[Terminé] It's just another war. | T'Challa.

New York, le rêve américain, disent-ils tous. Le rêve. Celui de tous, peut-être, mais pas le mien. J'arborai chacune des parcelles de cette grande ville bruyante, surpeuplée, angoissante. Pourtant, je me tenais sur l'un de ses trottoirs, je faisais, moi aussi, parti de ces milliers de visages qui, chaque jours, arpentaient les rues. Parti de ce tas grouillant au sein d'une cité dans laquelle j'avais, durant quelques temps, vécu. Dans laquelle j'avais appris à me connaître un peu plus, à connaître l'Autre, à espérer le maîtriser. Dans laquelle j'avais cru, un fol instant, pouvoir maîtriser ce qui ne l'était pas.
Pourtant, j'étais là de nouveau, moi, Bruce Banner lui-même, debout au milieu de ces inconnus qui ne me prêtaient aucune intention. Qui ne savaient pas qu'un une fraction de seconde, une chose monstrueuse pouvait surgir de mes propres entrailles pour venir briser, détruire, anéantir. Oh, qu'il en avait envie. Pourtant, je savais le tenir à distance, l'enfermer dans une cage aux solides barreaux qui, parfois, cédaient sous la force des émotions harassantes qui faisaient notre vie à tous. Déjà éreinté, je passai une main las sur mon visage. Cela faisait déjà quelques jours que j'étais de retour, maintenant. J'étais resté dans l'ombre, dormant souvent à la belle étoile à l'écart dans des ruelles désertes, à l'abris derrière des bennes à ordures, ou bien tout simplement près des docks. C'était une vie qui m'était familière, celle d'un pseudo-fugitif échappant aux autorités. Une coutume qui, plutôt que de me révulser, me rassurait.

Néanmoins, je jugeais qu'il était temps que j'arrête de fuir éternellement. Rasé, coiffé, habillé et lavé aux frais d'un hôtel peu coûteux, j'hésitai. J'avais pris connaissance de tous les éléments les plus solides. La nouvelle loi, la politique tendue qui planait sur New-York, et s'étendait lentement à l'Amérique elle-même. Plus encore, la mort d'une connaissance de mes années de fuites à travers tout le pays, le roi du Wakanda, T'Chaka.
Lorsque je fuyais le gouvernement et l'armée, j'avais énormément voyagé, et pas seulement en Amérique latine. J'étais également allé jusqu'en Europe, puis en Afrique. Hulk avait aidé à rendre les voyages toujours plus courts, je pouvais lui être reconnaissant d'au moins une chose. A l'époque, je cherchais encore comment maîtriser cette chose enfermé au plus profond de moi-même, dans toutes les contrées possibles et imaginables que l'on me conseillait de visiter pour parfaire mes entraînements. Mes pas m'avaient donc naturellement menés vers ce peuple aux coutumes particulières, mais à l'esprit droit et loyal. Je ne sais pas si je puis dire avoir été ami avec le roi de ce pays, mais, dans mes souvenirs, nous étions restés en de très bons termes, et apprendre sa mort – son assassinat – éveillait en moi une forme de triste peine non négligeable. Par respect pour l'homme qui avait accepté mon séjour sur ses terres, et aidé dans mon ancienne quête, j'avais décidé de rendre au moins un hommage à son fils, T'Challa, que je connaissais moins, sinon de vu, mais cela remontait.

Mes pas me conduisirent, naturellement, vers l'ambassade du Wakanda. Plus que pour rendre hommage à cet homme, je pense qu'il s'agissait surtout d'une forme d'esquive plus subtile. La fuite, toujours, bien sûr. Je n'étais pas encore prêt à m'ancrer profondément dans les conflits qui grossissaient à vue d’œil. Pas prêt à revenir réellement, physiquement, face aux autres que j'avais laissé en plan après la bataille. Ni face à Natalia, à qui j'en voulais, ni même à Tony Stark qui, malgré la profonde amitié que je lui vouais, faisait, comme d'habitude, ce qu'il voulait, quand il voulait, comme il le voulait, ne laissant que peu de choix à son prochain. Tout cela me fatiguait d'avance mais, pire, me navrait.
L'on m'autorisa à entrer dans le bâtiment, sous une fausse identité. Bruce Banner était trop connu, maintenant, je préférais glisser entre les mailles du filet encore quelques temps. Un homme vint m'accueillir à l'entrée, je ne saurais dire s'il s'agissait d'un agent, d'un secrétaire, d'un assistant... Les ambassades et leur fonctionnement m'étaient assez étranger, je ne m'y étais, pour ainsi dire, jamais rendu avant ce jour. Je m'étais toujours arrangé pour rester éloigné de la politique et de tout ce qui pouvait l'entourer, de toute façon... L'on me conduisit ensuite à l'homme que j'étais venu voir. D'ancien souvenirs me remontèrent en mémoire, quant aux attitudes à avoir en face d'une telle personnalité : j'inclinai donc la tête avec respect.

« Vous ne vous rappelez sûrement pas de moi, mais je fus une connaissance de feu votre père. Je tenais à venir vous présenter mes plus sincères condoléances quant à son décès... J'ai été peiné de l'apprendre, il s'agissait d'un homme fort et droit. »

Je restai pensif quelques instants. Je ne savais même pas exactement pourquoi j'étais venu, au fond, mis à part pour cela. Des condoléances... Mon interlocuteur les accepteraient sans doute, mais à quoi bon ? Cela ne ramènerait jamais les morts à ma vie. Je lâchai un soupir, inaudible, bien sûr, je ne tenais pas à paraître irrespectueux en une pareille circonstance.

« J'ai appris qu'il avait été assassiné. » je ne préférai pas tourner autour du pot, j'avais appris que cela ne servait pas à grand chose, de toute façon dans le monde dans lequel nous vivions. « Ca ne me concerne pas vraiment, mais avez-vous une idée, quant à l'auteur de ce crime ? »

Peut-être un peu trop formel, je hochai la tête. Qu'il se souvienne de moi m'étonnai quelque peu, mais, au fond, me fit sans doute plaisir. Toutes les personnes de passage dans ma vie avaient plus ou moins une signification, car elles étaient peu nombreuses. Je pouvais compter les connaissances ayant eu un sens dans ma vie sur les doigts d'une main. Mes parents, ma tante, ma cousine, Betty, le Général Ross, bien sûr (je ne faisais pas référence qu'aux figures sympathiques), les Vengeurs, et T'Chaka, qui avait été plein de compréhension et de conseils pour mes … « petits » ennuis. Il avait su comprendre mes problèmes, et m'accueillir alors que j'étais un fugitif, un homme en fuite. Son intérêt, bien sûr, c'était porté sur mes recherches scientifiques de l'époque. L'homme avait de grandes connaissances dans le domaine, lui aussi, et avait pu orienter certaines de mes théories. Je lui en étais encore grandement reconnaissant, et sa mort me désolait. Un grand homme venait de rendre son dernier souffle...

A sa suite, je m'assis sur la chaise qu'il me désignait, et posai mes mains sur mes cuisses pour m'ancrer dans l'instant présent, posant mes yeux sur l'homme qui me faisait face. Malgré la perte, il dégageait une prestance et, même si je ne m'y connaissais pas particulièrement dans le sujet, je ne doutais pas qu'il ferait un bon roi, par le futur. Du moins était-ce quelque chose à espérer. A ses dires, je hochai la tête, une nouvelle fois. Oui, les nouvelles allaient vite, surtout en ces temps, et encore plus lorsqu'il s'agissait d'un événement d'une telle ampleur. Je ne doutai pas que certains aient tenté d'étouffer l'affaire, mais les médias pouvaient avoir la peau dure et se montrer tenaces. Je me penchai légèrement en avant, attentif, les sourcils légèrement froncés, un doigt appuyé contre la commissure de mes lèvres.
Les soldat de l'hiver.

Je fouillai dans mes souvenirs et tentai de raccrocher cette appellation à un visage, à quelqu'un, mais rien ne me vint en particulier. Je n'étais pas vraiment au courant de ce genre de choses, et c'était peut-être un peu désolant. Je n'avais pas particulièrement envie de m’immiscer dans ce genre de problèmes, étant donné mes propres soucis de taille, mais je me disais, de plus en plus, que je devais cesser de fuir. Et définitivement m'impliquer. Mais pourquoi ? Quelle cause ? Je ne pouvais permettre des dégâts supplémentaires.
Lentement, je redressai la tête pour croiser le regard franc de mon interlocuteur. Je ne savais pas qui était le Soldat de l'hiver, mais je pouvais toujours tenter de le découvrir, peut-être... Qui s'attendait à voir Bruce Banner ici ? Qui se souvenait seulement de son visage ? Personne. Ou très peu de monde. Je savais me rendre invisible, je savais être discret, je ne savais pas encore de quel côté de la ligne je me situais ni dans quelle situation j'étais en train de mettre les pieds...

« Oui, les médias peuvent se montrer tenace dès qu'ils ont l'opportunité de lancer de nouvelles informations... » dis-je avec un brin d'amertume. « Je ne sais rien, quant à un certain Soldat de l'Hiver. Je ne suis pas vraiment au fait du monde, et de ce qui s'y passe, et je le regrette. » je secouai la tête, navré. « Je suppose que des gens sont déjà sur l'enquête ? » demandais-je, sans vraiment attendre de réponse car cela me semblait évident. « Je regrette de ne rien vous apporter de neuf. Un tel nom de code m'évoque l'armée, évidemment, ou des organisations plus enfouies qu'il nous a déjà été donné de combattre à une époque, comme Hydra. J'ai peur de ne pas être d'une grande aide, malheureusement... »

Un petit sourire navré naquit au coin de mes lèvres alors que je remontai mes lunettes sur mon nez. Il allait de soi que je commencerai moi-même des recherches, malgré ma réticence à me mêler à ce genre de chose, je ne pouvais nier une certaine forme de curiosité. Un vilain défaut qui me venait de Stark. En travaillant à ses côtés, pendant quelques années, j'avais acquis de mauvaises habitudes. J'aurais du rester en dehors de tout ça, ça ne me concernait pas vraiment. Deux sentiments en contradiction la plus totale.

« Je sais que ça ne me concerne pas réellement, cependant je... Pense que dans tous les cas, je vais m'y intéresser. J'ai le pressentiment qu'il y a quelque chose d'important, sous tout ça... Si jamais vous avez besoin de monde aide, donc, sachez que je suis disposé. Sinon je m'effacerai, mais sachez tout de même que je compte m'immiscer sans faire de vagues, je sais m'effacer mieux que personne, rester inaperçu et sûrement ma plus grande qualité. »

Je lui laissai un peu le choix, au fond, sachant que je comptais me renseigner, à lui de décider s'il comptait que je le renseigne également ou non.
Banner, Banner, dans quoi est-ce que tu te lances encore, mon vieux ?

Il était, en effet, fou de ma part de venir jusque ici. Insensé, même. En d'autres circonstances, je serais resté terré au fond de mon trou. Telle était ma spécialité... Mais pas cette fois. Personne n'ignorait qui j'étais, mais, après tout, je ne faisais plus partie des Avengers à l'heure actuelle. Si les Accords me touchaient aussi de près, à cause de Hulk, j'aurais été bien égoïste de ne pas braver le danger que représentait un escalier et une porte à franchir pour venir présenter mes condoléances à un homme, et le peuple qu'il représentait, alors que son défunt père m'avait accueilli dans son pays lorsque je n'étais qu'un vulgaire fugitif. Fugitif que je semblais destiné à être toute ma vie, et ce jusqu'à ma mort. J'espérais que non. Je savais que les choses pouvaient changer. Pour moi, pour tous. Deviendrais-tu idéaliste, pauvre Banner?
A juste titre, je sentais cependant la méfiance de T'Challa à mon égard. Il me connaissait, au moins un peu, et savait ce dont Hulk était capable si jamais on venait à le provoquer, à le réveiller. Mais Banner savait comment le garder sous contrôle.... En tout cas, il le pouvait tant que des sorcières ne venaient pas manipuler son esprit. Rancœur, quand tu nous tiens... Le calme dont faisait preuve le nouveau roi du Wakanda m'impressionnait mais ne me surprenait pas. Après tout, ce peuple était grandement pacifiste, bien qu'au sang de guerrier. J'admirais l'état d'esprit de la famille royale, mais je savais aussi qu'un fond de ces yeux noirs se cachait une tempête prête à se déchaîner, à abattre sa vengeance sur qui de droit.

Finalement, le nom du Captain tomba entre nous, comme un coup de lame aussi tranchante qu'un rasoir. Je restai immobile quelques instants. Bien sûr, je voulais offrir mon aide, je venais de le lui proposer. Cependant, me retrouver face à Rogers n'était pas pas l'une des idées les plus brillantes à l'heure actuelle. Je ne savais pas comment il réagirait en me revoyant, moi, Bruce Banner. Nous n'avions jamais vraiment eu de discussions, lui et moi, nous ne nous étions jamais considérés comme des amis auparavant... Nous n'avions rien en commun, et, même si je l'appréciais en tant qu'homme, je ne savais qu'en penser. Malgré tout, c'était une occasion de remonter à la surface, une occasion de saisir les enjeux avec un plus grand sérieux. Si quelqu'un devait être courant des agissements de l'HYDRA, c'était sans conteste Steve.
Je finis donc par hocher doucement la tête.

« Je pourrais essayer. Le Captain Rogers est quelqu'un qui sait écouter, je suppose qu'il acceptera d'avoir un entretien avec vous, si je lui en parle ? » Je ne le connaissais pas assez bien pour l'affirmer, cependant. « Mais je ne peux rien garantir malgré tout... »

L'essentiel était malgré tout d'essayer. Si T'Challa souhaitait être mis en relation avec le Captain, et si je pouvais l'y aider, tant mieux. Restait à voir où, quand, et comment. Mais j'en faisais mon affaire, il y avait toujours une solution. Cela faisait longtemps que je restais tapis dans l'ombre, que je m'effaçais, que je fuyais dans l'intention de parer les éventuelles menaces, dans la peur des prochaines pertes de contrôle. Stark m'avait ouvert les yeux. J'avais eu le temps d'y réfléchir, durant mon exile, et finement dirigé, Hulk n'était pas l'ennemi. Il était un allié. Mon allié. Il fallait juste que je le comprenne, au lieu de le combattre. Et pour ce faire, que je cesse de combattre le monde. Ou de me combattre moi-même.
La question de mon interlocuteur me parut légitime. Je croisai les bras sur ma poitrine, m'enfonçant un peu plus dans mon siège. Inconsciemment, je suppose que j'aurais préféré devenir invisible et m'évaporer. L'habitude. Sa question me mettait un peu dans l'embarras, car il était vrai que je n'étais pas encore au clair avec moi-même sur bien des points. Ce qui me paraissait évident, quelques mois auparavant se voyait chamboulé.

« Eh bien... A dire vrai, je ne le sais pas encore moi-même. Hulk est une menace évidente, vous ne le dites pas à voix haute, mais je sais que vous ne pouvez que vous méfier. Je n'en suis pas offensé, c'est normal... Je ne suis pas revenu par plaisir, mais j'ai pris conscience de bien des choses durant mon exil. Je pense pouvoir être utile de bien des façons, et je sais aussi que ces Accords risquent de causer des dégâts. Plus qu'ils ne sont censés en réparer... » Cela répondait peut-être en partie à sa seconde question, mais pas vraiment à sa première. « Je ne peux me faire recenser. » Je préférais être très franc. « Mais je préfère être un fugitif ici plutôt qu'ailleurs. Ne voyez en moi qu'un homme fatigué de fuir, et fatigué des faux semblants. J'appréciais beaucoup votre père, et le tenais en estime, c'est pour cela principalement que je vous propose mon aide. Je n'en garantis pas l'efficacité, mais j'ose espérer, du moins, que des tensions s'apaisent. »

Je doutais de mes dernières paroles. Les tensions ne faisaient que commencer, cela se ressentais de partout, au cœur même de la ville, et plus encore. A un niveau gouvernemental. Je haïssais les politiques, je haïssais l'armée, et ses représentants. Je haïssais le monde, de manière générale, qui ne m'avait pas laissé tranquille lorsqu'il l'aurait du. Et pourtant, il y avait encore des hommes de bien qui la peuplait. T'Challa en faisait parti, je l'espérais, tout comme j'aspirais à meilleur que je n'avais été par le passé.

Je comprenais qu'il puisse trouver mon état d'esprit paradoxal. J'avais moi-même du mal à comprendre le fond de mes propres motivations, mais je n'agissais pas à la légère. Beaucoup de vies étaient en jeu. Comme toujours. Et je n'avais pas agis sous le coup d'une impulsion, il s'agissait d'un acte mûrement réfléchi. J'espérais seulement que mon interlocuteur aurait assez de jugeote pour me laisser repartir sans déclencher la bombe à retardement qui m'habitait. J'étais persuadé, cependant, que tout se passerait bien. Je ne lui faisais pas confiance, tout comme il ne me faisait pas confiance, cela était certain. Je ne souhaitais pas l'aider simplement pour me ranger dans un camp, ou dans un autre. Je me considérais plutôt neutre, dans cette guérilla entre les opposants de la loi, et ceux l'ayant ratifié ou signé.

Je voulais aider. Mais pas aider pour cette guerre. Aider pour autre chose. Quelque chose qui me touchait plus personnellement. Aider ceux qui, comme moi, étaient victimes de radiations, de mutations, considérés comme des monstres qui ne savaient pas où se ranger, comment se placer vis à vis des autres, vis à vis d'eux-mêmes. Les aider contre le gouvernement qui les exploiterait sans doute, ou bien les garderait emprisonné, pour prévenir de potentiels dangers. Je n'étais pas en commun accord avec Hulk, c'était un fait, mais j'avais petit à petit cessé de le combattre. Il faisait parti de moi, de qui j'étais malgré les morts qui pesaient sur ma conscience. Malgré le sang qui maculait mes mains. Je devais agir pour que nous ne soyons pas utilisés comme des armes. Pour ce faire, je devais aussi me montrer utile dans d'autres circonstances, savoir choisir des alliés (que je leur face ou non confiance). En aidant T'challa dans la vengeance qu'il souhaitait accomplir au nom de son défunt père, je souhaitais non seulement l'aider à démasquer les potentiels suspects en mémoire d'un ami, mais pas seulement. Je n'étais pas fou au point de risquer la vie de citoyens innocents dans la bataille. En menant de pareilles investigations, je savais que je pourrais me renseigner sur des réseaux bien plus grands, bien plus importants.

Voilà que tu te mêles à la politique, Banner. songeai-je amèrement. Moi, discret et effacé, toujours à prendre la fuite, à me cacher... Mais mon exil m'avait permis de réfléchir et de prendre conscience d'un certain rôle que je me devais de jouer. Je savais que derrière les lois, se cachait le Général Ross. Il n'en était certes pas l'investigateur mais un fort représentant de l'ordre. Et mieux que personne, je savais de quoi il était capable.
J'enlevai mes lunettes et les essuyai. Je voulais autant que possible éviter les dégâts, tant petits qu'à échelle mondiale. Je ne savais pas exactement ce qui se passait dans l'esprit de Ross, mais j'étais sûr d'une chose : il s'agissait d'un poison. D'un homme sadique, et cruel qui œuvrait dans l'ombre de la peur en se cachant derrière des armes dangereuses, le dépassant. Je ne pouvais donc pas me plier à cette loi, me dévoiler, me mettre à découvert. Comme je l'avais déjà dit à Tony Stark, je n'avais pas d'armure pour me protéger, moi. J'étais à découvert, les nerfs à vif, avec un monstre destructeur comme seul bouclier. Un monstre que je pouvais contrôler, mais qui avait également son libre arbitre. Une cohabitation tumultueuse et ravageuse.

« Ce n'est pas une décision que j'ai prise à la légère. Me croyez-vous assez fou pour exposer le danger que je renferme en plein centre d'une grande ville pour... Une guérilla ? Non, croyez-moi, je n'ai pas encore déraillé à ce point... C'est... Vous ne pouvez pas vraiment comprendre, mais les gens de mon espèce, toutes les personnes irradiées, possédant des capacités... Je sais où est-ce qu'ils seront envoyés, une fois leur nm recensés, et une puce leur collant à la peau pour les traquer où qu'ils se trouvent... Et ce n'est pas beau à voir. Vraiment. Je sais aussi quel genre d'homme se dissimule derrière des choses qui le dépassent. Le Général Ross et moi n'avons jamais été en de très bons termes ; j'ai été traqué des années non pas seulement pour ma dangerosité, mais pour mon sang. Vous rendez-vous seulement compte de ce qu'une goutte de mon sang, ou de celui de dizaines d'autres personnes dans mon genre, pourrait créer ? »

Je secouai doucement la tête. Je ne voulais pas déclencher des hostilités entre lui et moi. Comme à mon habitude, j'avais tenté de m'expliquer calmement, cependant, une touche de nervosité agitait ma voix. Une touche de hargne, également. Je doutais que T'challa puisse s'imaginer tout ce qui se cachait derrière une telle loi. Elle avait ses avantages, mais des inconvénients tellement énormes...

« En effet, je ne veux plus fuir. Plus fuir qui je suis devenu... Ou plutôt ce que je suis devenu. Mais la fuite fait partie intégrante de ma vie ; j’exècre le gouvernement, et ses projets. Je ne tenterais jamais rien d'hostile, ça, c'est dans sa nature, pas la mienne... » Je remis lentement mes lunettes sur mon nez et relevai la tête vers le nouveau roi du Wakanda qui me faisait face. « Je sais que Hulk a tué beaucoup de personnes de votre peuple, et que les erreurs des Avengers ont également fait payer ce prix à votre pays... Cependant je ne suis pas là pour déclencher la moindre hostilité. Je sais ce que je fais, je sais également où sont mes propres limites. Et vous, pensez-vous les connaître ? »

Les limites d'une guerre. Les limites d'une vengeance, de sentiments de douleur et de haine mêlés. Les sentiments faisaient agir dans la précipitation, et l'emportaient sur la raison. Mais je n'étais pas là pour l'aider à faire face, seulement pour pouvoir me glisser dans un réseau d'informations plus étendu. Bien sûr, j'étais venu sans m'attendre à la moindre coopération. S'il comprenait, et je n'en doutais pas, je m'attendais à un refus net de sa part, mais cela ne m'empêcherait pas de faire ce que je lui avais dit plus tôt : mes propres recherches. Ainsi que de le mettre en contact avec le Captain. Je n'étais pas quelqu'un qui proposait quelque chose en l'air, je préférais respecter une parole donnée, bien que la plupart des gens, eux, ne le faisait pas.

« J'espère ne vous offenser d'aucune manière... Je préférerai ressortir d'ici … Avec l’ambassade encore entier derrière moi. » il ne s'agissait pas d'une menace, d'un simple fait. Je tentai un sourire un peu amer.