Exorcise my mind [Reagan & Loreine]

“Reagan Nash & Loreine Marchand”

J’ai mis plusieurs jours à me convaincre que je devais l’appeler. J’avais cette crainte ridicule qu’il ne se souvienne pas de moi en entendant ma voix, en voyant mon numéro sur l’afficheur de son téléphone. En ce moment, j’ai vraiment besoin de quelqu’un et je refuse de me tourner à nouveau vers Tony. Il a bien mieux à faire que de m’écouter me plaindre toute la journée. Et puis, après ma gaffe qui m’a ridiculisé devant lui, j’aimerais mettre de la distance entre mon patron et moi. Me voilà donc à fixer le téléphone. À appuyer pour composer automatiquement son numéro. À me surprendre lorsqu’il décroche après quelques coups. À lui confier mon besoin de le voir en personne pour parler. Et surtout, de me surprendre à ce qu’il accepte. Mon stress n’a été que plus grand par la suite. Je n’ai même pas réfléchis aux mots pour exprimer ce qui me tourmente, je vais probablement bafouiller devant Reagan si je ne me prépare pas plus convenablement. Alors que je suis en pyjama dans mon lit, je commence à dire à haute voix certaines choses. Des confessions, des craintes, un peu comme si cette simulation allait rendre la véritable conversation moins pénible. Je commence à m’habiller, bien peu satisfaite de mes performances. Je me décourage trop vite, voilà tout. Je fixe l’horloge. Il est presque l’heure d’y aller. J’enfile une veste pour combattre l’automne et je choisis les souliers confortables au cas où notre discussion se transforme en promenade dans New York. Je sors de chez moi, même si je suis d’avance. Je préfère l’être qu’en retard. Je me dirige d’un pas rapide vers notre lieu de rendez-vous. Ce n’est pas très loin, voilà pourquoi j’opte pour la marche plutôt qu’un taxi jaune. Mon regard est attiré par un parc que je connais bien. Mes yeux s’y attarde, surprise de d’y voir personne à cette heure de la journée. Comme j’ai le temps, je bifurque pour y marcher. Je la vois presque aussitôt, au plus profond de l’eau de la fontaine : une pierre verte, de la grosseur d’une balle de golf. De forme plutôt ovale, son éclat sous le Soleil de midi attire ma main dans l’eau. Je la saisis et je l’inspecte un moment en silence. La pierre est lisse, opaque, relativement lourde pour sa taille. Ça ne peut être qu’une fausse pierre, mais qu’est-ce qu’elle peut bien faire là, dans cette fontaine? Surement un enfant qui l’a lancé dans l’eau. Sans comprendre pourquoi, je glisse la pierre verte dans la poche de ma veste et je reprends ma route. J’arrive vingt minutes en avance, à ce restaurant de SoHo. Mais je n’ai pas à l’attendre, puisque Reagan est déjà là lui aussi. Il faut croire que nous avons eu tout les deux l’idée d’arriver avant. Je m’installe à la table où il se trouve, le saluant d’un regard que j’essaie de rendre le plus chaleureux possible. Je suis certes heureuse de le retrouver, mais je suis aussi très gênée. Dans ma nervosité, je me retrouve à fourrer ma main gauche dans la poche de ma veste et à agiter dans ma paume la pierre. Cela me dépend de faire ce geste, bien que je n’aie aucune idée des conséquences que cela puisse avoir, pour Reagan et moi.

© Mister Hyde

“Loreine Marchand & Regan Nash”

Le jour où son téléphone s’était mis à sonner tapageusement, Reagan était à mille lieux de s’imaginer que c’était elle qui tentait de le joindre. Assis dans sa cuisine, il ressassait encore et encore les évènements passés. Les souvenirs de la tentative de kidnapping de l’ancien vice-président du parti tournaient en rond dans sa caboche. Malgré l’image qu’il aimait donner de lui, Reagan Nash n’était pas imperméable aux balles. Quand la sonnerie avait retentit dans son appartement, il avait sursauté. Un peu. Assez pour sentir la blessure de son épaule le tirailler désagréablement. La douleur était supportable mais elle lui rappelait à chaque instant le combat dans lequel il s’était lancé quelques années auparavant. Elle lui rappelait qu’on ne pouvait pas faire confiance au bon jugement des « supers ». C’était un exemple de plus qui le poussait à penser que ces gens là devaient être contrôlés. Il attrapa finalement son mobile et l’observa avec suspicion. Il ne connaissait pas le numéro qui s’y affichait et ce genre de chose suscitait toujours une certaine méfiance de sa part. Il décrocha tout de même.

Quelle ne fut pas sa surprise d’entendre la voix ténue de Loreine. Il ne s’y attendait pas du tout. Tous les deux n’avaient pas eu de réels contacts depuis qu’ils s’étaient croisé dans la rue. Mais c’était une agréable surprise. Enfin quelque chose, ou plutôt quelqu’un, pour le sortir de sa léthargie et du marasme dans lequel était plongé son esprit. Il s’abstint de lui poser la moindre question et compris assez rapidement qu’elle avait besoin de parler à quelqu’un et qu’elle s’était tournée vers lui. Il accepta vivement de la revoir. Une part de lui était soulagée. Une autre part de lui sentait qu’il avait profondément besoin de la voir, sans vraiment pouvoir expliquer pourquoi. Il lui avait fait une promesse et comptait bien la tenir. Alors ils avaient convenu d’un rendez-vous. Rien de trop formel. Partager une repas, dans un lieu public. Les gens, les bruits. Il avait besoin de distraction. Il savait bien que quand il l’aurait retrouvée elle, le monde autour n’aurait plus d’importance mais en attendant, il avait besoin de sentir la vie autour de lui. Besoin de se rappeler ce pour quoi il se battait. Les gens, les innocents particulièrement.

Rompu pas les années de service militaire, l’Uniforme était d’une ponctualité sans faille. Presque excessive. À force de tourner en rond dans son appartement, il avait finit par le quitter bien trop tôt. Il était arrivé avec une bonne demi heure d’avance mais qu’importe. Maintenant qu’il était là, il observait les gens. Cela développait certaines acuités. Il pouvait lire en eux avec assez de facilités. Repérer le moindre détail qui trahirait un aspect de leur vie. Loreine arriva finalement. Elle aussi avec beaucoup d’avance. Ça ne l’étonna pas beaucoup. Il lui renvoya son sourire et la suivi du regard alors qu’elle venait s’assoir en face de lui. Il ne put s’empêcher de sourire en remarquant qu’elle avait conservé cette timidité presque maladive qu’il lui avait découverte au premier rendez-vous. Quelque chose en elle l’attendrissait profondément.

« Tu veux boire quelque chose en attendant de choisir le menu ? »

© Mister Hyde

“Reagan Nash & Loreine Marchand”

Pourquoi je suis autant nerveuse? J’ai de la difficulté à le regarder en face, même si sa présence m’apporte un certain réconfort. Je suis très intimidée par la situation, par le fait que je vais me confesser à lui de la sorte. J’en ai besoin, désespérément. J’ai besoin de quelqu’un de neutre et de posé à qui parler de ça. Mais la peur demeure là. Elle rend ma main dans ma poche un peu plus crispée autour de cette étrange pierre verte. Elle me fait même décliner poliment l’offre de me prendre quelque chose à boire avant de commander. Je me sens obligé de lui exposer mon souci presque immédiatement, comme pour m’en débarrasser. Mon souffle est court toutefois. Dans une ultime tentative de me calmer, je vois ses mains jointes sur la table comme une ancre pour m’aider à lui parler. Je me permets d’attraper l’une de ses mains de la mienne libre. Je la serre avant d’inspirer un bon coup et je me plonger dans son regard.

« J’ai vraiment besoin d’aide. Je me sens perdue. Je fais des cauchemars à toutes les nuits. Le truc, c’est que, je me suis retrouvé à la manifestation devant de siège social du Parti Collectif il y a un mois. Par curiosité, je voulais seulement essayer de comprendre pourquoi les gens faisaient ce genre de regroupement. Et comme tu as du le voir aux infos, il y a eu cette fusillade et cette explosion et je me suis retrouvé au milieu de tout ça… Je ne sais pas comment faire pour surmonter ça Reagan. J’ai tout essayé et chaque fois que je ferme les yeux, j’ai peur pour ma vie. Je… Je ne sais même pas pourquoi je te demande ça, mais est-ce que tu pourrais m’aider ? Peut-être en dormant à mon appartement le temps que je surmonte mon angoisse. Je ne sais pas. J’ai une chambre d’ami. »

Je fixe la table. Des larmes coulent sur mes joues. Je suis désespérée, je ne sais plus quoi faire pour régler mon problème et pour le moment ça me semble la seule solution valable. Je serre un peu plus fort sa main, la pierre verte simultanément. Alors, je songe à cet envi de liberté que je veux retrouver à tout prix. Comme avant, lorsque je n’avais pas ce souci pour me pourrir l’existence. Je ferme les yeux et j’ai l’impression de m’envoler d’un seul coup. J’ouvre les paupières en panique pour me sentir tomber contre une surface dure. Ma tête rencontre le sol et je n’arrive pas à me concentrer sur ce qui m’entoure. Mais l’air et les odeurs semblent différents de New York. Je serre toujours la main de Reagan, en ayant encore plus besoin alors que je suis si désorientée. Je parviens à ouvrir un œil et ce que je vois me coupe le souffle. Nous sommes toujours dans une ville, mais pas New York. Elle ne ressemble à rien de ce qui existe sur Terre.

© Mister Hyde

“Loreine Marchand & Regan Nash”

On ne pouvait pas dire que Reagan était l’exemple même de la sociabilité. Il était même plutôt le contraire à première vue. Pas vraiment du genre à aller vers les autres. C’était un vieux loup solitaire. Alors pourquoi répondre à l’appel de Loreine ? Il avait déjà assez d’ennuis comme ça, était-ce vraiment la peine d’en rajouter ? Probablement que oui. S’il n’était pas du genre à se mélanger à ses semblables, Reagan n’en restait pas moins très généreux. Mu par un espèce de syndrome du bon samaritain. C’était plus fort que lui. Peu importaient les galères, il était toujours prêt à en accumuler plus s’il s’agissait d’aider quelqu’un. C’était tout ce qu’il trouvait encore pour avancer. Comme une ancre qui le gardait arrimer à ce monde qui tournait de moins en moins rond. Et si l’Uniforme pensait avoir tout fait et tout vu, il n’était pour le moins pas préparé à ce que lui réservait la jeune femme.

Reagan fut surpris en sentant soudain la main de Loreine saisir la sienne avec vigueur. Bien plus de vigueur qu’il ne l’aurait cru capable. Pas le temps d’analyser son geste qu’elle avait déjà accroché son regard. Les sourcils de l’ancien militaire se froncèrent imperceptiblement. Alors elle se mit à parler. Des flots de paroles. Un torrent impossible à retenir. Il ingurgite tous ses mots, ses peurs. La manifestation devant le Parti était l’un des soucis qui l’avait préoccupé les derniers mois. En tant que chef de la sécurité, il voyait cela comme une tâche sur son CV. Mais aujourd’hui, il ne savait plus vraiment ce que ça représentait pour lui. Il agissait en sous marin pour Maxwell mais ce dernier était maintenant sorti de l’équation. Quel était son rôle maintenant ? Devait-il embrassé cette place qui n’était au départ qu’une couverture ? Plus que j’avais il voulait protéger les faibles et les innocents, principalement de la menace « mutante » et ce qu’elle englobait.

Ce que faisait Loreine à cet endroit ce jour-là, il n’en savait rien. De toute façon il était trop sur le cul pour arriver à vraiment réfléchir. Ce qu’elle lui demandait, ça dépassait son entendement. Qu’elle lui demande à lui ce genre de faveur alors qu’elle ne le connaissait que depuis deux secondes et demi, ça prouvait qu’elle devait avoir une grande confiance en lui. Ou alors qu’elle était vraiment désespérée. Peut-être les deux. Il ne savait pas vraiment quoi lui répondre, les mots restaient coincés en travers de sa gorge. Mais la vue des larmes qui roulaient le long de ses joues c’était insupportable. Il approcha alors sa chaise de celle de la jeune femme pour passer un bras autour de ses épaules et la maintenir fermement. Son instinct lui disait qu’il devait la soutenir. Pas seulement émotionnellement. Il fallait qu’il lui montre qu’il était là pour elle, physiquement. Il avait voulu la serrer contre lui mais quelque chose l’en avait empêché.

Le froid l’avait envahit. Ses entrailles étaient comme retournées sur elles-mêmes. Tout s’était passé trop vite. En l’espace de quelques fragments de secondes il s’était retrouvé de assis dans un restaurant de SoHo à heurter une surface dure non identifiée. Le corps frêle de Loreine est prêt de lui, il le sait. Même s’il ne peut l’identifier, sa main est toujours dans la sienne, il sent sa présence. Il a du mal à voir, à entendre. Tout revenait peu à peu comme si ses sens se réaccommodaient. Il se lève non sans grimacer. Son genou avait amorti le choc de la chute et son épaule le tiraillait à nouveau. Il l’aida à se relever en l’attirant vers lui.

« Loreine… ça va…? »

Sa phrase reste en suspend alors que son regard est finalement attiré par ce qui l’entoure. Ses yeux s’ouvrent grands, son cerveau s’arrête, en surchauffe.

« Mais qu’est-ce que c’est que ç….. bordel de merde !!! »

Il ne sait absolument pas ce qui s’est passé mais une chose était sûre, ils n’étaient plus à SoHo. Par instinct, il sert la jeune femme un peu plus contre lui. Cet endroit ne ressemble en rien à quelque chose qu’il connaissait et Reagan avait quasiment parcouru la totalité de la planète. La peur, il ne connaissait pas. Il s’était retrouvé plus d’une fois dans des situations disons « compliquées ». Garder son sang froid était probablement sa seule qualité même s’il ne pouvait pas s’empêcher de pester. Le surnaturel, il en avait sa claque. Mais les états d’âme n’avaient probablement pas leur place à cet instant. Il observa un peu l’endroit de son œil de militaire. Il pointa un espèce de bâtiment un peu plus loin à l’attention de Loreine. Il ne lui laissait pas vraiment le temps d’ingurgiter elle-même les infos et la brusqua un peu.

« On va se mettre à couvert. Après on pourra péter les plombs autant qu’on voudra… »

© Mister Hyde

“Reagan Nash & Loreine Marchand”

Ma tête me fait mal. Autant à cause du choc physique et de la vision de ce monde insensé. J’ai la nausée. J’ai envi de pleurer. Une gamme d’émotion et de panique me paralyse de toutes réactions. Je me sens soulevée de terre, rapprocher contre la poitrine chaude de Reagan. Mon oreille est plaquée sur sa cage thoracique, entendant son cœur qui bat vite. Il est lui-même dans une situation d’immense panique. Cela ne m’aide pas à me calmer. Si ma vision n’avait été qu’une hallucination, j’aurais pu le supporter. Mais la réaction de Reagan me prouve que ce que j’ai vu, il le voit aussi en ce moment. Par pitié, faite que nous n’allons pas mourir! Je demeure blottie contre lui, jusqu’à ce qu’il s’agite et me pousse un peu vers l’avant. Mes jambes sont molles, ne me supportent pas. L’homme doit me retenir pour ne pas que je tombe au sol à nouveau. Nous progressons à la hâte vers un bâtiment. Je suis trop désorientée pour protester, je ne veux qu’une chose en fait : rentrer chez moi. Nous entrons en catastrophe. L’intérieur est sombre, mais semble vide de présence humaine. Il y a du mobilier tout près, je me sens m’écrouler contre une chaise et je m’y accroche fermement pour y demeurer stable. Je ne sais pas si nous sommes en sécurité, mais mon cerveau n’est même plus capable de penser clairement. J’ai horriblement peur et je crains également pour la vie de Reagan. Sans même avoir d’explication sur le pourquoi du comment de cette situation, je mets le blâme sur moi. C’est forcément de ma faute ce qui nous arrive. La malchance colle à ma peau. Je ne devrais pas être aussi surprise et choquée d’être à nouveau en danger. Par chance, je ne suis pas seule et lorsque Reagan reviens dans ma direction, mes mains attrapent instinctivement son bras. Son contact est la seule chose familière dans ce monde inconnu et effrayant. Rien ne nous menace dans l’immédiat, mais ma respiration ne se calme pas pour autant. Je suis certaine que quelque chose va nous tomber dessus incessamment. Il ne peut en être autrement. Dans ma panique, je tente de parler, mais mon mal de crâne ne contribue pas à m’aider dans cette tâche.

« Je… Je ne comprends pas… Nous ne sommes plus sur Terre… Reagan, ce n’est pas la Terre ça… »

Je combats de nouvelles larmes. Autant d’émotions et de stress ont raison de moi. Je ne veux pas céder à la panique, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. La ville, les couleurs, le paysage, le ciel même, ça n’a rien de terrien. Et pourtant, ce n’est pas logique. Comment c’est seulement possible de ne plus être sur Terre? Je serre un peu plus fort mes doigts autour du bras de l’homme. Alors, un bruit se fait entendre à l’extérieur et la porte d’entrée s’ouvre subitement. Une femme de grande carrure, vêtue d’une étrange façon entre et se fige en nous voyons tous les deux.

© Mister Hyde

“Loreine Marchand & Regan Nash”

Réfléchir. Remettre ses idées en place. Reagan était un homme d’action mais il avait toujours pris le temps d’analyser toutes les situations rocambolesques dans lesquelles il s’était trouvé. L’urgence, il en avait l’habitude. Il savait garder son sang froid, c’était la raison pour laquelle on l’avait engagé au Parti. Ça et une ligne éthique tout à fait personnelle. Altérée. Déformée. Sauf que tout était différent ce jour-là. Il n’était pas préparé à ça, malgré les années, malgré l’expérience. La présence de Loreine était un facteur qui troublait son raisonnement. Il lui avait fait une promesse et bien entendu ce n’était pas la première ni la dernière mais celle-ci avait quelque chose de particulier.

Un attachement particulier la liait à lui et il était incapable de savoir de quoi il s’agissait exactement. Elle représentait l’innocence. Son instinct le poussait à la protéger coûte que coûte. Alors il n’avait pas hésité une seule seconde au moment où ils s’étaient relevé sur ce sol méconnu. Il l’avait mise à l’abri. Du moins c’est ce qu’il croyait. À l’abri de quoi ? Il avait mise Loreine dans une bulle. L’encerclant de ses bras pour la protéger du monde qui les entourait. Incapable de vraiment réaliser la situation dans laquelle ils se trouvaient. Où ils se trouvaient. C’est finalement les paroles de la jeune femme qui lui firent vraiment prendre conscience de la réalité. Lui non plus ne comprenait pas. Où ? Quoi ? Quand ? Pourquoi ??? Il ne se laissait cependant pas submergé par la peur ni par l’incompréhension. Rester lucide malgré l’invraisemblance de ce qui était en train de leur arriver.

Il lui jeta un rapide coup d’oeil. Les larmes perlaient à nouveau le long de ses joues. Il la serra un petit peu plus contre lui. Il n’avait jamais été doué pour les mots alors son corps parlait pour lui. C’était le meilleur moyen qu’il avait pour faire comprendre à la petite blonde qu’elle n’était pas seule. Il prit quelques secondes pour regarder autour d’eux. Tout était nouveau. Même ses sens semblaient fonctionner différemment. Il essayait de rassembler ses pensées. Comment cela était-il possible ? Après toutes ces années, était-il encore surpris ? Pas vraiment. Il avait vu des choses, entendu des choses… L’avènement des « supers ». La tentative de destruction du monde par ce qui semblait être une armée d’extra-terrestre tout sauf commode et la grande bataille de New York. Tout ce qui lui importait c’était de la ramener saine et sauve.

Il se retourna vivement en entendant des bruits de pas dans leur dos. Son premier réflexe avait été de porter sa main dans le bas de son dos, là où il gardait généralement son arme. Ses doigts se refermaient doucement sur la crosse. Il avait tendu l’autre bras en l’air, en signe de non agression. Instinctivement il avait poussé Loreine derrière lui alors qu’il s’avançait vers la femme. Ou du moins ce qui ressemblait à une femme. Elle était plus grande que lui et sa tenue était pour le moins originale. Quelle langue pouvait bien parler cette femme ?

« … Bonjour ? … On est américain… on est perdu… On ne vous veut pas de mal… Vous me comprenez ? »

© Mister Hyde

“Reagan Nash & Loreine Marchand”

Le contact de Reagan à beau être réconfortant, comme toujours, je ne suis pas en état d’être rassurée au bout de quelques minutes. Je suis totalement effrayée, envahit par une incompréhension sans borne. Je tente de trouver de la logique là où il n’y en a pas. D’apporter une explication à notre soudaine présence bien trop loin de New York. Malgré l’immense agitation qui a élue domicile en moi, je parviens toujours à réfléchir, à bouger, à respirer. Mon cerveau assimile ce qui m’entoure, bien que plus lentement. Le choc est surmontable, voilà l’unique conclusion que j’arrive à établir alors que cette femme entre dans ce que je devine être sa demeure. Le mobilier, ça ne peut qu’être pour une famille. Sa famille. Elle m’est partiellement cachée par Reagan, qui se place devant moi. Il semble méfiant, mais s’approche tout de même de l’amazone. Avec sa grande taille et sa carrure imposante, elle ne peut qu’être de cette race mythique de femme. Je refuse pour ma part de me manifester en parlant ou même en bougeant de derrière l’homme. Je suis ainsi son ombre, fixant le sol dans l’espoir qu’elle disparaisse et nous laisse tranquille. J’ai le désagréable pressentiment qu’elle est hostile. Je ne sais pas pourquoi et je ne veux pas savoir. Sauf que mon instinct me cri cela. C’est assez perturbant de lutter contre mon instinct de survie, surtout alors que je me borne à demeurer près de Reagan. Je sais que sans lui, je serais déjà morte. Je ne peux tout de même pas prendre mes jambes à mon cou et le laisser derrière. Je n’ai pas le courage d’exécuter le moindre mouvement en ce moment. Alors, j’entends un bruit métallique. Mon œil est attiré par les gestes de l’amazone qui sort de son costume du Moyen-âge une épée menaçante. Mon cœur manque un battement en réalisant que mes craintes s’exécutent devant mes yeux. Son regard est froid, elle nous voit définitivement comme des ennemis qui sont entrés sans invitation dans sa maison. Sans réfléchir, je tire Reagan vers l’arrière, nous envoyant cogner la table qui bronche à peine. Même le mobilier est fait solidement ici. Je déteste cette sensation d’être coincé qui pointe le bout de son nez à ce moment précis. Prise d’une trop grande panique pour la contenir, je me mets à pleurer de nouveau et à me saisir de tout objet à proximité pour les lancer à l’amazone. Je ne réfléchis même plus à ce que je fais, surtout lorsque je prends dans ma poche la pierre verte trouver dans le parc et que je lui envoi en plein visage. La femme remarque ce dernier objet et se fige, le regardant en silence alors qu’il roule au sol. Je regrette aussitôt de lui avoir envoyé ainsi à portée de main. Pour moi, ce n’est qu’un caillou en plastique, mais d’après la surprise sur son visage, je comprends que c’est bien plus.

« Où l’avez-vous trouvé ? »

Sa voix me trouble derechef. Je ne pensais pas qu’elle s’exprimait dans notre langue et encore moins qu’elle me poserait des questions au sujet de la pierre verte. Je ne réponds d’abord pas, avant de finalement murmuré une réponse rauque et tremblante.

« Je l’ai trouvé dans une fontaine. »

Nouvelle surprise de la femme géante qui tend une main pour se saisir de la pierre. Par réflexe, je resserre le bras de Reagan. Est-ce sage qu’elle en prenne possession?

© Mister Hyde