Gabrielle n'aime pas la neige aujourd'hui (feat Gabrielle Chapman, Richard Rider)

Pour une fois, la météo n'avait pas minimisé les conditions climatiques qui s'abattaient sur la région, Jonas était là et bien là. Mes protégés, ces SDF qui gravitaient dans le secteur de mon hangar et que j'avais pris sous ma protection, étaient bien au chaud dans l'immense bâtiment dont je n'occupais qu'un quart pour mes propres besoins. Déjà, depuis le début de l'hivers et en particulier pour les fêtes de fin d'année, j'y avais aménagé une sorte de dortoir avec un espace détente et des commodités auxquels ils avaient accès sans d'autres restrictions que de garder les lieux propres et ne fumer que dans la zone prévue à cet effet. Cette fête de Noël avait été mémorable d'ailleurs, on y avait fait un énorme barbecue de dindes entières et les ex cuistos de la bande avaient remis le tablier pour confectionner un dîner de roi à nous pauvres gueux ! J'y avais été invité en tant que Richard et j'avais donc profité de tout sans aucune entrave.
Mais aujourd'hui, enfin ce soir, c'était en armure que j'intervenais. Mon petit monde des rues bien au chaud, plus quelques autres qui profitaient de l'aubaine, je survolais les rues de la ville enneigée, aidant l'un ou l'autre à rentrer, rangeant les voitures abandonnées sur place faute de ne pouvoir poursuivre plus loin le long des trottoirs pour que les chasses neiges puissent passer ou les pompiers circuler.
Quand je repérais une âme en perdition, bien souvent un joyeux fêtard sur le chemin du retour, je me posais non loin de lui et après m'être re transformé en Richard Rider, j'allais l'aider à se mettre à l'abris, chez lui s'il en avait un, dans un des centres d'accueil temporaire créés pour l'occasion dans chaque quartier dans le cas contraire. Qu'ils soient humains ou non, je leur portais secours et m'arrangeais pour les mettre en sécurité ou à les confier à des gens qui en prendraient soin jusqu'à la fin de cet intermède hivernal exceptionnel.
Au fur et à mesure de ma patrouille, j'élargissais mon cercle et en arrivais à survoler les grandes artères et voies rapides de la mégapole étouffée sous son manteau blanc. Mes senseurs repéraient immédiatement les véhicules habités et suivant le cas, toujours sous l'aspect de Nova, je m'arrangeais avec le conducteur pour pousser son véhicule vers une zone plus praticable ou, en tant que Richard, pour les aider à franchir l'espace qui les séparaient d'un havre de paix et de chaleur, revenant ensuite ranger ensuite leur véhicule abandonné.
Je survolais donc la 1ere avenue à hauteur de East Village, qui avait été déblayée deux heures avant mais était à nouveau recouverte d'une épaisse couche, quand mes senseurs se focalisèrent sur un véhicule planté dans une congère et m'indiquèrent la présence d'un forme de vie à l'intérieur.
Si il n'y avait eu ce rideau de flocons, je l'aurais repéré sans problème, ses feux étant encore allumés et la nuit étant tombée.
Il s'agissait d'une femme et vu les traces laissées par les roues qui déjà disparaissaient, elle avait fait un tête à queue et quelques 360 avant de venir mourir dans le mur de neige jusqu'à la moitié des portes avant, interdisant toute sortie de l'occupante. Elle devait rouler un peu trop vite, comme beaucoup, sans doute pressée de rentrer se mettre au chaud ...
Je me posais donc un peu plus loin, hors de vue, et dépolarisais mon armure, retrouvant mon chaud manteau Canadien à capuche.
Moins d'une minute plus tard, j'essuyais et je cognais à la vitre conducteur de la voiture, enfin à la moitié encore visible :
ça va M'dame !?! Faut pas rester là, Vous allez geler ! Je vais vous aider à sortir ...
Et m'aidant de mes mains comme de pelles, j'entreprenais de dégager toute la portière, ce qui ne prit pas très longtemps, puis, donnant une bonne traction, j'arrachais la portière à la gangue de glace qui la scellait. Une bouffée de chaleur m'enveloppa agrémenté d'un parfum délicat mais puissant et je découvrais la conductrice.
Venez, prenez tout ce qui a de la valeur, je vous conduis au centre d'accueil, hôtel ou au bar le plus proche au choix, à moins que vous n'habitiez pas trop loin bien sur ... Dis je lui tendant la main et en lui souriant ...

La jeune femme qui s'extirpa de la voiture était habillée chic et cher, tailleur gris perle, escarpins classiques, une femme d'affaires?. Pas du tout vêtue pour braver les éléments et encore moins la neige et le blizzard. Elle serrait contre elle son sac et quelques affaires qu'elle pensait suffisamment précieuses pour ne pas les laisser là. Je me reculais pour la laisser fermer sa porte à clef tout en enlevant mon manteau. La veste qu'elle portait ne pouvait la prémunir contre le froid et déjà je la voyais frissonner. Quand elle se retourna, je lui passais sur les épaules et pour la première fois découvrais son visage à la lueur blafarde du réverbère tout proche ...
Enfilez ça, vous ne gèlerez pas sur pied comme ça ... Mais je vous connais ... Enfin, j'ai déjà vu votre visage quelque part ... Dis je en fronçant les sourcils, cherchant d'où me venait cette certitude pendant que la neige qui recommençait à tomber plus drue s'amoncelait déjà sur mes épaules, masquant peu à peu les carreaux de ma chemise "bûcheron" que j'avais gardé en souvenir de ma période "Grand Nord" et avais ressortie pour l'occasion.
Je cherchais encore d'où je la connaissais, mais les circonstances ne m'aidaient pas et quand elle eut mis la capuche bordée de fourrure sur sa tête, cette idée ne me préoccupa plus pour un instant. Je regardais sa voiture plantée dans la congère, dépassant largement sur la chaussée, un véritable danger pour la circulation. Qu'un autre véhicule arrive avec ce mur blanc qui masquait tout à moins de 10 mètres et c'était la catastrophe ... Il fallait que je fasse quelque chose pour éviter un sur accident et vite, mais la présence de la working girl n'arrangeait rien ... Un coup d'oeil circulaire me permit de discerner l'éclairage anémique d'un arrêt de bus, mais pour y parvenir, il fallait traverser le mur de neige et patauger dans la poudreuse jusque là, ce qui ruinerait ses chaussures dont le prix devait être scandaleux et n'arrangerait rien vis à vis de ses jambes à peine protégées par des collants fins ...
Je vais vous porter dans un premier temps là bas j'indiquais la direction de l'abris bus Vous y serez à l'abris le temps que je revienne ici pour essayer de mettre mieux votre véhicule, ensuite je vous conduirai en lieu sur et au chaud ... Ok ? Et sans attendre, je passais un bras sous ses genoux et l'autre dans son dos et la soulevais ainsi pour m'élancer par dessus la congère et marcher d'un pas rapide jusqu'à ce petit espace couvert bien serrée contre moi. Crispée au départ, je la sentis se détendre peu à peu alors que je progressais. Une forme grise était couchée en dessous et se releva à mon approche, un chien, une sorte de berger allemand. Je ralentis un peu et l'appelais : Toi au moins t es intelligent ... Je t'amène de la compagnie ... Sa queue battit le sol et il se leva à demi puis se rassit alors que je déposais ma protégée un peu à l'écart :
Veilles sur elle pendant mon absence veux tu ... Lui dis je en le caressant et en le flattant, provoquant à nouveau les battements joyeux de sa queue ... Je reviens de suite, restez là Lançais je par dessus mon épaule ...
Je refis le chemin inverse et estimais la situation. Elle s'était plantée dans un gros tas laissé sans doute là depuis le matin par un quidam qui avait déneigé sa voiture. Quelques mètres avant ou après, elle aurait embouti un véhicule en stationnement et ça aurait été plus sérieux ... La chance l'a gardée ... Je regardais en amont et en aval cherchant une place où je pourrais la caser et en trouvais une pas trop loin. Je me plaçais donc derrière le véhicule, regardais à droite et à gauche pour voir si on ne pouvait m'observer, le film blanc me protégeait assez pour que la jeune femme n'y voit pas grand chose et personne à 10 lieux à la ronde. Je saisis l'anneau de tractage sous le pare-choc et tirais d'un coup sec. Il y eu un craquement sonore quand la voiture se dégagea de sa gangue de neige et de glace et ensuite elle bougea sans effort ... Je la tractais, à moitié baissé, puis passais devant et la poussais jusqu'à être en face de l'espace entre deux autres véhicules. J'avais à peine 5 centimètres de marge, mais c'était assez. Me plaçant sur le côté, je poussais d'un coup et l'encastrais entre deux, en sécurité. Je revins vers l'abris bus alors et arrivant tout près, je secouais la tête pour en chasser la croûte de neige qui la couvrait en essuyant mes mains sur mon jean :
Voilà, votre voiture est face au Tinto Fino, au 85 1st Avenue ... Maintenant, je peux vous conduire à la gare routière plus bas, il y a un centre d'accueil, ou ailleurs, si vous me donnez au moins votre quartier, je pourrais vous rapprocher au maximum, vous n'aurez plus qu'à rentrer à pied toute seule si vous n'avez pas confiance ... Au fait, je ne me suis pas présenté, moi c'est Richard ... Je cajolais le chien qui me faisait bientôt meilleurs accueil que ma protégée ...

Son ton et son attitude me faisaient presque regretter de l'avoir tirée de son pétrin. Même si elle m'offrait au final un café pour me remercier, j'éprouvais à cet instant là bien moins d'intérêt pour elle que pour le chien qui s'était recouché contre la vitre et me regardait avec les yeux tristes mais pleins de vigilance qu'avaient cette race.
Elle s'appelait donc Gabrielle, un nom prédestiné semble t il à des personnes ayant un grand sens de la non sociabilité ... Même le saint décrit dans les textes était du même acabit.
J'entre aperçus un soupçon de sourire écorner sa bouche, sans doute une sorte de tic nerveux ... Et puis hop ! La voilà partie tout de go dans la neige avec ses chaussures à 500 dollars la paire ou l'unité ...
Je regardais le chien qui m'observait après avoir relevé la tête en la voyant partir comme ça brusquement et haussais les épaules en écartant les bras :
Tu comprends pas les humains ? T'inquiètes moi non plus parfois ... Restes là, je reviendrais te chercher ... Une dernière caresse, un battement de queue avant de reposer sa tête sur ses pattes avant, et je le quittais pour m'élancer sur les traces de Gabrielle et la rattraper juste à temps pour l'empêcher de tomber tête la première dans la neige qui atteignait 50 cm à cet endroit.
Ses chaussures allaient être ruinées, à n'en plus douter, et ses jambes devaient geler ... Je la rattrapais de justesse et la reprenais dans mes bras malgré ses protestations
Écoutez, je suis en charge de vous jusqu'à nouvel ordre, et plus vite vous serez en sécurité sans être à moitié morte de froid, plus vite vous serez débarrassée de moi, montrez moi le chemin, je serais vos jambes jusque là ... Dis je avec autorité. Je me demandais si cette femme avait toute sa raison ou un traumatisme crânien que rien ne laissait deviner, je n'avais pas vu de traces de sang ni de contusions suite au choc dans la voiture et elle ne sentait pas l'alcool, droguée peut être ? Ou dans une période dépressive aigüe peut être ... Avec toujours autant de courtoisie et de gentillesse, si vous n'y voyez pas la dose massive d'humour dans mes propos, achetez des lunettes, elle m'indiqua l'endroit où elle voulait que je la dépose, raidie dans mes bras par une colère sourde et le froid. C'était pas loin, mais pas la porte à côté quand même, et elle déviait déjà du bon chemin quand je l'avais rattrapée, preuve qu'elle se serrait sans doute égarée sous ce rideau compact qui rendait la vision aléatoire au milieu de la nuit et qui s'évertuait à nous ensevelir sous un manteau froid et épais.

Si je me mettais à courir, j'y serais en moins de cinq minutes, mais une prudence légitime m'en dissuada. J'avançais donc d'un bon pas, m'enfonçant parfois jusqu'aux genoux, et enfin arrivais à destination devant l'adresse indiquée, que je pris pour un magasin offrant des soldes au début avant de pouvoir voir clairement les affiches qui couvraient ses vitrines et la plaque fixée sur le mur à côté de la porte d'entrée.
Et je m'arrêtais net alors que mon esprit arrivait à prendre conscience de l'endroit où elle m'avait conduit ... J'étais devant le local du Partis Collectif, le fief des antis héros et des antis mutants ! Moi ! Qui était l'un, du moins à priori, et éventuellement l'autre !
Gabrielle remua dans mes bras. Elle avait fini par se détendre un peu musculairement, cherchant plus la chaleur qu'à me repousser en vain.

Vous êtes à destination madame ... Dis je en la déposant au sol aussi poliment que possible alors que j'avais envie de la laisser choir sur place. J'essayais de ne pas laisser transparaître mes sentiments aussi mitigés que réprobateurs dans le ton de ma voix et y parvenais à grand peine.
C'est alors que je vis sur une des affiches la bouille de celle que je venais de transporter jusqu'ici. Même fringues friquées et austères, même regard noir et dépourvu de toute compassion. J'avais dressée devant moi en train de chercher fébrilement dans son sac G. Chapman, le "G" étant pour Gabrielle, l'un des principaux leaders du Partis ... L'une de mes pires ennemies potentielles ...
J'hésitais du coup à rester avec elle plus longtemps mais j'étais également curieux de comprendre ce qui pouvait motiver ainsi des êtres humains contre d'autres un peu différents. Les acteurs avaient changés, mais les discours et le reste pas du tout. Lorsque j'étais parti pour des destinations lointaines, si on avait dis qu'un président noir gouvernerait aux destinées de l'Amérique, on aurait traité de fou la personne qui avançait ça, et dans les rues comme partout ailleurs, la ségrégation raciale était vivante et virulente.

Aujourd'hui, rien n'avait changé, seuls les victimes ciblées, quelque fois à juste titre je l'avoue, étaient différentes.
Salem et ses sorcières n'étaient pas loin de nous en ce nouveau millénaire ... Et quand je voyais les Krees et leurs aversions inter-raciales, je me disais qu'on en était loin de la fin ...
Donc je ne savais quoi faire et j'optais pour prendre éventuellement ce café si Gaby tenait sa promesse...

Ses mains engourdies par le froid, elle arrive enfin à ouvrir la porte vitrée et entre à l'intérieur comme si elle avait le diable aux trousses. Un instant, j'ai bien cru qu'elle allait me claquer la porte au nez, oubliant de me rendre mon manteau, mais non, elle tient la porte ouverte et m'invite à nouveau à entrer et à prendre un café. J'hésite un peu, même si je suis curieux de savoir, de connaître, cette lueur étrange dans ses yeux, à mi chemin entre la peur, la colère et la folie me dérange. J'entre donc et referme derrière moi tandis qu'elle commence à s'activer sur la machine à café. Un instant je regarde dehors, la neige tombe drue, couvrant tout, et mon dernier message envoyé au QG des pompiers date de plus de 20 minutes maintenant ...
Noir le café, s'il vous plaît merci Répondis je pendant qu'elle cherchait fébrilement quelque chose dans les tiroirs de la desserte. Je m'approche d'elle un peu et je sens son mouvement de recul à peine réprimé. Elle a peur et ses pupilles se dilatent, je lui fais peur ... Je m'arrête immédiatement et fais un pas en arrière : Excusez moi, mais je dois passer un coup de téléphone et il est dans la poche intérieure de ma veste, celle que vous avez sur le dos ... Vous pouvez la garder encore, pas de problème, j'ai juste besoin du téléphone, s'il vous plaît ... La prudence et la lenteur avec laquelle je lève la main et je la tends est sans équivoque, je ne suis pas une menace, je veux mon portable et c'est tout ...
Elle fouille et me le tends et fait mine de retirer la veste, mais je l'en dissuade d'un geste tout en reculant et en composant le numéro spécial connu des seuls sauveteurs. Dans mon armure, c'est le Worldmind qui se chargeait de cette besogne, imitant ma voix et émulant ce téléphone, mais là, surtout en ces lieux, je me devais de me conduire le plus normalement possible ...
Pas de sucre s'il vous plaît merci ... Allo ! ici le 77709 (j'utilisais l'indicatif qu'ils m'avaient octroyé dès le début, le 01 ayant été donné à un certain héros en armure rouge et or) ... La 1ere avenue est clean jusqu'à hauteur du Tinto Fino, c'est au 85, dans le sens nord sud, je finirais après une pause café et si on vous appelle au sujet d'un berger allemand perdu dans ce coin là, je m'en occupe aussi, annoncez moi l'adresse des maîtres sur le canal général, il est en sécurité en ce moment ... Ok ... Merci ... Je raccrochais le sourire aux lèvres, les équipes de secours étaient soulagées d'avoir notre aide, la mienne et celle d'autres "super héros", pour ratisser la ville et porter secours aux intrépides et inconscients pris dans la tourmente ...
J'avais fait quelques pas dans le local tout en téléphonant et faisait face maintenant à une affiche montrant Iron-Man qui me montrait du doigt avec en légende "rejoignez nous, enregistrez vous" ... Tout un programme ... Je me retournais pour tomber nez à nez avec G. Chapman, Gaby pour mes pensées intimes, qui me tendait une tasse d'une main et une boite à biscuits ouverte de l'autre. Elle avait quitté ma veste pour finir et mise sur un porte manteau accroché à un patère. Pour ma part, je l'aurais simplement posée sur le dossier d'un fauteuil, mais elle, elle l'avait rangé scrupuleusement ainsi. Maniaco-dépressive ?
Merci ... Et non merci, pas de gâteaux ... Dis je en lui prenant la tasse des mains. Alors comme ça vous êtes une célébrité du monde politique ... Je soufflais sur le breuvage par pur principe. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vous dites, mais bon, il faut de tout pour faire un monde n'est ce pas, je suis juste curieux de savoir le pourquoi de tout ça ... Qu'est ce qui peut amener tant de haine ... devant son air, je reculais un peu et ajoutais un peu précipitamment Ne vous inquiétez pas, ça n'aurait rien changé, je vous aurais porté secours de toute façon, je me posais juste la question, c'est tout ... Voyant les choses sur le point de dégénérer, je ne voulais pas qu'elle se croit agressée ni me créer de problèmes inutiles, je la contournais et allais poser ma tasse encore pleine pour récupérer ma veste.
Je crois que je ferais mieux de vous laisser, vous êtes en sécurité maintenant ...

Je prend mon manteau, résolu à quitter ces lieux et cette jeune femme qui me rend mal à l'aise. Je sens bien que quelque chose ne va pas, qu'il y a un problème. Cette méfiance, cette défiance, et maintenant le ton sur lequel elle expose ses convictions comme tout homme ou femme politique qui martèle ses mots afin de convaincre son auditoire que sa parole est divine. Le ton est juste, les mots aussi, mais ils trouvent en moi des échos sombres et détestables qui ne me plaisent guère. Si les mutants et les gens comme moi avaient un ennemi commun, c'était bien ce parti Collectif. Comment lutter contre nos semblables, ceux là même que nous protégions en renonçant bien souvent à beaucoup pour cela ...
Je m'arrête dans mon geste de mettre mon manteau et pour finir le pose sur le dossier du siège le plus proche. Connaître son ennemi est une chance de victoire future, le connaître intimement, l'assurance d'une guerre remportée plus facilement.
Ma tasse est à portée de main et je m'assois après l'avoir saisie, l'air détendu au possible et je souris et plisse les yeux en la dévisageant.
Il y a là dehors du beau monde en plus des secours traditionnels qui s'occupe et s'affaire pour sauver les inconscients et les perdus ... Ma contribution est une goutte d'eau dans l'océan et je pense avoir gagné une halte après ces 3 heures dans le froid ...
Je bois une gorgée en ne la quittant pas des yeux, évaluant et cherchant les mots pour lui poser les questions qui me brûlent les lèvres.
Et puis je ne voudrais pas rater cette occasion de pouvoir discuter avec vous ce soir, vous êtes assez occupée et entourée tout le temps, donc inapprochable, c'est inespéré comme situation je trouve ... Je pose ma tasse vide et croise et m'amuse à la faire tourner sur elle même entre mes doigts.
Si je puis me permettre, votre association est composée majoritairement de gens qui ont peur des gens ayant certaines aptitudes hors norme, peur qui va jusqu'à la haine pour certains, et ce que je vois affiché ici a des relents d'autres temps qui me dérangent ... D'autres temps où on a obligé des gens à se faire recenser, puis à porter une étoile jaune et enfin qu'on a éliminé systématiquement ... des relents aussi d'une ségrégation liée à la couleur de la peau, aujourd'hui un peu émoussée, le président étant en quelque sorte une preuve, mais toujours présente ... Je voulais vous demander pourquoi ? Pourquoi vouloir ce registre des gens spéciaux ? Qu'on le fasse pour les pédophiles, les condamnés pour agression sexuelle, les récidivistes en tous genres, soit, que Iron-Man, Cap'tain América ou bien d'autres y soient inscrits, passe encore, ils ont pignon sur rue et ont renoncé depuis longtemps à tout anonymat ... Mais les autres ?
Quand on sait ce que subissent les enfants de flics, de magistrats, de profs ou d'autres professions publiques dès lors où leurs camarades sont au courant ... Imaginez une personne ayant des dons particuliers, qui les met au service de la communauté sous une identité secrète tout en ayant une vie normale à côté, imaginez ce que devront subir ses proches, ses parents, son conjoint, ses enfants ensuite ... Avez vous pensé aussi aux dangers auxquels ils seront exposé de la part d'autres mutants moins socialement adaptés ? Les mutants sont des êtres humains avant d'être des gens aux facultés "spéciales" ... Et vous semblez trouver juste de les condamner au pilori systématiquement ... Pourquoi ? Pourquoi vouloir déclencher un affrontement, une guerre qui n'ont aucune raison d'exister ?
C'était sorti d'une traite, sans aucune émotion. Mes propos n'étaient que de la logique sans autre chose. Je profitais de ce moment qui ne se reproduirait plus sans doute pour satisfaire ma curiosité. Être en présence d'une des instigatrices du mouvement anti mutant, seule et dans une position neutre était inespéré. Je me gardais d'avoir une attitude agressive ou trop pressente, elle devait bien comprendre que je n'étais pas son ennemi, du moins pas encore ... Je cherchais une logique dans leur démarche, juste une logique et des raisons, pour au final décider si je devais les combattre comme s'ils étaient assimilables au KKK ou autre groupuscule raciste et xénophobe ... Comprendre, juste comprendre comment et pourquoi une jeune femme pouvait en être arrivé là au final en ayant reçu une éducation et un niveau d'étude assez élevé ... Les états peuvent duper les masses ignorantes et affamées, rarement les peuples lettrés et instruits ... Quoique ...
Je la regardais avec un masque de sérieux et d'attente d'une réponse, détendu, sans autre sentiment qu'une grande interrogation.

Le discours bien rodé, les arguments éculés et contrecarré maintes fois. Je savais que ce serait un dialogue de sourds, mais avec Iron Man et Cap'tain América, j'avais touché un point sensible ailleurs, sans doute inattendu et plus personnel ...
Toute guerre engendre des dommages collatéraux malheureusement, il n'y a que les combats en arènes qui sont propres ... Mais où croyez vous que vous seriez si ceux là et quelques mutants connus et anonymes ne s'étaient levés pour résister ? N'ayez aucun doutes là dessus, vous seriez soit tous morts, soit en esclavage pour une petite partie qui auraient été jugés utiles ...
Bien malgré moi, je fis une pause, me remémorant les ravages d'autres peuples sur d'autres mondes inconnus de ces terriens isolés dans leur cage dorée gardée par quelques uns des plus Grands dans l'Univers ...
Nous avons eu cette chance, nous les américains, de ne pas avoir eu à subir les "désagréments" d'une guerre sur notre sol depuis l'Indépendance et la Sécession ... La destruction nous était inconnue, voir des civils mourir aussi, du moins aussi massivement et à l'échelle d'une ville entière ... Les 2 tours jumelles ont été un prélude, l'invasion un exemple pour le monde entier, et si il n'y avait pas eu des gens dotés de capacités suffisantes pour faire face, les dommages collatéraux comme vous dites auraient été bien plus étendus ...
Elle ne pouvait se rendre compte à son niveau de ce qui avait été évité ... Moi je savais, pour avoir été tour à tour des deux côtés, celui des vaincus et des vainqueurs, celui des victimes et des bourreaux ...
Mais pour en revenir à notre sujet de départ, sans vouloir vous convaincre, ce n'est pas mon but, je respecte vos idées tout en en déplorant les effets pervers. Tout le monde n'assume pas d'être différent, n'a pas demandé à l'être non plus ... il y a aujourd'hui un peu plus de 1% de la population qui possède le gène X dans le monde, qui s'exprime chez eux en une grande variété de capacités. Certains l'ignorent, d'autres le cachent par honte ou besoin d'une vie "normale", et enfin il y a ceux qui en usent, pour le bien comme pour le mal, pour aider leurs semblables ou leurs propres intérêts ... La génothérapie a permis de brider temporairement certains, volontaires ou non, ce qui serait une solution contre les "mauvais" mutants, ceux qui auraient de toute façon mal tourné même sans un talent particulier, mais les autres ? Les Autres !!? Laissez leur le choix de vivre et de se taire ... Ils ont souvent de bonnes raisons pour cela ... Le fichage systématique est une erreur pour moi, le fichage volontaire et judiciaire beaucoup plus, avec éventuellement une thérapie associée pour les condamnés jusqu'à preuve de leur repentir ...
De bonne raison oui, dont la principale, la peur d'être rejeté ... Ségrégation, xénophobie, racisme ... Rejet, emprisonnement, exécution ...
La seule question qu'il faut vous poser aujourd'hui c'est comment réagiriez vous si vous mettiez au monde un mutant ou qu'on découvrait que le fils ou la fille de votre soeur ou de votre frère en soit un ? Parce que qu'il ne faut pas vous leurrer, même si les 2 parents sont "normaux", rien ne garanti que l'enfant le sera, et inversement. Iriez vous le recenser immédiatement au risque de l'isoler dans sa vie de tous les jours, d'en faire un paria qui au final pourrait devenir un réfractaire et un anarchiste ? Ou essayeriez vous de lui donner un début de vie "normal" puis l'aideriez vous à accepter sa différence et à la dompter en le mettant ensuite dans une école spécialisée comme celle du Professeur Xavier ? Lui laisseriez vous le choix de se faire reconnaître ou lui imposeriez vous ?
Car c'était bien là le problème, le choix ou le non choix ... Quand la guerre du Vietnam a éclaté, les jeunes recrues se sont présentées, huées par les pacifistes. Elles sont parties combattre pour leur pays et sont revenues marquées à jamais et mises au ban de la société. Pourtant elles avaient servi leur pays ! C'était le problème de ce monde, trop souvent ravagé par les guerres, trop souvent abusé par leurs dirigeants encourageant ce genre d'attitudes ...
Savez vous pourquoi on voit si peu de lions blancs et jamais de noir dans la nature ? Pourquoi ils naissent et survivent en captivité ? Tout simplement parce que leur mère en milieu naturel les dévore à la naissance parce qu'ils sont en dehors du standard, parce qu'elle juge instinctivement qu'ils ne pourront survivre avec cette couleur de poil, qu'ils ne pourront chasser et trouver de compagne. On trouve des lion blancs dans la nature dans certaines régions parce que le leucistisme qui est inadmissible pour l'espèce y est toléré. Mais l'un comme l'autre sont le produit de l'expression d'un gène récessif, une mutation transmissible ... Devons nous nous conduire comme ces lions ? Ficher les mutants reviendrait au même, juste à les désigner du doigt pour que certains se conduisent comme ces lionnes. Obliger les mutants à se révéler provoque un effet pervers chez certains, découvrir qu'ils sont différents, qu'ils ne sont pas seuls, les amener à se grouper alors qu'ils seraient restés isolés au contraire, et comme toute communauté montrée du doigt, les amener à se rebeller contre des position qui les visent particulièrement ... Croyez vous que les gouvernements ne soient pas au fait du phénomène mutant depuis des lustres, bien avant qu'il ne soit divulgué au reste de la population ? Le fichage n'est qu'un leurre pour justifier l'emploi d'autres méthodes utilisées depuis des décennies ... Quand une simple prise de sang permet de savoir si vous en êtes ou pas, quand une prise de sang est pratiquée obligatoirement dès la maternité, croyez vous qu'ils n'aient pas déjà un fichier conséquent quelque part ? Qui vous dit que celui devant lequel vous allez prier dans les église et qui vous regarde cloué sur sa croix n'en était pas un ?
J'essayais de ne pas m'emporter et je parlais sur le ton le plus posé possible. Je n'essayais pas de la convaincre, juste peut être me faire l'avocat du diable, de ce diable qu'elle et ses co partisants alimentaient et faisaient grandir dans tout le pays et même le monde.
Si j'étais un mutant, n'étant pas de nature agressive ni un malfaiteur, ne cherchant ni la reconnaissance ni les honneurs, n'aspirant qu'à une vie tranquille et simple, je n'irais pas me faire ficher, je resterais dans l'ombre et utiliserais mes capacités pour le bien du plus grand nombre. Trouveriez vous ça anormal ? Pensez vous que comme tout citoyen de ce pays qui lui est exempté de ce type de recensement, je n'ai pas droit à cela, une vie normale et anonyme ? Aurais je moins de droits qu'un homme de couleur ou d'une quelconque ethnie minoritaire, que le pire des individus dans les prisons d'états ?
Oui, tous les mutants n'étaient pas des menaces pour leurs contemporains, loin s'en faut, seul un petit pourcentage possédaient des facultés classées comme dangereuses, alors pourquoi les priver de leurs droits alors qu'un malfrat armé d'une arme, ce que la constitutions autorisait, en avait lui jusqu'à preuve du contraire ...

Dialogue de sourds et lieux communs de rigueur ... J'avais parlé en extériorisant ma pensée sans plus ... Une sale habitude que j'avais prise avec le Worldmind au long des voyages au travers de l'espace vide et sans limites perceptibles ... Et je m'étais rendu compte que c'était inutile et barbant à l'instant où elle me répondait. Je l'écoutais aussi poliment qu'elle l'avait fait, c'était un échange de vues, hermétique et stérile, elle étant campée sur ses position, moi me sentant à peine concerné par le problème si ce n'est à cause de ma propre nature et de mes actes.
Je hochais la tête, légèrement et inconsciemment condescendant, l'étroitesse des humains de la Terre dont j'avais fait parti s'exprimait bien en ces gens là. Ils n'étaient pas prêt à faire le grand bond qui devait les mener vers les étoiles, et quand bien même ils auraient la technologie, leur mentalité et leur mépris leurs seraient fatals dès le premier contact avec une autre race ou une autre espèce évoluée. La xénophobie entraîne les réactions violentes et la violence la barbarie. Le plus fort gagne alors et s'il est assez intelligent, élimine totalement le plus faible en prévision d'un retours et d'une confrontation future. Là où le père a échoué, l'enfant pourrait réussir ...
Je comprends cela ... Répondis je en la quittant des yeux et en refaisant le tour des lieux, m'arrêtant sur chaque affiche, Je comprends cela même si je n'approuve pas totalement, mais c'est mon droit et mon devoir d'homme libre et pensant ... Le droit à la vie ... Combien d'êtres humains ou non avaient péris pour que ceux là vivent sur leur petit caillou perdu à la frange de la galaxie ? Tout cela pour ça ...
De toute façon, je parle, je parle, et je ne suis même pas concerné ... le seul X qu'on trouverait dans mon analyse de sang serait le chromosome que m'a légué ma mère (du moins avec les moyens dont disposent actuellement les terriens) ... Une chose me titillait pourtant chez elle. J'avais perçu une pointe de je ne sais quoi envers ceux là même qui avaient sauvé dernièrement cette ville, la planète même ... En quoi les dégâts collatéraux l'avaient ils touchée ? J'étais curieux de savoir, de le découvrir, peut être pour m'expliquer le pourquoi de son aversion, de cette haine presque ... Je me penchais en avant légèrement, les coudes appuyés sur mes cuisses et mes mains jointes comme dans une prière silencieuse.
Je vous ai sentie particulièrement concernée par ce que vous avez nommé "dommages collatéraux" tout à l'heure, permettez moi de vous demander pourquoi ... Que s'est il passé ce jour là qui vous a touché aussi profondément ? Si vous ne voulez pas en parler, ce ne sera pas grave, mais dans le cas contraire, j'aimerais connaître ce qui dans votre propre vie a pu vous marquer ainsi ... Que s'est il passé ? Que vous est il arrivé ce jour là ? Pour comprendre cette haine presque pathologique, il fallait en connaître la source. Même si on ne pouvait changer le cours des choses, du moins y aurait il une chance même minime d'en endiguer les effets ...

Encore une fois, je hochais la tête. Elle avait donc perdu quelqu'un de cher dans l'histoire mais à priori n'en avait pas accepté ni fait le deuil, peut être parce qu'elle se sentait coupable de quelque chose ?
Je suis désolé ... Arrivais je à répondre après un instant de silence. Perdre des gens proches lors d'une guerre était chose courante et à la longue cela ne devenait pas moins pénible. Pour s'en préserver, il n'y avait qu'une solution, restreindre son cercle à la portion congrue, c'est à dire rien.
Je n'arrivais pas à lui communiquer ma compassion, elle n'en avait pas besoin de toute façon. Certains transforment leur chagrin en force pour aider les autres ou pour vaincre, elle avait décidé de combattre ceux qu'elle rendait responsable de ce vide qu'elle avait en elle ...
Je me sentais bien incapable de l'aider à revenir sur un meilleur sentier, je n'y avais moi même réussi qu'à moitié. Rester ici avec elle n'avait aucune utilité, elle était en lieu sur, dans son fief, et dehors la neige s'était remise à tomber plus drue. Je me relevais donc et enfilais ma parka. On a tous plus ou moins perdu un proche injustement, mais chacun a sa façon d'y réagir, pour un bien ou pour un mal ... Je renouais mon écharpe par dessus ma bouche puis l'abaissais après avoir rabattu ma capuche sur ma tête et enfin me dirigeais vers la sortie et me retournais, la main sur la poignée.
Un jour, un de mes ... professeurs m'a dit alors que je parlais de cette terre que tant que les hommes ne sauraient pas accepter les différences de leur propre espèce, ils ne seraient pas prêt à faire le grand bond dans l'univers ... Aujourd'hui je vois qu'il avait raison, vous n'êtes pas prêt ... Rentrez chez vous dès que vous pourrez, Gabrielle, et si vous êtes en difficulté, faites le 911, si je suis encore dans le coin, je viendrais vous aider ... Et je lui souris une dernière fois avant de mettre mon écharpe sur mon nez, lui fit un signe de la main et sortis sous la neige battante, marchant vigoureusement vers l'abris où devait encore m'attendre le chien que je devais ramener à ses propriétaires. Gabrielle était une malheureuse que le chagrin minait et alimentait sa haine contre cette "nouvelle" humanité. J'espérais qu'elle en guérisse sans trop y croire, mais le destin est aussi capricieux et imprévisible qu'une belle femme n'est ce pas ...