Yeah, It's Cool I'll be okay / Poor & Gared

Quand stupidité et déraison se côtoient.
Si j’étais une créature saugrenue et inconvenante, il me fallait nettement avouer que le grade bien pensant de mon esprit se raréfiait peu à peu au fil du temps. De quoi réjouir les gourous de cette décadence humaine. Ils devaient se frotter les mains du haut de leur estrade en me regardant étalé à leurs pieds. Heureusement qu'il y avait encore quelques spécimens pour rehausser le niveau des maillons faibles que nous étions devenus sans comprendre pourquoi, ou alors était-ce eux qui étaient exclu de ce système populaire ? Les marginaux, par définition, n'influence en rien la liesse populaire, étais-je un foutu marginal ? Etait-ce le moment de me poser cette question épineuse ? Et que ce soit une erreur de calcul ou pas, je n’ai jamais voulu m’y mêler. Comment  résister au plaisir de l'étreinte de cette irrépressible liberté? Si bonne, si pleine de vie, n'appelant qu'aux plus doux des soupirs. Il n'y avait pas d'autre solution que d'être inlassablement séduit par l'appel voluptueux d'une nuit sombre pour apporter quelques éléments de plus à l’équation de la vie.

Fourbe, sournois, j’étais là où je ne devrais pas. Comme bien souvent. J’aurais pu organiser une soirée entre amis, nous faire mettre la pâtée par les filles aux jeux les plus débiles. On tentera de se battre avec honneur pour quérir une victoire désuète. Mais j’étais là, enlacé dans les ténèbres, je ne pouvais pas me laisser engloutir, c’était trop facile. Dans mon histoire, la lumière est invincible. Alors que je tendais l’oreille pour percevoir une conversation des plus intéressantes en ce monde entre ce qui devaient être deux supers. Leurs intentions des plus mauvaises frôlaient mes tympans, je retenais mon souffle. Un braquage ? C’était tout ? J’étais un peu déçu, pour tout avouer. Je ne suis pas un journaliste, je ne suis pas non plus un espion – pourtant je me comportais tout à fait de cette façon. J’étais curieux, il faut bien le dire. Il avait fallut qu’un imbécile de chat vienne faire un boucan, moi j’me suis carapaté en vitesse. Je crois qu’ils me poursuivent encore, ça doit bien faire dix minutes que je cours comme un dingue, que je ne sais pas où je vais, je cours, je n’en peux plus de mon cœur, de mes jambes, de mon corps. Merde, j’aurais du prendre un abonnement à la salle de sport… Je n’ai plus de souffle, il me quitte dans la brulure de mes poumons. Je ne pensais pas finir comme ça, crever comme un asthmatique. Je n’avais pas même eu le temps de finir de lire le dernier numéro de… Puis merde on s’en fou…

BOOM.

En plein dedans. Je m’étale comme une merde au sol, mais ce n’était pas tout, dans ma chute j’entraine avec moi quelqu’un. Je ne sais pas qui c’était, peut-être l’une de ses personnes fictives qui me poursuivaient. Quand je redresse la tête, la jeune femme que j’avais heurté s’était cognée la crâne dans une bouche à incendie. Du rouge bien plus lugubre coulait contre celui-ci. Je me suis précipité vers la tête de la rouquine qui étaient encore par chance (ou pas) consciente. Au moment où nos regards se croisèrent bien que le sien semblait encore flou, je me suis écrié :

« — Merde ! Merde ! J’l’ai tué. »

Certes, ce n’était pas très futé de ma part de l’enterrer alors qu’elle vivait encore. Je paniquais, mon sang bouillonnait, je transpirais comme un dingue, mes cheveux humides me donnaient une allure pitoyable. J’ai posé mes mains sur son visage, mes mains tremblantes que mes doigts voulaient fuir. Je lève la tête, personne n’est autour de nous, c’n’est pas croyable, quel quartier craignos…

« — Attends, attends bouges pas ! J’vais trouver un truc pas con à faire… Promis. »

Pour ça, faudrait que je réfléchisse un peu, que je prenne de la distance avec cette situation. Je ne pouvais même pas fuir, j’avais mis mes empruntes sur elle… Quel con.

« — Putain, j’vais finir ma vie en prison ! J’suis trop p’tit pour aller en prison… »

Prison, secours, pompiers…. Les liens se tissent doucement. Voila mon idée. J’attrape mon téléphone, je n’étais pas un héro, c’n’était pas vrai… J’avais juste eu du bol, une fois… Je dégageais ma capuche, j’avais trop chaud. Rien de tel que d’avoir la trouille pour vous réchauffer un soir d’automne. Je devais appeler une ambulance, voir un convoie. Pour une fois que je tombe sur une jolie fille, il fallait que je l’amoche…

Elle était magnifique, sur ses lèvres s’y trouvais probablement un petit gout du monde…

Je secoue la tête. Je suis vraiment taré. Je lui adresse un sourire gêné, comme si elle avait pu lire dans mes pensées. Sois pas con. Mes doigts plein de sang glissent sur l’écran tactile qui n veut rien comprendre. Je faisais des sortes de petits bonds sur mes genoux, si je continue j’vais péter ma prothèse, mais il me fallait évacuer mon stress. Mon sourire est un terrain vague comme mes excuses, mon corps qui rompt sous le poids sur mes épaules, mon amour et mon pardon. J’hésitais à faire une putain d’erreur, parce que je suis tellement excité quand mon ciel s’effondre…

« — Whoa… »

C’est moi ou sa tempe se refermait ?
Cherchez plus les mecs, j’ai trouvé la Cheerleader !

Au cours de ma vie, j’avais pu en voir des choses étranges. Bien que je n’avais eu que quelques rares opportunités de rencontrer des supers « connus » dont tout le monde raffole. J’avais été témoins de choses incroyables au cours de ma petite vie d’humain banal, jusqu’à en être la victime. Et alors qu’ils avaient tués énormément de monde, j’avais eu à l’idée qu’ils étaient seulement en train de nous sauver, eux qui avait causé notre perte. Du moins, pas la mienne, le Karma. Je m’étais plutôt bien remis de tout ça, j’avais un super genou en métal, mais les autres du bar on eu beaucoup moins de chance que Tim et moi. Ou juste moi… Je ne sais plus trop, je me dis que tout aurait été différent si j’avais dû le perdre du jour au lendemain, j’avais eu le temps de m’y préparer, inconsciemment. Son départ n’en avait pas été moins tragique, j’imagine. A vrai dire, je ne savais comment j’aurais pu réagir, si seulement j’aurais eu le courage de trouver une raison de sourire à la vie comme aujourd’hui. La noirceur et moi, ne sommes pas très amis, l’on ne peut pas dire que je sois véritablement intéressant pour qui que ce soit dans ce monde, mais je m’étais fait à l’idée depuis bien longtemps. Tout le monde ne peut pas être extraordinaire, sans quoi, ce mot n’aurait plus la moindre valeur. La mort était quelque chose de fascinant, mais je n’étais pas pressé de la rejoindre. Je ne voulais pas non plus la passer en prison, il n’y avait probablement pas pire, bien qu’il parait qu’en prison on peut quand même lire des comics.
Et là, miracle… Elle revit !

Je la regarde stupéfait. Elle était plutôt cool à écouter. Ouais, parce que moi j’imaginais la plupart des supers comme des vieux cons qui se la racontent. Moi, c’est ce que je ferais, sauf si j’avais un pouvoir super naze qui ne sert à rien… Comme… Faire pousser des fleurs… La loose totale, mieux valait la jouer discret avec un pouvoir aussi nul, bien que je n’étais pas certains que cela puisse exister un tel niveau de nullité, bien que les nymphes aient leur utilité, mais dans notre monde moderne… J’aime bien les fleurs quand même, tout bien réfléchis. Moi, sur le papier j’avais inventé Rumeur. En plus d’être sexy, elle rendait réelle toute rumeur qu’elle pouvait prononcer, même si elle répandait la rumeur que vous êtes mort, bah vous êtes mort… J’ai toujours trouvé ça cool, même si j’imagine que si Rumeur n’avait pas autant de répartie elle pourrait un jour dire quelque chose comme : J’ai entendu la rumeur que c’était la fin du monde. Et boom, ça serait fini. Mais aussi, je l’ai crée assez narcissique pour qu’elle ne dise pas quelque chose de trop magnifique comme : J’ai entendu dire que la faim dans le monde n’existe plus. C’était un peu vache… Rumeur, elle est brisée de l’intérieur, elle est un peu comme tout le monde, mais avec un pouvoir de malade.

J’ai dû fixer la rouquine rudement longtemps, sans rien répondre. Je m’égarais dans mon esprit étincelant d’idées et de souvenirs. Je secoue la tête, mes cheveux s’agitent sur mon crane débordant d’imagination. Un manque de stabilité constant auquel je m’étais toujours habitué. Glorieux moment de silence qui pourtant ne saura durer éternellement en ma compagnie. Je bondis sur mes pieds, avec bien peu de grâce puis je m’écrie :

« — Whoaa ! Quand j’dis que j’ai un super Karma ! Même quand je tue quelqu’un, j’tombe sur une girl powerfull qui s’rafistole toute seule ! »

Ok, pas très discret. Je range mon portable plein de sang – ne me souciant pas de son état, j’ai un pote sympa qui s’y connaît bien en informatique. Je lui tends ma main crasseuse d’hémoglobine à la jeune femme pour l’aider à se relever. Je n’avais pas mal pris le fait qu’elle me traite de gamin, cela n’avait jamais été une insulte à mes yeux. Personne ne me croira quand je leur raconterais ça, on me dira encore, « mec, tu divagues trop. » Ouais, j’ai une chance d’enfer ! Quelque chose veillait sur moi, j’en étais persuadé. Quelqu’un peut-être, j’en savais rien, mais je savais que le hasard ne pouvait tout de même pas être en permanence de mon coté, c’était trop fou pour être réel. Quand l’on est aussi con, dans la vie on ne survie pas bien longtemps, en général.

« — Genre tu t’crèves les yeux l’soir d’Halloween, putain supeer flippant. »

J’imaginais bien la tête que j’aurais pu faire si elle m’avait fait le tour, bien que là, j’avais dût avoir une tronche suffisamment amusante pour elle, à croire ses propos. Quand elle est à nouveau sur pied, je me rends compte que je l’imaginais un peu plus petite (en fait, c’est ce que j’imagine toujours des gens en général, histoire de me réconforter). Elle n’était qu’à peine plus grande que moi, elle était nettement plus jolie avec le crâne refermé.

« — Oh… Désolé d’t’avoir foncé dessus, tout l’monde me dit que j’n’regarde pas devant quand j’cours, en même temps, c’est ce qui est derrière qui m’inquiété en général quand j’me carapate. En plus ça a salopé ta robe, j’crois bien. »

Je jette un coup d’œil dans la rue, personne.
A croire que j’étais résolument plus rapide que les bandits !

« — Ça fait mal quand même ? »

J’avais toujours tendance à en faire des tonnes, dans mon œil, le monde était tout à fait particulier. Il était à ma manière. Et chaque chose que je voyais, aussi insignifiantes soient-elles, prenaient des proportions gigantesques. Alors lorsqu’elle m’affirma que la blessure n’aurait pas été meurtrière, j’avais du mal à y croire. Ceci dit, j’étais tellement heureux de ne pas être devenu un criminel ce soir que je n’ai pas même répondu. Déjà mon esprit s’évadait à l’idée d’une nuit d’Halloween explosive. Elle avait besoin d’un œil, ce n’était pas faux. Je m’imaginais mal me crever un œil pour amuser la galerie, non pas que j’étais une chochotte, mais quand même… Cela devait faire un mal de chien, je me demandais si l’on s’y habituais vraiment, j’étais bien obligé de la croire, elle était le mieux placé pour le savoir. A titre personnel, je me passerais d’en faire l’expérience, je n’avais rien de spécial, après tout. C’est alors qu’elle me donne ce qui semblait être un conseil, mais je n’étais pas prêt à renoncer à mes propres idées, même pour une si belle femme.

« — Si je le tue avant qu’il n’ait envie de me tuer, alors ça sera moi le criminel et j’n’fais pas parti des méchants, j’suis assez ordinaire pour n’être dans aucun camp d’ailleurs. Même si la mort est plutôt fascinante, on n’est pas vraiment potes depuis quelques temps. Bien que les choses seraient peut-être différentes si moi aussi je me rafistolais pas par magie ou si j’avais trois cerveaux et un estomac dans le pied… Tu vois ce que je veux dire, hein… »

Le plus étonnant était le fait qu’elle soit encore là à m’écouter.

« — Normalement, les gens ne devraient pas vouloir m’tuer, j’ne suis pas vraiment une menace, mais de temps en temps, je crois que les gens s’imagine que si, parce que mes oreilles trainent et que j’fais la taille d’un Hobbit. J’connais un gars, il est... »

Mes mots s’évaporent en silence sans se faire entendre. La suite, elle ne la connaitra pas, les types étaient bien là. Tardivement, je ne savais pas pourquoi ils avaient été aussi longs, une chose certaine, ils ne semblaient plus vraiment me chercher. J’ignorais ce qu’ils faisaient là, ma curiosité voulait reprendre le dessus, la voix de la délicieux rouquine me rattrapa vers la réalité. Je tournais la tête vers celle-ci pour lui répondre.

« — Ouais, euh… Enfin, j’croyais. »

Oui, parce que là… Ils ne me calculaient pratiquement pas, c’était assez vexant. J’étais logique, n’est-ce pas ? Je me demandais pourquoi elle m’appelait gamin, était-ce une façon déguisée de me dire : hey mec, t’as aucune chance avec moi, gardes tes distances. Oui, cela devrait bien être ça, mais bon, peut-être que j’y reviendrais quand même, tenter ma chance. Il fallait bien dire que j’étais assez mal tombé, sur elle en l’occurrence. Plutôt moyen.

« — A vrai dire, je n’ai rien fait de… Je t’ai parlé de mes oreilles qui trainent ? »

Oui probablement. Les type étaient sur le trottoir d’en face, ils semblaient attendre quelque chose, moi, j’avais surtout envie de me carapater vite fait, parce qu’ils n’avaient vraiment pas l’air commode, pourtant, je restais bel et ben là, un peu trop proche de la jeune femme, c’était assez lâche de ma part de vouloir m’en servir comme bouclier, mais moi, je n’avais pas la chance de pouvoir survivre à une grave blessure. Je pouvais prendre la fuite, mais je voulais savoir, je voulais voir et surtout, pour une fois, j’avais envie d’être brave ouais, seulement pour épater la galerie, pour elle. C’était tellement idiot…