Allons nous nous faire brider à Chinatown ? - Feat Niall

Allons-nous nous faire brider à Chinatown ?

Felicia Hardy ∞ Niall Southway

Je venais de rentrer après l’une de mes chimiothérapies. Fatigué par cette dernière et un brin démoralisé par ce cancer qui ne semblait pas vouloir perdre du terrain, noyer mon désespoir dans un verre de whisky me semblait être une bonne idée. J’étais totalement désabusé quant à ma possible rémission. Il faut dire aussi que je n’avais pas pour autant ralenti ma consommation de cigarette. Même si chaque bouffée semblait me brûler les poumons… D’après Maxence, c’était surtout psychologique. Mais lorsque j’essayais d’arrêter, je devenais nerveux, agressif et mes mains tremblaient légèrement. J’avais déjà vécu un sevrage dans ma vie et je ne voulais clairement pas avoir à en subir un autre.

Je m’étais donc rendu à la cuisine en quête de la Sainte bouteille de whisky écossais que Graham veillait à toujours avoir dans ses placards depuis que j’ai été forcé d’emménager chez lui. Peut-être devrais-je songer à quitter les lieux pour aller vivre au QG… Note, cela ne serait pas au goût de tout le monde que de me voir squatter. Une fois dans la cuisine, je m’immobilisais immédiatement. Un long soupire s’échappa de mes lèvres alors que je m’approchais des cartons de courses. Ils étaient trois et étaient remplit à ras-bords. Et si je me fiais au paquet de marshmallow qui menaçait de s’échapper de l’un des sacs, ce soir Graham comptait me prendre au piège avec l’une de ses fameuses soirée série-sucrerie.

Je détestais perde mon temps à regarder ces fameuses séries ou films cultes que, je cite, ‘dois absolument voir étant donné que j’étais à la rue quand ils sont sorti’. Dire que l’idée de base, c’était de me faire comprendre les incessants clin d’oeils cinématographiques que mon colocataire n’avait de cesse de faire. Seulement, je n’avais pas de gout particulier pour les choses sucrées et je n’avais pas besoin de perdre du temps à ça.

Mon téléphone vibra dans ma poche et je crus un instant que c’était Graham pour me prévenir de la soirée en préparation. Je soupirai une nouvelle fois avant de finalement voir que je m’étais trompé. C’était Black Cat. Notre petite affaire se déroulait ce soir. Un sourire me monta aux lèvres. Normalement, j’aurais préféré être prévenu plus tôt mais cela tombait à pic. Elle m’attendrait d’ici quelques heures dans une ruelle de Chinatown.

Un lieu tout à fait particulier mais je ne posai pas de question, me servant un verre de whiksy avant d’aller chercher de quoi laisser une note à Graham. Je laissai un post-il sur les sacs de courses. Un petit mot d’excuse avec en précision que j’avais un boulot important ce soir et que je comptais sur lui pour s’occuper de Graeme pendant la soirée.

Et quelques heures plus tard, je jetai un coup d’œil à l’heure sur mon téléphone. Je n’étais pas en retard mais je n’allais pas tarder à l’être si mon bus restait coincé dans les embouteillages. Je me levai donc et décidai de quitter le transport pour finir la route à pied. Je n’étais pas un très grand fan de Chinatown. Je n’avais que très peu traîné par ici lorsque j’étais un sans-abri et cette nervosité toute particulière du quartier avait tendance à me tendre. Mais j’étais sous contrat et je n’avais pas forcément le droit de me plaindre.

Les mains dans les poches, les outils minimums avec moi, j’évoluais dans les rues du quartier. J’avais pris un petit calibre que j’avais coincé dans ma ceinture et mon kit de crochetage était enroulé autour de ma cheville. C’était le minimum mais Black Cat ne m’avait pas communiqué plus d’informations que cela quant au rôle que j’allais jouer dans son plan ce soir. Du coup, je me préparais un peu à tout. Il serait toujours temps de me débarrasser de mon arme si cela s’avérait nécessaire.

J’arrivais enfin dans la ruelle, pile à l’heure. La brune était déjà là. Je ne l’avais plus vu depuis les événements de Noël et j’avoue que j’appréhendais un peu les moqueries quant à l’accoutrement ridicule dans lequel elle m’avait vu ce jour-là. La prochaine fois qu’on me propose un contrat dans les alentours de Noël, je crois que je me contenterais de décliner l’offre. « Bonsoir Black Cat. » Lui dis-je avec un sourire.

Mon regard circula sur le lieu de rendez-vous qu’elle m’avait donné. Une petite ruelle à l’écart de l’agitation habituelle du quartier. Suffisamment loin des grands axe que pour être le genre d’endroit où les personnes ayant des mauvaises intentions se rencontrent. Loin des oreilles indiscrètes et des regards curieux. Il me semblait évident que c’était maintenant qu’elle allait m’expliquer ce qu’elle attendait exactement de moi. « Je serais ravi d’en apprendre un peu plus sur notre petite sortie. »

Allons-nous nous faire brider à Chinatown ?

Felicia Hardy ∞ Niall Southway

« Bonsoir Niall. Désolé d'avoir un peu prévenue au dernier moment, mais j'avançais la date de notre affaire de plusieurs jours puisque la fenêtre aujourd'hui était plus ouverte que ce que j'avais initialement prévue. Je vois en tout cas que tu as repris un habillement normal, c'est mieux ainsi. Des nouvelles du Père Noël ? Le butin valait la peine de se montrer sous ces coutures là au moins ? » Je plissais des yeux, la fusillant du regard. Je pinçais les lèvres, sachant que de nous deux, j’étais celui qui avait le plus besoin de l’autre. Sans elle, pas d’infos. Pas d’info, pas de casse. Pas de casse, pas d’argent. Et je ne pouvais pas vraiment me permettre de me la jouer sans revenus. Du coup, je prenais sur moi. Ce n’était pas facile. Parce que j’étais plutôt du genre grande gueule mais, parfois, nécessité faisait loi.

« Vous allez y faire allusion encore longtemps, n’est-ce pas ? » Grinçai-je, avec une grimace qui devait, à la base être un sourire aimable. L’action n’était pas réellement réussie mais, disons que c’était l’effort qui comptait, n’est-ce pas ? Je suppose qu’il est hors de question qu’elle laisse tomber cet événement humiliant dans l’oubli. Je suppose que, le temps de me faire un nom, j’allais devoir serrer les dents et supporter. Parce que, après tout, je ne suis qu’une petite frappe à côté d’elle. Un inconnu qui se glisse dans son ombre pour espérer se faire un peu d’argent.

Mais pourquoi avais-je dû tomber sur elle à ce moment précis ? Nous aurions pu nous croiser a tellement de moment et il avait fallu que ce soit lorsque je porte des collants verts et que je suis sous contrôle mental que cela arrive. Bordel de merde. J’avais eu tellement honte ce jour-là. J’avais eu le temps de me faire à l’idée mais je n’appréciais pas vraiment qu’elle me le rappelle. Mon image tout vêtu de vert était sans doute imprimée dans son esprit à jamais.

Mais j’avais plus important à penser que cela. Entre le Registration Act qui venait de passer et mes propres besoin monétaire, je n’avais pas vraiment de temps à perdre à jouer à ‘souviens toi cette fois-là où tu étais purement ridicule’. Agacé, je fis grésiller les lampes de la ruelle où nous nous trouvions. Était-ce volontaire ou une légère perte de contrôle sous la colère retenue ? Je pencherais plus pour la seconde option. « Et si vous m’en disiez plus sur cette fameuse fenêtre ? Après tout, nous ne sommes pas là pour nous remémorer le passé. »

Allons-nous nous faire brider à Chinatown ?

Felicia Hardy ∞ Niall Southway

« Non, je ne suis pas comme ça voyons. Mais nous ne nous étions pas revu depuis ce jour-là. Je trouvais que c'était bien placé dans notre petite conversation du soir. » C’est avec soulagement que j’accueille cette nouvelle. Donc, ce ne serait pas un point de moquerie sans fin. L’événement qu’elle pointerait du doigt lorsqu’elle voudra me rendre ridicule. Je ne connais que peu Black Cat mais je ne pense pas que ce soit réellement et totalement son genre non plus. Certes, si d’aventure, je vais trop loin, je ne doute pas un seul instant qu’elle me rappellera nos souvenirs de Noël communs. Mais savoir que tant que je ne le cherchais pas, elle ne me le rappellera pas, c’était une bonne nouvelle en soit. Et cela me rend un peu moins grognon et fermé à la discussion que de le savoir.

« Bien sûr, nous ne sommes pas là pour ça. Le plan de ce soir est très simple. Je compte sur vous pour occuper un concierge à vrai dire. Nous allons nous rendre dans un des rares immeubles du quartier qui a encore un concierge. Vous allez devoir lui taper la discussion, pendant que je serais en train de remplacer un objet inca dans un appartement du 3ème étage de l'immeuble. Le type s'appelle Xing Chang Tun, c'est un vieillard de 70 ans qui aime la guerre d'après ce que j'ai cru comprendre. Alors, si vous avez une bonne histoire à lui raconter pendant cinq ou six minutes, ce sera parfait. Cela vous convient-il ? » Des histoires de guerre ? Encore une fois, j’ai le mauvais rôle. Mais je me doutais que ce ne serait pas très pertinent. Après tout, je suis là pour faire le sale boulot pendant qu’elle s’occupe de ce qui est vraiment délicat. Mais je serais bien mal avisé de me plaindre. Surtout au vu de la paye que j’allais recevoir juste pour distraire un vieil homme.

Je glisse donc mes mains dans mes poches, souriant à la brune. Je ne suis pas vraiment le genre de gars qui aime parler pour ne rien dire. Mais je suis capable d’assurer une diversion tout en douceur. Et j’allais très certainement savoir me forcer le temps d’une dizaine de minute. Reste juste à trouver une histoire cohérence. Mais je suis loin d’être un mauvais baratineur. « Cela me convient parfaitement. Donnez-moi juste le lieu et dix minutes histoire d’accorder mes violons et je serais prêt à me lancer. » Je sors mon téléphone et me connecte en 4G. Rapidement, je recherche le nom de l’homme que m’a donné Black Cat. Je trouve des informations sur un groupe de discussion qui se regroupe dans l’une des bibliothèques du coin. Content de ma trouvaille, je range le petit appareil, connaissant déjà mon angle d’attaque. « A moins que nous ne soyons déjà juste à côté bien sûr. » Je lance un sourire confiant à la brune. J’allais lui donner d’excellentes raisons de me recommander à ses collègues. Il était hors de question de rater un contrat aussi simple que celui-ci.

Je n’ai participé à aucunes guerres et je n’étais pas vraiment très attentif aux cours d’Histoire lorsque j’étais jeune mais je ne compte pas laisser cela m’intimider. Après tout, je dois juste l’occuper le temps que Black Cat remplace l’objet. Savoir qu’il a une passion pour la guerre est un levier. Quelque chose que je vais pouvoir utiliser pour obtenir son intérêt, pour avoir une raison d’être venu jusqu’à lui. J’avais vaguement vu qu’il se considérait comme un spécialiste de la seconde guerre mondiale. Voilà. Il ne me restait plus qu’à trouver un moyen pour lui tenir la jambe pendant dix à quinze minutes.

Allons-nous nous faire brider à Chinatown ?

Felicia Hardy ∞ Niall Southway

« Si jamais vous avez un soucis, vous pourrez mentionner que vous êtes un lointain cousin de Miss Choi Hin Lee. Je vous laisse donc entrer en premier pour commencer à discuter avec lui et je passe dans votre dos pour monter dans les étages. Tant que je ne suis pas descendue, vous devez continuer de lui parler. Cela ne devrait pas excéder plus de dix minutes. Dès que vous me voyez revenir, vous arrêtez la conversation de la façon que vous désirez. Il risque de vous tenir un peu la jambe cependant. » Miss Choi Hin Lee. Pas sûr de m’en souvenir mais on va essayer. Elle me fait signe de passer devant, j’acquiesce et je me lance. Je sors mes mains de mes poches alors que j’approche de la sortie de la ruelle.

Lorsque je déboule sur une rue ayant beaucoup plus de passage, je profite d’une idée soudaine pour rentrer en collision avec un jeune homme au physique prétentieux. Je m’arrange pour que la collision soit violente et, bingo, je vois ses lunettes tombées. D’une main agile, je les attrapes au vol. Je grogne une insulte et je reprends ma marche. Un tour de passe-passe facile. Profiter des faiblesses physiques d’autrui, se montrer désagréable pour avoir une excuse pour fuir rapidement.

Je monte les marches de l’immeuble en enfilant les dites lunettes. Argh… Ce mec est pratiquement aveugle. Je vois flou et je ne donne pas longtemps avant que porter ces trucs ne me donne la migraine. Mais pour le rôle que je vais jouer, ce n’est pas un accessoire à négliger. Du coup, je fais sauter les verres du pouce alors que j’ouvre la porte de l’immeuble. Je les remets en place, espérant juste qu’il ne le remarque pas. Je retire ma veste en cuir et vais la poser sur la rampe de l’escalier. Je réajuste rapidement mon col roulé avant d’aller frapper à la porte du concierge.

Il ne faut pas attendre avant qu’il ne m’ouvre. Je lui sers mon plus agréable sourire. « Nǐ hǎo. Je suis désolé de vous déranger à cette heure-ci. C’est la bibliothèque qui m’a donné votre adresse. Vous êtes bien Xing Chang Tun n’est-ce pas ? On m’a dit que vous pourriez m’aider. Vous êtes un expert en guerres non ? Je suis romancier et j’aimerais placer l’une de mes histoires en pleine guerre de sécession. C’est l’un des sujets que vous avez récemment abordé dans votre groupe de discussion à la bibliothèque non ? Serait-il possible que vous m’en parliez un petit peu ? Je m’intéresse surtout au contexte de vie des civils lors de cette période. Mais aussi aux conditions de vie des soldats moyens. » Dans mon dos, je sentis plus que je ne vis Black Cat passer.

Bon, le chat est dans le panier. Quant au vieil homme, il commence à parler, apparemment pas aussi convaincu par mon apparence de garçon sage que cela. Il me laisse sur le palier de sa porte mais il semble impossible à arrêter. Il parle, il parle, presqu’à m’en donner le vertige. J’essaye de me raccrocher aux mots mais je dois bien avouer que mon intérêt est mineur. Alors je mets une ou deux questions de côtés au cas où il s’arrêterait mais cela me semble peu croyable. Ouah… Il est vraiment en train de me parler des fournitures alimentaires qu’ils pouvaient trouver en magasin à l’époque ? Même si je m’ennuie comme un rat mort, je prends une mine sérieuse et très impliquée. Je fais mine d’être estomaqué quand il me parle du cout de la vie à l’époque ou de la traite des noires. Pitié Black Cat… Ne traine pas trop… Sinon je vais finir par mourir d’ennuis ici.

Allons-nous nous faire brider à Chinatown ?

Felicia Hardy ∞ Niall Southway

Oh mon Dieu… Ce que je peux me faire chier. Je n’ai jamais été un passionné d’Histoire. Le passé, c’est le passé. Laissons place au présent ! Je ne comprends pas que l’on puisse se passionné autant pour des gens morts, pour des événements déjà terminés, auxquels on ne pourra jamais plus rien changer. Dépenser son énergie dans le présent, sur la construction du futur me semble être bien plus intéressant. Je peine donc à me montrer réellement intéressé par le flot ininterrompu de parole. Alors que je fais mine d’être concentré, je laisse mon esprit vagabonder. Mes oreilles sont tendues et j’essaye d’entendre quelque chose sur les activités de mon employeuse du jour. Mais avec l’autre qui est en train de me déballer son paquet d’informations, c’est peine perdue. J’ai juste à attendre que cela passe.

Et, bordel, j’ai crus qu’elle n’aurait jamais fini avant que je ne m’endorme. Ces quelques minutes m’ont semblées être des heures. J’ai la sensation que cela fait une éternité que je suis debout devant cet homme à écouter son blabla incessant. Peut-être aurais-je pu en profiter pour me cultiver un peu sur l’histoire de l’Amérique mais je reste avant tout Écossais, même si je ne mettrais probablement plus jamais un pied dans mon pays. Je n’en ai rien à faire de l’histoire de l’Amérique. Mais finalement, tel l’alarme signalant ma délivrance, je sens quelqu’un passer dans mon dos. Je m’autorise un léger regard alors que la silhouette féminine sort du bâtiment. Oh mon Dieu. C’est bon. C’est fini.

« Oh, veuillez m’excuser. » Je dégaine mon téléphone, mimant un sms venant d’arrivé en mode vibreur. Je fais mine de lire quelque chose et j’envoie un texto bidon à Graham pour simuler une discussion. « Je vais devoir vous laisser, mon chien doit être emmené chez le vétérinaire d’urgence. Je peux prendre votre numéro pour reprendre cette conversation passionnante » hum « plus tard ? » L’espace de quelques instants, j’ai peur qu’il ne reprenne son flot incessant. Mais quand il ouvre la bouche, c’est pour me donner son numéro. Je le note, le lui répète. Il valide et finalement, je peux enfin me sortir de là. Je le remercie poliment, lui dis au revoir et récupère ma veste en cuir au passage.

Lorsque je sors du bâtiment, j’ai le goût de la délivrance dans le fond de la gorge. J’enfile ma veste et jette les lunettes alors que je me dirige vers la ruelle où Felicia m’avait expliqué le plan. Je ne sais pas si je vais l’y retrouver ou si elle est déjà partie. Peut-être recevrais-je ma part d’ici quelques jours de manière détournée ou posée directement sur mon oreiller. On ne sait jamais vraiment avec elle… Mais lorsque j’arrive dans la ruelle, j’y vois la brune. Je fourre mes mains dans mes poches alors que je m’approche d’elle. Mission accomplie, je ne suis pas totalement le raté qu’elle semble voir en moi. Peut-être qu’un jour j’en finirais avec tous ces rôles ingrats.

« J’espère que le spectacle vous a plus. » J’arrive face à elle et je m’arrête. « Vous avez fait vite. Pas que cela m’impressionne réellement, votre réputation vous précède après tout. Mais je vous en suis reconnaissant. Je n’ai aucune passion pour les guerres du passé et j’ai sérieusement cru que j’allais finir par m’endormir d’ennui. Je suppose que pour vous, tout s’est bien passé ? » Je sors mon paquet de cigarettes de ma poche et je m’en allume une sans plus attendre. Cela me réveillera peut-être.