[Flashback] Dies irae - ft. Gordon

« Vous savez que je ne vais pas pouvoir faire grand-chose contre un téléporteur ? » Pas de réponse valable, juste un c'est les ordres et il faut les suivre. C'est pas avec la gravité qu'on retient ou maîtrise quelqu'un qui peut se téléporter. C'est une question de bon sens. Mais non, on a décidé qu'il fallait que je surveille le puçage alors, je dois surveiller le puçage. On ne m'a à peine donné son nom, et sa mutation. Je ne sais pas qui il est, ni d'où il vient. Son dossier est entre les mains du personnel médical et je n'ai eu accès qu'aux informations rudimentaires. Ce genre de comportement m'irrite un peu, à croire que nous sommes que des numéros de dossier. C'est déjà assez difficile d'accepter de ce faire pucer et ils ne rendent pas la chose plus facile.

D'ailleurs, je ne savais pas que ça relevait du travail d'ARES de surveiller le recensement des mutants. Stephen était là pour le mien mais c'était une situation différente. Là, les mutants viennent de leur plein gré. Vous me direz, un changement d'avis tout ça mais bon, j'ai l'impression que c'est autre chose. Une mise à l'écart, peut-être ? Ou alors, tous les nouveaux doivent en passer par là. Ils auraient pu prévenir avant quand même.

Je passe dire bonjour à l'accueil et on m'indique la salle dans laquelle je dois me rendre. Je frappe avant d'entrer et une odeur d’antiseptique m'agresse les narines. Cet endroit réveille beaucoup de mauvais souvenirs, souvenirs que je préférerais éviter de ressasser. La pièce est tapissée de blanc, à croire qu'on veut que cet endroit soit le plus pur possible. L'infirmière est déjà présente et prépare le matériel. Un frisson me parcourt l'échine quand mon regard tombe sur l'appareil de puçage. Nerveusement, je porte la main à l'endroit où ma puce est logée. Heureusement, je n'aurais plus jamais à revivre ça. L'infirmière me tend le dossier médical de Kurt Wagner et elle sort, lassant entrer le médecin qui va s'occuper de l'opération. Je lui adresse un rapide hochement de tête avant d'aller m'adosser contre le mur du fond pour lire. Je passe en revue toutes les informations contenues dans le dossier. C'est un X-Men, il vient d'Allemagne, il a 27 ans et il est capable de se téléporter. Dans les choses à savoir, il est dit qu'il a le peau bleue mais qu'il porte un inducteur d'images. Je tique un peu, il est donc obligé de se cacher. C'est triste, j'espère pour lui qu'avec le recensement, il pourra sortir sans crainte.

« Mutant suivant ! » Je relève les yeux, fusillant du regard le médecin. Cette manière qu'il a d'interpeller les sur-humains ne me plaît pas du tout. Son ton était sec, violent et clairement, on peut sentir qu'il ne porte pas les mutants dans son cœur. Kurt entre et je souris légèrement quand je remarque qu'il est venu sans son inducteur d'images. Il s'accepte enfin. C'est dans ces moments-là que je me dis que j'ai fait le bon choix de m'engager à ARES pour faire respecter cette loi. Elle a des tonnes de défauts mais quand je vois des mutants qui étaient obligés de se cacher, venir au naturel, ça me donne le sourire et je me dis que c'est un mal pour un bien. « Serait-il impoli de vous demander ce qu'un agent d'ARES fait ici ? » Je suis là en touriste « Je suis juste là pour m'assurer que tout se passe bien »

Le médecin commence à lui poser des questions de routine : comment il se sent, s'il est nerveux, inquiet, ce genre de choses. Kurt s'assoit sur la chaise et je m'approche légèrement tandis que le médecin recule pour préparer la puce « J'ai lu dans votre dossier que vous étiez un X-Man, ça me fait plaisir de voir que l'Institut Xavier a finalement accepté de se plier au Registration Act » Et heureusement, d'ailleurs. Je me serais mal vu faire une descente dans une école pour les obliger à se faire recenser. Lorsqu'il s'agit d'adultes, ça ne me dérange pas, c'est la loi mais avec les enfants, j'ai plus de mal. Je lève les yeux vers le médecin qui me demande de reculer « Prêt ? »

« L'Institut est un sanctuaire pour les mutants, et n'existe que grâce à notre bonne entente avec le gouvernement. Il serait idiot de briser cette entente, même si elle n'est pas vraiment basée sur une confiance mutuelle. » « Les hommes ont peur de ce qui est différent, c'est un fait et ce, depuis la nuit des temps. C'était un véritable pas en avant cette entente, dommage que ce soit fini » Le gouvernement qui protégeait des mutants ne demandant qu'à vivre en paix. Même si cette protection était instable depuis le passage du Registration Act, elle existait et c'était une petite lueur d'espoir. Aujourd'hui, je vois mal comment ça pourrait de nouveaux exister.

Kurt se crispe à l'approche de l'aiguille et je redouble de vigilance. Je ne pense pas qu'il va tenter de s'échapper mais si c'est le cas, je vais devoir réagir vite. De toute façon, comme je l'ai dit, je ne pourrais rien faire s'il se téléporte. Déjà parce que la gravité n'intervient pas dans la téléportation et aussi parce que s'il est à plus de cinq mètres, je suis inutile. Heureusement, la pose de la puce se fait dans le calme. Je souris en voyant le médecin sortir pour aller chercher un papier à l'accueil « Il est parti chercher le papier pour ARES, au cas où vous voudriez vous reconvertir » Il en a pour un moment. Il passe plus de temps à reluquer les femmes de l'accueil qu'à réellement faire son job.

« On entends beaucoup de rumeurs sur votre unité, vous savez. Mais je n'ai jamais entendu de mutant qui s'était fait pucer avec l'un d'entre vous dans la pièce. De quoi les autorités ont-elles peur ? » Je vais chercher une chaise pour m'asseoir face à Kurt, un sourire amusé sur le visage « Ah oui, quels genres de rumeurs ? » Je sais plus ou moins ce qui se raconte mais je suis curieux d'avoir l'avis d'un X-Man. Venant d'un groupe prônant la paix, je suppose qu'on doit avoir une réputation peu enviable. Malheureusement, c'est le cas de certains membres d'ARES, « chasser les mutants » leur fait plaisir. Pour d'autres, comme moi, on veut juste faire respecter la loi et, dans le meilleur des cas, sans violence et par le dialogue.

Cependant, il soulève une question, question que j'ai tout d'abord esquivé mais je vais bien devoir y répondre. Sa remarque était tout à fait vrai, aucun mutant ne s'était fait pucer avec un agent dans la pièce. Enfin, ça arrive dans certains cas mais c'est extrêmement rare. Dans le mien par exemple mais c'est différent. Je ne suis pas un mutant « C'est vrai que c'est quelque chose de nouveau. Je ne vais pas vous mentir, on ne le fait pas pour tout le monde. Seulement pour les personnes « à risques ». Je suppose que vous avez entendu parler de l'affaire Carson ? C'est de ça dont les autorités ont peur. Qu'une telle catastrophe se reproduise. Puisque vous êtes un X-Man, les autorités craignent que le Wolverine débarque ici pour… Vous savez, vous empêchez de vous faire recenser » Ou s'il arrive trop tard, pour refaire un massacre dont il a le secret. Je ne sais pas comment un homme pareil a pu devenir un X-Men, pourtant représentant les mutants pacifistes. On ne peut pas demander la paix quand on tue des innocents à tour de bras, c'est impossible.

« Je vais être honnête avec vous, mes supérieurs m'ont demandé de vous poser des questions sur Wolverine. Vous me répondez ou vous ne me répondez pas, vous choisissez. Je comprendrais que vous ne me répondiez pas ou que vous me mentiez mais je veux que vous sachiez que votre ami a tué des dizaines d'hommes et de femmes innocents et qui, pour la plupart, faisaient juste leur travail. La majorité avait une famille et des amis et votre ami a ruiné tout ça. J'ai besoin d'informations sur lui pour le faire répondre de ses actes devant la justice. Je sais qu'il compte beaucoup pour vous mais, demandez-vous si ça vaut le coup de couvrir un ami qui le sang de 17 innocents sur les mains » Je capte son regard « D'après nos informations, il a fait ça pour sauver une amie à lui qui était à l'origine du kidnapping du vice-président du Parti Collectif et clairement identifiée comme Confrériste. Elle était en train de recevoir la puce, les policiers ne faisait qu'appliquer la loi et ils sont morts pour ça. » Je me recule et je m'enfonce un peu dans mon siège « Je ne suis pas là pour vous culpabiliser, vous n'y êtes pour rien dans cette histoire. Seulement… Si vous avez la moindre information, même minime, pour qu'on puisse retrouver sa trace, je vous en serai extrêmement reconnaissant. »

« Avant toute chose, j'aimerai vous dire que Logan a été privé du titre d'X-Man pour ses actes. Actes que je n'approuve pas pour le moins du monde. J'ai déjà été forcé de tuer, mais ce que Logan a fait cette nuit là était démesuré. Cependant, je ne peux pas vous livrer mon ami, désolé. Et même si je le voulais, je n'ai aucune information sur lui, il a coupé les ponts pour le moment avec l'Institut. » « Bien sûr... » Je suis amer. Incapable de juger si oui ou non, il me dit la vérité, je vais devoir le croire sur parole même si je doute que le Wolverine ait aussi facilement disparu de la circulation. Il a sûrement du contacter l'Institut, prévenir ses proches ou au moins, donner des nouvelles à quelqu'un. Il faut être d'un égoïsme démesuré pour se volatiliser ainsi dans la nature. Ou alors, il a peur et c'est pour cela qu'il n'a rien dit. Aucune idée, les deux hypothèses se valent.

Un long silence s'installe, rythmé par nos respirations. Mon regard se pose sur les marques qui ornent ses poignets. C'est… Gravé ? C'est lui qui s'est fait ça ? J'allais ouvrir la bouche pour lui demander mais il est plus rapide « Vous avez lu mon dossier, donc vous me connaissez, mais je ne sais rien de vous. Ce serait un juste retour si j'avais au moins votre nom, non ? » Des bruits de pas résonnent dans le couloir. Oh non, le médecin est déjà de retour. La dame de l'accueil était malade aujourd'hui ? J'esquisse une petite moue déçue. Je voulais en savoir plus sur le X-Man, des choses qui ne sont pas écrites dans un dossier. La porte s'ouvre en grand et le docteur fourre la papier d'ARES dans la main du mutant, donnant vaguement les explications qui vont avec et finissant par un « Si vous voulez plus d'informations, demandez à l'agent ici » Alors, déjà l'agent, il a un nom et ensuite, c'est dans ton contrat de lui expliquer ce qu'est ARES. Enfin bon, c'est vrai que je suis beaucoup mieux placé que lui pour expliquer en quoi mon travail consiste mais bon, un peu de politesse, ça n'a jamais tué personne « Venez, Kurt, je vous raccompagne et si vous avez des questions en chemin, n'hésitez pas »

On traverse les couloirs immaculés et sentant l’antiseptique. Je fronce le nez, je déteste cette odeur chimique. Malheureusement, elle est partout dans ce centre. A croire que c'est la nouvelle eau de toilette préférée des médecins et que c'est la condition sine qua non si on veut travailler ici. On déboule enfin dans le hall d'accueil et je me rends compte que je ne me suis toujours pas présenté « Au fait, je m'appelle Gordon Kent ou Newton, quand je suis en mission, même si Gordon, ça suffit. Hum… A part mon nom, je ne sais pas trop quoi vous dire d'autre pour me présenter. » Je lâche un petit rire gêné. Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire d'autre et qu'est-ce que serait digne d'intérêt ? Je n'ai jamais été très doué pour les présentations.

Des éclats de voix se font entendre en provenance de l'accueil. Quelqu'un s'énerve et commence à hurler contre les personnes travaillant derrière le comptoir. « Attendez, je reviens » Je me dirige d'un pas décidé vers la personne responsable de tout ce raffut « ARES ! Monsieur, je peux savoir ce qu'il se passe ? » « C'est une honte ce que vous nous faîtes subir, vous irez tous brûler en enfer ! » Instinctivement, j'active un champ gravitationnel autour de moi pour me protéger en cas d'attaque frontale. Et j'ai bien fait. Presque instantanément, l'homme devient fou de rage et, de son bras devenu métallique, il frappe de toutes ses forces dans ma direction. « Monsieur, s'il-vous-plaît, calmez-vous ! Ne m'obligez pas à employer la force contre vous » Il tourne la tête et je suis son regard. Il se désintéresse complètement de moi et d'un pas lourd, il se dirige vers le X-Man. Merde ! « Kurt, dégagez de là ! »