Aucun plan n'est infaillible... [Laura]

Encore une journée banale dans la vie de Reagan et du parti. Du moins, c’est ce qu’il avait pensé en se levant ce matin. Gérer la sécurité était généralement une tâche plutôt routinière. Surtout quand il n’y avait pas d’apparition publique prévue au calendrier. Pourtant, il sentait bien que la tension était monté d’un cran depuis que toute cette histoire de X1R1 avait été révélée au grand jour. Le communiqué de presse du Parti Collectif avait fait du bruit. Il avait fait renforcé tout le système de sécurité depuis le jour de la publication, que ce soit au QG ou aux abords des résidences des leaders du groupe. Tout était calme pourtant. Trop calme. Avec les années, Reagan avait acquis une certaine expérience des conflits et des comportements des hommes. Des mutants aussi. Évidemment, ce serait un peu extrême de dire qu’il s’agissait de races différentes. Il n’était pas extrémiste. Juste très prudent. Il avait vu trop de civils, de gens innocents payer le prix fort parce qu’une poignée d’individus avait décidé qu’elle était au-dessus des autres. Le pouvoir était toujours une arme dangereuse, que ce soit pour les humains ou les mutants. Il s’en méfiait comme de la peste.

Rejoindre le Parti Collectif avait été une décision plutôt inhabituel pour lui. Il sortait de l’ombre en quelque sort. Quittant son activité de mercenaire, hors-là-loi, pour prendre le parti d’un camp. Lui qui n’avait jamais été que du côté des innocents, il avait finalement pris part à des enjeux politiques en acceptant ce job. Mais après tout ce qui c’était passé ces dernières années, il avait finalement ressenti le besoin de faire plus. Si les contrats ponctuels qu’il accomplissaient de changerait jamais le monde, peut-être que le parti lui, y parviendrait. Et si ce boulot était ce qu’il y avait de plus officiel en théorie, en pratique, la situation était un peu différente. Maxwell Chapman l’avait convaincu d’accepter ce poste et avait rapidement dévoilé sa stratégie à Reagan. Le Parti Collectif travaillait pour la sécurité du peuple, quel qu’il soit. Protéger les faibles dans un contexte où une partie de la population se révélait avoir des capacités surhumaines. Les deux hommes étaient tombés d’accord sur un point, si l’objectif était louable, tous les moyens étaient bons. Et c’était pour cette raison qu’il avait fait appel à lui. Reagan n’avait jamais eu peur de se salir les mains et ça se savait. Il était également droit et inflexible. Professionnel et efficace.

Alors qu’il arrivait au QG du Parti, on l’informa qu’il était attendu d’urgence. Reagan s’était rendu tranquillement dans le bureau de Chapman. Il ne se laissait jamais envahir par le stress, n’agissait jamais par précipitation. Si ça se trouvait, Maxwell surréagissait simplement au sujet de la sécurité de Milo Stevenson ou alors sa fille Gabrielle avait encore fait faux bon à son garde du corps. Ce n’était finalement ni l’un ni l’autre. Un rapport d’Arès rapportait des comportements suspects d’un mutant qu’ils avaient dans le collimateur. Ce n’était pas d’un haut niveau de danger, un élément isolé. Une épine dans le pied de l’ancien mercenaire et dont il devrait s’occuper rapidement avant que ça ne devienne un véritable souci. Une petite séance d’intimidation devrait être suffisante. Un entretien musclé réglait généralement la plupart des problèmes. Reagan était donc descendu discrètement au parking. Il laissait là sa voiture « de fonction ». L’entrée étant surveillée 24h sur 24 par des vigiles, il était quasiment certains que personne ne viendrait y mettre le nez. Seuls les employés du parti s’y garaient et lui passait assez inaperçu parmi eux.

Il ouvrit le coffre derrière lequel se trouvait plusieurs rangées de tiroirs sécurisés. Une manipulation précise en ouvrit un. Il observa attentivement son contenu, réfléchissant pour savoir lequel de ses jouets serait l’outil le plus adéquat pour sa mission. Il avait besoin de quelque chose de discret, pas trop encombrant mais qui restait tout de même intimidant. Officiellement la sécurité était équipée de tazzer. Reagan avait dans son coffre de quoi mener une attaque contre la maison blanche à lui seul. Il sorti un Beretta 9mm et l’observait quelques secondes. Il adorait ce flingue. Modèle Parabellum, une pure merveille. Mais le poids et l’encombrement ne faisait pas de ce bijou le pistolet adéquat. Il agirait en ville, il fallait quelque chose de plus discret. Avec le Glock 21 il aurait une puissance de feu acceptable mais avait-il réellement besoin d’un modèle aussi efficace. Le Sig-Sauer P220 tenait dans la poche de son jean. Mais son barillet ne permettait qu’une réserve de six balles. Si quelque chose devait arriver, c’était peu. Il le glissa tout de même dans son pantalon. Il ne laissait pas de place au hasard dans ses missions. Quand on était bien préparé, il n’y avait pas de raison que les choses dérapent.

Reagan avait pris soin d’étudier le terrain. La planque du mutant ne se situait pas très loin du quartier du QG. Coïncidence ? Il n’y croyait qu’à moitié. Gardez vos amis près et vous et vos ennemis encore plus. Il connaissait absolument toutes les rues adjacentes, chaque porte du bâtiment, chaque bouche d’égout. Les entrées, les sorties. Il n’avait rien laissé paraître devant Maxwell, mais cela faisait un moment qu’il court-circuitait les informateurs d’ARES pour savoir où ils en étaient. Les informations sur la plupart des ennemis du parti, il les connaissait déjà. Il avait bien fait ses devoirs. Mais il n’en informait pas ses « supérieurs » pour autant. Pas systématiquement. Chaque action devait être réfléchie. Il n’était pas question de partir en raid pour se débarrasser du moindre bougre qui osait hausser le ton face au Parti ou qui ne partageait simplement pas la même opinion. L’ARES faisait ça très bien. Lui, il avait plus de réticences. Il était clair que ses méthodes pouvaient parfois être discutables. En tant qu’ancien mercenaire, il était déjà allé très loin. Mais généralement, c’était rapide, efficace. Il n’était pas pour la torture et ne prenait aucun plaisir à faire du mal aux gens.

Lui, ce qui le faisait avancer, c’était la justice, la morale. Humain, mutant, finalement là n’était pas la question. Son combat, c’était aux innocents qu’il le dévouait. Les faibles. Ceux qui n’étaient pas en mesure de se défendre seuls. Malheureusement, le contexte actuel des choses rendait tout de même les mutants et autres optimisés, « supers » et tant d’autres au coeur de son problème. C’était une évidence, la plupart des gens qui se voyaient octroyer un pouvoir que ce soit naturel ou pas, l’utilisaient à mauvais escient. Il ne voulait pas et ne devait pas mettre tout le monde dans le même sac mais les faits parlaient d’eux-mêmes. C’était le plus souvent les civils, humains tout ce qu’il y avait de plus normaux qui payaient les pots cassés. Lui était là pour éviter les dommages collatéraux. C’était ce qu’il avait toujours fait en tant que mercenaire. Il se débarrassait de personnages à la morale douteuse, des gens qui profitaient de leur position au détriment des minorités. Et si ses intentions avaient toujours été louables, les moyens qu’il mettait en oeuvre n’avaient pas toujours été des plus catholiques. Après un certain nombre d’années, il était revenu dans le coin de New York. C’était là qu’il avait rencontré Maxwell et que ce dernier l’avait convaincu que leurs intérêts convergeaient vers la même chose.

À lui tout seul, il était incapable de changer le monde. Mais le Parti Collectif pourrait peut-être faire avancer un peu les choses. Et quitte à devoir passer par des chemins contestable, autant que ce soit lui. Dans sa position, il avait au moins un aperçu des mouvements de chacun. Il recevait des ordres certes, mais il était le seul à décider de leur exécution au final. Ce jour-là, malgré les inquiétudes de Chapman, il était plutôt serein. Le mutant en question n’était pas classé comme faisant parti des plus dangereux. D’ailleurs ce n’était pas l’expression de son pouvoir qui inquiétait l’Uniforme et l’ARES. Ce type s’était mis en tête de donner une leçon à l’espèce humaine et au Parti Collectif en particulier. Infecté par le X1R1, il avait décidé de contaminer des civils humains au hasard comme acte de protestation au Registration Act. Une manière de leur rendre la monnaie de leur pièce. En tout cas, c’est ce que ce figurait Reagan. Depuis la découverte du virus, ce genre d’initiative devenait de plus en plus courante. Trop. Heureusement pour lui et pour les pauvres innocents à qui il voulait s’en prendre, ce gars-là était un mutant isolé. Pas d’organisation, pas de complices. Plus facile à repérer parce que mal organisé. Et plus facile à neutraliser en toute discrétion.

Il aurait très bien pu faire appel au Shield. Cela faisait parti de leur domaine de compétences après tout. Mais il ne leur faisait pas confiance. Bien sûr, ses contacts étaient d’anciens frères d’armes avec lesquels il avait servi en Irak. Des gars loyaux. Mais comment être sûr du sens dans lequel se tournait leur allégeance. Il ne pouvait faire confiance à personne. C’était symptomatique. Il s’était donc rendu seul dans l’entrepôt qu’il avait repéré auparavant. Il avait bien des gars sous ses ordres mais il préférait les assigner à la sécurité du parti par les temps qui couraient. Il pouvait bien se charger de sa tout seul. C’était de la routine pour lui. Il s’était garé dans une petite rue, avait enfilé une paire de gants noirs et réexaminé son plan consciencieusement. Il avait saisi un fusil d’assaut léger. Une arme précise à distance. Seulement chargée d’un puissant sédatif. Il ne prenait pas de risque avec les mutants, les doses étaient plutôt chargées. Son but n’était pas de tuer. Il devait écarter la menace et faire en sorte d’intimider assez l’homme pour le dissuader de recommencer. Et s’il pouvait tirer quelques informations, c’était du bonus. Son Sig-Sauer était toujours glissé à l’arrière de son pantalon. On était jamais trop prudent.

Il passa la lanière du fusil autour de lui et commença à grimper le long d’une échelle de secours. Il avait repéré une fenêtre ouverte qui donnait sur une sorte d’étage. Un endroit parfait pour pouvoir atteindre sa cible et rester à couvert par la même occasion. Le seul point négatif était qu’il ne disposait pas de vraie issue de retrait en cas d’échec. Il faudrait qu’il se mette volontairement à découvert pour sortir du bâtiment ou il se retrouverait piégé comme un rat. Il commença à s’installer derrière de vieilles caisses de transport. De là où il était il pouvait apercevoir l’entrée ainsi que quelques tables sur lesquels il arrivait à discerner de nombreuses boîtes dont l’une était ouverte. Elles contenaient des seringues, probablement achetée en gros sur internet. Bon sang, il détestait internet. Il ne lui restait plus qu’à attendre l’arrivée de son gibier et il savait qu’il ne tarderait pas.