Reagan avait réussit un joli tir ciblé. Il avait pris un énorme risque en choisissant une telle démarche. S’en prendre à la petite brune pour détourner l’attention de l’asiatique était la meilleure solution qui lui était venu à l’esprit. Faire en sorte qu’elle retire ses griffes de sa gorge, qu’elle lui donne un tout petit peu d’espace pour qu’il puisse tenter quelque chose. Se détacher, libérer Stevenson ? Il tenterait n’importe quel mouvement pour venir à bout de cette mission. Aussi fumeuse était-elle. Récupérer Stevenson. En vie, accessoirement. Il avait pourtant tenté de rendre les choses moins compliquées. Il leur avait donné le choix. La balle dans l’épaule de la brunette, c’était un dommage collatéral. En tout cas c’est ce qu’il se dirait probablement quand le moment des états d’âme ferait son entrée. Est-ce que certaine situation justifiait de tirer sur des personnes désarmées ? C’était là tout le débat. Les optimisés, mutants ou peu importait leur nom étaient des armes à part entière. Le jeu était faussé d’avance. Reagan assista alors à une expérience plus que surnaturel. La petite brune se remettait à gémir et l’ancien soldat resta stupéfait en réalisant que la balle venait de ressortir de son épaule. Bordel de merde ! Mais dans quel situation foireuse était-il venu se foutre ? Une meuf se prend une balle et celle-ci ressort par la grâce du saint esprit ? Évidemment, il se doutait que des pouvoirs qu’il ne comprenait pas encore était à l’oeuvre.

Il releva la tête vers un coin sombre en entendant des bruits de gravats s’écraser sur le sol. Il plissa un peu les yeux pour apercevoir une nouvelle silhouette qui faisait son entrée dans la partie. À première vue, il lui semblait qu’il s’agissait d’une forme aux allures féminines. Il en a la confirmation lorsqu’il entend sa voix. L’entrée est plutôt théâtral et Reagan se demande un instant s’il n’est pas en train de rêver, une caméra cachée peut-être ? Les choses deviennent de plus en plus irréalistes. Qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez ces gens-là ? Peut-être que c’était son monde qui ne tournait plus rond. Peut-être était-ce lui qui allait à contresens du courant. Du haut de son promontoire, elle se présentait à son auditoire. Black Cat. Jamais entendu parlé. Elle s’adressait principalement aux deux autres « spéciales », il en déduisit qu’elle devait probablement en être elle aussi. Il avait tout de même du mal à comprendre quel lien pouvait bien les associer. Il serra les dents en l’entendant le comparer au chien-chien de Stevenson. Il n’était clairement pas fan de ce genre de comparaison. Il ne rendait pas de compte, ou très peu. La seule personne qui pouvait prétendre avoir un ascendant sur lui au sein du Parti était Maxwell, et encore Reagan s’était toujours gardé le droit de refuser tout ordre de mission qui ne lui convenait pas.

Reagan n’avait pas eu le temps de faire la moindre manoeuvre. La substance visqueuse qui le tenait accroché au mur s’étendait trop rapidement, l’empêchant de tenter la moindre démarche pour s’en débarrasser. La situation ne tournait pas à son avantage. Il était largement en infériorité numérique et ses capacités et compétences de mercenaire ne serait peut-être pas suffisante face à trois êtres dotées de pouvoir. Stevenson ? Il était plus ou moins conscient mais pas en état d’être d’une quelconque aide. Oh bien sûr, Nash n’était pas du genre à lâcher l’affaire. Son esprit tournait à 100 à l’heure, analysant tous les éléments qui l’entouraient, tentant de trouver une solution pour se tirer d’affaire. Mais les choses ne faisait qu’empirer. Etreint par la toile gluante, sa main perdait le contrôle de son arme qui tomba entre celle de la chatte. Si Reagan avait parfois des états d’âme, s’il avait parfois des doutes à propos de la politique et des lois qui entourait le problème « mutant », les paroles de la jeune femme était en train de lui remettre les idées en place. Qui qu’elle soit, c’était une personne dangereuse. Dotée de pouvoir, qui plus ait. Une psychopathe qui s’apprêtait à mener une petite séance de torture gratuite. Rien de très plaisant mais il savait qu’il pourrait encaisser. Peut-être que c’était là sa porte de sortie ? La laisser le torturer jusqu’à ce qu’elle se lasse et tenter un dernier coup.

Il fronça les sourcils. Elle le connaissait. Bien sûr, il était officiellement le chef de la sécurité du Parti Collectif mais il n’était pas trop du genre à faire beaucoup d’apparition en publique ni à se montrer beaucoup. Ça lui donnait quand même un avantage sur lui. Face à lui, elle se rapproche. Il la toise sans rien dire. Son esprit est déjà ailleurs. Il se concentre à l’approche de ce qui va lui arriver. Toute son énergie converge dans un même but. Encaisser la douleur. Il ne regarde pas la canon de sa propre arme pointé sur lui, il sait parfaitement que la balle de calibre 8mm va en sortir pour venir se loger dans son corps. Il sait parfaitement quel effet ça fait. Il connait cette douleur. Il a apprit à l’apprivoiser. Ses poings se serre, sa mâchoire se contracte à l’instant où la balle déchire les tissus de sa peau et vient se loger dans son épaule. Oeil pour oeil… Sa vision se brouille quelques instants, envahit par un millier de petites étoiles mais après avoir repris une grande respiration, il reprend ses esprit. Il est entraîné pour ça. La douleur l’abandonne aussi vite qu’elle l’avait frappé. Il reste tout de même immobilisé et le sang qui coule de son épaule pour imbiber ses vêtements n’a rien de très rassurant. Il fallait maintenant qu’il trouve une solution ou il allait finir par se faire trucider et le vice-président avec. Et comme réponse à sa prière silencieuse, une silhouette animale s’élance au milieu de ce joyeux bordel. Un chien errant attiré par le sang ? Non, l’animal semblait plus fin, plus élancé. Un coup d’oeil plus attentif et il remarqua qu’il s’agissait d’une sorte de renard, d’un poil aussi blanc que la neige. La prise d’otage tournait au spectacle de cirque. Ou peut-être qu’il était juste en train d’halluciner, que la balle avait fait plus de dégâts qu’il ne l’imaginait.

Après tout, il vieillissait. Il devait bien l’admettre, il n’était plus aussi résistant qu’avant et son corps avait déjà subit tellement de sévices. La bonne nouvelle c’est que le bestiau semblait s’en prendre à ses assaillantes. La créature qui l’avait précédemment collé au mur subissait à présent les assauts du renard. C’était ensuite la tour de la fameuse Black Cat. Reagan assistait au spectacle, impuissant, tentant de rassembler les forces qu’ils avait encore, contractant tout ses muscles pour essayer de s’extraire du piège dans lequel il était. Il laissa échapper un juron quand le renard se transforma alors en un être humain. Le délire était complet. La douleur devait lui retourner le cerveau. Dans le corps à corps, la chatte noire avait laissé tomber l’arme de Reagan qu’il avait déjà en ligne de mire. Mais la brunette qu’il avait blessé peu de temps avant n’avait pas non plus raté une miette de la scène qui se jouait sous ses yeux. L’arme de l’Uniforme continuait son petit tour de main en main. Ce fut le jeune homme qui fut alors visé et touché à la cuisse. L’avantage de la situation passait d’un camp à l’autre à une vitesse ahurissante. Le garçon était désormais blessé lui aussi. Au moment du coup de feu, Stevenson qui avait plus ou moins retrouvé ses esprits poussa un cri de désespoir. En entendant le nom du garçon, il comprit qu’il s’agissait du fils du vice-président. Celui-ci semblait parfaitement conscient à présent et tentait de résonner leurs assaillantes. Il tentait de s’échanger contre son fils et son employé. C’était plutôt courageux de sa part.

Un millier de questions s’étaient mises à tourner dans la tête de Reagan depuis le début de cette soirée. Il savait pertinemment qu’il n’était pas en position de force. Pensait-il qu’il allait y passer ? Peu importait à vrai dire. Il l’avait dit à la jeune femme plus tôt. Il n’avait rien à perdre. Mais il n’avait jamais faillit dans ses missions jusqu’à présent. En réfléchissant bien, la situation n’était pas si désespérée que ça. Il avait déjà vu bien pire. Pour le moment, personne n’avait encore perdu la vie. Ce n’était pas si mal finalement. Dans un dernier effort, il réunit toutes ces forces et réussit finalement à faire céder la toile qui le tenait au mur. Il tomba lourdement sur le sol. C’est le moment que choisirent les forces spéciales de police pour faire leur entrée et les encerclées. Reagan se laissa rouler sur le dos en lâchant un long soupir. Il savait que la partie était terminée. Sauvé par le gong… Il dégagea son 8mm de sa poitrine pour le pointer sur les mutantes. Dans sa chute, il n’avait pas suivit toute l’action mais alors qu’il se relevait il constatait que la chose avait attaqué un policier assez sévèrement. Tout allait trop vite et tout le monde avait été surpris. Il tenta alors de faire feu mais son arme était enrayée par la glue qui avait envahit le mécanisme. Il profita de la distraction pour se précipiter vers le vice-président et finir de le détacher. Pourquoi la jeune asiatique avait-elle commencé à le détacher ? Avait-elle finalement changé d’avis ? Peu importait. Il fallait désormais mettre Stevenson en lieu sûr. Son fils également.