"Le parfum du secret s'estompe à chaque nez qui le renifle"

Il y a des choses qu’il était prêt a faire pour la cause qu’il défendait. Il pouvait même en sacrifier d’autres. Ses opinions et ses convictions valaient bien quelques désagréments, comme le fait d’être un fugitif recherché depuis que sa couverture au sein du Parti Collectif avait volé en éclat. Vivre caché, mettre entre parenthèses sa carrière, ne plus avoir de vie sociale… tout cela, il l’acceptait plus ou moins bien, mais perdre certains conforts était impensable pour Zain. Comme ne plus avoir de parfum par exemple. Zee avait toujours aimé prendre soin de lui et même s’il restait enfermé la plus part du temps, il ne se laissait pas aller pour autant. Il lui était donc inadmissible de ne plus pouvoir verser quelques gouttes de fragrance sur sa peau. Emprunter celui de son actuel hébergeur ?  Or de question ! Ce truc acheté en supermarché à prix discount ne toucherait jamais sa peau délicate.

Ce matin là, il alla à la salle de bain et appliqua ses rituels habituels. Il passa de longues minutes à se coiffer, cherchant toujours la perfection et il tenta de vaporiser les toutes dernières gouttes de son parfum sur lui et se sentit déprimé en se rendant compte que rien ne sortait. Il allait devoir quitter son logement sans parfum sur lui ! Sa fuite commençait sérieusement à devenir pénible. Il sortit dans la rue sans grands artifices pour se dissimuler. Il était toujours recherché officiellement, mais avec le temps, la police et les agents d’Ares ne lui couraient plus réellement après. Ils ne le cherchaient pas particulièrement. Si ils tombaient sur lui, bien entendu il finirait derrière les barreaux – avec un petit passage en salle de torture avant – mais la chasse à l’homme n’était plus d’actualité. C’était rassurant et vexant en même temps. C’était comme si on l’avait oublié. Comme la star d’un seul succès, bien vite oublié. Tout ce qu’il détestait en fait.  

Ce fut à Manhattan qu’il se rendit en ce jour ordinaire. Ne pouvant se rendre chez son parfumeur habituel sous peine de voir la police débarquer après que le gérant les ait prévenu, il n’avait pas d’autre choix que d’aller chez un inconnu. L’idée ne lui plaisait pas vraiment, il avait ses habitudes mais il s’était renseigné sur internet et les commentaires concernant ce commerce étaient élogieux.
Il arriva vite à destination et passa la porte, ce qui déclencha une petite sonnerie prévenant le commerçant de l’arrivée d’un nouveau client. Zain dû alors s’avouer que le choix de cette boutique n’était pas si mauvais. Certes, l’homme derrière le comptoir avait les cheveux coiffé étrangement – pouvait-on appeler ça une coiffure d’ailleurs ? – et il portait un nœud papillon – personne ne portait plus cet accessoire hormis pour les grandes soirées, et ils étaient noirs, pas de toutes les couleurs – A part cela, il était plutôt agréable à regarder et Zaine ne pu s’empêcher d’avancer vers lui, lui tendant la main afin de le saluer et se présenta en lui offrant son sourire charmeur : « John Smith, enchanté. » Il y avait plus imaginatif comme nom de substitution mais il aimait bien celui-ci de part sa simplicité.

« Je suis à la recherche d’un parfum aux fragrances légèrement épicées. Je suis sûr que vous pouvez ravir tous mes sens. » Non, il ne pouvait pas s’en empêcher. Séduire était plus fort que lui et les allusions étaient son pêché mignon. « Je vous fais entièrement confiance et peu importe le prix que ça me coûtera. » Zee ne roulait pas sur l’or. Il avait de l’argent bien entendu, mais à la banque et faire un retrait aurait été un suicide. Alors il était possible – même sûr – qu’il ait utiliser son don pour implanter un faux souvenir un à homme quelconque qui passait par là ce jour là et qu’il lui ait fait croire qu’il lui devait une forte somme d’argent. L’homme ne voulant pas avoir de dette auprès de cet ami charmant et dévoué – nouveau faux souvenir – qu’était Zain, avait donc fait un saut au distributeur le plus proche et avait remboursé Zain de son prêt fictif avant que le fugitif ne lui efface et les faux souvenirs et cet instant de sa mémoire. Oui, il le savait : c’était mal, mais quel autre choix avait-il ? C’était la société, le gouvernement qui l’avait poussé à de tels stratagèmes ! Il n’était qu’une victime dans le fond… une victime qui allait se payer un parfum de luxe avec l’argent d’un autre.

Je tire sur le nœud papillon qui orne ma chemise avec une expression de profonde exaspération. Ce truc est vraiment insupportable, j’ai l’impression d’étouffer. En plus d’avoir une couleur des plus immondes. Mais bon, j’ai pas pu refusé ce matin lorsque Dante est venu me voir, tout sourire, me disant qu’il avait réussi à le retrouver dans toutes ses affaires et que me voir avec, ça lui rappellerait tellement de bons souvenirs. Qu’est-ce que je ferais pas pour ne pas griller ma couverture ? Alors, j’ai fait semblant d’être super content et je l’ai lancé le nouer autour de mon cou, n’échappant pas au passage au léger baiser qu’il déposa sur mes lèvres. Eurk. J’aimerais lui dire d’arrêter ça, l’échange de salive, c’est pas très recommandé pendant les périodes hivernales. Surtout qu’il pourrait être malade du X1R1 et j’ai besoin de tout, sauf de tomber malade à mon tour. Mes recherches sont au ralenti depuis que j’ai du établir mon nouveau laboratoire dans l’arrière boutique de la parfumerie. Je n’ai pas accès au matériel de pointe dont j’ai besoin et je dois faire avec les moyens du bord. C’est très approximatif et les expériences prennent un temps fou. Il faudrait que je fasse un tour au centre de recherches du coin un de ces quatre pour essayer de refaire mes stocks. Je commence à être à court de cellules viables, infectées par le X1R1.

Derrière le comptoir de la parfumerie, je fais quelques recherches sur internet. Sur un calepin que j’ai toujours à portée de main, je note les informations qui pourraient m’être utile pour de futures expériences et les ingrédients dont j’aurais besoins. Ce petit carnet ne me quitte jamais, je l’avais sur moi lorsque j’étais été exilé. Je note absolument tout dedans, c’est un peu mon pense-bête. Et bien sûr, il est illisible par les Midgardiens donc, je n’ai aucun scrupule à le laisser sorti lorsque je dois m’occuper de clients. En parlant de client, la porte s’ouvre et un homme franchit le seuil. Je quitte mon air concentré pour afficher un grand sourire au nouveau venu. Il me tend la main, tout content. Je regarde successivement le visage ravi de l’homme et la main tendue. Quoi ? Qu’est-ce que je dois faire ? Pourquoi il fait ça ?

« John Smith, enchanté. 
- ...Enchanté »

Je gribouille quelques notes sur mon carnets pour me rappeler de chercher des informations sur ce comportement. Ça va me tarauder toute la journée, je le sens. Ouh, enfin quelque chose à chercher, je commençais à m’ennuyer ! « Je suis à la recherche d’un parfum aux fragrances légèrement épicées. Je suis sûr que vous pouvez ravir tous mes sens. Je vous fais entièrement confiance et peu importe le prix que ça me coûtera.  » Anh, ça y est, mon vœu est enfin exaucé. J’ai enfin un défi à relever. Le parfum n’est pas mon domaine d’expertise mais ce n’est pas grave. Je m’ennuie tellement que je pourrais écrire une thèse sur les fougères et leur méthode de reproduction. Un sujet tout à fait passionnant mais ô combien déjà vu et revu. C’est avec un enthousiasme non dissimulé que je m’avance vers les rangées de petites bouteilles remplies de différentes fragrances. Je suis un peu perdu devant mais c’est ça qui est bon, l’inconnu. Je n’ai aucune idée de comment Søren classait ses parfums. Je ne vois aucune étiquette ou indication. Bon, le seul moyen de trouver, c’est de mettre en place une méthode expérimentale. J’attrape la première bouteille que je vois et je lis l’étiquette ‘’La Petite Robe Noire’’. On peut commencer par là, je me retourne vers ce John Smith et je lui fait sentir « J’ai ça à vous proposer. ‘’La Petite Robe Noire’’ par… Yves Saint Laurent. Un nom en trois parties, comme c’est original et puis, monsieur ne fait pas dans la modestie. Concernant le parfum, il a l’air de sentir bon, enfin, disons que ça plaît à des gens. Vous savez, les parfums ne sont qu’un mélange d’arômes, je ne comprends pas que les Midgardiens acceptent de payer aussi cher pour quelque chose d’aussi basique. Je veux dire, n’importe quel débutant en chimie peut créer un parfum. Des enfants de 3 ans pourraient créer de l’huile essentielle de lavande et à 4 ans, créer leur premier savon. Franchement, vous vous faites avoir. Après, c’est vrai qu’il faut le matériel et le savoir-faire mais il y a Google pour cela. Très utile, Google. Enfin quelque chose qui mérite de l’attention. Enfin bref, le parfum vous convient ? Ou vous voulez essayer autre chose ? Là, il y en a un autre, ‘’La Vie est Belle’’ par Lancôme, ça vous irait ? Pareil, apparemment, il est très apprécié. Personnellement, j’aime pas, en plus d’avoir une bouteille très peu ergonomique. Enfin, c’est pas mon argent, vous faites ce que vous voulez, et puis, cette parfumerie a besoin de de gens pour acheter ses parfums sinon, c’est la faillite. Alors, ça vous convient ou vous voulez essayer autre chose ? »