L'anneau d'ombre du mandarin (feat Felicia Hardy - Richard Rider)

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A chacun de ses doigts, le Mandarin porte un anneau doté d'un pouvoir spécifique. Lors de sa dernière confrontation avec les forces du bien, l'un d'eux, celui de son auriculaire droit, tomba dans la mer et fut immédiatement gobé par un thon qui passait par là. Le thon fut pêché plus tard et congelé, convoyé entier vers les États Unis par son bateau usine puis stocké au milieu de centaines d'autres. Un simple ouvrier de conserverie le trouva alors qu'il vidait ses entrailles et le garda par devers lui. Il essaya de le revendre au clou, histoire de se faire quelques argent, mais aucun ne lui en proposa assez. On le retrouva mort à la sortie du dernier qu'il visita, mais point d'anneau dans ses poches ... Un haut responsable local d'Hydra l'enfermait moins d'une heure plus tard dans le coffre de son appartement situé dans les étages supérieurs d'un building de luxe avant d'avertir ses supérieurs de sa trouvaille.
Cet anneau était l'anneau d'ombre, "lumière noire", pouvant créer une zone de ténèbres absolues qui semblent absorber toute source de lumière utilisée à l’intérieur. Même si le terme « lumière noire » est habituellement employé pour désigner les radiations ultraviolettes, les ténèbres créées par cet anneau sont probablement une forme « d’énergie noire » qu’utilisent aussi la Cape, Darkstar ou le Suaire. Cette énergie noire peut aussi être employée pour emprisonner et repousser un adversaire de la puissance d’Iron-Man, au moins brièvement. }

Assis sur un tabouret, pieds nus et habillé d'un simple pantalon de jogging usé et fatigué, je contemplais l'assemblage de la dernière pièce de ma nouvelle assembleuse atomique se construire lentement au milieu du champ de confinement de celle que j'avais bricolé à partir des éléments récupérés avec patience aux quatre coins du globe. Une fois cette pièce assemblée au reste, je disposerai enfin d'une machine performante et rapide capable de créer à partir de rien n'importe quoi du moment qu'on lui en donnait le plan. C'était la formule aboutie de ce que les humains appelaient une imprimante 3D aujourd'hui, mis à part qu'aucune altération extérieure ou intérieure ne pouvait laisser deviner que l'objet avait été créé par l'empilement successif des atomes recréés à partir d'autres d'origines variées.

J'écoutais en fond de la musique d'une station radio locale et en même temps les appels du 911 au cas où, ce qui faisait un beau bruit de fond qui égayait l'endroit décoré à la spartiate. Le petit robot ménager passa entre moi et la machine pour vaquer à ses occupation et je souris en le suivant un instant des yeux. J'avais édifié ses plans en m'inspirant de ceux de modèles utilisés dans les nefs spatiales Xandariennes pour la partie technique et d'une affiche de film qui cartonnait alors pour le design, Star Wars vII je crois, un film plein d'humour et d'aberration techniques mais distrayant.
Il avait la forme d'un gros ballon de foot surmonté d'un saladier avec un système optique ressemblant à un objectif d'appareil photo en plein milieu. A la différence de celui du cinéma qui roulait, une des choses techniquement idiotes dans ce film, le mien était sustenté par un coussin magnétique simple à quelques centimètres du sol pouvant être étendu jusqu'au mètre cinquante. Le silence incarné si ce n'est les bip-bips que j'y avais intégrés pour le rendre plus proche de l'original ... C'était à la fois ma femme de ménage et mon ouvrier de labeur, ne se plaignant jamais et toujours partant, peu gourmand en énergie et d'une efficacité redoutable. Par contre, j'avais immédiatement déconnecté son module vocal parce que que bavard comme une pie. Quand il voulait s'adresser à moi, c'était via une console logée dans un coin qui filtrait la pertinence de ses interventions et n'avait recours au mode sonore qu'en cas d'extrême nécessité.
Il passait devant moi donc quand un message passé sur le 911 et relayé sur toutes les fréquences de police attira légèrement mon attention. Il y était mention d'un cambriolage dans un grand building résidentiel de Manhattan et d'une course poursuite avec le vilain voleur menée par le service de sécurité et de coup de feux tirés. C'étaient des résidents qui avaient appelés alors qu'à priori la chasse avait été commencée depuis un moment.
La victime du vol ou l'un des propriétaires des lieux devait être quelqu'un d'important car ils y dépêchaient maintenant un gros contingent en renforts armé jusqu'aux dent. J'aurais suivi distraitement l'affaire au travers des échanges si mon téléphone posé sur une tablette près de mon lit dans le mini loft aménagé dans un autre coin du vaste espace où je vivais et travaillais n'avait brusquement sonné, m'avertissant d'un message entrant. Je me levais donc et allais le chercher pour voir qui pouvait bien vouloir me contacter, passant dans la partie habitable uniquement délimitée par des parois verticales en grande partie vitrées et transparentes, un système permettait de les rendre opaques ou brouillées à volonté, fermant la porte de l'espace douche au passage que mon valet de pied oubliait systématiquement de fermer, il faudrait que je revois ça dans sa programmation, et chopais mon appareil en me dirigeant ensuite vers la cuisine tout en pianotant d'un pouce distrait sur l'écran. C'était un message de Felicia et j'hésitais à le lire ...
Depuis notre dernière rencontre, notre dernière affaire, un silence s'était établi entre nous alors qu'un sentiment confus m'envahissait à chaque fois que je pensais à elle. J'avais envoyé finalement une lettre de démission officielle pour couper tout lien professionnel avec elle et son agence, mes propres occupations me prenant tout mon temps, et avait supprimé le compte où elle versait mes salaires et primes après lui avoir remboursé ce qu'elle m'avait payé en intégralité, signifiant ainsi pour moi une rupture définitive avec ces activités. Le silence de part et d'autre était donc plus qu'explicable, nos rapports étant seulement professionnels, enfin c'est ce dont j'essayais de me persuader.
Je posais mon portable sur le plan de travail et me servais un grand verre de mélange énergétique de ma composition directement tiré du frigo. Tout en le buvant, j'appuyais enfin sur la zone de l'écran pour visualiser ce qu'elle avait à me dire. Si c'était une autre affaire, je n'avais pas le temps ni vraiment l'envie, un goût amer et un vide existentiel étrange m'emplissaient quand j'y pensais.

Il n'y avait que trois lettres dans le texte, trois lettres qui furent comme un coup de tonnerre dans mon esprit :  $ SOS $
Je le lâchais en me précipitant vers ma chambre, m'habillais de ce que je trouvais sous la main, jean, chemise "bûcheron" et baskets, le récupérais et le mettais dans ma poche arrière en rebroussant chemin et finalement polarisais mon armure, cherchant celui de Felicia en remontant sa trace tout en m'envolant haut dans le ciel par la verrière de toit qui s'escamota et se referma après mon passage, elle l'avait éteint entre temps sans doute par précautions. Le double "Bang " supersonique ébranla le quartier alors que j'accélérais ma course une fois l'objectif situé ...

J'étais à la verticale de la position que m'avaient donné les triangulations. De toutes façons, il ne faisait aucun doute que c'était bien là vu les forces de police qui cernaient le bâtiment et y entraient en force, une bonne trentaine maintenant. Un hélicoptère venait d'arriver et tournait autours en éclairant les façades de son projecteur au niveau du 17 ème étage, et un autre débarquait 5 hommes sur les toits. Dans quel guêpier Felicia s'était elle mise !?! Mes senseurs détectèrent aussi de petits éléments mobiles qui circulaient le long des murs extérieurs, des drones ...
Je lançais une analyse en strates de l'édifice, étages par étages et trouvais effectivement mon ancienne partenaire coincée au 17 ème dans un appartement de grand standing. Dehors, dans le couloir, une meute se préparait à défoncer la porte et à la débusquer, et vu leur attirail, ils n'allaient pas plaisanter, ils étaient là pour tuer ...
Felicia avait fermé sa tablette, sage précaution qui rendait toutefois difficile toute communication entre nous, je n'étais pas télépathe ni elle non plus d'ailleurs ... Heureusement, ce genre de produit technologique avait un module d'activation à distance et je demandais au Worldmind de le pirater. Ma cambrioleuse l'avait invalidée, mais pas enlevé les puces qui servaient à l'activer, donc ce fut une broutille pour mon colocataire de mettre en marche la tablette et quelques secondes plus tard je pouvais lui envoyer mon message expliquant mon plan de sauvetage.
@ Je suis là. Le toit t'es interdit, dehors un hélico et 2 ou 3 drones. Dans le couloir 5 qui se préparent à entrer d'une seconde à l'autre ... j'espère que tu n'as pas perdu ta confiance en moi, Darling. Trouves une fenêtre dans l'axe du boulevard, il y en a une à l'Est d'où tu devrais voir la tour Stark. Ouvres la et quand tout deviendra obscur, fait moi un beau saut de l'ange aussi loin que tu peux de ce piège. Écartes bien les bras surtout!

Elle n'avait pas besoin d'en savoir plus pour l'instant et j'avais à faire de mon côté. Se débarrasser des drones fut d'une simplicité enfantine, prise de contrôle et hop! écrasement contre le béton. Il y allait avoir du remontage de bretelle ce soir dans les bureaux de la police cybernétique ... L'hélico posait problème lui, il y avait du monde à l'intérieur et ses systèmes leurs permettaient de suivre les évolutions de la cambrioleuse par thermo-détection. Je fondais donc en direction d'un vieux bâtiment du quartier et en arrachais une brique du parapet avant de reprendre de l'altitude et de me mettre dans l'axe de ma cible. J'envoyais une petite EMS sur leurs systèmes qui neutralisa leurs appareils à peine une seconde, le temps d'endommager définitivement leurs détecteurs thermiques. Une chose de faite ... Restait le projecteur ... Je levais le bras et balançais la brique dans le projecteur ventral qui explosa en une gerbe d'étincelles, plongeant tout dans une ombre profonde. Felicia n'avait que quelques secondes pour sauter avant qu'ils ne pensent à faire descendre le second appareil, et que celui de la chaîne de TV locale qui venait de pointer son nez ne vienne remplacer celui des flics avec ses propres projecteurs. Je l'avais quitté des yeux quelques instants et quand je la retrouvais dans le bâtiment, je la découvrait en train de courir comme une dératée vers la fenêtre ouverte alors que juste derrière elle dans l'entrée, la porte sautait en éclats et que les sbires du couloir entraient en force armes au poing ... Tout serait maintenant une question de vitesse et de chance ... Non, de vitesse seulement, la chance n'avait pas sa place dans ce genre d'opération, la malchance un peu plus, mais ne les appeler ni l'une ni l'autre permettait souvent de réussir l'impossible ...

L'opération de sauvetage que je venais d'expliquer à Felicia me fit faire un brusque retour en arrière. A mes débuts, je ne savais qu'aller vite et cogner, affinant au fur et à mesure mes capacités de vol et de manoeuvre. Mais en arrivant au Nova-Corps, on me fit faire une série de formations poussées avec d'autres recrues qui devinrent pour la plupart mes coéquipiers. Un jour notre instructeur nous avait emmené dans une région désertique, en haut d'une immense falaise où nous attendaient quelques centaines d'oeufs de ce qu'on pouvait appeler la poule locale. Nous avions bien ris quand il nous avait énoncé le but de l'exercice, simplement rattraper l'oeuf qu'il allait jeter dans l'abîme sans le briser. A la fin de la journée, nous étions couverts de la tête aux pieds d'un mélange de coquilles et de glaires jaunâtre plus ou moins séchés, mais aucun de nous n'avait réussi à sauver un seul du millier d'oeufs sacrifiés, enfin si, un avait été sauvé, mais celui qui avait réussi avait plus ou moins triché car avait utilisé les appendices naturels que lui avait donné la nature. Notre maître nous donna alors notre leçon et le lendemain, nous nous régalions dès la mi journée d'une superbe omelette composée des rescapés. Mais notre instructeur n'était pas satisfait, malgré les coquilles intactes, les jaunes avaient pour la plupart explosés à l'intérieur et donc il nous donna alors notre seconde leçon. Une semaine plus tard, nous étions à même de faire ces exercices sur nos petits camarades démunis de leurs armures sans qu'ils ne soient transformés en bouillie informe ...
Felicia jaillit d'un coup et plongea dans les airs comme un oiseau prend son envol d'une falaise. Sa trajectoire elliptique atteignit rapidement son apogée et elle se mit à chuter finalement les bras largement en croix comme je lui avais demandé. Je m'étais lancé déjà de mon côté, émettant une IEM limitée qui brouilla dès lors tout appareil dans un rayon de 200m, et  évitant de dépasser la vitesse du son pour ne pas attirer l'attention avec le "Bang" qui s'en serrait suivi, j'arrivais à sa hauteur, comme une ombre sur le fond noir du ciel, comme l'épervier fondant sur un ramier.
Ses secondes étaient devenues pour moi des minutes et je voyais défiler l'action au ralenti alors que j'allais à une vitesse élevée, comme quand on assiste à la télévision à l'arrimage d'une navette et d'une station alors qu'elles sont en orbite à plus de 27 600 km/h.
Je pivotais sur mon axe au moment ou je dépassais ses pieds, ralentissant brusquement pour adapter ma vitesse à la sienne, voyais passer devant mes yeux ses jambes, son bassin, son ventre, sa poitrine et enfin son visage.
Mes bras l'entourèrent alors, l'un dans son dos d'une aisselle à l'autre, l'autre en travers de ses reins dont refermant la main sur ses fesses pour assurer ma prise. Je la plaquais contre moi en douceur avant de repartir à grande vitesse alors qu'elle serrait les siens tout naturellement autours de mes épaules tout en fourrant son nez dans mon cou.
Le sol se rapprocha, parsemé de nuées de petites formes presque aveugles le nez levé en l'air à la recherche de la défenestrée et à peine quelques étages avant le plus haut des réverbères, j'obliquais notre trajectoire pour partir vers le firmament. Au moment où elle s'était jetée dans les airs, l'hélico des journalistes allumait son projecteur et saisissait fugacement la silhouette qui le traversa. Un cris de stupeur s'était élevé de la foule rassemblée en bas, mais maintenant, ils la cherchaient en vain, balayant les lieux puis les airs loin derrière nous. Je continuais sur ma lancé, montant régulièrement jusqu'à disparaître dans les nuages qui planaient mollement au dessus de l'East River à la hauteur du pont de Brooklyn, opérant alors un mouvement tournant ensuite vers le sud-ouest pour enfin nous poser doucement sur la tête de la plus grande dame de la ville et des États Unis même. Je la lâchais alors et l'écartais en la tenant à bout de bras.
Je suis pas étonné qu'ils en aient tous après toi avec un costume pareil ... J'aime ... Avouais je un brin ironique pour masquer l'impression démesurée qu'elle me faisait à cet instant. Je n'avais qu'une envie, la serrer contre moi à nouveau et l'embrasser autant que de la gifler et de la laisser en haut de cette statue battue par les vents du large en pénitence pour m'avoir autant inquiété un instant ... Je profitais d'être en armure pour scanner sa tenue. Elle n'avait rien de bien spécial si ce n'est au niveau des mains ce système de griffes, ces lentilles à ses yeux et ces étranges boucles d'oreilles. Le reste n'était qu'un costume, rien de plus ...
Ce que j'aime moins, c'est que tu te mettes en danger comme ça pour rien ... Ajoutais je en dépolarisant mon armure. Une envie irrésistible de l'embrasser me submergeait, comme si cela allait de soit, et je la réprimais difficilement, m'obligeant à la lâcher pour ne pas être tenté de l'amener à moi.
Tu sais que je devrais te livrer aux autorités en tant que super héros au moins ? J'espère que ça valait le coup que je me discrédite entièrement à mes yeux et aux tiens ... Je faisais une moue mécontente tout en ayant un petit sourire ensuite. Rien que le plaisir de la voir dans cette tenue valait les risques encourus. Elle était superbe, noire, mystérieuse, attirante, désirable et ... J'arrêtais là mes pensées qui commençaient à dériver vers d'autres moins ... politiquement et socialement correctes ... Enfin j'essayais ...

Était ce bien Felicia Hardy que j'avais devant moi en cet instant ? Oui et non ... Je venais de prendre conscience de la transformation qui s'opérait quand on devenait cet alter ego quand on était quelqu'un vivant une double vie. Était ce la même chose pour moi ? Sans doute, peu de gens qui fréquentaient Nova et Richard s'étaient aperçus qu'ils étaient en fait la même personne. Même sa voix était légèrement différente, plus rauque et mielleuse à la fois, une vraie chatte jusque dans le gosier ... Pendant quelle m'avouait la réalité de sa double identité, je l'observais, enfin je me rinçais l'oeil à vrai dire. Sa tenue était outrageusement sexy et la rendait doublement dangereuse. Pendant qu'elle vous charmait la vue, elle pouvait vous étriper sans que vous ne puissiez réagir ... Et la voyant sous un jour nouveau, non plus comme la jeune femme active qu'elle était comme patronne et détective, je n'en étais que plus attiré encore.
L'une des meilleure voleuse de New-York disait elle ... Je n'étais pas loin de la croire ... Elle savait surtout bien cacher son jeu et était aussi plus fourbe que je ne l'étais, mais être une voleuse en expliquait la raison, du moins partiellement ...
Elle me désigna en le balançant négligemment entre nous un petit sac noir que je n'avais pas sondé auparavant, plus occupé à détailler son costume qu'à chercher à savoir ce qu'elle avait bien pu dérober ce soir, et comme je n'avais pas mon armure sur le dos, je ne pouvais découvrir ce qui l'avait fourré dans un tel pétrin. Le propriétaire devait y tenir et avait des moyens assez exceptionnels pour le garder, du moins pour réagir avec autant de force devant ma cambrioleuse.
Tu es sure que c'est à ton butin qu'ils en avaient ? Dis je avec un brin d'humour en affichant un sourire entendu ... Puis je repris mon sérieux : Bref, on ne peut pas vraiment examiner tes prises ici, pas assez de clarté et un peu trop exposé, je te propose de venir dans mon atelier, c'est pas loin, là tu pourras me montrer ça et me raconter ce qui t'a amené à délester ce gars qui va t'en vouloir pour un moment ... J'allais polariser mon armure, mais j'hésitais un instant encore. Me retrouver face à elle, dans une situation où les rôles étaient plus ou moins inversés, ne me déplaisait pas vraiment, au contraire.

Chaque fois que je pensais à elle, un étrange malaise m'envahissait, une sensation de manque soudain, de vide, m'envahissait, et maintenant qu'elle était là devant moi, dans cette tenue très peu subjective, j'étais envahi par un besoin abstrait de la prendre dans mes bras pour tout autre chose qu'un vol en saut de puce. C'était comme si un souvenir lointain cherchait à resurgir mais restant à la frange de la mémoire consciente, comme un besoin inassouvi et à la fois honteux qui s'insinuait dans mon esprit. Je secouais la tête en proie à ces pensées obscures et chargée de sensualité et enfin polarisais mon armure, m'approchais d'elle et la pris par la taille pour la plaquer contre moi.
Tu m'as manqué ...  Soufflais je avant de prendre mon envol. En quelques instant le toit du hangars fut sous nous et ouvrait un passage pour nous laisser entrer et je la déposais au sol près de la zone habitable, et m'éloignais d'elle immédiatement pour aller retirer la dernière pièce de ma nouvelle machine qui avait achevé sa fabrication pendant son sauvetage.
Il y a tout ce qu'il faut, si tu veux un thé ou un café, vas y, j'enlève ça de la machine et je suis à toi, mets toi à l'aise ... Le petit robot ménager vint la "renifler" puis m'emboîta le pas, m'informant que nous avions une intrusion en Xandarien, que je corrigeais en lui expliquant que c'était une invité ...
J'étais de retour près d'elle quelques instants plus tard, ajuster la pièce finale serait pour une autre fois, j'avais attendu un mois complet, je pouvais encore le faire quelques heures ...
Alors, montres moi ton trésor de guerre ...

Felicia s'était installée dans la pseudo pièce qui faisait office de salon. Assise dans l'unique canapé qui pouvait se transformer éventuellement en couchage, elle était penchée au dessus de la table basse rectangulaire où elle avait vidé son sac, exposant son butin. Une tasse de thé fumait à côté et je pris mon mug de café sur le comptoir qui séparait la cuisine ouverte du salon avant de venir m'installer à ses côtés. Maigre butin si on le regardait sans s'y attarder ... Un anneau sertit de pierres qui semblaient précieuses, une sorte de petit sceptre en argent et deux amulettes qui vu leur état devaient dater de l'aube de l'humanité ... Mon attention fut immédiatement retenue sur le petit bâton de couleur argenté. Il avait la forme d'un pilier de temple grec de 25 cm de long et d'un diamètre d'à peine 2 cm pour le fût, et de chaque côté, au niveau des embases, on découvrait des signes en relief. Tout observateur non avertit aurait déduit qu'il s'agissait d'une sorte de sceau qu'on utilisait pour cacheter les documents à la cire, mais en me penchant, un peu, sans oser encore le toucher par précaution, sans doute une sorte d'instinct qui m'en prévenait, je déchiffrais ces dessins et m'exclamais étonné :
Mince alors !!!  Avais je bien vu ? J'appelais mon valet de pied et lui demandais de prendre l'objet et de m'afficher une vue agrandie des deux côtés sur l'écran mural que constituait la parois entière face au canapé. Celle ci s'assombrit soudain et quelques secondes après, une image grossie de chaque embase s'étalait sur la parois. Je me levais d'un bond et me plantais devant, détaillant les fines sinusoïdes noyées dans les dessins primitifs.
Incroyable ! Du Kree ! Ceci est un livre de bord d'un guerrier Kree, il s'appelait Ser-Del ... C'était un guerrier scientifique si j'en crois ces deux signes là ... Je montrais les endroits concernés du doigt en me retournant vers Felicia pour lui demander confirmation, mais restais un instant suspendu ainsi en réalisant que ce que je disais n'avait aucun sens pour elle ... Finalement, je haussais les épaules et retournais m'asseoir à ses côtés pensif.
Premier ! Demande à Second de venir ici et de scanner cette chose et ce qui se trouve sur cette table ... Premier était l'aide que j'avais réalisé à partir de bric et de broc provenant de la Terre et des technologies Terriennes adaptées au mieux avec mes connaissances venues d'ailleurs. Il était donc un peu limité mais très utile pour les tâches subalternes et la conversation. Second, lui, presque identique extérieurement si ce n'est un 2 en chiffres romains et Xandariens sur sa face avant, avait été créé de toute pièces et d'une seule traite par la machine moléculaire et intégrait de bien meilleures fonctionnalités. Trois viendrait au jour dès que ma seconde machine serait terminée ...
Le jumeau de Premier arriva sur le champ et scanna la colonne, l'anneau et les amulettes puis afficha les données en Xandarien sur l'écran.
Je ne sais pas qui t'a commandé ton cambriolage, mais je doute qu'il soit bien attentionné, et je comprends maintenant pourquoi tu t'es trouvé en difficultés ... Ces choses sont non seulement des trésors archéologiques, mais aussi des merveilles technologiques ... Commentais je à ma voisine ... Le sceptre/sceau est d'origine Kree, c'est une race extraterrestre qui vit à des éternités d'ici. Certains individus, des voyageurs souvent, sont restés sur la Terre puis sont sont repartis ... En laissant des bricoles parfois ... Ce n'est pas de l'argent ... J'essayais de ne pas l'alarmer en lui cachant la vérité à propos des Krees et de leur venue sur cette planète pour faire une guerre sans merci aux Skrulls par le passé, ni lui révéler que bien d'autres races venues d'ailleurs foulaient chaque jour le sol de son monde natal. Peut être en avait elle déjà croisé sans s'en apercevoir, mais il valait mieux qu'elle l'ignore ... Pour l'instant ...
L'anneau contient de la technologie Makluens, c'est une autre race extérieure, mais le reste est de type inconnu, peut être des productions locales ? ... Je ne sais pas ce que peut faire ce truc, mais je doute que ça soit bon pour la santé, si j'étais toi, je n'y toucherais pour rien au monde à mains nues ... Second me dit que ça pue, et si il le dit, ... Quand aux amulettes, à part une forme d'énergie résiduelle, il n'y trouve aucune technologie ... Il va faire des recherches pour vérifier ... Second alla se mettre dans un coin et ne bougea plus, émettant un ronronnement régulier signe qu'il était en activité tandis que Premier remettait le sceptre/sceau sur la table. Je lui demandais de me trouver une boite pour enfermer au moins l'anneau et il s'éclipsa.
Et tu dois livrer tout ça quand ?  Demandais je à Felicia, quittant un instant des yeux le sceptre qu'il me démangeait de toucher tout en sachant ce qui allait se produire ... Un autre sujet d'attirance fit s'arrêter le temps pour moi pendant d'interminables secondes. Elle était là, assise à mes côtés, et je détaillais son visage, du moins ce que m'en laissait voir son masque, ses yeux, son nez, ses lèvres ... Encore cette étrange sensation, ce goût fantôme de sucre et de fraises dans ma bouche, ce sentiment ambiguë de faute inavouée ... Je battais des cils et enfin m'extirpais de cette contemplation, m'enfonçant dans le fond du siège, bougon et songeur ... Le sceptre et Felicia étaient mélangés dans mes pensées ...

Donc, comme je m'en doutais, elle n'avait jamais vu son employeur et elle n'avait aucune idée de ce qu'elle avait volé. Pour le sceptre, je voyais ce qu'il pouvait en tirer, encore fallait il en avoir la confirmation de visu, mais il faudra que je le tienne en main pour cela, ce que j'hésitais à faire pour le moment. Pour l'anneau, mis à part une partie des matériaux qui le composait, je ne voyais pas ce qu'on pouvait en faire ... Il y avait là dedans assez d'énergie potentielle pour alimenter toutes les installations d'une ville comme New-York pendant quelques centaines d'années ... Mais le reste des composants et leur utilité finale me laissaient perplexes, mieux valait attendre d'éventuelles informations que pourrait glaner Second ... Quand aux amulettes ... Mis à part l'énergie résiduelle perçue tout à l'heure, je ne voyais rien d'exceptionnel en elles ... Peut être des supports magiques ou des clefs pour une quelconque serrure inconnue ? Cela expliquerait les parcelles énergétiques encore ancrées à leur surface ... Encore une fois, je m'en remettais à Second, bien que si je mettais mon armure, le Worldmind irait sans aucun doutes plus vite, mais cela ne m'intéressait pas vraiment d'aller vite je l'avoue ...
Disons que j'ai un peu bricolé pour mon propre compte, je ne dis pas qu'une petite énigme à résoudre en ta compagnie ne m'aurait pas déplus, mais ... De toute façon, aujourd'hui, tu m'en apporte un plein panier ... Je laissais en suspend le reste de ma phrase et de mes pensées pour me lever et aller farfouiller dans un des placards de la cuisine à la recherche d'un quelque chose à grignoter. Manger en réfléchissant était une vieille habitude que j'avais prise au lycée, ça m'aidait à me concentrer ... Je tombais sur un bocal d'olives et une boite de biscuits sucrés et salés, mis les unes dans un bol en y plantant quelques pics à saucisses, et disposais les autres sur des assiettes avant de revenir déposer le tout devant Felicia.
Premier arriva à ce moment là, tenant plusieurs boites dans ses bras rétractables. Il mit la bague dans un écrin qu'il ferma, les amulettes dans d'autres exactement à leur taille, une empreinte dans le velour à leur contours les protégeaient des chocs. Il rangeait ensuite ces boites dans une plus grande, métallique, qui pouvait fermer avec un cadenas à barillet numérique. Lorsqu'il tendit sa pince pour saisir le sceptre, je l'en empêchais : pas celui là, pas encore ... Tu peux aller préparer le dîner pour nous deux s'il te plaît, Paris, Bocuse, aujourd'hui ... si possible ...  Je lorgnais toujours sur la petite colonne, de plus en plus tenté de la toucher et d'apprendre ce qu'elle contenait comme information.
Second tournait toujours dans son coin, cherchant des infos ou les vérifiant par croisement.
Si tu veux prendre une douche et te changer, c'est là bas derrière, il y a tout ce qu'il faut, même une brosse à dent, et si il manque quelque chose, demande à Premier, il te fera ce que tu veux porter, ta voix est maintenant reconnue et tu es autorisée ... Ne te gènes pas ... Premier, de sa cuisine, m'informa qu'il avait enregistré ses mensurations et qu'il était prêt à lui faire ce qu'elle voulait, ce qui m'arracha un sourire ... Il me donna aussi le menu du soir ...
Saumon mariné à la scandinave, Filet de bœuf Rossini, sauce Périgueux, Tarte sablée aux fruits frais de saison. ça te va ? Sinon, on peut aller manger dehors ...

Je regardais Felicia se diriger vers la salle de bain et déjà en train de tomber le costume sans complexe. Un sursaut m'envahit me poussant à la suivre comme si j'avais déjà vécu une situation identique, sans doute dans un rêve, accentuée un instant quand son dos mis à nu fut visible. Mais à peine avait elle disparu derrière la mince parois talonnée par le petit robot que je reportais mon attention sur le sceptre. Toucher, pas toucher ? La était la question. Je savais que mon ADN n'était plus totalement humain, je savais qu'il y avait dedans quelque chose d'autre que les instruments les plus performants de cette planète ne pouvaient détecter. En touchant cet objet, je pouvais être fixé définitivement, mais j'hésitais. Ne pas savoir est une chose, douter une autre, mais savoir est définitif et irréversible.
Le Worldmind restait muet à ce sujet et je n'en gardais aucun souvenir concret. Peut être cela était il mieux ainsi ? Ou peut être était il temps ? Je me levais, allais chercher une longue pince dans la partie du hangar où je stockais mon outillage et revins immédiatement pour redresser la petite colonne en l'utilisant avant de me rasseoir et de l'observer à nouveau. Du coin de l'oeil, je vis Premier faire plusieurs allez retours entre la salle de bain et la machine de création, rapportant des vêtements puis des chaussures et d'autres choses que Felicia lui avait sans doute demandé.
Je souris en constatant comment elle avait vite fait de comprendre l'énorme avantage de ces outils ... Xandar n'avait pas de problème d'argent ni de pénuries, tout était accessible à tous à n'importe quel moment, suffisait de commander et d'attendre un peu parfois ...
Second était dans son coin, toujours à chercher et pirater les systèmes terriens affichant sur le mur devant moi quelques infos relatives à cet anneau. Peu de choses en fait, des allusions, des travaux anciens ou récents menés par des scientifiques semble t il. Ils l'appelaient l'anneau noir mais ne mentionnaient le nom de son propriétaire initial que sous des appellations nébuleuses. Par contre ils indiquaient qu'il y en avait eu d'autres, neuf autres pour être exact, tous perdus ou dispersés. Mais je ne doutais pas que si quelque part il y avait un fichier numérique pouvant expliquer son origine et son histoire, Second le trouverait tôt ou tard ...
Je reportais mon attention sur la petite colonne qui se trouvait devant moi, toujours hésitant à la toucher et enfin je me décidais à tendre la main, l'index pointé vers lui, et à m'en approcher doucement. Mon doigt toucha la surface de l'objet et immédiatement une luminosité intérieure fit ressortir toute une série de dessins imbriqués gravés sur sa surface jusqu'alors invisibles. De l'écriture Kree encore ... Je retirais la main prestement, maintenant certain de ce que mes soupçons étaient fondés. J'avais une part de Kree en moi, le Worldmind avait réussi à combiner mon ADN humain purifié de toutes les tares de milliers de générations qui m'avaient précédé à celui d'un des peuples les plus puissants de l'Univers, mais dans quel but avoué, cela je ne le savais pas, enfin presque pas ... J'étais parvenu à la conclusion d'être le prototype unique d'une nouvelle sorte de soldats pour Xandar préparé pour le clonage en masse ... Cobaye et bétail, belle perspective non ?

J'allais à nouveau toucher le sceptre quand Felicia fit son entrée, habillée d'une magnifique tenue qui soulignait ses formes féminines d'une autre façon que son costume sans démériter. Elle était à nouveau la femme fatale à visage d'ange que j'avais rencontré et avec laquelle j'avais passé du temps, avec laquelle j'avais dîné le soir puis ... Une sorte de trou fit flancher mon délire de souvenirs ... Comme un gouffre qui s'ouvre pour arrêter votre marche ...
Je me levais, me doutant bien qu'elle ne manquerait pas de voir ce que me faisait cette nouvelle tenue et lui en faisais part de vive voix :
Tu es superbe ! J'hésite maintenant à t'inviter à ce repas ici, dans ce cadre ... Il n'est pas digne de toi ! Si nous étions dans une BD de Tex Avery, j'aurais été parfait dans le rôle du loup à cet instant ...
Premier s'était immédiatement mis à faire la cuisine et donc était indisponible, restait Second que j'interpellais en Xandarien, lui intimant de réduire à 50% ses capacités de recherche pour l'instant et de nous préparer un cadre plus adapté à mon invité. En quelques mots, je lui indiquais ce que je voulais, il me fit défiler à grande vitesse sur le mur quelques exemples et je lui désignais celui qui me plaisait. Il disparut de la partie habitable des lieux et le ronronnement de la machine se fit à nouveau entendre ainsi qu'une grande activité au dehors.
Nous avons un peu de temps devant nous avant que tout soit prêt, Dis je en l'invitant à prendre place sur le canapé, Second n'a encore rien trouvé de précis sur l'anneau, mais je sais ce que cette colonne contient, enfin, j'ai ma petite idée sur la question. Tu peux la manipuler sans danger ... Seul certaines personnes peuvent l'activer ... J'étais perplexe en m'asseyant à ses côtés. Nous pouvions l'ouvrir tout de suite ou plus tard, je pouvais en faire une copie vide, mais avant cela, il fallait prendre connaissance de ce qu'elle contenait, toutes les technologies et les connaissances ne sont pas bonnes à mettre entre des mains peu recommandables.
Celui ou ceux qui t'ont commandé cette "récupération" n'ont pas de bonnes intentions à priori, et même si cela ne me plaît pas, il va falloir que tu les livres pour ta propre sécurité ... Ajoutais je inquiet. Felicia s'était mise dans de mauvais draps à ne plus en douter ... Tu voudrais du champagne ou autre chose que du thé en visionnant ? L'objet posé encore sur la table était une relique de plusieurs milliers d'années d'après les inscriptions qui s'étaient fugacement illuminées tout à l'heure, mais entre temps, ce genre de matériel n'avait que peu évolué, s'était juste démocratisé, on ne change pas une équipe qui gagne dit on ... Mais mes regards n'étaient plus sur lui en cet instant, ils étaient rivés sur ma charmante voisine en robe noire qui me fit penser à cette publicité que j'avais vu tantôt lors d'une escapade à Paris, une pub de parfum je crois me souvenir. Et se fut ses lèvres qui firent monter une étrange sensation, et l'or de ses iris qui ravivèrent une pulsion que je réprimais et combattais avec bien du mal A moins qu'un verre de vin ? Ma voix me fit l'effet d'un râle qui s'échappait de ma gorge ...

J'allais lui répondre quand un sifflement nous parvint de dehors. Second m'appelait car les ressources énergétiques de la machine étaient presque épuisées et j'étais le seul à pouvoir la recharger. Je m'excusais auprès de Felicia, merveilleuse dans sa robe noire, et sortais dehors tout en polarisant mon armure en marchant. Arrivé devant la machine, j'empoignais dans chaque main une des excroissances qui se trouvaient sur le devant de la console d'ordres manuels et y balançais une rafale d'énergie contrôlée. J'avais élaboré ce dispositif pour éviter d'inclure une source d'énergie permanente dans le système, ce qui aurait permis à n'importe qui de produire n'importe quoi avec ou sans mauvaises intentions. En repartant dans l'autre sens, me débarrassant de mon armure d'une pensée, je constatais que Second avait déjà presque tout ce qu'il fallait pour installer ce que je lui avais demandé et quand je revins auprès de Felicia je vis aussi que Premier était lui aussi bien avancé, une merveilleuse odeur commençait à se diffuser de la cuisine ...
Excuses moi, petit problème d'alimentation en énergie ... J'allais me rasseoir quand je me souvenais que j'avais proposé du vin à mon invité et donc fis un crochet jusqu'à la cuisine, évitais le robot en pleine action tout en préparant un plateau et deux verre à pied puis ouvrait une sorte de grande armoire qui n'était autre qu'une cave à vins, en sortais une bouteille sans étiquette contenant un breuvage rubis et l'ouvrais avant de la déverser doucement dans une carafe en cristal ciselé en prenant soin de ne pas laisser passer le dépôt. Je revins vers elle en tenant le plateau d'une main et le déposais sur la table, empoignant machinalement le sceptre de l'autre main pour le bouger. Je me rendis compte de mon erreur immédiatement quand à peine ma main l'enserrant, la petite colonne se mit à briller violemment, faisant ressortir des signes Krees incrusté sur toute sa surface.
Je posais précipitamment l'objet sur le côté de la table qui s'éteignit dès que je le lâchais :
Désolé, j'avais oublié ce détail un instant ... Dis je en essayant de garder contenance et en refoulant d'emblée les murmures qui s'étaient diffusés dans mon esprit. Je versais à chacun un verre de vin et en tendis un à Felicia en souriant, un peu crispé ...
Château Margot 90 récupéré au fond de l'océan dans les soutes d'un bateau de croisière d'un richissime armateur qui a coulé dans l'océan indien en 2004, le jour du tsunami ... J'en ai revendu quelques unes à prix d'or, mais je m'en suis gardé pour des occasions spéciales ... J'espère qu'il est encore bon, en tout cas il a une belle couleur de sang et un arôme parfait ... Je choquais mon verre contre le sien et le portais à hauteur de mes yeux tout en faisant tourner le liquide grenat foncé aux reflets violacés. Un coup de nez et je le goûtais pour la première fois. Une tuerie ! Je passais ma langue sur mes lèvres une senteur de cerise fraîche dans le nez accompagnée d'arômes très délicats de cèdre et d’épices douces me faisant penser à la cannelle. J'en pris une seconde gorgée pleine de la suavité et de la délicatesse des tanins enrobés et profonds. Une « main de fer dans un gant de velours », dit on, j'en avais la preuve maintenant, même après ces années passées au fond de l'océan.
Pas mauvais ... déclarais je en m'asseyant à ses côtés. Tu as raison, tu vas devoir livrer tout cela sinon tu vas avoir des ennuis ... Je voudrais juste lire ce que contient ce livre de bord ... Il a plus de 16000 ans tu sais et je suis curieux de savoir ce que faisait ce gars là sur la Terre à ce moment là ...
Je vis passer Second en trombe puis repartir avec une desserte chargée de couverts et d'assiettes, revenir encore et retourner dehors. Un sifflement se fit entendre et je me levais, récupérant la bouteille d'une main tout en tenant mon verre et tendant l'autre à Felicia pour l'aider à se lever.
Notre table est prête, si tu veux bien te donner la peine ...
A l'instant où nous franchissions les limites du coin résidentiel, toutes les lumières s'éteignirent au plafond plongeant l'immense hangars dans le noir le plus profond si ce n'est les éclairages luminescent des différentes machines dans un de ses coins et une zone éclairée par des chandelles trônant au beau milieu du parvis. Un tapis rouge nous y mena tout droit et bientôt nous foulions une pelouse artificielle qui avait l'air aussi vraie que nature délimitant les pourtours d'une immense tonnelle ouverte sous laquelle avait été dressée une table en bois vernis ouvragée flanquée de deux sièges dignes de rois. J'invitais Felicia à s'asseoir puis gagnais ma place en face d'elle, posant au passage la bouteille entre nous.
Cela te plaît il ? Second attendait sagement dans un coin, prêt à subvenir à tous nos besoins et à faire son service conjointement à Premier qui s'avançait déjà, portant un large plateau supportant deux assiettes et une autre bouteille, de vin blanc cette fois :
Pavillon Blanc 2009 cette fois, un cargo en route vers le Japon qui n'est jamais arrivé ...

J'arborais un sourire entendu en remplissant nos second verres de vin blanc, puis choquais le mien contre le sien avant de humer le nectar et de le goûter. Je n'étais pas mécontent de l'avoir tiré des profondeurs marines où il était enlisé, non loin d'un coffre rempli de devises et de diamants. La machine s'était tue en se mettant en stand bye et il ne subsistait qu'un léger murmure d'activité autours de nous à peine troublé par le bruit de nos couverts et le chuintement des robots qui circulaient à notre service. Pourtant, en arrière plan, une rumeur confuse et persistante était audible et le son d'une cloche raisonna soudain plusieurs fois. Mes yeux se portèrent machinalement vers la grande parois bleuté qui séparait la partie du hangar où j'étais du reste du complexe que j'avais acquis et je souriant en embouchant un morceau de saumon.
C'est aussi l'heure de manger à côté ... dis je après avoir avalé Si je ne t'avais pas rencontré, j'aurais soupé avec eux, c'est le jour du ragoût de mouton haricots ... Et le mouton fayots était un des délices que préparaient les cuisines de la petite ville dans la ville qui s'était développée dans le quartier sous ma protection.
Dans pas longtemps on va entendre la musique commencer, c'est rituel ... Et effectivement, on entendit s'élever des accords de guitare et quelqu'un s'était mis à chanter une balade de l'Ouest dans la plus pur tradition country.
Dans une petite heure ça sera le tour des Irlandais ... Tu vois, j'ai de bons voisins ... Mais si tu veux écouter autre chose, dis le, on verra ce qu'on peut faire ... La cloison qui me séparait d'eux était doublée d'un puissant champ de force qui pour l'instant laissait passer la rumeur extérieure, mais un simple réglage et il deviendrait impénétrable.
pendant que je mangeais, je ne pouvais m'empêcher de laisser plonger mon regard dans le décolleté outrageux de Felicia. Elle était vraiment superbe dans cette robe et je n'étais pas mécontent d'avoir de la compagnie pour une fois. Pourtant, je sentais bien une ombre inexplicable entre nous, quelque chose d'obscur qui me donnait un sentiment de malaise.
De là où j'étais, en plus de la vue inégalable sur Felicia, je pouvais surveiller du coin de l'oeil la parois de verre du salon qui s'illumina tout à coup, des informations défilant sur "l'écran" autours d'une photographie ancienne de plusieurs anneaux. Les recherches de Second donnaient leurs fruits et bientôt nous saurions a qui appartenait ce bijoux. En voyant cela, j'en arrivais à me demander pourquoi la jeune femme faisait ce genre de boulot et depuis quand...
Simple curiosité, ça fait longtemps que tu fais ce genre d'activité à la limite de la légalité ? ça t'es venu comment ?
Je souriais intérieurement en y pensant. Si les circonstances n'avaient changé la donne, j'aurais pu la livrer aux autorités comme le voulait mon statut de super héros intègre et incorruptible, mais aujourd'hui, j'en avait rien à faire ...

Felicia semblait apprécier le repas qui lui était servi, mais par contre, sa réponse à ma question était des plus nébuleuse. Non seulement on devinait qu'elle cachait une partie de ses vraies raisons, mais en plus, je savais qu'elle ne me disait pas toute la vérité car j'avais enquêté un peu sur elle dès le début. Cela me chagrinait, elle ne me faisait pas confiance au final, et je décidais de ne pas la presser plus à me dire ce qu'il en était par politesse. Elle avait aussi remarqué que des informations s'étaient affichées sur le mur transformé en écran géant et me donna l'occasion de me lever et de m'écarter un peu d'elle en le soulignant.
Excuse moi un instant ... Dis je en me levant, posant ma serviette à côté de mon assiette maintenant vide. Je m'écartais de la table en évitant de la regarder dans les yeux afin qu'elle ne puisse surprendre mes sentiments et en quelques pas, je me retrouvais dans l'encadrement de la porte à lire la masse d'informations trouvée sur le fameux anneau. Rien de bien sympathique au final. Ce bijoux faisait partie d'une parure complète de dix qu'arboraient les doigts d'un certain "Mandarin" connu des services pour sa propension au crime et à des actions peu recommandables. Felicia s'était mise dans de beaux draps en volant ces objets eux même récupérés par quelqu'un de sans doute peu recommandable. Je revins vers elle l'air soucieux et m'installais à table devant le second plat qui avait été servi entre temps. Je saisis mon verre de vin blanc encore à moitié plein et le vidais d'un coup pour me donner quelques secondes supplémentaires.
Plus vite tu auras livré tes prises, mieux ça sera ... Dis je enfin en levant les yeux vers elle. Je la regardais sous un jour nouveau, si proche et si lointaine à la fois, si fragile et si forte, pleine de mystères et impressionnante, mais surtout en danger mortel à cause de ces objets dérobés. Nuls doutes que celui à qui elle les avait pris se lancerait à sa poursuite, nuls doutes non plus que son commanditaire attendait la livraison avec impatience et qu'elle risquait gros si elle ne le faisait pas, ou même si elle le faisait en fait. Elle serait le seul moyen de trouver celui qui lui avait demandé ce cambriolage ...
J'ai bien peur que tu ne sois prise entre deux feux ... Tu vas devoir être prudente à la livraison et te mettre au vert ensuite ... J'ai peur pour toi ...
Quand aux objets, en faire des contrefaçons était exclus. Je pouvais vider le sceptre d'une grande partie de ce qu'il contenait et n'y laisser que des données intraduisible, mais l'anneau ... Une copie fidèle à l'original serait trop dangereuse et le modifier encore plus, sa technologie était alliée à autre chose qui était trop instable pour être identifié à coup sur par mes installations rudimentaires.
Je m'attaquais à mon plat et le repoussais à peine quelques bouchées avalées. C'était étrange comme je m'inquiétais pour elle, ce n'étais pas normal. A chaque fois que je la regardais, un goût de fraise me montait aux papilles, ce que je ne m'expliquais pas. Pris d'une inspiration subite, je décidais de m'en ouvrir à elle :
Dis moi, avons nous mangé des fraises ensemble . As tu déjà porté un parfum ayant cette odeur en ma présence ? Je n'arrive pas à me souvenir ni à m'expliquer pourquoi quand je te regarde, j'ai ce goût dans la bouche, tu as une idée ? A peine avais je exprimé ma pensée que je la regrettais, me sentant aussi idiot qu'on pouvait l'être devant des paroles aussi saugrenues ...

Elle avait fanfaronné à propos de sa sécurité, mais je n'étais pas sur qu'elle évaluait bien dans quel bourbier elle s'était fourré. D'un côté un commanditaire qui avait bien ciblé les objets à récupérer, donc qui avait les moyens de savoir qui les possédait et où ils étaient entreposés, et de l'autre sa victime assez riche pour jouir d'un étage complet ou même de plusieurs dans un building de haut standing, d'une garde rapprochée qui avait failli l'attraper et d'entrées particulières avec les forces de police qui étaient intervenue en nombre très rapidement. Elle se trouvait entre deux personnes de pouvoirs qui n'auraient aucun scrupules à la réduire au silence si besoin était ... Je la vis se lever en réponse à ma question à propos des fraises, contourner la table d'une démarche toute féline, un sourire énigmatique sur les lèvres alors que je la regardais venir vers moi, levant la tête à mesure qu'elle s'approchait, la laissais me faire lever le menton vers elle du bout de ses doigts alors qu'elle se baissait, statufié par ce parfum qu'elle dégageait et qui m'enveloppait tout à coup. Ses cheveux balayèrent mon visage, m'obligeant à fermer les yeux, et ses lèvres fraîches rencontrèrent les miennes alors qu'une chaleur subite irradiait mes reins et montait en moi alors que ce contact se prolongeait quelques malheureuses secondes. Un étrange nuage m'enveloppa un instant puis s'envola alors qu'elle se redressait en me souriant étrangement, les yeux malicieux, et repartait se rasseoir, me laissant là, stupide, la bouche entrouverte et les yeux ronds.
Je portais ma main à mes lèvres, les mangeant pour en sucer la fragrance de fraise qu'elle y avait déposé ...
C'est exactement ça ... Murmurais je encore sous le coup de la surprise. C'était exactement ce même parfum, ce même goût ... Mais comment ? Je ne me souvenais pas l'avoir déjà embrassée ... A peine l'avoir quitté le soir où nous avions mis un point final à notre affaire ... Alors comment ? Il n'y avait aucun doute possible, ce que je ressentais était bien le souvenir de ses lèvres ... Pendant que je cherchais dans ma mémoire je la fixais les yeux perdus. Une exaspération montait en moi et mes sourcils se froncèrent peu à peu. Où était ce souvenir dont la trace olfactive persistait ... La colère grandissait, passant dans mes yeux et me faisant crisper les mâchoires inconsciemment alors que mes poings se serraient. Une seule conclusion s'imposa à moi, on avait trafiqué ma mémoire une fois de plus, ma mémoire et la sienne sans aucun doute possible vu qu'elle non plus ne se souvenait de rien ...
Maudit Worldmind ... Grondais je les dents serrées en me levant lentement de toute ma hauteur. Je me détournais d'elle et fis quelques pas hors de la zone éclairée par les lampes de la tonnelle avant de polariser mon armure et de crier intérieurement :
# Pourquoi nous avoir fait cela ? ... RÉPOND !!! ... # Il y eut une hésitation, un silence, puis la réponse vint, claire et mathématique : # Parce que c'était la meilleure option à ce moment là pour toi comme pour elle ... Ce qui est bien effacé ne peut être restauré ...#
Le verdict était sans appel et je m'avouais vaincu sur ce coup là aussi bas soit il ... Je dépolarisais mon armure et revins vers la table ou je m'effondrais presque sur ma chaise, la tête entre mes mains. Après quelques instants, le temps d'assimiler les faits, j'ouvrais les yeux et regardais Felicia entre mes doigts. Comment lui annoncer ça ? Puis je soupirais et enlevais mes mains, en cachant l'une sous la table agrippée à ma cuisse et tendant l'autre au dessus pour lui saisir la sienne et la caresser doucement. N'avait elle pas dit qu'elle était une grande fille, qu'elle pouvait assumer ?
Il faut que je t'avoue quelque chose ... J'avalais ma salive avant de poursuivre ... Je suis en osmose avec une sorte d'Hyper ordinateur qui a effacé ma mémoire et la tienne à un moment donné après la fin de notre mission ... Il a modifié nos souvenirs pour que nous ne puissions pas trouver de fil conducteur ou nous poser des questions ... Je me raclais la gorge, gêné et embarrassé ... Je n'ai plus aucun souvenirs mis à part ce goût de fraises, le goût de tes lèvres ... Il se peut que nous ayons ... Que nous nous soyons ... Embrassé ou plus ... Je ne sais pas, je ne sais plus ... Mais je suis certain maintenant que je t'ai déjà avoué que ... Que tu ne m'étais pas indifférente ... Et je pense que c'était réciproque à ce moment là ... Ma voix se changea en murmure presque inaudible à mesure que j'osais exposer mes pensées ... Lui avais je avoué l'aim.... ? Là c'était moins sur ... En étais je encore capable ?

Ce contact de mes doigts sur le dos de sa main me procurait un mélange étrange d'exaltation et d'apaisement, comme une sensation perdue et retrouvée, comme lorsque j'avais pris pour la première fois la main de Ginger la première fois alors qu'ils étaient ensemble au milieu de la foule des étudiants. Je m'étais attaché à Felicia très vite, sans doute à cause de son caractère indépendant et volontaire autant que sa plastique admirable. Vivre seul, même avec un compagnon dans la tête, n'était pas une bonne chose pour un adolescent, et en vieillissant, même si extérieurement c'était presque imperceptible, les choses ne s'arrangeaient pas. J'étais revenu sur Terre sans doute avec l'envie de me poser, si ce n'est définitivement, du moins quelques temps, et je m'y trouvais si mal et décalé que j'avais presque envie de repartir dans les confins. Quand j'avais rencontré Felicia, j'y étais presque décidé, mais ensuite ... Ensuite ...
Je hochais la tête en signe assentiment, il s'était passé effectivement quelque chose de grave pour qu'il en arrive à cette extrémité. Je retirais ma main et saisissais ma fourchette, poussant distraitement avec une de ses dents la nourriture dans mon assiette alors que je réfléchissais, remontant puis re parcourant ma mémoire à la vitesse de l'éclair depuis ce que je me souvenais de ce soir là jusqu'à il y a quelques jours.
C'était la meilleure option à ce moment là pour toi comme pour moi, c'est tout ce qu'il a bien voulu me dire ...
J'y découvrais non pas une, mais deux zones floutées que je ne reconnaissais que trop bien avec l'expérience que m'avait donné mon long emprisonnement et l'effort que j'avais réalisé pour rassembler les morceaux de mon esprit mis à mal par ma tortionnaire. Il avait donc modifié deux fois mes souvenirs, pourtant des flashs, des images stockées, des impressions et des sensations perdues dans le flot d'autres, remontaient à la surface sans fil conducteur entre elles. L'eau sur mon visage, l'empreinte d'une main dans un mur carrelé, du sang s'écoulant par l'évacuation et maculant une sortie de bain, une pierre tombale dont je ne déchiffrais pas l'occupant et l'odeur du gazon fraîchement coupé et des fleurs croupissantes dans des vases ... Une grande arche où était marqué en lettres capitales forgées le nom de ce lieu ...
Greenwood, le cimetière, une stèle, ça te dit quelque chose ? demandais je à tout hasard. Rien d'autre ne revenait. Je levais les yeux vers elle espérant que cela se produirait aussi dans son esprit, mais c'était presque désespéré. C'était mes modifications qui me protégeaient, elle, même étant mutante, elle n'était qu'un humaine au fond, pas une arme aiguisée et aussi complète qu'un couteau suisse ...

Felicia fut troublée par ce que je venais de lui demander. Elle ferma les yeux un instant, son front plissé sous l'effort qu'elle faisait pour raviver sa mémoire. Quand elle me fit part de sa bribe de souvenir cela n'évoqua rien de plus pour moi, mais une chose par contre m'interpella. "C'est là bas que réside mon père" avait elle dit, comme si il était vivant enterré sous la pierre. N'avait elle pas fait réellement son deuil pour en parler comme d'une personne vivante ?
J'étais passé par là, pour d'autres raisons, et j'avais effectué des recherches afin de me sortir de cet état dépressif majeure.
J'avais lu qu'un deuil était en gros découpé en 3 phases et Felicia devait être encore en phase centrale, dite de dépression ou de repli, qui en est la période aiguë. En général on la caractérisait par un état émotionnel intense d'allure dépressive identifiable par des états de tristesse, des pleurs, des sentiments de culpabilité, de honte, d'irritabilité, avec des possibilités d'anorexie, d'insomnie, de sentiment de vide, de fatigue. Je dévisageais un instant la jeune femme et hochais la tête négativement en me répondant intérieurement.
Non, Felicia n'était pas de ce bois là, ou en avait dépassé le stade ... A moins que ...
Parfois, un sentiment de colère vis-à-vis du mort se rencontrait. Colère et culpabilité traduisant l'ambivalence de l'endeuillé, qui est pris entre le sentiment de n'avoir pas fait tout ce qui était en son pouvoir à l'égard du décédé et celui d'avoir été injustement abandonné par lui.
Je n'avais pas senti de colère dans ses propos, juste de la tendresse à priori.
Mais d'autres manifestations étaient possibles comme un état de retrait social avec une incapacité à maintenir les habitudes de travail et les relations avec d'autres personnes assez difficiles. Là ça collait mieux avec Felicia et son travail de détective privé, et aussi avec ses autres activités moins légales. Par contre, je ne connaissais rien de sa vie privée en fait, avait elle beaucoup d'amis ?
Il pouvait y avoir aussi une identification inconsciente au défunt avec génération de préoccupations de santé similaires, parfois suscitées par des symptômes somatiques d'emprunt, un phénomène d'imitation temporaire de ses manières d'être, de se comporter, de ses habitudes.
Le père de Felicia était il aussi un détective d'où le fait qu'elle ait embrassé cette profession peu orthodoxe pour une femme seule même une mutante ? Ou était il un voleur, mutant de surcroît comme elle ? Aurait elle décidé de continuer son oeuvre, de prendre le relais en son souvenir ?
De toutes manières, il était clairement dit qu'au cours de cette période, des perceptions sensorielles d'allure hallucinatoires (impression d'entendre la voix ou le pas du défunt, de sentir son contact, de l'entrapercevoir, etc.) pouvaient survenir tout en laissant normalement le survivant conscient de l'absence de support réel. Là j'avais un doute, un gros doute même. Il fallait que j'en ai le coeur net, mais comment lui demander ça sans la froisser ?
Diagnostiquer la différence entre deuil normal et dépression n'est pas aisée, et je ne suis pas psy loin s'en faut. La durée varie entre plusieurs semaines et un an tout en étant inférieure à 6 mois pour la plupart des sujets. Mais Felicia parlait de plusieurs années ... Elle avait trouvé un équilibre interne qui lui convenait, mais était il sain ?
Je me tirais de mes pensées et la regardais à nouveau, les yeux emplis de la compassion qui étreignait mon coeur et je me levais soudain pour faire le tour de la table et m'abaisser jusqu'à ce que nos deux visages soient à la même hauteur. Je lui pris la tête entre les mains, doucement et l'embrassais sur les lèvres douces et chaudes au goût de fraises et de vin. Par là je voulais lui exprimer ce que j'avais sur le coeur, que je comprenais sa douleur, mais aussi je voulais essayer encore par ce simple baiser de raviver mes souvenirs, ou les siens.
Je reculais immédiatement un peu après l'avoir déposé et lui chuchotais :
Je ne me souviens pas des fleurs, ni de rien d'autre à propos de ce cimetière, par contre je me souviens d'autre chose ... Et je prends ses lèvres à nouveau, l'obligeant à peine à les écarter pour que nos langues se trouvent, croquant ses fraises avec passion. Pas de souvenir, pas tous nos souvenirs ? Qu'importe, vivons l'instant présent puisqu'on peut nous l'ôter le lendemain aussi facilement.