When I drink, I think; and when I think, I drink. feat Mouse & Butterfly

Mercredi soir. Je n’ai pas l’habitude de sortir pour aller boire un verre en pleine semaine, mais là, le besoin s’en fait ressentir. J’ai envie de m’aérer, de me changer les idées et pas de rester cloîtrer dans mon appartement à penser à tout ce qui vient d’arriver dans ma vie. Alors ma destination est toute trouvée : je vais dans mon bar préféré, là où j’ai mes habitudes, là où je retrouve mon barman préféré. Mais je déchante vite au moment où j’entre dans l’établissement et que je me rends compte que Lionel n’est pas derrière le bar. C’est son soir de congé peut-être ? Merde ! Je voulais me changer les idées et il m’aurait probablement bien aidé à le faire. C’est avec une mine boudeuse que je m’assoie au bar. Fait chier ! Il n’y a que l’autre connasse vulgaire qui est là. Je ne peux pas la voir celle-là ! Elle va encore mettre trois ans à me servir parce qu’elle aguiche un mec pour avoir plus de tunes. Elle est conne ! Si elle réfléchissait un peu, elle se dirait que moi aussi, je pourrais m’intéresser à elle et lui filer un bon pourboire. Mais non et d’un sens tant mieux ! Je n’aime pas les filles dans son genre. Trop tape à l’œil, trop superficielle.

Je pense que je ferais mieux de rentrer chez moi, le temps du trajet, j’aurai plus vite un verre que si je reste là et au moins ça me coûtera moins cher ! Mais à peine cette pensée se faufile dans mon esprit qu’un whisky apparaît sous mes yeux comme par… magie ? Je lève le regard et regarde à ma gauche : Lionel est là, entrain de servir un autre client. Il m’a servit rapidement et il a fait glissé mon verre jusqu’à moi et avec une dextérité hors norme afin de ne pas me faire patienter. Un fin sourire étire mes lèvres. Ce mec est vraiment sympa. Voilà pourquoi j’aime venir ici. Sauf que la musique habituelle n’est pas au rendez-vous. Cette pop va me faire saigner des oreilles si ça continue. Comme s’il a entendu le fond de mes pensées, Lionel change de musique pour mettre du bon rock en fond sonore. Ha ! C’est bien mieux ! L’autre cruche a bien failli me bousiller ma soirée ! Heureusement que le barman idéal existe !

Il vient à ma rencontre et me il me fait l’un de ses tours de magie qui me fascinent et qui m’énervent en même temps ! Mais comment il fait ?! Là je pense avoir trouvé ! « C'est la maison qui offre le verre. » « Tu avais déjà le billet dans ta main, il était plié ! » J’ai un air victorieux sur le visage. Mais au fond, je sais que ce n’est pas ça, que ce n’est pas aussi simple. « Merci en tout cas. » Je lève mon verre dans sa direction comme pour trinquer et je bois une gorgée. « Comment ça va? C'est rare que je te vois le mercredi. » Il a raison et il me connaît bien malgré notre relation serveur/cliente. Je pose mon verre sur le bar. « Il m’est arrivé un truc dingue. Mais un bon truc ! J’ai retrouvé mon frère. Je sais pas si je t’ai déjà parlé de lui. » Je me suis souvent confiée à Lionel mais parfois j’étais tellement alcoolisée que je ne me souviens plus si j’ai déjà évoqué ce sujet avec lu. Mon grand frère disparu du jour au lendemain depuis dix longues années. Ce frère que je chérissais tant… C’est fort possible que je lui en ai parlé. « Et tu devinera jamais comment je l’ai retrouvé ! C’est son meilleur pote de l’époque et mon ex aussi, qui a déboulé dans ma vie après avoir lui aussi disparu, mais je t’en ai peut-être déjà parlé aussi, je sais plus… Bref, le type arrive comme une fleur, s’excuse à peine comme si j’allais lui pardonner comme ça, d’un claquement de doigt et il m’annonce que mon frère vie chez lui ! T’imagine ! Ca fait je ne sais pas combien d’année que mon frère et moi on vie dans la même ville ! » Je reprends une gorgée, plus longue cette fois. Oui je suis heureuse d’avoir retrouvé Niall et Aidan aussi, mais ils se sont mis dans la merde avec leurs activités illégales, alors je flippe. Sans compter ce que j’ai pu éprouvé à certains moments envers Aidan. C’est compliqué.

« Et toi la forme le magicien ? Tu t’es fait repérer par un agent et tu vas faire un spectacle à Brodway ? » Je le taquine, mais c’est ce que je lui souhaite. C’est un génie. Pas un de ces magiciens qui t’endorment avec leurs tours vu et revu. Lui, il sort des trucs incroyables et je trouverai ça dommage qu’il reste barman et qu’il ne puisse pas montrer son talent à tous. Après tout, la magie c’est une forme d’art et je sais à quel point cela peut être gratifiant lorsque nos œuvres sont appréciés du public depuis que je suis exposée dans la galerie de Max.

Il se met à rire et je souris tendrement. J’ai beau le taquiner, c’est vraiment tout le mal que je lui souhaite. Il devra travailler sur sa timidité avant de monter sur les planches, mais ce n’est qu’un détail. Ses tours sont tellement fascinants qu’il serait rapidement reconnu par la profession et par le public. J’aimerai qu’il puisse vivre de sa passion. « Oui enfin... Il a bien une agence que je rencontre dans une semaine, je dois leur montrer mes talents. » Mes yeux s’agrandissent et pétillent d’enthousiasme. « Vraiment ? Mais c’est génial ! Ils vont t’adorer ! Si ce n’est pas le cas, c’est qu’ils sont des cons et j’irai moi-même leur botter leur cul d’incompétents prétentieux. » Je le penses ! C’est un premier pas vers ce qui doit être son rêve. En le voyant à l’œuvre, ils ne pourront que lui proposer un contrat dans le cas contraire, c’est qu’ils ne savent pas reconnaître le talent lorsqu’on leur met juste sous leur nez.

« Alors ton ex... Il a une copine? Tu as toujours des sentiments pour lui ou c'est fini? » Je suis surprise et je ne le cache pas. Ce n’est pas le fait que Lionel m’interroge qui me surprend, mais la question en elle-même, simplement parce que je n’ai pas de réponse. Je n’ai pas demandé à Aidan si il avait quelqu’un dans sa vie. Mais si je l’avais fait, cela aurait pu paraître étrange, non ? Le sujet ne s’est pas présenté alors si j’avais posé la question, il en aurait pensé quoi ?
Je pose mon verre et porte mon indexe sur mon menton montrant ma réflexion. « Franchement, je sais pas. Je ne lui ai demandé. » Je suis du genre honnête et de toute façon, je ne vois pas pourquoi je mentirais à ce sujet. De plus Lionel a ma confiance, je me confie à lui sur diverses choses. Si j’avais un psy, Lionel en saurait probablement plus que lui à mon sujet. « Après c’était mon premier amour alors je pense que ça laisse des traces… en plus ce fumier s’est tiré sans rien dire donc c’est comme si on avait jamais mis fin à notre histoire. Mais c’était il y a des années. Je ne sais pas si ce que j’éprouve pour lui c’est de l’affection ou que la nostalgie me fait croire que j’ai encore des sentiments pour lui ou encore autre chose. C’est compliqué… » Compliqué. C’est le mot qui convient le mieux à cette relation ou plutôt à ce que je ressens. Ca doit être différent pour lui : il est parti, il savait qu’il ne reviendrait pas alors que moi, je l’attendait. Il a pu refaire sa vie plus facilement. Enfin c’est ce que je pense.

Je fini mon verre et je demande à Lionel de m’en remettre un. Je pose mon regard sur le barman avec insistance : « Pourquoi tu me demandes ça ? Tu te cherches un copain ? Non parce que il n’est pas vraiment fréquentable…» Je veux dire par là que cet abruti est le leader d’un groupe de voleurs, donc une source de problèmes et de danger dont je veux préserver Lionel. « En plus, il n’est pas gay. Tu peux me croire, j’ai fait l’erreur de penser qu’il sortait avec mon frère et ça ne lui a pas plus. » Le souvenir de sa réaction me fait rire. Il s’est défendu fortement d’être hétéro. Comme si il avait des comptes à rendre. Je m’en fiche qu’il puisse aimer les hommes… tant qu’il aime toujours les femmes à côté… soit moi. Je me réprimande mentalement : ces pensées qui viennent malgré moi parasitent mon esprit. Je veux mettre un nom sur ce que j’éprouve pour lui, je veux comprendre. Cependant je n’arrive pas à m’avouer que j’ai peur d’éclaircir ce point, de découvrir quelque chose qui finirait par me faire souffrir.