Avis de tempête [Daisy ♥]

Quand l’un des agents du SHIELD m’annonce qu’il ne serait pas sage de raconter tout ce qui m’est arrivé à mes parents, que je ne peux carrément pas les contacter, je bug. Mais genre vraiment, je reste plantée devant le mec comme si je venais de me prendre une gifle, comme si mon esprit s’était fait la malle. Du coup, je répète ma question, mais je ne sais pas si c’est parce que je n’ai vraiment pas la possibilité de les contacter à cause de protocoles que je ne comprends pas encore ou bien si je suis juste tombé sur quelqu’un qui se fout de moi en profitant de ma naïveté. Toujours est-il que la réponse est la même : non.

Tout d’abord, je commence à paniquer. Donc, hyperventilation, mon visage devient tout rouge à cause du manque d’oxygène, un bourdonnement s’installe dans mes oreilles et mes mains se mettent à trembler alors que mes lèvres laissent échapper le même mot, encore et encore « non… » Faiblement, comme une prière, une plainte, presque une supplication. Le café de l’agent à m’avoir renseigné lui explose au visage (c’est composé majoritairement d’eau ces trucs-là tout de même) et il hurle de douleur en m’insultant de tous les noms. Mais ça ne s’arrête pas là. Une tuyauterie au-dessus de nous saute et plusieurs jets apparaissent dans le couloir, mouillant les agents qui passent dans le couloir et qui n’ont absolument aucune idée de ce qui se passe. Mon cerveau refuse de comprendre, d’accepter le fait que je ne pourrais pas prendre contact avec mes parents. Déjà qu’ils doivent s’inquiéter comme des malades, puisqu’ils n’ont aucune nouvelle et que je ne sais pas si mes amis avec qui j’étais lors de ma transformation leur ont parlé. Probablement, puisque Nora était ma meilleure amie, elle aurait prévenu mes parents. Mais j’ai disparu dans la nature. Ça fait plus d’une semaine et je n’ai donné aucun signe de vie, comme si je m’étais évaporée. Peut-être qu’ils pensent que je suis morte. À cette pensée, mes pouvoirs s’intensifient, échappant complètement à mon contrôle tandis que c’est l’arrosage automatique lors d’incendies qui saute cette fois-ci, inondant tout le monde dans les alentours. Je ne sais pas jusqu’où mes pouvoirs agissent, sur combien de pièces et de couloirs, combien d’étages et à quelle intensité. Je ne me rends même pas compte de l’alarme qui résonne alors qu’il faudrait être sourd pour ne pas l’entendre. Mais c’est comme si ma tête était sous l’eau et outre ce bourdonnement intense, je n’entends rien. Mes yeux grands ouverts et terrorisés fixent juste le vide, un point infini devant moi sur lequel je n’arrive pas à focaliser mon regard alors que je continue de murmurer « non... » en serrant les poings tellement fort que mes ongles rentrent dans mes paumes.

Je ne sais pas combien de temps s’est passé, si les gens autour de moi se sont éloignés, s’il continue de pleuvoir et si d’autres tuyaux sautent. Tout ce dont je suis consciente c’est de cette panique intense à l’idée de ne plus jamais revoir mes parents, la seule famille qu’il me reste et l’unique ancre à mon passé dans ce monde dans lequel j’ai été plongée sans rien demander à personne.

Je ne sais combien de temps s’est écoulé, mais je suis complètement perdu dans la tempête que forment mes pensées. Complètement déconnectée du monde extérieur, ne reste que la peur qui me broie la poitrine et me donne l’impression que mes poumons manquent d’air. Mon cœur est sur le point de bondir hors de ma poitrine et je l’entends résonner dans mes oreilles comme un bourdonnement strident, constant et désagréable. J’aurai d’ailleurs porté les mains à mes oreilles si je n’étais pas figée par la peur panique régnant sur mon corps, le faisant trembler alors que mes pouvoirs se déchainent. Je ne sens même pas l’eau mouiller mes vêtements, pourtant le froid, lui, est bien présent. C’est presque comme si des mains invisibles m’entouraient, m’emprisonnant à jamais dans ma terreur.

Puis j’entends une voix, inaudible et méconnaissable au début, comme si ma tête était sous l’eau. Déformée et lointaine, je n’arrive pas à reconnaître les mots, ce n’est qu’une succession de sons sans importance, sans sens. Puis cette même voix prend de l’ampleur, résonnant plus fort, parvenant enfin à percer ma carapace de folie effrayante. Mes yeux parviennent enfin à se focaliser sur son visage et je reconnais Daisy, l’une des premières personnes à m’avoir accueillie dans le SHIELD et qui je tiens en haute estime. « Daisy ? » ma voix tremble tout autant que mes membres et les vagues autour de moi s’intensifient, se soulevant plus et se fracassant davantage contre les murs. « N’approche pas ! Je… je ne veux pas te faire de mal ! » Je semble incapable de bouger sinon j’aurai reculé pour m’éloigner d’elle, pour ne pas la blesser comme je l’avais fait avec Nora et les autres le jour de ma transformation. Pourtant, elle ne baisse pas les bras et s’approche, arrivant à ma hauteur, nos corps si proches que je pourrais la toucher si je pouvais bouger.

« J’ai… peur… » Ces pensées effrayantes et menaçantes hantent mon esprit dans une cacophonie qui rend difficile le fait d’écouter les paroles de Daisy. Pourtant, elles me parviennent comme la lumière d’un phare à travers la brume et j’essaie de lui obéir, de suivre ses conseils insistant puisque je lui fais confiance. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire et je panique encore plus en me rendant compte que je n’arrive décidément pas à me calmer, que les vagues continuent de se déchaîner. Certains membres du SHIELD ont commencé à m’appeler Highseas pour rigoler, d’autres Tsunami ou encore Typhon (certains ont détourné ça en Siphon même…) et pourtant j’espère vraiment que ce n’est pas une inondation que je vais provoquer. La peur d’être seule à tout jamais, d’être rejetée, de ne plus jamais revoir mes parents est dorénavant aussi forte que celle de blesser des gens, de ne pas parvenir à me contrôler et ce, malgré les mains de Daisy sur mes joues. Ce contact, bien qu’il soit une sorte d’ancre vers la réalité ne parvient pourtant pas à me ramener entièrement, comme si j’étais un marin tombé à l’eau et s’accrochant désespérément à une corde. Incapable de remonter sur le navire et ballotée entre les vagues mortelles et pourtant incapable de me noyer puisque je respire sous l’eau.

Mais Daisy ne bouge pas, fidèle à sa position et je peux lire la détermination dans son regard. Alors je me répète en boucle ses propres mots, forçant mon corps à m’obéir et à fermer les yeux comme elle me le demande. Après maints efforts pour surmonter ma peur et réussir enfin à bouger, mes paupières se ferment, me plongeant dans le noir. J’essaie donc de me concentrer sur la voix de Daisy et sur son contact. Mes poings sont toujours serrés et j’essaie de les relaxer, la douleur dans mes paumes avec mes ongles tranchant la chaire, me parvenant légèrement à travers ce brouillard. Je sais que je devrais avoir plus mal que ça, mais mon état de panique actuel est un équivalent d’antidouleur, malheureusement. Pourtant, mes poings ne veulent pas se desserrer le moins du monde et je continue de trembler. Même si, progressivement grâce à la présence de Daisy, les tremblements diminuent, comme si elle était une sorte de baume apaisant.

Je vois Daisy se rapprocher encore plus jusqu’à me prendre dans ses bras. Rien ne change au début malgré ses paroles, comme si les mots avaient du mal à atteindre ma cervelle, comme si la peur les bloquait. Puis, après de longues secondes, je sens ce brouillard effrayant se dissiper un peu, puis de plus en plus, disparaissant progressivement alors que la tempête autour de nous diminue. Les vagues se calment, l’eau arrête son cirque jusqu’à devenir de simples flaques par terre. Les murs sont trempés et je ferme de nouveau les yeux dans les bras de Daisy afin de me focaliser uniquement sur elle et rien d’autre. Sur la chaleur qui émane de son corps contrairement au froid qui provient de l’eau qui a mouillé nos vêtements et qui nous a gelé jusqu’aux os. Sa présence me rappelle celle de ma mère, malgré le fait qu’elles n’ont pas grand-chose en commun et que je ne compte remplacer ni l’une ni l’autre, mais cela me rassure de faire le rapprochement. Il me semble que je pleure à un moment aussi, mais c’est difficile à dire avec l’eau qui dégouline du sommet de mon crâne.

Après quelques minutes, je recule doucement pour éviter toute gêne entre nous et lui indiquer que j’ai repris le contrôle. Pour preuve, les flaques d’eau ne bougent plus, redevenant un liquide sans âme, calme, paisible et transparent. « Désolée pour tout ça… j’irai m’excuser devant le directeur tout à l’heure et je nettoierai ce qu’il faut. Mais merci d’être venue à mon secours. Je… je n’aime pas perdre le contrôle comme ça. C’est dangereux pour tout le monde. » J’essaie de ne pas me considérer comme une menace, mais c’est plus fort que moi. Peut-être que je suis trop réaliste, qui sait. Je regarde alors sa silhouette. « Tu n’es pas blessée ? » Parce qu’elle a tout de même eut le courage d’affronter la tempête pour venir m’aider et que j’aurai très bien pu la blesser par inadvertance. Puis je me mets à trembler, de froid cette fois-ci. « Je te propose qu’on aille se changer avant d’attraper la crève et puis je t’offre un café pour te remercier. Ça te va ? » C’est vrai que là tout de suite, un truc chaud à boire ce ne serait pas de refus. « Ou un thé. Ou un truc un peu plus fort, comme tu veux. » Je souris timidement. Je tiens à la remercier d’une manière ou d’une autre. Elle m’a vraiment sauvé sur ce coup-là et j’apprécie beaucoup sa compagnie. Elle est, en quelque sorte, la sœur que je n’ai jamais eue. Je la respecte beaucoup Daisy. « J’aimerais aussi te poser quelques questions, te… demander quelques conseils si tu veux bien. Sur comment toi tu contrôles tes pouvoirs. Je sais que nos pouvoirs ne sont pas les mêmes… mais tu es aussi passée par là. » Je suis sûre qu’elle pourrait me filer un tuyau ou deux. « J’aimerais éviter d’inonder une deuxième fois le QG… » j’ajoute avec mes dents qui claquent, parce que mine de rien, il fait vraiment froid dans ces vêtements complètement trempés et qu'on a pas l'air connes à se geler les miches dans ce couloir rempli de flaques d'eau. Pourquoi je ne pouvais pas avoir un pouvoir tropical ou quelque chose de chaud dans le même genre ?

Rassurée d’entendre que Daisy va bien, je laisse un sourire timide effleurer mes lèvres. Et j’apprécie le fait qu’elle essaie de dédramatiser la situation, car je sais que pour moi c’est la pire catastrophe qui puisse arriver. Je me connais et je sais que j’ai tendance à dramatiser. Mais quand on passe de ‘rater son année d’art’ à ‘détruire toute une base et noyer tous les gens qui s’y trouvent’ en ce qui concerne les pires choses qui peuvent arriver, la donne change. Les choses sont beaucoup plus importantes maintenant, je ne peux pas prendre mes pouvoirs à la légère. Même si changer de vie comme ça du jour au lendemain n’est pas facile et est complètement déroutant. « Tant mieux, je suis rassurée. » Et voilà qu’un soupir de soulagement quitte mes lèvres et que je m’appuie sur mes genoux pour retrouver mon souffle, toutes ces émotions et habiletés m’avait crevée et surtout bien remontée émotionnellement. Les sensations sont les mêmes que si je venais de courir un marathon coursée par une meute de loups sauvages : je suis exténuée et en plus de cela j’ai l’impression que je viens d’échapper à la mort. De nouveau, je dramatise, mais tout est tellement plus vivide maintenant, plus intense…

« Va pour quelque chose de plus fort alors » je lance, mon petit sourire de nouveau de retour, même s’il se fera timide pour l’instant, comme un enfant qui aurait peur  de revenir voir ses parents après s’être fait grondé. Mais il faut se changer avant, nous dégoulinons toutes les deux d’eau. Mon regard est ensuite attiré par tous les tuyaux grands ouverts. Ils semblent étrangement tordus à certains endroits comme s’ils avaient explosés de l’intérieur. Malgré la fin de la tempête, je peux toujours sentir l’appel de l’eau, franchement, je n’arrive pas à l’expliquer autrement. Les flaques sur le sol, l’eau qui goutte encore des tuyaux ouverts, celle qui continue de couler dans les tuyaux intacts et plus éloignés… je ressens tout plus que je ne l’entends. Je souris un peu plus à la remarque de Daisy « On fait vraiment la paire alors. » À nous deux on pourrait littéralement détruire des bâtiments entiers et les rayer de la carte. Je frissonne à cette pensée.

Je la suis jusqu’aux casiers en baissant la tête, évitant les regards des autres lorsque je me rends compte que ces derniers sont tout sauf amicaux. Personne n’est blessé, c’est un miracle et une excellente chose, mais cela ne signifie pas que tout est bien qui fini bien. Ma mère m’a toujours dit que chaque action a une conséquence et des répercussions et elle ne pouvait être plus vraie qu’en cet instant. Il va falloir réparer la tuyauterie cassée, nettoyer toute cette eau et certainement changer le matériel qui a pris la flotte. C’est ça aussi le souci de mes pouvoirs : la technologie et l’eau ne font pas bon ménage. Ce n’est qu’une fois dans les vestiaires que je respire de nouveau et relève la tête. « Et j’irai parler avec le directeur, j’assumerai les conséquences puisque c’est entièrement ma faute. » Ce qu’il faudra réparer, je le réparerai, même si je dois passer des heures à trimer, une serpillère à la main. Daisy se trouvant dorénavant devant son casier, je me concentre sur le mien. Depuis l’existence de mes pouvoirs, je garde toujours une tenue de rechange dans les parages, parce que non, je ne possède pas non plus le pouvoir de sécher une fois hors de l’eau. Ce serait trop beau sinon. D’ailleurs les seuls vêtements que j’ai de rechange sont ceux que j’ai pu récupérer à gauche à droite et qui pourraient me tenir à peine une semaine. Tout se trouve d’ailleurs dans ce casier. Tout ce que j’ai pu et voulu récupérer de mon ancienne vie. Je n’ai d’ailleurs toujours par revu mes parents. Ils doivent mourir d’inquiétude…

Je sors un sac à bandoulière que je dépose par terre pour accéder à mes vêtements, ignorant l’envie de regarder dedans et sortit mon carnet de dessin et mes crayons. Ce n’est certainement pas le moment. Je ne regarde pas Daisy, par respect et me tourne vers un coin des vestiaires pour me changer. Je ne suis pas pudique, mais elle pourrait l’être. Et puis c’est simplement une question de respect. Rapidement vêtue d’un vieux t-shirt gris délavé avec un Aquali –douce ironie– et d’un jean noir, j’enfile aussi un sweat à capuche par-dessus. Puis je range le sac de nouveau dans le casier, même si mon regard s’arrête un peu trop longtemps dessus.