Plus qu'un souvenir [Alek & Loki]

Enfin de retour à la maison. Je me suis attardé beaucoup trop longtemps à New-York. J’aurais du revenir plus tôt, mais j’ai été déraisonnable, j’ai pris goût au tourisme. Maintenant, je dois tout remettre en ordre dans ma tête pour demain. Je retourne au travail demain. C’est finis les vacances. Heureusement, parce que je ne suis pas fait pour tourner en rond dans une grande maison sans rien faire. En parlant de ça, c’est exactement ce que je fais en ce moment! Je dois me ressaisir et être un peu plus productif. Je décide de commencer par arroser mes plantes. Quand je dis plantes, j’évoque la jungle qui tapit l’ensemble du rez-de-chaussée. Ce n’est pas le nombre de plantes qui impressionnent, c’est leur grosseur. Ça n’a rien à voir avec un quelconque talent en botanique. Au contraire, je n’en prends absolument pas soin et je les arrose rarement plus de deux fois par mois. Parce que j’oublis de le faire. Je ne suis pas doué pour ça. Le secret de leur vigueur se résume tout simplement à mes petites mains pleines d’énergie. Ces plantes sont mes receveuses de secours préférées. Lorsque je n’ai personne à qui transmettre un surplus d’énergie, elles se portent volontaire pour me dépanner. Je vous jure qu’elles apprécient le traitement. Alors, tout le monde est content. Elles ont leur énergie pour survivre à ma négligence et me pardonnent chaque fois que je les dorlote un peu et relâche en elles une étincelle d’énergie.

Une fois la tâche astronomique accomplit, je suis à bout de souffle. J’ai déjà eu des chats par le passé qui me servaient de bouée de secours, mais j’ai découvert que plus je les gavais d’énergie, plus ils devenaient turbulent. Même si je diminuais la dose, ils sautaient partout et j’ai du m’en défaire. Au moins, les plantes ça ne fait que pousser un peu sur les murs et les meubles, ça ne vous réveille pas à quatre heures du matin en miaulant parce qu’ils veulent que je leur cours après. Une plante, c’est tranquille. Mais, il faudrait que je leur fasse une coupe de cheveux bientôt, ça commence vraiment à être tropical ici.

Je monte à l’étage pour atteindre le grenier. Je ne me souviens plus ou j’ai rangé ces fameuses cisailles que mon père m’a données lorsque j’ai emménagé. C’était dans le but de couper les haies de cèdres que le précédent propriétaire avait laissé pousser n’importe comment. L’idée c’était de me les prêter et que je les rendre après usage, mais disons que finalement je les ai encore. Il ne m’est jamais revenu avec ça, donc je considère que c’est un don. Mon père a toujours été très généreux. Du moins avec mes frères, pas avec moi. J’atteins le débarras qui me sert de grenier et je commence à fouiller d’abord en poussant les objets pêle-mêle au sol avec mon pied. Voyant que ça ne donne rien, je me résigne à me pencher et fouiller plus méticuleusement. Je progresse ainsi jusque dans le fond de la pièce qui est garnie de boîte. Ne me dite pas que je l’ai mis à l’une d’elle! Je soupire, faisant soulever plus de poussière. Je me lance donc et ouvre l’une des boîtes sur le dessus. J’arrête de creuser dans celle-ci en atteignant un fond de photos de famille. Je la soulève péniblement et la met à l’écart. Je réfléchis un moment avant d’ouvrir la prochaine boîte. Je ne peux pas avoir mis les cisailles dans le garage. J’ai fais l’inventaire de celui-ci il y a environ un mois et de toute façon il n’y a que les choses que je considère utile qui s’y trouve. Je me convaincs donc qu’il n’y a qu’ici que j’ai pu les ranger. Je plonge donc dans une autre boîte. Après avoir retiré les vieilles couvertures sur le dessus, je me fige en voyant ce qu’elles cachaient. Mes anciens journaux intimes. Les dix-huit sont là. Je les sors un à un et fait un petite pile avec. Je m’assois ensuite à côté et je les regarde en souriant. Ces cahiers représentent toute mon adolescence. Ils contiennent des informations très précieuses pour moi. Les cent pages de chacun des cahiers parlent de mes expérimentations sur mon pouvoir et répertorient chaque être sur qui j’ai testé mes capacités. Ils couvrent environ dix ans de ma vie.

J’ose agripper celui sur le dessus. La couverture est usé et de couleur bleu marin, sans titre. J’essaie de me souvenir quelle période il couvre, mais je ne me rappelle plus. Je l’ouvre avec précaution pour ne pas l’abîmer et je commence à le feuilleter. Les souvenirs reviennent à chaque nouvelle page que je tourne. Certains joyeux, comme mes réussites. D’autres plus douloureux, comme mes nombreux échecs. Par exemple, me voilà sur la page où je raconte comment j’ai tenté de « ressusciter » le chien de la famille. Il est mort de sa belle mort, mais je refusais de le laisser partir. J’avais quinze ans. J’ai appris ainsi durement que je ne peux pas redonner la vie. Aussi fort je tente de le faire. La page est comme gondolée et l’encre, légèrement étendue par endroit. Je pleurais en écrivant ces mots.

Je passe à un second cahier, rouge de couverture celui-ci. Plus grand aussi en dimension. En l’ouvrant, je ris aussitôt. Il est très vieux. Je le sais à cause de mon écriture agitée de gamin qui noircit les pages. Il n’est pas mon premier journal, mais le deuxième je dirais à en lire rapidement les lignes du début. Je devais avoir maximum onze ans lorsque j’ai écris celui-là. Ça fait tellement longtemps, je ne me souvenais pas que je faisais autant de dessins dans les marges. Des plantes et des animaux surtout, ceux que je répertoriais comme étant compatible avec mon don. Je ne suis pas un très bon dessinateur non plus à en voir certains horribles gribouillis bâclés. Vers la fin du cahier, il n’y a presque qu’exclusivement des dessins partout. Sur une page, je me surprends même à y distinguer un mot. Entre une tête de loup et une sorte de branche de sapin, il y a un nom. Mon Dieu, je ne me souvenais pas l’avoir noté quelque part. C’était un secret entre lui et moi, alors je faisais attention de ne pas écrire son nom dans mon journal au cas où l’un de mes frères le trouverait et en lirait les pages. Sauf qu’il est là, dans le bas de la page. Chacune de quatre lettres a été soigneusement repassées au crayon pour lui donner un effet de relief parmi les dessins. J’en ai le souffle coupé. Je fixe encore un peu la page avant de refermer le journal et de le remettre avec les autres.

-Loki, je murmure comme pour confirmer que j’ai bien vu son nom.

Mon bouleversement intérieur se calme un peu. Je secoue la tête et me frotte le visage pour me dégriser. Ça fait bien quinze ans que je ne l’ai pas revu et il me fait toujours autant le même effet. Je me rappelle la fois que je lui ai transmis mon énergie à notre rencontre. J’ai ressentie pour la première fois l’effet de mon pouvoir comme si moi et Loki faisions un échange plutôt qu’uniquement moi qui lui donne. J’en ai encore des frissons. Je soupire en ramène un doigt à ma bouche pour en ronger l’ongle. J’ai comme une envie. Quelque chose que je n’ai pas fais depuis des lustres. C’était un  truc entre lui et moi. Lorsque je voulais lui parler, je devais me concentrer et fermer les yeux. Lorsque je les rouvrais, il était toujours devant moi. Ça le rendait encore plus mystique et irréel. La dernière fois que je l’ai fais, ça n’a pas fonctionné alors j’ai cessé de m’acharner. Sauf que là, j’ai une envie irrésistible de le tenter à nouveau. Qu’est-ce que j’ai à perdre? Je remets donc mon dos droit et inspire profondément en fermant les yeux. Je me concentre sur son image comme autrefois lorsque je voulais l’appeler. Je reste ainsi durant plusieurs minutes, en me convainquant qu’il va vraiment revenir à moi-même après toutes ses années. J’inspire ultimement et ouvre les yeux.

Le vent fouette sur mon visage. L’air est froid, tellement froid. La morsure du froid sur mes joues est douloureuse. Sauf que je n’ai pas le temps de m’en plaindre. Je bondis entre les racines, les roches et les souches afin de sauver ma peau. La progression est difficile à cause du nombre d’obstacles à mes pieds, mais un rapide coup d’œil par derrière me rassure sur la distance instaurée avec mon poursuivant. À bout de souffle, j’ose ralentir ma fuite. J’halète bruyamment et porte une main à ma poitrine qui à peine à contenir mon cœur affolé. J’ai la tête qui tourne, tiens! Ce n’est pas surprenant vue l’adrénaline qui baigne dans mon sang. J’y suis allé un peu fort dans cette expérimentation, je dois l’avouer. Qu’est-ce qui m’a pris de pénétrer dans la tanière d’un ours semi-endormis! Je suis suicidaire ou quoi! Mais au moins ça en a valu le coup car l’expérience est concluante. Je me convaincs que plus aucune boule de poils bruns ne me suit et termine de reprendre mon souffle en m’appuyant sur un grand arbre. Après une ultime expiration de ma fatigue, je fais un pas vers l’avant. Je cris alors de surprise en voyant l’ours remuer à moins d’un mètre de moi. Je trébuche et rampe prestement en sens inverse. Le sol est glacial et dur, mais étrangement humide, me faisant mal aux paumes et aux genoux à chaque mouvement. Je ne remarque pas vraiment où je m’en vais avant d’entrer en collision avec quelque chose. Le choc est sans douleur, presque doux, mais me saisit suffisamment pour me faire enfin regarder droit devant :

-Loki! Je m’exclame en cœur avec mon moi du passé.

Aussitôt que j’ai ouvert les yeux, il était là. Il est apparu de nulle part comme dans cette forêt autrefois. Comme si souvent dans ma vie passé. Je ne pourrais pas compter le nombre de ses visites ou de sa présence dans mes rêves afin d’apaiser mon esprit anxieux. Il y en a trop. Tellement que j’avais la prétention étant gamin de croire qu’il ne venait voir que moi. J’ai appris plus tard que ce n’est pas le cas.

Ma naïveté d’enfant n’est plus dans la balance dans cette version présente de moi. Je perds donc aussitôt mon sourire. Je le fixe silencieusement lorsqu’il me parle. J’avais oublié le son de sa voix. Non, je m’en souvenais, c’est juste que j’ai perdu l’habitude de l’entendre en vrai et pas juste en souvenir. La mémoire à l’étrange tendance à rendre les choses fades et ombrageuses avec le temps. Ce qui fut magnifique ne devient que beau. Ce qui avait été exceptionnel n’est rien de plus que bien. Et là ça me frappe avec le même effet que son apparition après tout ce temps. Je me surprends à être parfaitement en mesure de lui répondre :

-Ça remonte à cette histoire avec l’ours, je dis en haussant les épaules, donc j’avais douze ans il me semble.

Je ne comprends pas ma désinvolture. Il est là. Juste devant moi. Et après mon appel alors que par le passé il n’a plus jamais répondu lorsque je le faisais après sa disparition. Même quand j’avais vraiment besoin de lui. Pourtant, une fois la surprise passé, je suis étrangement calme. C’est sa magie qui agit sur moi ou j’ai vraiment grandis?

Réalisant d’un coup que je suis toujours assis au milieu de ce foutoir, je me lève subitement. Je pousse de côté avec mon pied mes cahiers, les faisant tomber contre la boîte de cartons qui les contenait toutes ces années. J’ose ensuite quelques pas pour le rejoindre. Je n’aurais jamais cru ça possible, mais on est à peu près de la même taille à présent. Il est encore légèrement plus grand, mais ça ne se voit pas trop avec la pénombre de la pièce.

-Hum, du thé? Je demande, ne me souvenais plus de ce qu’il aimait boire quand mes parents n’étaient pas à la maison. Ou autre chose?

Je ne veux pas le forcer, mais je pense qu’on serait mieux pour des retrouvailles dans un lieu plus confortable pour bouger au moins. Et avec moins de poussière aussi.

De l’assurance? Oui, ça je crois en avoir acquis beaucoup plus qu’il ne le pense. Je ne suis plus l’enfant anxieux qui s’inquiétait constamment de la situation de son pouvoir. Les heures de pratiques et d’acharnement ont finit par payer vers mes vingt ans, lorsque j’avais une maîtrise équivalente à celle actuelle. Je me suis perfectionné plus lentement par la suite, mon pouvoir n’étant plus une nouveauté ou une source d’effroi. Mais tout de même, j’ai acquis un niveau impressionnant depuis notre dernière rencontre.

Je me contente de lui sourire faiblement lorsqu’il accepte de me suivre. Je prends les devant sans hésitation, le conduisant hors du grenier poussiéreux. Je me dirige ensuite vers la cuisine afin que l’on puisse s’assoir. Je mets l’eau à bouillir tout en évitant de le regarder. Je me presse de le faire, puisque je n’ai pas envie de lui faire perdre son temps. C’est aussi un réflexe que j’ai adopté à force de le côtoyer. J’avais toujours ce soucie étant enfant de ne jamais le faire attendre. D’éviter de le mettre en rogne aussi. Pas que Loki était agressif ou menaçant envers moi, au contraire. Sauf que j’avais cette impression de n’être qu’un humain incapable devant un Dieu. Ce qui n’est pas si faux. Sauf qu’à présent, j’agis de la sorte pour un motif différent. Je ne crains plus de subir les courroux d’une colère potentiel. Je me grouille le cul parce que je suis impatient d’obtenir des réponses.

Donc, une fois la bouilloire activée et les tasses (deux) préparées, je me hâte de prendre place à la table près de lui. Il ne tourne alors pas autour du pot. Loki me demande pourquoi je l’ai appelé. Je dois sérieusement me questionner à ce propos. Je le regarde un instant, puis fixe le mur en réfléchissant. Cela me prend le temps du cycle de chauffage de l’eau et je me lève pour terminer la préparation du thé. Je ne chaume pas niveau mental pendant ce temps. Je verse l’eau dans les tasses distraitement puis termine le tout encore plus distraitement avant de revenir à lui. Je lui tends sa tasse. À ce moment, je pense avoir trouvé la bonne réponse :

-Honnêtement, je crois que c’est parce que je suis un peu perdu. Il y a tellement d’événements qui arrivent d’en m’a vie d’un coup. Tellement de choses en lien avec mon pouvoir que je ne sais quoi en penser. J’ai besoin de tes précieux conseils sur la manière dont je dois agir avec mon don dans l’avenir. Je ne suis plus ton élève à présent, mais j’ai besoin que tu me guide.

Je prends une pause pour goûter au thé. Il est excellent pour ma gorge sèche. Je poursuis presque aussitôt après un sourire :

-Oh et il faut avouer que j’étais persuadé que ça ne marcherait pas. Je l’espérais, mais je ne me fais plus trop d’illusion depuis le temps. Je suis toujours le même dans le fond : un éternel nostalgique qui a de terribles goûts en décoration intérieur.

Je ris brièvement en désignant les plantes que je peux presque voir pousser en direct à l’arrière de lui. Avec tout ça, je n’ai toujours pas retrouvé ces foutu cisailles. J’utiliserai des ciseaux plus tard, c’est tout!

J’ai toujours su que je n’étais pas le seul protégé de Loki. Il était très honnête avec moi là-dessus. Je n’ai jamais été jaloux de cette situation, puisque de toute manière il était tellement souvent à mes côtés. Enfin, je crois n’avoir aucunement piqué une crise de jalousie devant lui. Je ne me souviens pas de tout, naturellement. Il y a bien un ou deux moments où j’ai eu ce genre de pensée, mais je les gardais pour moi-même. Je cherchais à tout prix à gagner son respect et même en ce moment j’agis de la sorte. C’est insensé. Et pourtant le voilà qui me fait un compliment. Et ça me rend heureux. Je souris bêtement. J’ai beau ne plus être un enfant, ce lien d’élève et de maître ne s’est jamais envolé. Il perdure toujours entre nous et je cherche inconsciemment en permanence à le rendre fier. À lui prouver qu’il ne s’est pas trompé en mettant sa confiance en moi. Même si mes périodes d’adolescent et ensuite d’adulte se sont déroulées entièrement sans lui, je sais que ma motivation à travailler sur mon pouvoir venait de ça. De ce ridicule désir d’être aimé par lui. De lui faire plaisir. Et tout est en train de revenir maintenant.

-Merci, je dis simplement en buvant encore du thé, me brûlant la langue au passage.

Je ne dis rien, me contentant de la rouler dans ma bouche avec frustration. Je ne peux quand même pas dire au Dieu Loki que j’ai la langue qui me brûle à cause de ma stupidité. Je ravale donc un commentaire et me concentre plutôt sur son visage. Il n’a pas changé d’un poil. J’imagine que son immortalité y est pour quelque chose. Mais, ça dois lui faire bizarre de me voir avec de la barbe et quelques cheveux blancs qui sortent par-ci, par-là. Il est loin le temps où j’avais ma bouille joufflu de gamin.

Je soupire lorsqu’il devine à propos de mon pouvoir. Comment j’éprouve des petites instabilités récemment puisque je ne varie pas assez mon entourage si je peux me permettre l’expression. Mon pouvoir est du genre paresseux si on ne le motive pas constamment. Si je l’habitue toujours aux mêmes personnes, toujours à la même quantité relâchée, il finit par perdre ses acquis. Voilà pourquoi je dois sans cesse faire des pieds et des mains pour le mettre au défi. La nouveauté me permet de renforcir mon pouvoir. Et là je suis un peu dans la routine ces dernières années, malheureusement. Il y a bien ce moment où j’ai été en voyage au Brésil et où j’ai passé des journées entières dans la forêt pour chatouiller les arbres exotiques. Disons que ça m’a donné un sacré coup de main pour atteindre mon niveau actuel. Mais quand même, je sens que la poussière retombe et que je perds tranquillement des plumes. Hors, je ne veux pas régresser. Je veux avancer. J’ai un petit rire amer avant de lui répondre :

-Je passe mon temps à vivre comme un humain. C’est ça le soucie. Je n’ai plus trop envie d’être dans l’ombre d’une vie normale alors ça me crée des conflits que je n’avais pas avant. Sauf qu’il n’y a pas que ça. Le problème avec mon pouvoir vient surtout de l’extérieur. Je tente d’apporter mon aide aux autres comme toujours, mais je perfection aussi ma maîtrise en même. Comme nous l’avons découvert ensemble, plus je varie mes réceptacles, plus j’acquière en flexibilité dans ma production énergétique. Ce qui cloche, c’est que je commence à être à court d’idées de sujets d’expérimentation. Je ne fais plus de rencontre comme la notre où mon don a progressé de façon exponentiel en te transmettant de l’énergie. Il me faudrait un autre de ces moments extraordinaire pour me donner un coup de pouce. Sauf que je ne sais pas vers qui ou quoi me tourner pour arriver à produire une rencontre pareille. Oh et il ne faut pas négliger le fait que je me suis mis dans le pétrin je pense. Je suis dans le radar du SHIELD. Et j’ai comme qui dirais accepter de seconder les Avengers. C’est stupide je sais, mais je veux tellement aider les gens. Ça m’a paru une bonne idée sur le coup. Je commence à m’en mordre les doigts à présent en réalisant à quel point ça va m’exposer. Je n’ai pas trop envie de devenir un nouveau Tony Stark.

Je le regarde, un peu misérable avant de soupirer longuement :

-Tu comprends maintenant pourquoi j’ai besoin que tu me guides?

Retenter le coup? Après toutes ces années, j’ai le sentiment que mon corps va se souvenir de son esprit et le précieux effet de nouveauté que je recherche ne sera que partiel. Par contre, oui, pourquoi ne pas tenter ça. Qu’est-ce que j’ai à perdre? Je n’ai pas transmis depuis quarante-cinq heures (je calcule mentalement), alors je serais en mesure de lui donner quand même beaucoup. Sans hésiter, je lui tends j’ouvre la paume de ma main gauche. Je la fais glisser sur la table jusqu’à lui et j’attends qu’il établisse le contact de lui-même. Ça fait vraiment longtemps que je n’ai pas expérimenté avec un Dieu alors ça va me faire bizarre. J’ai l’habitude des humains et des autres espèces terriennes. Je ne ressens plus de « plaisir » à transmettre mon pouvoir, si je peux me permettre l’expression. C’est devenu une corvée de toucher puis de donner. Mais avec Loki, j’espère retrouver cette sensation de délivrance que je ressentais enfant lorsque je me débarrassais d’un excédent énergétique.

Je regarde Loki dans les yeux. J’ai confiance en lui. S’il croit qu’il est bon pour moi de lui donner mon énergie à cet instant, alors qu’il en soit ainsi. Je n’ai même pas de questions à me poser sur le sujet. Je l’ai appelé pour ça après tout. Pour qu’il me propose des solutions pour réorienter ma vie. Pour qu’il me guide vers la voie de laquelle j’ai visiblement déraillée toutes ces années en solo. Lorsque finalement je sens sa main dans la mienne, je lui donne tout ce que j’ai d’un coup. Je sais qu’il peut encaisser, puisqu’il n’est pas un simple humain. Je ne sais pas de combien j’ai augmenté sa puissance, mais il sera surpris du résultat j’en suis sur. Puisque ce n’est plus de l’énergie de gamin que je lui offre. C’est une concentration cent fois supérieure à celle du temps. Ma rapidité de transmission a changé aussi. Je n’ai plus à fermer les yeux et me concentrer durant plusieurs minutes avant que sa marche. Un simple effleurement sur la peau de ma main et c’est déjà transmis.

Je le fixe en espérant de pas y être allé trop fort. J’expire bruyamment, me sentant vide de mon énergie résiduelle. Comme je l’avais prédit, l’effet n’est pas le même qu’autrefois. J’ai eu des frissons le long de mon échine, mais sans plus. Je soupire donc de découragement et sépare nos mains. Je me calle dans ma chaise en secouant la tête, déçu que ça n’est pas fonctionné comme il aurait fallu pour accroître mon potentiel.

-C’était une bonne idée, mais ça n’a pas marché, je soupire à nouveau.

Je ne sais vraiment pas ce que je vais faire. Je ne peux tout de même pas demander à Loki à ce qu’il me présente tous ses petits copains extra-terrestres afin que je tente d’exploiter leur présence et de me renforcir. C’est ridicule de penser que ce n’est que ça qui pourrait me guérir de ma stagnation. Peut-être que j’ai atteins mon potentiel maximum. Que peut importe ce que je tente, que rien d’autres ne va me permettre d’accroitre ma force. Il y a cette possibilité que je ne peux pas retirer de l’équation avant d’arriver à prouver le contraire. Loki est toujours là et je m’inquiète soudain pour lui. Je l’ai vraiment gonflé à bloc, je me surprends qu’il n’est pas envie de sauter partout sous la quantité d’énergie pure qui circule à présent dans ses veines :

-Ça va? Je demande, soucieux de son calme.

Moi, aller dans son monde? Je ne sais comment réagir quand il me demande si cela m'intéresse. J'ai peine à imaginer Asgard à vrai dire. Ce n'est pas l'envi qui manque de lui dire oui sur le champ, mais quelque chose m'arrête, me fait garder mon calme. Je ne suis plus un enfant après tout, il faut que j'agisse en conséquence. Je veux prendre le temps de mûrement y réfléchir. De ne pas dire oui et d'ensuite le regretter si les effets sur mon corps de mortel sont désastreuses. Parce que oui, il faut que je considère la possibilité que d'être confronté à tant de nouveauté aura l'effet inverse sur ma mutation. Cela pourrait la faire tellement s'élever que par la suite la chute sera encore plus terrible. J'imagine que son monde n'est pas fait que d'énergie pure, cela me permettra de limiter mes actions. De ne toucher que les Asgardiens par exemple, pour ne pas non plus que je m'épuise à mort en exagérant avec la transmission. Je ne suis qu'un humain après tout. Si comme je le pense, tous les autres Asgardiens sont aussi puissants que Loki, je vais devoir éviter d'avoir les yeux plus gros que la panse. Sauf que je ne dois pas oublier que mon mentor sera avec moi. Il pourra me surveiller et m'éviter une sur-utilisation. Avec Loki près de moi, je ne vois pas ce qui pourrait arriver de mal, en agissant en plus d'une manière conservatrice avec mon pouvoir.

Et puis pour ce qui est de sa proposition de tester mes capacités sur un artefact, cela me laisse perplexe. Je n'ai jamais réussi à transmettre mon énergie à une chose inanimée. Pourrait-il sous-entendre que ce qu'il me propose sont des objets anciens de natures organiques, en sachant que mon pouvoir ne se limite qu'à ce genre de matière? Cela reste intriguant, même si mes doutes persistes. Les conseils de Loki m'ont toujours été d'une grande aide par le passé. J'ai confiance en son opinion. Et puis, il cherche à m'aider visiblement, comme quand j'étais gamin. Il me propose donc toutes sortes d'idées afin de revigorer mon pouvoir. Je ne peux qu'apprécier ses paroles, les voyant à présent sous cette perspective. Je lui souris donc une fois de plus et lui répond, en reprenant un peu le moral :

-Oui, c'est une chose qu'on pourrait tenter. On ne sait jamais, c'est peut-être la solution à mon problème.

Je décide de voir sa proposition d'un bon œil. Et puis, c'est vrai que depuis toujours je rêve de voir son monde à lui. Je ne peux pas le nier. Qui n'est pas curieux de visiter un endroit inaccessible d'ordinaire à une personne de l'extérieur? Qui sait ce qui pourrait m'arriver là-bas. Les gens que je pourrais rencontrer. Les endroits que mes pieds pourront fouler. C'est l'expérience d'une vie. Et c'est beaucoup plus exotique que le Brésil, je dois dire. Même si au fond le moi il persiste toujours une crainte à une telle aventure, si Loki m'accompagne, je suis persuadé que plus rien ne me sera impossible par la suite.