Stressed out [Wong & Noah]

Cette nuit avait été étrange. Régulièrement, Noah se réveillait avec la sensation d’être de retour chez lui. Et puis, le plafond, les odeurs, les bruits et les meubles le ramenaient à sa réalité. Le lit était confortable et malgré l’ambiance étrange que le jeune homme n’arrivait pas tout à fait à expliquer, il se sentait en relative sureté dans cette maison. Le sorcier rencontré la veille semblait inoffensif et sa femme était douce et aimante. Malgré la journée incroyablement stressante de la veille, il s’était endormi comme une masse dès que sa tête avait touché son oreiller. Si le lit n’avait pas été confortable, Noah était certain que cela aurait eu le même effet. Le matelas ainsi que les oreillers étaient bien plus agréables que ceux de chez ses parents et quand le soleil filtra à travers les rideaux, il dû se convaincre de se tirer hors du lit. Il portait un pyjama bleu et il découvrit, pliés sur une chaise dans un coin de la pièce, des vêtements. Il fronça les sourcils et se leva pour s’en approcher en essayant de faire le moins de bruits possibles. Il déplia le pantalon et se rendit compte que, étrangement, c’était à sa taille. Pourtant, le sorcier Stephen et sa femme Cléa n’étaient pas aussi grands que lui… Il s’habilla néanmoins et s’assit sur le lit, incertain de comment procéder. Dehors, le bruit des voitures et l’agitation de la ville avait repris et il se sentit presque un peu déçu que tout semblait se passer comme si rien de tragique ne s’était déroulé.

Pourtant, malgré une nuit de sommeil, Noah se sentait courbaturé. Comme s’il avait juste commencé la saison des récoltes et qu’il avait fait, toute la journée, des aller-retours et portés des objets lourds à bout de bras. Chaque muscle, articulation et tendon semblait grincer des dents quand il bougeait. L’angoisse sourde qu’il n’arriverait pas à trouver Samuel ou à rentrer chez lui était distante mais bien là. Il avait l’impression qu’avec la gentillesse du couple, il retrouverait le peu de courage dont il pouvait faire preuve, parfois.

La chambre était assez classique. Un lit, des tables de chevets avec des lampes électriques, une armoire et un petit bureau en bois. La chambre devait servir de chambre d'amis certainement. En s'approchant de la fenêtre, Noah jeta un coup d'œil. La grande rue en bas voyait défiler voitures et passants à un rythme régulier. Un léger bruit réveilla le rouquin de son hypnose passagère... Il se redressa, arrangea ses cheveux en arrière et se tourna vers la porte. Il s'en approcha et l'ouvrit doucement pour regarder dehors. Bizarrement, surprendre quelqu'un dans son quotidien, dans sa maison, le dérangeait. Il n'avait pas envie d'embêter ses hôtes.

Il fronça les sourcils. Il devait avoir été bien fatigué la veille car il avait du mal à reconnaître le couloir. Il sortit de la chambre en regardant autour. Diverses portes, des tables avec des bibelots et des petites bibliothèques... Il s'approcha des escaliers. Une série de marches montaient tandis qu'une autre descendait. Il était à un étage intermédiaire. Il se pencha au-dessus de la rampe pour observer l'étage du dessous et surtout, écouter. Noah n'avait pas envie de déambuler seul dans cette maison. Il aurait l'air d'un mal poli, ou pire, de quelqu'un avec de mauvaises idées derrière la tête. Il trouvait ces marches étranges et se redressa un instant pour regarder tout autour. Le jeune homme se souvenait avoir grimpé des marches avant d'aller se coucher mais la courbure et le nombre qu'il voyait devant lui ne correspondait pas vraiment à ce dont il se souvenait. Il avait dû être beaucoup plus fatigué qu'il ne le pensait la veille...

Noah observait les escaliers lorsqu'il vit un chien aux poils blonds monter les escaliers. Il s'approcha de lui et se mit à le renifler tout en agitant la queue. Cela faisait déjà deux chiens. Hier, Cléa en avait un, un chiot en fait. Noah se rendait compte à quel point les citadins aimaient avoir des animaux à l'intérieur des maisons. Quelque chose que son père n'aurait jamais vraiment permis, arguant que les chiens, c'était fait pour vivre dehors car leur pelage leur permettait de résister aux basses températures. En même temps, les animaux qu'ils avaient à la ferme étaient boueux et sales et auraient ruiné les tapis et les sols de leur maison. Mais celui-ci semblait très propre et bien domestiqué. Noah tendit la main pour lui caresser la tête lorsqu'une voix le fit sursauter. C'était un homme asiatique d'une corpulence bien plus épaisse que Noah mais qui était bien dix centimètres plus petits que lui. Noah se redressa d'un coup et observa l'homme alors que celui-ci le salua et se présenta. Noah hocha la tête et dit « B-b-b-bonj-j-our-r, ench-ch-chantt-t-té. » il connaissait déjà apparemment son nom. Stephen et Cléa devaient être très riches pour posséder une maison aussi grande et aussi joliment décorée... Noah ne savait pas vraiment s’il aimait le style de la maison. Quelque chose dans les murs, dans l'atmosphère le laissait soucieux. Comme si quelque chose n'était pas à sa place mais qu'il n'arrivait pas à trouver quoi. Pourtant tout semblait normal. Une maison, des escaliers, des portes, des gens dedans qui y habitaient, un chien... Tout semblait parfaitement normal au détail près que le chef des lieux était un "sorcier" quoi que cela veuille dire.

L'homme lui proposa de lui préparer un petit déjeuner une fois dans la cuisine et Noah ne put que bredouiller « M-m-m-mer-r-ci... » tout en tapotant la tête du chien. Il observa les escaliers et ne put s'empêcher de penser qu'il n'avait pas monté autant de marches la veille au soir. En fait, même si les murs et les environs semblaient familier, la disposition semblait différente. Il se frotta un instant les yeux avant de suivre Wong. Il essayait de ne pas trop balader ses yeux, de peur de tomber sur des choses personnelles mais en même temps, sa curiosité naturelle l'interpellait à chaque bibelot et à chaque photographie. Noah se passa une main dans les cheveux et frôla le pansement dans sa nuque. La veille, le docteur/sorcier l'avait emmenée dans un centre bizarre où on avait pris son sang, ses empreintes et où on lui avait mis quelque chose dans la nuque. La présence de l'objet semblait faire écho tout au fond de lui, comme si les ondes de l'appareil résonnaient avec son coeur. Noah ne s'était pas posé plus de questions que ça, pensant que cela était une procédure tout à fait classique et normale... Il ne pouvait pas savoir qu'au dehors, des centaines de mutants lutaient pour empêcher quiconque de leur faire pareil. Il avait compris qu'il y avait un "GPS" dedans, quelque chose qui permettait de savoir où il était. Mine de rien, cette information le rassura. Se perdre sans vers où se tourner et à qui demander son chemin avait été une des pires choses qui lui était arrivé.

Samuel... Son visage poupin apparut soudainement devant ses yeux. Il fallait qu'il prévienne sa mère qu'il ne l'avait pas encore trouvé et elle pourrait peut-être lui donner l'adresse sur l'enveloppe si elle ne s'en était pas débarrassée... Noah s'adressa à l'homme qui s'occupait de la maison « Est-c-c-c-e qu-qu-que j-je p-p-peux t-t-téléph-ph-phoner ? » il savait à peu près comment ça marchait et savait que les gens de la ville pouvaient trouver une adresse ou un numéro de téléphone dans des registres. Il se souvenait d'une espèce de gros volume posé à côté du téléphone de la ville à Blesberg. Il ne savait pas bien si il pourrait trouver le numéro dans un de ces gros volumes mais ça valait le coup d'essayer.

Arrivés en bas des escaliers, le chien et Wong s'engouffrèrent dans la cuisine où Noah avait mangé la veille, en compagnie de Cléa. En arrivant dans l'encadrement les souvenirs de la veille lui revinrent. Le chocolat chaud et l'omelette avaient été délicieux mais le jeune homme ne savait pas bien si c'était seulement les qualités culinaires de sin hôte qui avaient eu cet effet-là, ou simplement l'hôte en lui-même. Noah ne pouvait nier que la femme de son sauveur était d'une beauté assez perturbante avec ses cheveux argentés. La gentillesse avait aussi un effet certain sur le jeune amish qui ne se sentait quand même pas mal perdu dans ce tout nouvel environnement.

Lorsqu'il demanda s’il pouvait téléphoner, il reçut une réponse assez étrange. Se tenant près de la porte de la cuisine, il écouta silencieusement alors que les informations tombaient. Oui, Stephen avait dit être sorcier, et il avait deviné que Cléa devait avoir sa dose de bizarrerie elle aussi... Mais rencontre trois sorciers en moins de vingt-quatre heures lors de sa première sortie de son village, ça faisait quand même beaucoup quand on y pensait. Chose était de constater qu'aucun des trois ne ressemblait à un sorcier et, aucun des trois ne semblait non plus être violent, malveillant ou diabolique. Noah s'imaginait surtout que, comme tout, il n'avait qu'une vision partielle et totalement floue des concepts qui existaient en dehors de sa communauté. Il pouvait voir de très loin à quoi tout ressemblait dans sa tête, mais une fois devant l'objet en question, mille détails s'ajoutaient qui changeaient totalement la donne. Ce matin-là, Noah ne savait pas bien quoi dire. Se savoir dans l'antre du loup, du point de vue de sa paroisse, le mettait mal à l'aise, mais une autre part de lui était rassuré de la gentillesse de ces personnes.

Le jeune homme ne répondit rien et s'installa à la table lorsque l'homme lui servit une assiette d'oeufs et de bacon. L'odeur était très appétissante, surtout parce qu'ils n'avaient pas beaucoup de cochons dans sa ferme et qu'il n'en avait pas beaucoup mangé dans sa vie... Il écouta l'histoire du téléphone, cet engin qu'il avait entrevu quelques fois dans la maison des anciens à Blesberg et imagina l'objet s'animer pour devenir un animal enragé. Soudainement, il n'avait plus vraiment envie de l'utiliser mais l'envie d'entendre la voix de sa mère était très forte. Il hocha la tête alors que Wong l'encourageait à manger avant que tout ne refroidisse. Il prit un morceau d'œuf et de bacon et mâcha alors qu'il réfléchissait. Ses yeux étaient perdus dans son assiette et on pouvait presque sentir les rouages de son cerveau s'activer.

Il commenta « C-c-c'est t-t-très b-b-bon... » il tenta d'esquisser un sourire mais il était préoccupé. Il ne savait pas le numéro qu'il devait composer. Mais il savait ce qu'était un annuaire car on lui avait expliqué pourquoi un gros livre bleu et jaune était posé à côté du téléphone... Il demanda « V-v-vous av-v-vez un-n ann-n-n-nuairr-e ? Jj-je n-n-e conn-n-nait p-pas le num-m-méro... J-j-j-je dois cc-c-ont-t-tac-ct-er m-m-ma fam-mille… » il manqua de rajouter : s’ils veulent vraiment me parler. Il se souvenait du pasteur disant qu’ils allaient débrancher le téléphone pour ne pas que les gens extérieurs corrompent la communauté. Mais il y avait un espoir, minuscule, qu’ils répondent et informent sa mère de où il était. Il n'avait jamais eu à appeler, ni à composer un numéro auparavant et il commençait à se sentir un peu stressé. Il coupa un nouveau morceau qu'il remit dans sa bouche. Le déjeuner était délicieux et il se demandait si la nourriture à New York était toujours aussi bonne, mais son ventre légèrement contrarié à cause de son stress l'empêchait de savourer pleinement et totalement le plat.