Une petite séance de sport - Feat Laura M.

Laura n'avait jamais été sportive, loin de là. Elle avait toujours préféré les mots aux efforts et là où d'autres filles faisaient de la danse ou de l'athlétisme, elle restait le nez plongé dans les livres ou les journaux. Quand il fallait faire un sport de balle, elle avait toujours été celle qui avait peur de la balle en question et l'évitait le plus possible. Courir n'avait jamais été son fort, attraper non plus. Elle n'avait pas vraiment d'endurance et ne voyait pas le besoin de faire des efforts physiques. Dans la vie, ça ne lui servirait sûrement pas à grand-chose. Quand on voulait travailler dans les infos, l'important était de bien savoir mener ses enquêtes et d'avoir de bonnes oreilles et de bons yeux. Et surtout, un bon flaire.
Mais voilà, la réalité était bien différente de ce que Laura avait imaginé petite. Si on ne se bougeait pas, c'était notre santé qui en pâtissait, ou au mieux juste notre poids. Elle comptait bien ne pas tomber malade et avait encore moins l'intention de devenir grosse. Elle n'avait rien contre les personnes en surpoids si ce n'était les clichés que l'on balançait d'un bout à l'autre de la vie d'une femme. La célébrité n'avait pas vraiment aidé, il fallait bien l'avouer. Il arrivait parfois qu'elle se voit en photo sur internet ou sur les magazines et alors elle pouvait lire tout un tas de commentaire. Certains la trouvaient un peu au dessus de son poids normal. Ça lui avait mis un coup de jus et elle avait commencé à courir au moins deux fois par semaine, parfois plus. Elle ne voulait pas être la source de critique. Elle aurait pu n'en avoir rien à faire, mais c'était plus fort qu'elle. Il fallait qu'elle ai une bonne image, c'était important pour elle et pour son émission. Personne ne voulait d'une présentatrice moche après tout, non ?

L'invitation de Gabrielle avait fait plaisir à la présentatrice. Les deux femmes avaient douze ans d'écart mais cela ne les empêchait pas de bien s'entendre. Elles s'étaient rencontrées via le Parti Collectif et partageaient donc de nombreuses idées en commun, ce qui était toujours bien. Et puis, Gabrielle était son avocate et l'avait déjà sortie de quelques petits soucis juridiques auxquels avait fait face son émission. Si on avait dit à une toute jeune Laura Miller qu'elle allait un jour être le genre de femme amie avec son avocate, elle ne l'aurait pas cru. C'était les riches qui s'entendaient bien avec leurs avocats, et pas les plus nets. Mais elle avait eu à abandonner ses préjugés sur la chose et c'était mieux ainsi. Oui elle était désormais riche, mais ce n'était pas en trempant dans des affaires louches qu'elle s'était rapprochée de celle-ci. Elle avait juste besoin d'elle de temps à autre, de façon tout à faire normale et naturelle. Les avocats ne sont pas là que pour vous sortir des emmerdes.

Elle arriva un peu après son amie dans la salle de sport où celle-ci l'attendait. Elle ne connaissait pas trop l'endroit, privilégiant en général le jogging dans Central Park près duquel elle habitait. Ce n'était pas le mieux, on pouvait la photographier, mais c'était en quelques sortes ce qu'elle voulait. Être vue en train de faire son sport régulièrement aiderai à lui donner une bonne image dans la presse et c'était toujours bon à prendre. Mais cela lui ferait aussi du bien de pratiquer un peu de sport avec quelqu'un d'autre, de parler tout en se défoulant. Elle n'avait pas tant de compagnie que ça au final. Ça ne la dérangeait pas, mais changer un petit peu les choses ne pourrait jamais faire de mal.

— Salut Gaby, j'espère que tu ne m'as pas trop attendu, je n'étais encore jamais venue ici. Comment ça va, dis-moi ?

Laura réajusta son sac sur son épaule. Oui vraiment, cela lui faisait un réel plaisir d'avoir été invitée et l'endroit semblait agréable. Elle passa juste le regard sur les quelques présents qui s’entraînaient déjà. Quelques hommes et femmes qui semblaient habitués, d'autres qui semblaient avoir tout juste pris la résolution de s'y mettre. Elle se demanda si certains étaient des mutants, des héros, des plus qu'homme. Depuis quelques temps, elle ne se sentait plus sûre nul part en ville. On avait si vite fait d'être pris ans un combat par accident. Ou même pas par accident, d'ailleurs.

L'ambiance qui régnait dans la salle de sport était à la fois agréable et désagréable, comme un étrange mélange de choses que l'on savait apprécier et d'autres qui nous dérangerait. Il n'y avait pas de grands bruits, de grandes conversations. Juste le bruit des machines, quelques petites conversations des gens qui n'étaient pas encore en train de faire de l'exercice et la musique diffusée par les écrans de télévision que plusieurs personnes sur les vélos elliptiques et les tapis de courses regardaient pour se vider un peu plus la tête. Il y avait une odeur de sueur, mais en dehors de son habituel côté désagréable cela avait aussi quelque chose d'accueillant, l'odeur qu'on s'attendait à trouver dans une salle de sport et qui ne manquait pas vous accueillir quand vous entrez. Les respirations cadencées et les efforts réchauffaient la salle qui affichait une température des plus corrects. Ici et là on voyait des employés qui aidaient les clients, leur donnait des conseils pour réussir à mieux atteindre leurs buts, à mieux se dépenser ou à mieux gagner en force et en muscle. Sûrement qu'il y avait quelques professionnels du sport parmi les clients, mais aucun visage qui ne parlait à Laura.

D'ordinaire, elle aimait les extérieurs plutôt que le sentiment de claustrophobie que ces endroits lui donnaient parfois, mais il arrivait qu'elle se sente bien dans une salle. Il n'y avait pas le vert gazon, ni les oiseaux qui chantaient, mais on pouvait s'y trouver bien. Elle tira sur son débardeur de sport pour le réajuster et colla son iPod dans la poche arrière de son short de jogging. Elle avait déjà toutes les musiques qu'il lui fallait pour s’entraîner correctement, une en particulier. Lorsqu'elle commençait ses exercices, elle écoutait toujours « Gonna Fly Now » de la bande originale des Rocky. La gradation de la musique l'aidait toujours à augmenter graduellement son rythme. Et puis il fallait avouer aussi que la musique donnait vraiment l'impression de se trouver dans un film dont on serait le héros, et dans lequel on se dépassait. Mais aujourd'hui, elle ne l'écouterai pas à moins qu'il ne passe à la télévision par coïncidence. Elle avait l'iPod dans la poche plus par habitude, mais aujourd'hui elle parlerai avec Gabrielle plus qu'elle n'écouterai de musique.

— Non, je viens à peine d'arriver rassure toi. Tu verras, c'est assez tranquille. Je n'ai encore jamais eu personne qui est venu pour me parler du parti ou quoique ce soit. Moi ça va plutôt écoute et toi ça va ? Comment va ta soeur ?

Un soulagement l'envahit quelque peu lorsque son amie lui affirma n'avait jamais été dérangée. Même si Laura assumait et aimait sa célébrité, il était toujours dérangeant d'être interrompue dans les activités dans lesquelles on était lancé pour devoir parler de ses opinions politiques ou même simplement, dans le cas de Laura, pour signer un autographe. Elle aimait beaucoup ses fans mais ils pouvaient être parfois encombrants, l'empêchant de mener à bien certaines choses dans la vie. Manger au restaurant, par exemple, était de plus en plus difficile à faire sans être interrompu par quelqu'un qui venait lui demander de signer son mouchoir ou son carnet ou même une serviette qui viendrait directement du restaurant. Alors apprendre qu'elle allait pour un fois pouvoir être tranquille était en effet un grand soulagement. Enfin elle pourrait se dépenser sans interrompre son effort, ce qui n'était jamais bon. Il fallait y aller à fond ou ne pas y aller du tout, s'arrêter toutes les trente secondes n'aidaient pas vraiment à se dépenser. Juste à perdre son élan.

— Elle va bien, elle se remet doucement de ce qu'il lui est arrivée. Je lui ai conseillé de rejoindre ARES et c'est ce qu'elle a fait, elle est contente de pouvoir aider je crois. Mais elle a encore un peu de mal, je peux la comprendre.

Les deux femmes se dirigent vers les tapis de course, un must pour commencer à s'échauffer, voire pour faire une séance complète si on avait pas trop envie de se bouger. Laura faisait rarement plus que de la course, il n'y avait pas vraiment d'autres activités qui l'attiraient. Et puis, elle sentait qu'elles allait parler et ne pas trop pousser sur l'effort était le mieux dans ce cas, rendant les tapis de course un bon choix.

— Je t'avoue que j'ai un peu peur, Gaby. Si elle est inhumaine, ça veut peut-être dire que je le suis aussi non ? Je ne sais même pas ce qui a déclenché l'apparition de ses pouvoirs et j'ai peur que ça ne me touche aussi du jour au lendemain. Me retrouver d'un coup capable de faire du mal aux gens, de blesser des innocents par inadvertance… Ca me fait réellement peur, je ne veux pas finir comme ça. Je crois que je m'enfermerai chez moi pour assurer la sécurité des autres.

— Je suis contente alors si elle va bien, c'est le principal. Je pense que rejoindre ARES est un bon choix pour elle, au moins, elle se sentira utile même si elle n'acceptera peut être pas sa nature si facilement.

Non, ce n'était pas facile. Ca ne le serait sans doute jamais. Elle ne savait même pas comment elle avait fait pour s'en remettre assez pour prendre la décision d'aller chez ARES. Bien sûr, c'est Laura elle-même qui lui avait proposé, elle ne voulait pas que sa sœur se retrouve avec des pouvoirs utiles qu'elle n'utiliserait pas pour leur cause et Clara avait été d'accord avec ça. Mais elle aurait pensé qu'elle y réfléchirait un peu plus que cela. Qu'elle tenterait d'abord de se familiariser avec ce qu'elle pouvait faire. Le pouvoir n'était pas dangereux en soit, il fallait l'avouer. Elle reproduisait les mouvements, tout simplement. Elle les voyait et elle savait les faire. Aussi simple que ça, pas de magie ou d'énergie, juste de la mémoire et du physique. Presque rassurant, et surtout presque trompeur. Ça restait dangereux, d'une façon plus pernicieuse c'était tout.

— Je comprends que tu puisse avoir peur, mais je crois qu'il ne faut pas te torturer avec ça. J'y ai aussi pensé, mais je ne sais pas plus que toi comment ce genre de choses se font. Peut être que c'est génétique comme les mutants, peut être pas mais tu ne l'es pas, je ne souhaite pas que ça t'arrive mais au cas où, tu sais que je serais là, comme je l'ai été pour ta sœur.

Laura hocha la tête. Oui, Gaby avait été un véritable soutien pour Clara lorsqu'elle s'était rendue compte de sa particularité. Elle avait même été au courant avant Laura elle-même, et la présentatrice devait avouer qu'elle en avait d'abord été en colère, jalouse que sa sœur aille voir une amie avocate avant elle. Mais elle avait compris, et sûrement aurait-elle agit pareil dans une situation similaire. Peut-être le fera-t-elle dans une situation similaire s'il venait à y en avoir une. Elle frissonna à cette idée-même. Non, elle ne voulait pas que cela se produise. Et si elle devenait dangereuse ? Si elle faisait une Wanda Maximoff, à exploser des bâtiments ? Non, elle ne voulait pas, elle ne voulait blesser personne, elle détestait cette idée.

— J'aimerai tellement savoir ce qui provoque ça pour l'éviter mais c'est impossible. Personne ne sait et les quelques personnes qui sont dans ce cas-là refusent qu'on les étudie. Ça je peux le comprendre par contre, vivre en labo pour se faire étudier doit faire flipper. Mais du coup, on ne sait absolument rien. Je crois que c'est le plus flippant, savoir que ça peut arriver n'importe quand.

Elle soupira lourdement. Cette histoire de pouvoirs et inhumains et mutants, voilà quelque chose qui donne constant sujet à réflexion et à inquiétude. Elle a parfois l'impression de passer sa vie à réfléchir aux conséquences de ces nouveaux pouvoirs, de cette nouvelle dimension de l'humain. Comment font ceux qui en ont pour ne pas y penser constamment ? Comment font certains pour ne même pas y penser du tout ? Elle, cela la réveille au milieu de la nuit, en nage et en larme, sujette à un cauchemar où elle a causé une catastrophe.

— Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait pour Clara d'ailleurs. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si elle n'était pas correctement passée dans la légalité. J'ai déjà un ex trop con qui veut pas se recenser, alors si ma sœur m'avait fait le coup… Je crois que j'aurais hurlé.

Et puis Gaby changea de sujet, sûrement qu'elle voyait bien le malaise de Laura et elle l'en remerciait. Elle détestait en parler, même si elle savait qu'elle avait besoin d'en parler.

— J'ai vu que tu avais ton Ipod, tu écoutes quoi comme musique quand tu cours en général, ça pourrait peut être me donner des idées pour remplir le mien.
— Eh bien, tu vas trouver ça débile mais… La BO des Rocky.

Malgré le changement de sujet, elle n'arrive pas à penser à autre chose que ce qu'elle vient de dire. Son ex, elle a parlé de son ex, elle qui a toujours préféré éviter le sujet quoi qu'il arrive vient pourtant d'en parler. Oh, Gabrielle n'avait pas relevé, sûrement n'avait-elle même pas remarqué qu'elle avait dit quelque chose de spécial. Il faut dire que beaucoup de monde a dû se rendre compte un jour ou l'autre que la personne avec qui ils avaient eu une aventure un jour était en réalité un mutant, mais ce n'était pas pour cela que Laura allait soudainement se mettre à en parler librement de ce sujet qui avait tendance à la gêner. Plus, bien plus que d'avoir une sœur inhumaine. Non, ça elle pouvait encore l'accepter et l'assumer, mais elle avait bien plus de mal à se dire qu'elle avait pu tomber amoureuse de l'un de ces gens. Encore qu'il n'avait pas de pouvoir, aux dernières nouvelles du moins. Elle soupira lourdement. Ça ne retirait rien. C'était peut-être même pire.

— Ah oui, c'est pas mal comme bande son, je dois en avoir une ou deux comme Eyes of The Tiger. C'est bien dans les bandes sons de Rocky, ça, non ? Et tu n'as que ça ? Je veux dire, tu as des chances rythmées aussi, je suppose ?
— Eh bien, après c'est assez classique. Des musiques pop du moment, quelques autres. Pas mal de musique de Beyonce à l'époque des Destiny's Child aussi. Sinon, rien de spécifique. J'essaie juste de trouver des musiques qui ont un bon rythme. Et oui, Eyes of the Tiger est la musique phare de Rocky III.

Elle se tait pendant quelques minutes, continuant son effort encore peu important. Est-ce qu'elle a vraiment envie de lui parler de son ex ? Elle en sent comme un besoin mais a peur de ce que Gabrielle pourrait dire. Bien sûr, Laura ignorait tout des activités de son ex au moment où ils avaient été ensemble mais la réalisation avait été brutale et surtout très dure à avaler. Elle n'en avait jamais vraiment parlé à quelqu'un, sauf Clara qui avait été là quand elle l'avait appris. Elle en avait honte, en quelques sortes. Alors même qu'elle n'avait rien su et n'y aurait rien pu.

— Eh, Gaby… Tu vois cet ex que j'ai mentionné y a quelques minutes ?

Elle a juste dit qu'il n'était pas recensé, encore une raison d'avoir honte de son ex. Elle était sortie avec un danger public, une personne qui les mettait aujourd'hui tous en danger. Elle avait besoin de conseils à vrai dire, elle n'avait plus reparlé à cet ex mais il lui était arrivée de repenser à lui. Bien sûr, c'était normal, c'était son ex, mais elle ne voulait pas penser à lui. Peut-être Gabrielle saurait l'aider. C'était idiot, la plus vieille qui demandait à la plus jeune des conseils pour oublier son ex. Elle espérait que ça ne ferait pas ça avec les prochains, car il y aurait sûrement des prochains, c'était à n'en pas douter.

— Eh bah cet ex, c'est un Avengers. Et je le sais depuis… un moment. Après notre rupture mais un moment quand même, et je ne sais pas trop quoi en penser, tu vois ?

— Un Avengers ? T'es sortie avec Captain America ?

Laura laisse échapper un petit rire amusée en l'entendant tenter de deviner l'Avenger avec qui elle était sortie. Oh, sortir avec Captain America aurait été quelque chose à part, c'était certain. Un instant elle s'interrogea sur le genre de vie qu'elle aurait pu mener avec lui. Aurait-il était doux avec elle ? Ou câlin ? Détaché, peut-être ? Lui aurait-il dit qui il était, ce qu'il faisait, sans jamais rien lui cacher ? Aurait-elle eu un avis différent sur les mutants et les optimisésà l'heure qu'il était ? Serait-elle de son côté à se battre pour leur cause, contre la loi ? Toutes ces interrogations n'avaient pas lieu d'être mais en amenaient une autre, plus réelle, plus importante. Est-ce que son ex avaient quelque chose à voir avec son opinion actuelle sur le Registraction Act ? Est-ce que le ressentiment qu'elle avait à leur égard n'était pas un ressentiment à l'égard de son ex seul ? Elle s'était parfois posée la question sans jamais vouloir y répondre, la repoussant au plus profond de son esprit. Si réellement elle n'était dans cette position politique actuelle qu'à cause de Clint, cela voudrait dire que ce serait un faux opinion guidé par le ressentiment. Et ce serait alors toute une remise en question qu'il faudrait faire, et elle n'était pas prête pour cela. Elle ne serait jamais prête pour ce genre de questionnement interne, cela lui faisait trop peur. Et si elle se rendait soudain compte qu'elle n'aimait pas la personne qu'elle était ?

— J'aimerai que ce soit aussi notable mais malheureusement non. Ou heureusement vu les événements actuels. (Elle arrêta quelques instants de courir pour attraper sa bouteille d'eau qu'elle avait laissé par terre.) Je suis sortie avec Hawkeye, tu sais celui avec des arcs et des flèches. C'était avant qu'il ne fasse partie des Avengers, je pense.

Penser, voilà le mot qui convenait parfaitement car tout cela elle ne pouvait que l'assumer. Elle n'avait rien su des activités de son ancien petit ami. Pour elle, il faisait un métier comme les autres, était une personne on ne peut plus respectable qui n'avait rien de différent du reste de la masse New Yorkaise. Ils avaient été un petit temps ensemble, assez pour avoir commencé à vivre dans un appartement en commun. Elle était moins célèbre à l'époque, n'avait pas sa propre émission à elle. C'était plus tranquille, pourtant elle n'était pas si mal désormais, seule dans son propre appartement. Au moins elle ne pouvait pas avoir peur que quiconue la trahisse pour qui sait quelle raison.

— Je ne savais pas qu'il était agent du SHIELD. Au début je m'en foutais à vrai dire. J'étais amoureuse et donc aveugle, enfoncée dans ma petite vie normale et occupée parce que je tentais d'avoir un minimum de carrière. Il avait des horaires impossibles. Des fois je ne le voyais pas pendant des jours. J'ai fini par penser qu'il me trompait, j'avais même trouvé quelques petites preuves par-ci par-là. Alors je l'ai foutu dehors et je ne l'ai plus jamais revu. Enfin, jusqu'à ce qu'il nous sauve ma soeur et moi, sûrement sans le savoir, lors de l'attaque de Manhattan. C'est là que j'ai compris qu'il cachait plus qu'une maîtresse, et je l'ai détesté pour ces mensonges. Je ne sais même pas s'il me trompait ou pas, peut-être que ce que j'ai pris pour une infidélité était en fait son boulot. Je n'en sais rien.

Et elle ne comptait pas spécialement le revoir d'ailleurs. Elle n'avait pas envie de l'entendre se répandre en excuse, de le voir se gratter le crâne avec gène en tentant de se dédoiner de ses actions. Pour elle, il était coupable de toute façon. Et puis, il était un hors-la-loi désormais.

— Mais ça me fait un peu bizarre de le savoir, tu sais ? Est-ce que je devrais le contacter pour tenter de le faire se rencenser ? Est-ce que ne pas tenter, ce n'est pas un peu me rendre complice ?

— Je pense que depuis le temps, il a du t'oublier tu sais. Je ne sais pas combien de temps cela à durer, mais de toute évidence, assez longtemps pour que cela te tracasse encore aujourd'hui. Mais tu ne devrais plus y penser, tu devrais tourner cette page. Clint Barton est un grand garçon qui fait ce qu'il veut de sa vie. S'il veut vivre en tant que hors la loi, elle finira par le rattraper qu'il le veuille ou non. Tu n'es sans doute pas la seule à le connaître, alors crois moi, certains lui ont peut être fait la réflexion pour toi. Moi, je sais que si j'étais mutante, je me serais fait recenser parce que cela voudrait dire que je n'ai rien à cacher aux yeux du monde entier. Ils devraient tous penser la même chose d'ailleurs, sauf certains peut être, mais justement c'est ceux-ci que l'on veut, ceux qui sont dangereux pour qu'ils soient jugés. Mais bon, je pense que tu ne devrais pas te tracasser pour lui, vraiment.

Elle a totalement raison, et Laura le sait parfaitement mais elle ne peut s’empêcher de douter. N’est-il pas de son devoir de tenter son possible pour faire respecter la loi en tant que citoyenne ? Elle ne faisait bien sûr pas partie des forces de l’ordre, mais n’était-il pas de son devoir, en un sens, de faire son possible à son échelle ? Etait-ce tout simplement ses affaires ? La question le retournait parfois, elle se demandait où commençait la complicité de crimes. Elle savait que de ne pas prévenir les forces de l’ordre d’une situation illégale était de la complicité, mais ne pas tenter de faire changer quelqu’un d’avis en était-il ? Elle s’interrogeait, mais elle ne posa pas ses questions à son amie avocate, elle les trouvait un peu trop idiotes et inutiles. Elle ne pourrait rien faire, elle le savait au fond d’elle.

— Tu as raison. C’est juste tellement étrange. Ma sœur est une inhumaine et mon ex un Avenger. C’est comme si le monde autour de moi ne tournait qu’autour de ces plus qu’humains et c’est… C’est un sentiment étrange, tu vois ce que je veux dire ? Comme si le monde envoyait un message que je ne comprenais pas et… Non, tu sais quoi, je crois que je deviens parano. Il faudrait que je reprenne mes séances avec le psy.

Elle en avait vu un pendant quelques temps un spécialiste pour se remettre du traumatisme causé par l’attaque extraterrestre. Elle avait fini par arrêter quelques mois plus tôt mais peut-être que cela n’avait pas été une bonne idée,  qu’elle avait encore besoin de le revoir. Le monde dans lequel ils vivaient était dur après tout, et être parano pouvait être normal mais elle sentait qu’elle allait un peu trop loin, qu’elle voulait un peu trop en faire, plus qu’elle ne le pouvait. Et ça la rongeait finalement, de ne pouvoir rien faire alors qu’elle voulait tant. Etre ainsi incapable, sentir l’impuissance.

Elle soupira et resta silencieuse un bon moment avant de finalement arrêter ce qu’elle faisait, les idées un peu plus claires grâce à l’effort qu’elles venaient de faire toutes les deux. Elle n’en avait pas fait longtemps ce jour-là, mais elle ne s’en sentait pas l’envie de toute façon. Elle compenserait en faisant un peu plus lors de son prochain jogging. Elle essuya la sueur sur son front avec la serviette qu’elle avait amené avant de sourire à son amie près d’elle. Elle regarde son téléphone professionnel, trois nouveaux messages l’y attendent.

— Merci de m’avoir amenée là en tout cas. Ça fait du bien de faire un peu de sport. Je vais devoir te laisser, je crois que je suis attendue alors je vais devoir te laisser. On s’appelle pour un repas, un de ces soirs ?

Il va falloir qu’elle file, le boulot l’appelle, sûrement quelque chose à tourner en dernière minute. Elle salue son amie avant de filer, elle doit encore passer chez elle pour mettre quelque chose qui ne serait pas plein de sueur. Elle ne sait pas qu’elle n’arrivera jamais à se changer, qu’on lui tombera dessus avant qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit. Que quelqu’un d’autre présenterait son émission, téléphonerai à ses parents ou manger avec ses amis.

Mystique n’avait pas pensé prendre la présentatrice. Elle avait voulu avoir une plus forte influence, devenir l’avocate. Mais entendre Laura parler lui avait fait changer d’avis, elle en avait appris beaucoup et suffisamment pour prendre sa place. Et finalement, ne valait-il pas mieux tenter de changer les avis via ce qu’ils regardent tous les jours, plutôt que par des procès auxquels ils ne s’intéressent même pas la plupart du temps ? Non, elle avait trouvé mieux, une façon plus discrète et vicieuse de se battre. Mais toujours une façon de se battre tout de même.