Bad Day [Tony & Loreine]

Bad Day

Anthony E. Stark & Loreine Marchand

Je refuse de quitter mon bureau. Après l’attaque terroriste lors de la manifestation anti-mutants, j’ai décidé de prendre une semaine de congé afin de me remettre de mes blessures sans que personne ne soit au courant de ce qui m’étais arrivé. C’est la curiosité qui m’avait amené zyeuter quelques instants cette manifestation et j’ai été pris par surprise comme tous les autres pauvres innocents de cette tragédie. J’ai été touché par balle à l’épaule. Je pensais bien y rester, étant incapable de trouver du secours à la suite de l’explosion du siège social du Parti Collectif. Mais heureusement, Clint Barton et Laura Miller étaient présents pour m’aider à convaincre ces policiers qu’il fallait me conduire à l’hôpital sur le champ. Même si cela fait une semaine maintenant et que je suis tiré d’affaire, j’ai toujours mal à l’épaule. J’ai refusé tout traitement antidouleur, de peur de devenir accro par la suite. Je sais, c’est un peu stupide, mais je n’arrive pas à me faire à l’idée que ces pilules sont anodines et pour mon bien. Je ne peux pas me défiler éternellement. Je suis donc de retour au travail, malgré l’irritabilité que me cause la douleur qui se manifeste de temps à autre. Ajouter une autre semaine de congé sans raison aurait été trop suspect et c’est une chose que je veux éviter par-dessus tout. Je suis encore la petite nouvelle. Je ne souhaite pas qu’on croit que je dispose de privilège de la part du patron. Ne voulant pas que l’on remarque en plus mon attitude particulière, je reste enfermée dans mon bureau, même durant les heures de pause. Lorsque le téléphone sonne, je m’assure d’être bien calme avant de répondre pour ne pas faire transparaître dans ma voix que je suis épuisée et impatiente. Tout semble aller mieux que je ne l’anticipais ce matin. Le téléphone n’a sonné que deux fois et c’était pour des cas mineurs. Je peux donc me concentré presqu’à cent pour cent sur mon projet de réaménagement des étages inférieurs de la Avengers Tower. Puisque je repars pratiquement de zéro pour le changement de décor, il y a beaucoup de travail derrière. Cette tâche qu’on m’a confiée me plaît énormément. Je suis donc très investie dans ce que je fais et j’ai déjà en tête exactement ce que je veux en faire. Si je me souviens bien, la présentation des plans est due pour jeudi prochain. Si je n’avais pas été ainsi blessée et obligée de prendre une semaine de congé, tout serait déjà près pour la réunion. Hors, je dois redoubler d’ardeur et rattraper mon retard.

C’est la pause du midi et je me contente d’un café et d’une salade préparée par mes soins que je mange seule dans mon bureau. Je suis penchée sur mon écran d’ordinateur tout en mâchant la salade. Je n’entends pas les coups contre ma porte, je ne réponds donc pas à cette personne. Elle entre quand même et en retirant ma tête de devant l’écran pour prendre une nouvelle bouchée, je passe bien près de faire une crise cardiaque en voyant Tony devant moi. Le léger sursaut que je fais me cause une salve de douleur à l’épaule et j’ai pour réflexe de poser ma main sur le pansement qui y est toujours enroulé. Je me retiens de ne pas grogner ma souffrance. Je garde mes yeux baissée un moment avant de finalement les remonter sur lui, lorsque je suis certaine que mon regard ne fait plus transparaître mon état physique précaire.

-Désolé, je tiens à terminer ce projet avant jeudi, alors je pense que ça me rend un peu trop à cran.

Il me faut une excuse viable pour qu’il me croie. Mon apparence tout entière est négligée. Mes cheveux sont simplement réunis en un chignon avec quelques mèches rebelles. Je ne suis pas maquillée. Je porte des vêtements peu professionnels, un t-shirt et un jean que je porterai dans mon appartement. Bref, je ne suis pas très présentable devant mon patron. Et pourtant, je sens que l’excuse n’est pas suffisante pour justifier l’exaspération que l’on distingue dans ma voix. Ni mes cernes de fatigue. Je ne ressemble en rien à une personne qui vient de prendre une semaine de congé, ça c’est sur. Cela me fait penser : mais qu’est-ce que Tony fait ici, dans mon bureau, je veux dire?

-Est-ce que je peux t’aider? Je lui demande en tentant de paraître le plus naturel possible.

Sauf que Tony commence à me connaître depuis le temps. Je suis sûr qu’il voit clair dans mon jeu, qu’il sent que quelque chose ne va pas. J’espère seulement qu’il ne va pas me poser des questions qui vont forcément contribuer à augmenter ma frustration. En fait, je pense qu’en ce moment, n’importe quoi pourrait alimenter ma colère causée par cette douleur et ce souvenir de cet homme qui m’a tiré dessus sans la moindre pitié.

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Anthony E. Stark & Loreine Marchand

Je regarde Tony, puis la tasse de café qu’il tient dans sa main, puis à nouveau son visage. Je ne comprends pas ce qui l’amène ici. Il a le droit d’être où il veut dans ce bâtiment puisqu’il lui appartient. Ce que je veux dire, c’est pourquoi entrer dans mon bureau? Je me vois donc dans la nécessité de lui demander. Puisqu’il doit bien y avoir une raison. Peut-être est-ce qu’il doit m’annoncer quelque chose en lien avec le projet d’aménagement. Ou bien c’est autre chose. Et s’il était venu m’annoncer qu’il me virait, que finalement il n’avait pas vraiment besoin de mes services. D’accord, je déraille. Les scénarios catastrophent, ça me connait. Je ne pense pas que mon patron serait tranquillement assit dans mon bureau un café à la main s’il était effectivement là pour me mettre à la porte. Même de la part de Tony ça ne collait pas. Non, il semble soucieux et j’ai l’impression que c’est parce qu’il sait. Ou du moins, il a remarqué que j’avais les nerfs à vif et que j’étais une véritable bombe à retardement. Il me répond finalement qu’il est là par hasard, passant dans le coin. Le nombre de coïncidences entre nous est astronomique. Alors une de plus ou de moins, ça ne changera rien au fait que le destin nous pousse régulièrement à nous rencontrer. Mais pourquoi avoir choisit ce moment précis, monsieur le destin? C’est peut-être pour provoquer mon congédiement. Je dois vraiment arrêter de penser à ça.

Tony m’observe toujours et j’ose soutenir son regard. L’élancement à mon épaule est toujours là et je ne sais pas si je devrais laisser tomber ou tenter de poser ma main dessus au risque d’aggraver la situation. J’ai déjà pris la dose maximale d’aspirine recommandée pour une journée, je dois donc endurer comme ça et laisser une chance à mon bras de se stabiliser par lui-même. De préférence en ne pas le bougeant. Sauf que cela risque d’être difficile dans un contexte de travail, mais pas impossible. Tony me demande si je vais bien. J’espérais ne pas avoir affaire à cette question, mais je ne peux pas le blâmer pour la poser. Le seul problème, c’est que je ne sais pas comment y répondre.

-Oui. Euh, non. Enfin, peut-être.

Peut-être, ce n’est pas une réponse. On ne peut pas aller « peut-être bien ». C’est illogique. Je ne suis pas logique aujourd’hui. Je soupire et je pousse le clavier d’ordinateur sous mon bureau. Je frotte ensuite mon visage de ma main droite, celle qui me rappelle que je n’ai pas mal de ce côté. Je dois au moins lui donner une explication mieux que ça. Aller, je peux y arriver si je me concentre.

-Ce que je veux dire, c’est que…

Ma phrase se termine dans un souffle. Une sorte de soupire d’abandon. Je ne peux pas lui dire ça. Lui raconter ce qui est arrivé. Je sais que je peux avoir confiance en lui, il a maintes fois prouvé que je pouvais remettre ma vie entre ses mains. Là n’est pas la question. Je ne veux pas l’inquiéter, voilà tout. Je ne veux pas qu’il m’ordonne de rentrer chez moi en pensant qu’il va bien faire. Lorsque je suis dans mon appartement, je tourne en rond. J’ai besoin de changer d’air, j’ai besoin de m’occuper l’esprit en travaillant. Je ne peux pas le laisser me faire quitter ce bureau.

-C’est seulement une mauvaise journée.

C’est une épreuve. J’ai besoin de la traverser pour voir si j’en suis capable. Après cette journée, les autres seront plus faciles. Mais ce que je n’avais pas réalisé avant de voir Tony, c’est que je ne suis pas obligé de le faire seule. Pourtant, ce n’est pas comme si j’avais le choix. Je ne veux pas gâcher sa propre journée avec mes soucis. Je sens que je n’ai pas le droit de le faire. Mes problèmes n’appartiennent qu’à moi. Croiser son regard m’apporte le doute encore et encore. Je jongle entre les deux options : lui dire ou non. Et je finis toujours par en revenir au deuxième choix. D’une manière ou d’une autre, il s’agit simplement d’une mauvaise journée, ça s’est vrai. Même si ce qui en découle est beaucoup plus grave que la plupart des gens. Le résultat est le même. Aussi forte est la part de moi qui veut l’avouer à Tony, la part qui ne souhaite pas l’exposer à tout cela est plus forte.

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J’observe Tony, comprenant facilement qu’il tente de faire l’impossible pour saisir ce qui peut bien me troubler. Le voir dans cet état me fait regretter et douter une fois de plus de ma position actuelle, celle de tout lui cacher. Je pense que je peux avoir confiance en lui et qu’il est en mesure de comprendre que je souhaite oublier ce qui m’est arrivé. Il m’a prouvé son ouverture d’esprit lorsque je lui ai avoué ma maladie mentale, alors que nous étions encore en quarantaine après avoir chacun développés le X1R1. Cet autre moment nous a rapproché, je pense. Malgré avoir réalisés tout cela, je garde ma mâchoire soudée. Je ne lui avoue pas mon mal. S’il savait, il me traiterait différemment. Par souci pour ma santé, afin de m’éviter de souffrir davantage. Sauf que je refuse d’être à nouveau celle qu’on doit protéger ou sauver. Aussi généreux et compréhensif est Stark à mon égard, j’ai le sentiment le plus profond de demeurer égoïste et de le tenir à l’écart. Mais pour combien de temps encore? Son insistance, son attitude si fidèle à lui-même, sa seule présence devant moi, fait en sorte que je relâche progressivement les rênes. Ma carapace hermétique ne l’est plus autant. Il y a des fissures qui naissent et grandissent à mesure que je soutiens son regard. L’explosion est presque inévitable. Le faire partir serait la seule solution envisageable pour l’empêcher. Mais tout comme je n’ai pas envie de lui dire, je n’ai pas plus envie qu’il parte et me laisse à nouveau dans ma solitude toxique. Il regarde sa montre et me signal qu’il n’est que midi. Effectivement, il est un peu tôt pour affirmer que la journée est un désastre. Mon excuse était assez boiteuse. Je me pince un peu plus les lèvres afin d’éviter de passer un commentaire spontané. Je ne crois pas que ce genre de chose pourrait me sauver en ce moment. Tony cherche à déterminer ce qui me rend dans cet état. Je le regarde, regrettant un peu plus de le mettre dans cette position. Si je n’étais pas aussi bornée à lui dire, il n’aurait pas besoin de se casser la tête pour deviner. Lorsqu’il me conseille de ne tout simplement pas répondre si mon souci est le téléphone, je me mets a hocher négativement la tête.

-Le problème n’est pas le téléphone.

Ma voix est faible, presque éteinte. Je me racle la gorge pour éclaircir ma voix si je dois parler à nouveau très prochainement. Iron Man persiste, me donnant cette fois des options pour me changer les idées. Je ne peux m’empêcher d’apprécier ses efforts. Je comprends que ça doit être très difficile d’avoir une personne dans mon état en face de soi, surtout lorsqu’elle refuse de se confier. Ça serait tellement plus simple si je lui disais.

-Ce sont de bonnes idées, mais je ne pense pas que ça va m’aider.

Ma voix est certes plus claire, mais mon ton est si grave qu’on ne voit presque pas la différence avec ma précédente intervention verbale. Mon attitude est celle de la tristesse, d’une dépression ou même d’un découragement. Je me sais vaincu par cette situation. Alors, je décide que j’en ai assez. Je soupire lourdement avant de poser sans discrétion ma main sur mon épaule sensible. Je grimace de douleur et on peut le distinguer assez facilement. Ma carapace vient de céder et cela me fait mal de mêler Tony à cette histoire. Mais me retenir de lui dire est une torture plus grande que la douleur silencieuse de mon corps. En fixant la surface habillée de feuilles de papier de mon bureau, je me décide lui avouer.

-Ma malchance a encore frappé il y a une semaine. J’étais parmi les gens présents au moment des attentats contre le siège social du Parti Collectif pendant la manifestation anti-mutants. Je me suis rendu là par curiosité et résultat, on m’a tiré dessus et j’ai été projeté contre le mur d’un bâtiment quand le siège social a explosé… Je ne vais pas bien en ce moment par que mon épaule me fait mal et parce que je fais ces cauchemars horribles dès que je ferme les yeux…

Lui dire ne me fait étrangement pas autant de bien que je le croyais. La douleur est encore là et je grimace toujours autant en frictionnant mon épaule. J’ai été naïve de croire que tous mes soucies s’envoleraient si Tony s’avait.

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À mesure que Tony s’exprime, une pointe de colère grandit. Perturbée par une telle manifestation de mon être, je baisse les yeux. Mais d’où ça peut venir ce sentiment? J’ai l’impression qu’il cherche à me faire un reproche, que c’est de ma faute tout ce qui arrive. Alors que c’est ridicule, je sais qu’il ne pense pas ça et qu’il ne me le dirait certainement pas alors que je suis aussi mal. Sauf que c’est plus fort que moi, je sens la colère monter et finir par empourprer légèrement mes joues. Je me force à observer mes pieds, comme si ça pouvait m’aider à retrouver un peu de lucidité et de calme. Il n’y a pas de raison de s’énerver. Il semble un peu maladroit, cherchant vraiment les mots pour répondre à mes aveux. De mon côté, je lutte également avec mon cerveau pour organiser une réponse concrète, qui justifierait ma présence ici aujourd’hui. La vérité, c’est qu’il n’y en a pas. Malgré la semaine de congé que j’ai pris après l’accident, j’aurais du la prolonger par des vacances maladies aussi longtemps que nécessaire. Sauf que j’ai refusé. J’ai tenu à cacher ce qui m’était arrivé car j’en avais vraiment honte. Et voilà que Tony me reproche de justement l’avoir caché. De ne surtout pas lui avoir dit. La colère qui n’était que naissante finit par m’envahir entièrement. Je relève sur lui un regard sévère et humide. Les larmes s’accumulent de plus en plus à mesure que je le fixe. La douleur dans mon épaule ne contribue pas à calmer mon comportement.

-Comment je pouvais savoir qu’on allait me tirer dessus froidement? Comment je pouvais savoir qu’on voudrait me tuer alors que je n’ai jamais rien demandé? J’en ai marre d’être la faible! D’être la cible facile, celle qu’on peut prendre en otage ou s’amuser à blesser! Je ne veux pas d’une armure, je veux qu’on arrête de s’en prendre à moi!

Je sanglote à présent. Devant mon patron. Les larmes sont incontrôlables et je cache mon visage dans mes mains afin de conserver un peu de la dignité qu’il me reste. Je pleure surtout à cause de frustrations accumulées, plus que par réelle tristesse. Il faut croire que c’est une bonne chose que mes émotions sortent enfin. Sauf que je ne pensais pas que ça serait ici et maintenant. Je ravale un sanglot et j’arrive à me souvenir que je ne suis plus seule dans cette pièce. D’un coup, je réalise que mon attitude pourrait rendre Stark suffisamment mal à l’aise pour qu’il ne décide de me laisser en paix. J’en ai marre d’être dans la solitude.

-Je t’en pris, ne t’en va pas.

La phrase n’est rien de plus qu’un murmure entre deux sanglots. Mais cela me donne un peu plus de contrôle sur mon corps et j’arrive finalement à diminuer l’intensité des pleures. Je frotte mes yeux un instant, afin de les libérer de leur humidité excessive. Cela me fait penser que je n’ai pas mis de mascara ou autre maquillage pour mes yeux ce matin. Cela vient probablement de m’éviter un autre désastre d’apparence, comme ce n’est jamais très élégant de faire couler son maquillage. Je me sens étrangement mieux d’un coup. Peut-être que tout ce qu’il me manquait pour retrouver la paix intérieure, c’est d’enfin laisser libre cours à mes émotions. Je suis certes mieux en apparence, mais mon épaule me fait toujours aussi mal. Me voilà qui grimace à nouveau en bougeant mon bras par inadvertance.

-Tu n’aurais pas un calmant sur toi, par hasard?

Ma voix est rauque de son récent épisode de larmes. Mais à présent que je réalise ma stupidité d’avoir gardé ma souffrance pour moi, l’idée de médicamentée ma douleur me fait moins peur.

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Mes yeux un peu plus secs, je me détends lorsqu’il pose sa main sur mon épaule saine. Je soutiens son regard alors qu’il me propose d’aller chercher un calmant en haut, dans son espace privé. Je hoche doucement la tête et je me lève, un peu étourdis par l’émotion. Je garde la tête basse, heureuse qu’il emprunte un couloir moins passant pour éviter que mes collègues me découvrent dans cet état. L’ascenseur offre une montée très brève et à sa sortie, je reconnais les quartiers de Stark. J’y suis déjà venu une fois auparavant. Je regarde instinctivement dans une direction précise. Je retrouve mon tableau, peint pour remercier Tony de m’avoir sauvé. Il n’a pas mentie, il l’a bien accroché au mur à l’endroit qu’il m’avait indiqué. Je souris et m’installe dans une causeuse. J’attends quelques instants en silence, fixant mes mains jointes. Il revient avec le médicament qu’il dépose devant moi sur la table basse. J’observe la petite pilule, toujours sans dire le moindre mot. Tony me parle et j’ai le cœur plus léger pour l’entendre. Ce qu’il me dit me fait encore un peu plus de bien. Il a raison. En fait, je viens de réaliser que je ne lui ai jamais dis à quel point il comptait pour moi. Sans vraiment réfléchir, je prends le cachet entre mon index et mon pouce que je le porte à ma bouche. Je n’ai pas besoin d’eau pour l’avaler, ayant l’habitude de la médication. Je lève ensuite vers lui un regard différent, plus paisible.

-Merci pour tout ce que tu fais pour moi. Je ne mérite pas autant ta générosité. Je veux dire, depuis qu’on se connaît, j’ai l’impression d’être un boulet plus qu’autre chose. Mais je sais que tu ne le vois pas comme ça. Et ça me fait du bien de savoir qu’il existe dans ce monde encore une personne qui se souci de moi. Je ne sais vraiment pas ce que je ferais sans toi. Tu es tellement plus important dans ma vie que tu ne le penses.

Je souris bêtement. Cela me prend une minute avant de réaliser ce que je viens de lui dire. Il s’agit plus ou moins d’une déclaration d’amour ou du moins, d’un signalement d’affection. Oui je l’apprécie, beaucoup même. Mais je ne voulais pas qu’il sache que je l’apprécie à ce point. Je baisse la tête, mes mains deviennent moites d’un coup.

-Hum, je veux dire, je…

Je ne peux pas effacer ce qui a été dit. Voilà que mon visage se colore de rouge. Je me sens terriblement gênée. Et stupide. C’est un ami. C’est mon patron. Il est en couple. Et même s’il aurait été célibataire, ça ne se fait pas de dire des choses comme ça avec une voix aussi douce et un regard remplie d’étincelles. Ça ne peut pas être perçu autrement que par ce que c’est : l’aveu que j’ai un faible pour lui. Même si les mots diffèrent, le sentiment sous-jacent est le même. Je viens de me ridiculiser devant Tony et je ne sais même pas comment faire pour couvrir ma honte.

-Désolé, la douleur doit me faire dire n’importe quoi.

Petit rire nerveux. Je n’en peux plus de cette journée! J’ai hâte qu’elle se termine!

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Anthony E. Stark & Loreine Marchand

Ma gêne ne cesse de grandir. J’ai envi de fuir en courant, mais mon désir de demeurer est bien plus grand. Me voilà donc condamné à affronter cette étrange situation. À vivre avec des paroles que je ne souhaite pas assumées. Pour la simple et bonne raison que je suis certaine qu’elles vont tout changer. Et je ne désire pas de changement entre nous. Ma relation d’amitié avec Tony est la seule chose stable dans ma vie actuellement. Je me raccroche à elle avec beaucoup trop d’insistance et il faut croire que ça a affecté ma vision des choses. J’ai accordé à Stark une importance qu’il n’est peut-être pas fait pour assumer. Pas qu’il n’en est pas capable, mais parce que ce n’est tout simplement pas son rôle de le faire. Le voir réagir comme il le fait toujours, ne pas me repousser même après mon semblant de déclaration d’amour, ça me fait chaud au cœur. Alors qu’il se sert une tasse de café, je me bats intensément pour retenir des larmes. Des larmes de soulagement. Je suis beaucoup trop émotive en sa présence, je dois régler ce problème. J’accueille la tasse chaude qu’il me tend avec un sourire. Pourquoi est-il aussi gentil avec moi? Je n’ai rien dis lorsqu’il m’a demandé de prendre des jours de congé supplémentaires, pour la simple et bonne raison que je suis d’accord. Revenir a été une erreur, je m’en rends compte à présent. Je dois être plus à l’écoute de mon corps et respecter le fait que je ne suis pas complètement guérie. En fixant l’écran de télévision, une idée me vient soudainement.

-Je vais profiter de ces jours de congé pour retourner à Montréal. Pour rendre visite à mes parents. Je pense que ça va me faire du bien de les revoir.

Mes mots sont faibles, un peu fatigués. Mais mon désir est sincère et grandit à mesure que je me fais à l’idée. Je n’ai pas revu ma famille depuis un moment. Des différents nous ont séparés, mais le moment semble être bien choisit à mon avis pour tenter une réconciliation. Sauf que j’ai peur tout de même. Mes parents ont toujours été mal à l’aise avec ma maladie mentale, ne sachant pas sur quel pied danser en ma présence. L’envi de demander à Tony ne m’accompagner me démange. Je me sentirai plus à l’aise si j’avais quelqu’un pour me supporter lors des retrouvailles. Par contre, je ne peux pas faire une telle chose. Je dois mettre de la distance entre Stark et moi, ne serais-ce que pour retrouver une relation saine. Ma soudaine affection pour lui pourra ainsi, je l’espère, disparaître et n’être plus qu’un mauvais souvenir. Je ne veux en rien bouleverser sa vie déjà compliquée. Pourtant, ça me fait mal de faire cela. Cette illusion s’est installée plus profondément en moi que je ne le pensais, il faut croire. Soudainement, sur l’écran de télévision, apparaît un visage que je reconnais. Il s’agit de l’un des hommes impliqués dans l’attentat du siège social du Parti Collectif. Son procès est sur le point de commencer, apparemment. Le revoir me bouleverse subitement et je passe bien près d’échapper de mes mains tremblantes ma tasse de café.

-FRIDAY, est-ce que tu peux éteindre la télévision, s’il te plaît?

Le visage disparaît. Je passe une main sur mon front brûlant. La douleur à mon épaule commence à faiblir, mais celle à mon esprit se réveille de plus belle.

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Anthony E. Stark & Loreine Marchand

J’observe l’écran noir de télévision. Un frisson me parcours, l’angoisse du souvenir. Je ferme les yeux, attendant simplement que ça passe. Puisque ça finit toujours par le faire. Parfois c’est plus long, parfois c’est plus court. Je sens une main chaude s’emparer de la mienne. Même si je sais pertinemment à qui elle appartient, j’ouvre les yeux pour constater nos mains scellées. Tony s’informe sur mon état. Je ne peux plus vraiment lui mentir désormais, même si j’aimerais afin de ne pas l’inquiéter encore plus. Je ne réponds pas avec des mots, ils sont coincés dans ma gorge. Je serre plutôt un peu plus fort sa main et ma tête vient se poser naturellement contre son épaule. Je ferme à nouveau les yeux et je recommence le processus du début. Je laisse l’anxiété s’estomper graduellement. À mesure que les secondes s’écoulent, je retrouve une paix intérieure. Ma respiration s’apaise, ma tête se libère de ses pensées négatives. La présence de Tony contribue à accélérer ma rémission. Lorsque finalement j’ouvre les yeux, je sens une larme sur ma joue. Je viens l’essuyer en silence, le regard perdu dans le vide. Je me sépare ensuite de son contact, ne gardant que sa main dans la mienne. Je tends celle qui est libre vers la tasse de café et j’en prends une bonne gorgée. La boisson chaude m’aide à terminer de me détendre. Je la garde en mains, tout en fixant toujours ailleurs que dans sa direction. Je viens de m’offrir un plaisir coupable. Un dernier avant de mettre de la distance entre nous, pour notre bien commun. Comme j’ai honte d’avoir ainsi profité de son épaule, j’évite de le regarder dans les yeux, au cas où je me trahirais sans le vouloir.

-Si je comprends bien, le congé est effectif à partir de maintenant? Parce que si c’est le cas, je dois prévenir l’équipe qui travaille avec moi sur le projet pour ne pas qu’elle s’attende à ce que je termine avant la présentation. Je ne veux pas les mettre dans l’embarras.

Ma main dans celle de Tony devient de plus en plus lourde à assumer. Même si je suis bien dans cette position, je romps le contact et viens poser ma main nouvellement libre avec l’autre autour de la tasse. Mon cœur a un bon suite à cette séparation, mais je me traite immédiatement de ridicule plusieurs fois dans ma tête. Le silence qui s’installe commence à me gêner et je me dis que j’ai déjà abusé suffisamment de son temps. D’une manière ou d’une autre, je ne peux pas me permettre d’être cette femme vers laquelle je tends de plus en plus. J’ai besoin de temps pour m’en rendre compte pleinement. Cela, je dois le faire pour éviter d’aggraver ma situation d’autant plus et de cette fois rendre Tony tellement mal à l’aise qu’il va me rejeter complètement. J’ose donc un regard dans sa direction.

-Merci pour le café. Et pour ton support. Je vais rentrer chez moi et me reposer le temps que le médicament fasse complètement effet.

Je me lève un peu maladroitement, étourdie par les récentes émotions. D’un geste inconscient, je retrouve ma stabilité grâce à un nouveau contact avec Tony. Cette fois par contre, je me retire dès que je suis solide sur mes pieds.