I know we're different, but deep inside us we're not at all •• Mystique & Rogue

Elle n'était pas beaucoup présente au quartier général. C'était ce qu'elle se répétait pour se donner bonne conscience. Elle aurait pu aller parler à sa fille mais elle n'avait pas pu. Elle était occupée, elle avait un rôle à remplir auprès de la confrérie et auprès du parti collectif. Laura Miller n'avait pas le temps de passer du temps avec une fille qui n'était pas censée être la sienne. Elle avait un chez elle, une émission, des amis, de quoi bien remplir sa vie. Mystique devait suivre ces habitudes et ne pouvait pas venir tout le temps visiter ses alliés. Pas que cela la dérange plus que cela finalement, elle était aussi bien loin de ces idiots de jeunes surexcités et candides. Elle au moins se rendait utile à la cause et restait en permanence concentrée sur cette tâche, là où eux s’éparpillaient constamment dans leurs histoires parallèles qui n'avaient rien à voir. Elle trouvait cela pathétique, idiot et le meilleur moyen de perdre de vue leur objectif commun. C'était une confrérie digne de ce nom qu'elle avait quitté et elle n'aimait pas ce qu'elle était devenue.

Mais ce n'était pas vraiment pour cela que Mystique restait loin du quartier général. C'était une partie de la raison, bien sûr. Mais dire que c'était l'unique serait se mentir à soi-même, ce qu'elle avait fait tout ce temps. Elle ne voulait pas voir la vérité en face. Elle fuyait sa fille, tout simplement. Elle ne l'avait plus vue depuis qu'elle avait quitté la Confrérie. L'avait espionnée une fois ou deux sans jamais aller la voir, s'était changée en quelqu'un d'autre pour avoir une simple conversation dans un bus. Rien de plus, rien de concret et surtout, rien qu'une mère ferait vraiment avec sa fille. Peut-être Mystique avait-elle vraiment le cœur de pierre qu'elle se targuait d'avoir ?

Pendant des années c'est ce qu'elle avait raconté. Elle avait abandonné son propre enfant, avait tué plus de personnes qu'on ne pouvait en comptait. Elle arnaquait, volait, trompait. La seule relation construite qu'elle avait jamais eu n'était même pas construire, rien qu'une passade qui durait quelques temps et reprenait plus tard. Destiny était la personne à laquelle elle tenait le plus au monde, elle en était convaincue. Alors pourquoi n'étaient-elles pas foutues de vivre à deux, faire les choses ensemble comme d'autres couples feraient si naturellement ? Mystique n'avait jamais vu leur relation comme problématique mais elle savait qu'elle en disait long sur elle-même, comme ses relations avec ses enfants. Elle ne savait pas s'attacher lorsqu'elle le faisait elle rejetait la source d'affection. C'était exactement ce qu'elle avait fait avec Rogue. Elle l'aimait comme si elle l'avait engendrée, mais elle n'avait jamais été là pour la complimenter ou la supporter. Non, elle l'avait utiliser comme une arme, un moyen d'arriver à ses propres fins. Et dans les moments difficiles, elle n'avait pas su, pas même voulu être là.

Elle entra dans le QG sans hésiter pourtant, pas femme à rester à la porte pendant des heures à hésiter. Non, elle avait décidé de parler à sa fille et elle irait parler à sa fille. La décision était ce qui lui avait manqué tout ce temps. Elle savait bien sûr que sa fille lui en voudrait, qu'elle lui reprocherait d'avoir disparu ou de n'être pas venue avant, ou même tout simplement l'ignorerait comme elle savait si bien le faire. Leurs rapports avaient été conflictuels depuis le moment où elles s'étaient retrouvés dans des camps différents pour la première fois et être dans le même n'allait pas forcément aider, surtout pas avec la présence proche d'Erik à qui Mystique avait reproché tant de choses ces dernières années.

La mutante avant dans les couloirs en perdant son apparence d'emprunt. Elle ne portait jamais autre chose que sa peau bleue lorsqu'elle venait ici. Et des vêtements bien sûr. Elle avait eu sa période à poil où elle voulait montrer qu'elle était fière d'être bleue, mais elle avait vite compris qu'être bleue voulait pas dire être nudiste. Elle se préférait largement avec des fringues et des godasses. Enfin, une paire de godasse, Mystique au naturelle ne se verra jamais sans sa paire fétiche. Elle détestait le reste de toute façon. Des trucs à la con pour que la femme soit fashion ou mette ses jambes en valeur. Elle préférait clairement ses grosses pompes pas féminines.

Mystique repéra sa fille assise à l'une des tables de la salle de repas commune. Elle était seule, peut-être que Blindspot était en mission, qu'importe. Elle alla s'asseoir face à elle sans demander l'autorisation.

— Bonjour Rogue. Je sais que tu n'as pas forcément envie de me voir, mais je crois qu'il est plus que temps qu'on parle.

Il était même plus que temps. Elle se détestait d'avoir eu la faiblesse de craindre cette conversation et de l'avoir retardée. Ce n'était pas digne d'elle, de choisir la fuite avant l'action. Mais l'affection faisait faire des conneries. Ce qu'elle pensait être de l'affection. Après tout, qui sait si elle aimait vraiment sa fille ou si elle ne s'en était pas tout simplement convaincue sans savoir ce qu'était réellement l'amour ?

— Je sais que je n'ai pas été très présente pour toi depuis… depuis toujours en fait. Et tu me reproches sûrement plein de trucs pour lesquels tu n'aurais sûrement pas tort. J'aimerai te dire que je suis désolée, mais je sais que ni toi ni moi n'y croirions. Mais pour la première fois depuis très longtemps, on se retrouve du même côté. Alors j'aurais voulu qu'on… parle. Qu'on tente ce truc que les autres appellent cohésion d'équipe, ce genre de connerie, paraît que ça aide à coordonner les équipes ou je sais pas quoi. Ou tu peux aussi m'en vouloir, me dire d'aller me faire foutre et me laisser planter là, je t'en voudrais pas j'ai l'habitude. C'est toi qui choisis.

Pendant longtemps, elle avait éviter tout contact réel et social avec des personnes qui ne seraient que purs mortels. Parce qu'elle n'était pas à leur niveau et qu'elle valait mieux qu'eux, elle qui pouvait faire tant, elle qui pouvait être ce qu'elle voulait. Et aussi parce qu'elle avait peur, d'être rejetée, qu'on la déteste ou même simplement qu'on l'aime, et qu'elle aussi aime du plus profond de son cœur. Les hommes sont fragiles et elle les verrait vieillir comme elle en avait vu vieillir tant. Il n'y avait eu qu’Irène, finalement, qui avait fini parla faire s'accrocher à quelque chose de tangible et d'humain, mais elle-même n'était pas bien plus raisonnable et n'avait pas vraiment su garder Mystique dans un droit chemin qu'aucune d'elles n'avait le désir d'emprunter. Elle souffrait de cette amour, un peu plus chaque jour passé avec elle. Irene vieillissait comme n'importe quelle humaine, et Mystique avait vu ses cheveux ternir, elle avait vu les rides se creuser peu à peu. Et même si son amante s'accrochait encore bien, Mystique ne pouvait se retenir de penser chaque jour "Et si demain je me réveillais mais pas elle." Et la pensée effroyable creusait un fossé dans le bien peu de coeur qu'elle avait encore. Alors elle qui n'avait jamais voulu s'accrocher à quiconque, elle qui s'éloignait le plus possible des relations sociales amicales, elle avait redoublé d'effort pour ne pas s'attacher. Sans succès.

Aussi froide et inhumaine qu'elle pouvait parfois sembler, Mystique possédait quand même cet instinct humain, cet instinct qui lui faisait vouloir inconsciemment se rapprocher des autres. Elle savait le repousser, elle était assez vieille pour savoir retenir ses plus basses pulsions ou à l'envie, les déchaîner. Mais parfois, même elle ne pouvait rien faire. Parfois elle ne pouvait que se laisser emporter par le courant de la vie auquel elle échappait pourtant si souvent. D'aucun penserait qu'elle fuyait la mort, elle qui ne savait trouver le repos. C'était faux. Elle fuyait la vie. Elle courrait le plus loin possible pour ne pas la suivre, pour sortir de la route droite et goudronnée. Elle faisait des choses que les autres ne faisaient pas, elle prenait la vie des autres. Vivait par procuration, presque. Parce que les vies des autres, elles étaient faciles. Sa vie à elle, elle ne savait pas vraiment la diriger. Alors elle voguait en sens contraire pour se donner une illusion de contrôle. Mais celui-là, elle l'avait perdu en même temps que sa famille. C'était comme si un jour le destin avait signé un accord avec le vide pour dire, cette fille-là, elle ne réussira pas à être comme les autres. Un honneur, et une malédiction.

— Cohésion d’équipe ? Tu sais ce que c’est qu’une équipe, toi ? J’te dirai bien d’aller te faire foutre, mais Irène mérite pas ça.

Mystique aurait bien répondu, elle n'était pas le genre à rester silencieuse même si elle savait quand le faire. Elle savait que Rogue n'était pas sa plus grande fan, il y avait bien longtemps qu'elle savait qu'elle n'était pas une mère modèle. Jamais elle n'avait prétendu le contraire d'ailleurs, mais les enfants avaient tous un peu cette vision de leur famille jusqu'à ce qu'elle éclate. La mention à Irène, par contre, lui serra quelque peu le cœur. Voilà longtemps qu'elle ne l'avait pas vu, longtemps qu'elle menait sa petite vie tranquille. Elle se demanda un instant si Irène continuait d'entretenir l'illusion de famille que Mystique n'avait jamais vraiment sû voir en eux. Mystique l'avait toujours trouvée un peu idéaliste. Elle avait aimé ça pourtant. Elle aimait toujours ça d'ailleurs.

— Mais tu veux parler. Parlons !

Rogue ne l'interrompt pas, ce qui est presque un miracle de sa part. Elle avait toujours eu un tempérament de feu et n'avait jamais hésité à couper la parole à qui que ce soit. Se trouverait-elle face à un chef d'état qu'elle serait toujours cette tête brûlée-là. Mystique se souvenait des débuts avec elle. Elle l'avait prise sous son aile pour en faire une mutante de ce nom. Elle aurait besoin de pouvoirs comme les siens, tout le monde aurait toujours besoin de ce genre de pouvoir, mais avant de pouvoir le tuer elle allait devoir la faire sortir de son œuf pour en faire un véritable phénix. Une arme, un moyen, elle n'avait jamais vu Rogue comme autre chose au début. Et puis un jour, Irène lui avait simplement parlé, avait dit "notre fille". Et Mystique avait compris ce jour-là qu'elle était piégée, qu'à nouveau elle aimait et qu'elle verrait cette personne la rejeter, la repousser ou la quitter. C'est ce jour-là-même qu'elle s'était aussi mise à la détester.

— Pourquoi t'es ici ? T'as plus personne à trahir ?
— Je n'ai jamais caché travailler uniquement pour mon intérêt, et les avantages offerts par quelqu'un changent, se réévaluent. Il n'y a pas vraiment trahison si dès le départ la personne était prévenue. Il faut juste qu'elle ne soit pas aveugle.

Une façon de la culpabiliser, quelque peu. Irène comprenait elle, alors pourquoi Rogue ne pourrait pas comprendre ? Pourquoi elle n'acceptait pas tout simplement que Mystique ne savait pas rester avec elle, qu'elle avait besoin d'action, d'ailleurs, de diversité ? Elle ne l'avait pas spécialement caché, elle ne l'avait juste pas dit ouvertement. Avait-elle manqué de tact ? Elle s'en foutait. Seul les faibles d'esprits avaient besoin de tact et sa fille était forte. Elle avait toujours été forte, sûrement dès le jour-même de sa naissance.

— Qu'est ce que tu veux ?

Mystique met derrière son oreilles une de ses mèches rousses qui vient lui tomber devant les yeux. Elle ne peut pas dire à Rogue ce qu'elle veut réellement, elle sait qu'elle n'accepterait pas. Elle tentait tellement d'agir pour le bien de tous sans voir que finalement, n'était important que le bien de soi-même. Mystique se fichait un peu de lui faire comprendre, il fallait l'avouer. Si elle ne savait pas vivre correctement, ce n'était pas à elle de la relever, de sécher ses larmes et lui soigner ses genous écorchés. Non, au fond d'elle elle savait ce qu'elle voulait. Elle voulait que Rogue revienne vers elle, qu'elle l'aime à nouveau, qu'elle l'écoute comme elle avait pu l'écouter. Elle voulait l'adoration, l'amour. Et finalement un jour, la laisser tomber de nouveau, de plus haut encore que la fois précédente. Son corps savait voler mais pas son cœur, il s'écraserait à terre et exploserait en mille morceaux. Voilà ce qu'elle méritait, voilà ce qu'elle méritait. Après tout, c'est ce qu'elle jour elle ferait vivre à Mystique. La rançon pour l'avoir fait à nouveau aimer.

— Je sais que tu n'as pas confiance en moi, mais nous sommes désormais dans le même camps. Je te connais et tu me connais, et toutes les deux nous travaillerions si bien ensemble. Peut-être qu'on nous demandera de travailler ensemble. Et tu sais, ça ne se fera pas très bien si tu passes la mission à me coller ton poing dans la gueule. Alors je viens parler d'une trêve pour quelques temps.

Ne pas dire qu'elle veut l'aimer, Rogue ne tomberai plus pour ce numéro-là. Mais ne rien offrir de positif ou négatif, voilà qui pourrait les aider à repartir du début pour reconstruire ce que Mystique se ferait un grand plaisir à détruire. Parfois, la nuit, elle pensait à ce qu'elle faisait et elle se détestait. Parfois, la nuit, elle repensait à ce qu'elle faisait et elle avait hâte de continuer. Parce qu'elle aimait et détestait la putain de pute qu'elle était.

Elle aimerai dire que cela ne lui fait pas mal. Elle aimerai que la tête haute et le visage inexpressif et inflexible qu’elle affiche soient véritables, que son intérieur ne soit pas simplement en train de se déchirer. Mais ce n’est pas le cas, ça ne l’a jamais été quand Rogue était impliquée. Elle était trop sensible au sujet de sa fille, elle l’avait toujours su. Pourtant, si elle devait se comparer aux autres parents, on eut dit qu’elle n’en avait rien à foutre. Mais à l’échelle de Mystique, à l’échelle de celle qui s’était détachée du monde réel depuis des siècles, c’était plus qu’elle ne pouvait en supporter. Elle l’étranglerait si il n’y avait pas quelque chose d’autre au fond de son coeur qui la faisait se retenir. Elle ne pouvait pas. Elle ne voulait pas. Et en même temps, elle le désirait tellement. Elle ne savait jamais concrètement ce qu’elle voulait avec Rogue.

Elle voyait bien la rage qui se déversait des lèvres de sa fille, comme un torrent trop longtemps retenu. Pourtant elle ne s’était jamais retenue, pas devant elle et sûrement pas non plus derrière son dos. C’était comme si cette rage envers sa mère était une cascade qui coulait éternellement. Mystique ne saurait pas y apposer de barrage, pas encore, peut-être jamais. Elle s’en fout, elle veut pas créer un barrage, elle veut agrandir le lit de la rivière pour qu’elle dégueule son eau noire jusqu’à en noyer Rogue. Jusqu’à ce qu’elle s’en étouffe dans la rage et s’autodétruise. Mystique aime faire s’autodétruire les gens. Non, même pas vraiment, elle n’aime pas ça. Elle en a besoin. Parce qu’elle ne peut pas se le faire à elle, qui se régénère. Elle a déjà essayé, de se blesser, de se couper. Mais elle soigne rapidement, et ce qu’elle en obtient ne lui suffit pas. Alors elle fait ça aux autres. Les gens qu’elle détruit, ce sont ses propres scarifications.

Elle attrape une orange qu’elle commence à peler, les yeux toujours dardés sur sa fille. Elle ne dit rien au début, la laisse juste continuer à se déverser jusqu’à ce qu’elle la voix commencer à se calmer. « Je suis une confrériste plus loyale que toi, déjà. Je sais, on pourrait ne pas y croire. » Elle laisse tomber la pelure sur la table. C’est presque un peu comme retirer les pétales d’une marguerite, sauf que le jeu est différent de l’habituelle naïveté des gens à interroger une fleur sur leurs vie sentimentale. « Non pas que ce soit une critique, ce trou à rat est un gouffre sans fond d’ennui, mais on a une cause à défendre alors on peut bien sacrifier ça. » Non. Elle ne pouvait pas. Elle avait tellement envie de lui chier dessus à cette cause, elle avait tellement envie de dire qu’elle s’en battait sévèrement les couilles. Mais elle ne pouvait pas. Elle ne voulait pas. Si on l’attrapait, si elle se faisait mettre cette puce dans le cou… Ce serait pire que la fois où elle avait été en cage sans pouvoir réussir à s’échapper. Ce serait une cage constante, inévitable et personnelle. « Bien sûr, parler de cause… Loin d’être mon genre mais bon. Je ne peux pas les laisser me pucer. Et encore moins les laisser pucer ta mère. » Elle ne ment même pas pour le coup. Elle ne peut pas imaginer trente secondes l’état de rage dans lequel elle serait s’ils venaient s’en prendre à Irene. La pauvre femme n’avait plus sa fougue d’autrefois, elle avait toujours été le cerveau là où Mystique était plus les muscles de toute façon. « J’aime Irene. Tu aimes Irene. On pourrait faire ça ensemble pour elle. »

Mais Rogue la prend de court, quelque peu. Il était évident qu’elle avait envie de voir Mystique s’excuser mais cette dernière aurait pensé qu’elle n’aurait même pas demandé. S’il y a quelque chose pour laquelle la mutante bleue était connue, c’était bien pour le fait qu’elle ne regrettait jamais. Pas d’excuse, surtout pas, c’était une trop grande faiblesse. Et bien sûr, Rogue le savait sûrement mieux que quiconque et c’est pour ça même qu’elle lui demandait à présent. Elle ne voulait pas des excuses, elle s’en foutait de ça. Elle voulait juste entacher l’égo de sa mère. Peut-être qu’au fond, l’une voulait vraiment détruire l’autre. Peut-être qu’au fond, elles étaient pareilles. Mystique ne voulait pas croire à cela. Rogue était… Rogue était bonne. Mystique ne désirait même pas l’être. Là où une Mystique allait prendre ce qu’elle désirait si on lui interdisait, Rogue allait le gagner, se battre pour ça. Il était plus facile de l’emporter à la déloyale. Mystique avait appris ça il y a longtemps et elle vivant encore en y croyant.

Elle passe la langue sur ses lèvres, elle ne sait pas comment s’excuser pour y faire croire. Si elle met de l’émotion, ce sera trop. Si elle n’en met pas, ce ne sera pas assez. Alors à la place c’est une colère qui commence à monter, celle qui dort souvent au creux d’elle-même, qui rugit de temps à autre et parfois, plus souvent qu’on ne le penserait, se déverse. Comme Rogue. Encore. Putain, elle ne veut pas être comme Rogue. Dans sa main, l’orange à moitié pelée laisse couler son jus sur l’ongle qu’elle a un peu trop enfoncé, inconsciemment. « De quoi tu veux que je m’excuse ? Ma putain d’approbation t’en as pas besoin, t’en as jamais eu besoin. T’es une grande gamine, tu l’étais déjà à l’époque. T’as bien dû t’en rendre compte depuis, qu’on a besoin de l’approbation de personne, non ? » Elle est un peu sèche, une petite craquelure dans sa carapace causée par… Non, même pas par Rogue, par elle-même. Par son putain d’ego qui explosait à l’idée de devoir s’abaisser, même hypothétiquement, à s’excuser. « C’est quoi la prochaine étape ? Tu veux que je me range ? » Elle ne réprime pas son petit rire, un rire sans joie, même pas moqueur. Le rire de celle qui peut-être caresse l’idée mais la rejette immédiatement. « On sait toutes les deux que ça n’arrivera pas. Je ne suis pas ce… ce genre de femme. » Ce genre de femme. Ou la femme bien, mais aussi la femme qui ne fait rien à part ce qui doit être fait. La némésis de Mystique. « Je l’ai jamais été. J’étais censée… Quoi ? Changer pour toi ? Asseoir mon petit cul sur une chaise pour les soixante prochaines années et te pouponner ? » Elle secoue la tête, s’emmêle quelque peu les pinceaux dans ce qu’elle dit. Mais la pensée de ce genre de chose la rend toujours confuse. Parce qu’elle a peur de le vouloir, quelque part. Elle a peur de vouloir tenter la vie normale. Mais elle l’a déjà fait, et elle sait comment cela finit pour elle, et elle ne le refera plus. « Au moins, tu m’as eu. Arrête de te plaindre, ton frère n’ont pas eu cette chance. » Parce qu’elle les avait abandonnés. Parce qu’elle n’avait jamais été là. L’orange dans sa main n’est plus que morceau de fruit et jus qui dégouline. Elle ne s’est même pas rendue compte qu’elle l’écrasait.

Elle repense à Kurt surtout. Lui, elle avait voulu tenter. Lui, elle avait voulu le garder, l’élever, peut-être pas le plus normalement du monde, peut-être pas en étant une mère modèle, mais elle avait voulu essayer. Quand elle était plus jeune, quand elle était naïve. Elle a conscience que Rogue, c’est juste sa revanche. Qu’elle l’a adoptée parce qu’elle avait un trou à comblé. Et une fois la brèche en elle colmatée, elle avait compris ce qu’elle avait fait et pourquoi, et elle n’avait plus su quoi faire. Elle avait aimé cette fille et pas son propre fils. « Je suis désolée. » Voilà, elle l’a dit à voix haute et elle le pense. Elle est désolée, elle aurait voulu que tout se fasse autrement, mais la vie leur avait collé son poing dans la gueule. Alors elle s’excuse. Envers l’idée de Kurt et de tout ce qu’elle avait voulu faire avec. Pas envers Rogue. Ca, elle s’en foutait. Jusqu'à ce qu'un jour peut-être elle croise Kurt et qu'elle lui sorte probablement le même discours, en songeant qu'elle le déteste parce qu'à cause de lui elle a été incapable d'avoir les idées claires pour élever Rogue. C'est elle-même qu'elle déteste.