclat a eu moins le mérite de faire cesser leurs tentatives, et elle s’assoit, nerveuse, les joues marquées des larmes qui ont coulées depuis qu’Icky est tombé, incapable de réfléchir ni même de penser.
"Je ne pensais pas vous revoir ici, ma chère."Elle relève les yeux et se fige, d’effroi, de malaise, elle est à fleur de peau, et cet homme, celui qu’elle avait oublié depuis cette soirée où il était venu voir le spectacle du cirque, à Washington, se tient devant elle. Comment ? Il n’est pas un des médecins, ni un infirmier, il est habillé comme s’il sortait de chez lui, tout simplement.
"Qui… ?"Sa question a le mérite de le faire sourire et il s’assoit à côté d’elle, alors qu’elle se renfonce un peu plus dans le siège de plastique, tentant de mettre le plus de distance possible entre elle et l’autre homme sans pour autant avoir la force de se lever pour s’éloigner de manière plus concrète.
"Aucune importance pour le moment."Et il ne dit plus rien pendant un long moment, plus jusqu’à ce que les médecins arrivent et n’annonce l’horrible vérité à Mercedes, il n’a pas survécu à ses blessures. Les larmes coulent à nouveau et l’homme passe un bras autour d’elle et elle le laisse faire, incapable de pouvoir vraiment autre chose à cet instant.
Il est vrai gentleman, la ramène chez elle et ne revient que le lendemain, quand elle a eu le temps de dormir, de se rafraîchir et elle ouvre, le voit et va pour refermer la porte aussi sec.
"Allez vous en, espèce de pervers stalker !" il place son pied pour l’empêcher de fermer complètement la porte.
"Mercedes, je sais ce que vous êtes…""Non, vous ne savez rien de moi, allez vous faire voir en enfer !""Alors tu n’es pas une mutante ?" il passe un bras, rapide, et attrape celui de Mercy qu’il peut attraper et le tire, exposant son bras nu et les écailles le recouvrant partiellement. Elle se fige et tire sur son bras, une fois, deux fois, et à la troisième fois, il la relâche
"Je ne suis pas ton ennemi Mercy. Je suis comme toi. Enfin, presque."La jeune femme lui lance un regard soupçonneux, lui intimant tacitement de le lui prouver et il s’exécute, faisant une rapide démonstration de ses pouvoirs. Elle n’aime pas cette idée, mais elle le laisse quand même entrer, enfilant rapidement une chemise trop grande (une de Icky) et lui désigne la chaise de l’autre côté de la table basse tandis qu’elle s’installe sur le canapé.
Et ils parlent. Longtemps, de ce que c’est d’être mutant, de ce qu’il se passe dans le monde en ce moment. Des alternatives…Et Mercy…Mercy écoute, assimile et finalement, se laisse convaincre. Elle n’est pas en faute. Icky n’est pas en faute (même si elle sent bien que l’homme se retient de faire la moindre remarque à propos du récent défunt), ce sont les humains le problème. Les humains et leur infériorité, celle dont ils ont conscience et qui nourrit leur peur de la différence, les empêchant d’accepter l’inévitable : leur extinction prochaine car l’évolution suit son cours et qu’eux, les mutants, sont la prochaine étape de l’évolution.
Peut-être que si elle n’était pas dans un état mental aussi fragile, elle aurait vu les défauts dans ce raisonnement. Peut-être aurait-elle refusé de le suivre, malgré l’absence de son fiancé. Mais le fait est qu’il a fait son approche à un moment où elle était faible, fragile, influençable…Il a bien calculé son coup.
"Bienvenue à la Confrérie Mercy Lockwood.""Non""Non ?""Pas Mercy Lockwood. Mercy Islington.""Je vois…""Slither."*******************
2017Les humains ont définitivement démontrés qu’une cohabitation pacifiques entre Surhumains (qu’ils soient mutants, optimisés ou que savait-elle d’autre) n’était pas possible. Comme beaucoup de ses congénères, Mercy a refusé de se recenser. Pourquoi l’aurait-elle fait ? Pour se faire parquer dans un ghetto dans quelques années ? L’humanité reproduit les erreurs du passé, ce n’est pas nouveau et jamais elle n’en n’avait eu un exemple aussi flagrant qu’avec le Registration Act. Pucés, comme de vulgaires animaux, incapables de continuer une vie normale. Ou du moins aussi normale que l’on pourrait en demander. Pourtant, elle n’en veut pas qu’aux humains. Il y a aussi une certaine rancœur envers ces mutants dont les dons peuvent être facilement dissimulés, qui se contrôlent suffisamment pour se faire passer pour un humain tout à fait normal, ceux qui n’ont pas de fierté à être un mutant. Même certains X-Men ont eu plus de cran que cela ! Certains se sont opposés au Registration Act et Mercu n’aurait pas été contre allié les forces de la Confrérie avec celles du X-Mansion, mais ce n’est pas à elle d’en décider et quand bien même, ils restaient les goody-two-shoes, ces chevaliers en armures qui défendent la veuve et l’orphelin de ceux qui ont voulu les recenser, les exterminer même.
Cette histoire virus, ça l’a faite doucement sourire. Elle n’a jamais cherchée à savoir si elle était une de ces porteuses saines ; plutôt conserver cet espoir que sans même utiliser ce que la nature lui a donné, elle puisse faire un joli tacle aux humains. Sans même avoir à lever le petit doigt. Une toux par-ci, un éternuement innocent par-là, et le tour est joué…Possiblement.
Mais aujourd’hui, tout ceci est terminé. Pas la guerre, oh non, cette guerre va encore durer un sacré bout de temps, si pas le reste de sa vie à elle au moins, mais ils ont gagné une bataille et aujourd’hui, elle se fiche de montrer ses écailles. Maintenant, se montrer c’est un symbole encore plus fort que de simplement défier l’ordre et cette loi arrogante ; c’est le symbole que les surhumains ont gagnés cette manche. Too bad losers. Peut-être s’est-elle déjà pris des mots qui lui auraient fait mal à une époque, mais plus aujourd’hui. Elle s’est endurcie, rendue cruelle par la perte de celui qu’elle avait de plus cher, et qui lui, contrairement à elle, n’était qu’un humain. Aujourd’hui, ces mots qui se veulent violents, dégradants, elle les accueille à bras ouverts, les rendant inoffensif de par le sourire et le clin d’œil qu’elle offre à leurs auteurs.
Aujourd’hui elle peut se montrer au grand jour, mais pour combien de temps encore ?