They say stay in your lane boy ▬ Peter & Gared

J’avais pris mon air le plus studieux, celui qui me donnait un air tellement intelligent. Mon regard vert perdu dans une lecture palpitante, je semblais totalement imperturbable. J’oubliais même la raison de ma présence ici, dans un café se situant dans un quartier où je me rendais assez souvent, parce que c’est plus calme et que c’est plutôt cool de trainer là où vont les petites familles modèles. J’étais libre d’aller n’importe où, personne ne me remarquait, mis à part peut-être quand j’ai essayé de me perché sur le tabouret du bar et que j’ai passé quelques secondes ridicules à sautiller sur place pour prendre mon élan. Mis à part cela, j’étais tout ce qu’il y avait de plus insignifiant, dans ma veste en jeans aux manches trop grandes, je concentrais toute mon attention sur ma lecture des plus professionnelles. C’est là que quelqu’un pris place à mes cotés, je me tassais bien que cela n’était pas nécessaire. J’étais assez calme, pour une fois, j’essayais de bien me tenir. Il parait que c’est important, mais là plupart du temps je n’en tenais pas compte. D’ailleurs, alors que je m’apprêtais à glousser bêtement, le type d’à côté me salue.

« — Deux secondes, tu vois pas que j’travaille ? »

Qu’est-ce que je fou là, déjà ?

« — Peter ! »

Bah, ouais… Je lui avais légèrement donné rendez-vous ici, j’avais pensé qu’en venant à l’avance, j’aurais le temps de finir de lire le dernier numéro de Doctor Aphra. Pourquoi est-ce que je l’avais trainé à Brooklyn, parce que j’avais prétendu avoir quelque chose à lui montrer. Même si en général, mes petites trouvailles ne valaient vraiment pas le déplacement, Peter venait toujours. C’était souvent l’occasion de se revoir en dehors du magasin où il venait très souvent en tant que client. Moi, je me rendais rarement dans sa boutique, je ne suis pas du genre à dépenser une fortune en informatique, mais je suis quand même allé le voir quand ma cafetière est tombée en panne et j’en avais profité me renseigner. Il s’avère que les machines à créer des chocapics n’existaient pas et que je devrais en acheter jusqu’à la fin de mes jours. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe une application pour trouver où en acheter pour le moins cher.

« — Salut Captain frisette. »

Peter était un type chouette et il avait des cheveux d’enfer. Ouais, je n’avais pas vraiment prit le temps de réfléchir à mieux sur le moment. On se serrait la main chaleureusement, moi j’étais plutôt du genre à un peu trop gesticuler le bras, c’était assez ridicule quand on y pense, mais je n’y pensais pas. D’ailleurs, je refermais la page de mon comics, je le terminerai plus tard. En plus, ça me laissait un peu de temps pour rêvasser à la fin, qui sera probablement totalement différente de celle écrite par l’auteur. J’avais déjà une bière devant moi, je le laissais commander ce qu’il voulait, du moins s’il arrivait à en placer une.

« — T’as vu c’foutoir à la sortie du métro ? Ils nous parlent d’urbanisme, faudrait créer un couloir entier uniquement pour les gosses qui sortent de l’école, sérieusement, on m’a prit pour un gosse avec mon sac à dos ! T’y crois, toi ? A quinze ans ils font déjà deux mètres de haut, c’pas croyable… Merde, j’parle comme un vieux con, j’ai l’air d’un vieux con ? » Silly Smile. « — Non, j’suis pas un vieux con. J’le saurais quand même si j’en été un. Enfin à l’heure où t’es arrivé, tu n’les as peut-être pas croisés – les gosses. Enfin, j’ai rien contre eux, ils sont cool. C’est l’métro qu’est mal foutu, j’devrais peut-être m’acheter une bagnole ? »

Je m’esclaffe de rire quand il n’ose se prononcer sur le fait que je sois un con ou pas. A vrai dire, la réponse à cette question, je ne l’avais jamais véritablement recherchée. Je n’aimais pas l’idée de devoir m’efforcer à quitter une case si certains me trouve parfaitement abruti. Je ne cherchais à plaire à personne, c’était probablement pour cela aussi, que j’étais bien seul dans ma vie. Ce n’était pas comme si je m’en formalisais et m’en rendait tout à fait malheureux, bien au contraire, je gardais bon espoir pour la suite de ma vie. Alors que Peter parlait, je regardais ses bouclettes danser sur sa tête, c’était vraiment très amusant. Cela ne m’empêchait pas d’écouter, mais un sourire niais se dessinait sur mon visage.

« — Ouais t’as raison. Bien que l’on pourrait comparer trucs et bidules dans leur usage. Parce que truc est vachement plus utilisé que bidule. Alors pourquoi on utilise plus truc que bidule, ça c’est vraiment un mystère, peut-être parce que bidule est rudement moins joli que truc, mais quand on y pense, truc c’n’est pas très joli et bidule ça sonne vraiment beaucoup mieux que truc. C’est juste plus court. Alors entre l’métro et le bus, lequel est le plus rapide ? J’crois que c’est le métro, mais dans l’métro y’a pas grand-chose de joli à voir. C’est quand même compliqué tous ces machins. »

Pour moi, c’était à peu près clair, que les machins compliqués méritent une réflexion poussée. Si nous, nous nous n’attardions pas sur ces choses là, mais bon sang qui le fera ? Les gens ne prennent pas les temps de se poser des questions absurdes. Alors que c’était un tel enrichissement de l’âme que de se sentir capable de se questionner sur des choses dans le moindre intérêt. Non, les gens préfèrent se prendre la tête sur des choses existentielles comme se demander quel était le sens de leurs vies. Certaines personnes aimaient se torturer de ce genre de choses, vivaient dans la crainte d’une agression ou d’un accident. Mais à quoi bon vivre si c’était pour tout anticiper, la vie n’était pas réglée comme un papier musique, sans quoi il n’arrivera jamais des « trucs » à qui que ce soit. Pourquoi la vie vaut-elle d’être vécue ? Une autre question existentielle. Le barman qui attendait depuis l’arrivée de Peter de connaître sa commande nous regardait d’un drôle d’air. Lui, c’est sur. Il n’a pas pigé le truc.

J’donne un coup de coude pas méchant à mon pote et lui dit avec un sourire franc.
On avait un peu l’air des frangins truc et muche.
Sauf que l’on ne ressemblait pas du tout. Mais qu’est-ce que le physique.

« — Alors, tu prendrais bien un truc à boire ? »

Moi j’attrape ma boisson et en prend une bonne gorgée, tapotant du bout des doigts le comics refermé. Bon sang, foutu curiosité ! Ouais, j’imagine bien la suite, mais c’était tout aussi palpitant de la connaître. Je souris à mon pote farfelu et lui dit

« — C’est bientôt Halloween, et donc mon anniversaire ! J’espère qu’il se passera plein de trucs horrifiques ! T’as prévu un truc, toi ? »

J’adorais Halloween, ce n’était pas comme si ce mot n’était pas tatoué sur mes doigts et qu’un superbe jack-o-lantern trônait au milieu de mon dos. Mon corps était une fresque tout aussi farfelue que moi-même. Bien que sur mon bras gauche se trouvaient les portrait de mes grands parents que j’aimais à la folie. Ouais, ils me manquent, mais c’est la vie. J’espère que moi aussi, un jour je manquerais à quelqu’un. J’estimerai avoir réussi à ma vie, à ce stade là. Ouais, c’était ça… Réussir sa vie, avoir quelqu’un qui déteste vous voir partir, tout simplement.

« — Mickey aussi est un bon exemple que M est une lettre rudement chouette. Peter, c’n’est vraiment pas extra et Gared, ça ne veut un peu rien dire, on dirait un mélange de Gérard et Jared, pour donner un truc vraiment borderline. Mais ouais, p’t’être que t’aimerais bien le métro aérien, ligne 14, mon pote, faudra que t’essaie. »

Oui, je connaissais par cœur le métro, j’ai passé trente ans dans cette ville, je ne pouvais que la connaître sur le bout des doigts. New-York, c’était mon chez moi pour toujours, quoi qu’il arrive et cela même si je devais me faire bouffer par un virus ou trucidé dans un quartier sensibles où j’avais le don de trainasser le soir pour mon « enquête » qui avait perdu son sens véritable depuis bien longtemps. Finalement, notre conversation est coupée par le barman. Il avait peut-être oublié la commande de Peter en écoutant notre conversation. Chose que je pouvais envisager de comprendre, ce n’était pas terriblement évident de raisonner sur de telles choses dans la vie. Je souriais alors, profite de se temps de pause pour boire quelques gorgée de ma propre bière, causer ça assoiffe drôlement ! Nous écouter pouvait être relativement dangereux pour les non initiés. Ce pourquoi nos petites cervelles partirent vagabonder sur un tout autre sujet, bien plus mâture : anniversaire et Halloween. Un combo magnifique, qui laissait flotter dans les rues de New-York l’effervescence des préparatifs. J’avais acheté une montagne de bonbons, le matin je savais que les gosses du quartier aimaient bien venir à la boutique, surtout pour voir les décorations à l’occasion. J’allais passer un sacré moment à rendre cet endroit absolument horrible !

« — Ahah bonne chance mon vieux ! La flippe et moi, on s’est trop longtemps côtoyés ! J’ai la mort encrée dans la peau, mon pote, mon Jack o lantern dans l’dos est On s’connaît par cœur, mais essaie toujours, j’serais à la boutique la journée, t’auras qu’à venir ! J’n’sais pas encore en quoi m’déguiser, à la boutique on m’a proposé un costume de homard… Y’aura le nouveau numéro de Cave Carson à un œil cybernetic ! »

Je savais que Peter était plutôt branché Marvel, mais je pouvais toujours lui montrer d’autres héros super sympas et lui faire découvrir autres choses. Il n’y avait pas que Marvel dans la vie, bien que je ne crache pas dessus ! Il y avait d’autres séries super cool, comme celles de Cave Carson. Fallait-il, tout comme moi, avoir une vie entière à consacrer à cela. Je m’estimais une fois de plus chanceux. J’avais été tatoueur et vendeur de BD au cours de ma vie, j’avais une vie géniale. C’est là que je change de voix pour un ton mystérieux

« Young animal, comics pour les humains dangereux. »

Ok, j’étais mauvais imitateur. Je lui adresse un large sourire cependant, comme bien souvent. Je glisse mon sac à dos sur mes genoux et l’ouvre pour ranger mon comics parmi les autres, un cahier de dessins un peu tordu et des crayon cassé qui valait pour mon feutre à encrer qui avait cassé une fois une énorme tache noire sur mon sac à dos gris. Je tassais le tout comme il le faut pour que tout entre bien, il fallait dire que je me trimballais beaucoup de choses et parfois j’enviais les bonnes femmes et leurs sacs à mains sans fond. Ceci dit, je pensais avoir toujours sur moi le strict minimum à savoir : une loupe (si jamais je tombais sur une pierre météorite), de quoi dessiner, de quoi lire, mes papiers d’identité quelque part, ma carte de groupe (on ne sait jamais ce qui peut arriver, même aux plus chanceux !), un chargeur de portable solaire, une mini trousse de secours (que j’aurais probablement pas la jugeote de sortir au moment venu), un couteau suisse, quand j’avais de la place mon appareil photo et toujours un caleçon de secours (ouais, faut toujours en avoir un, on ne sait jamais dans quel genre d’aventure l’on peut se lancer et pouvoir changer de caleçon, c’est le luxe).

« Pour la soirée, j'sais pas trop... J'crois que j'vais aller faire le con. »

Pour changer...

Peter étaient particulièrement intelligent à mes yeux, il pouvait paraitre fou, pour moi, il était très brillant. L’on n’était pas obligé d’être des intellects scolaires, il existe toutes sortes de génie en ce monde. Je pouffe de rire lorsqu’il me compare à Gerard Way et Jared Leto, je n’en avais que le mélange des prénoms, certainement pas le look. Ni de l’un, ne de l’autre et ne l’oublions pas, ils sont tous bien plus grands que moi, pas compliqué. Je vivais bien avec ça, je m’étais fait une raison. On finit toujours pas s’en faire une, on essaie même d’en tirer avantage. Oui, un jour ça me servira probablement, j’en étais persuadé.

« — Mes parents ? C’était des gens normaux, ils avaient un peu la trouille des gens qui ne laissaient pas, comme les parents de Tim, t’sais… Ils ne l’aimaient pas vraiment, mais maintenant ils doivent se forcer à cohabiter ensemble là haut, si ça existe. J’en sais rien, tant de choses existent en fait, alors j’imagine que oui, c’est probablement réel tout ça. Je ne suis pas vraiment pressé de le savoir, j’suis bien là. »

Oh ça oui, la mort aussi fascinante soit-elle, j’aimerais bien qu’elle se tienne loin de moi. J’avais envie de vivre, au nom de Tim et des autres. De continuer à faire le crétin et qui sait, n jour peut-être je trouverais les parents de  mon pote. Je ne veux pas qu’il reste seul ou que moi je reste seul à ressentir de la peine. De la peine qu’il soit parti, parce que les autres, comme Peter aussi ils ressentent de la peine. Ils ont pitié de moi, de ce que je ressens. Mais personne n’a de peine pour ce pauvre Tim, personne à part moi.

J’aurais probablement besoin de l’aide de Peter, un de ces jours.
Qui sait, je courais beaucoup de risques sans réfléchir à ce que je fais.
Est-ce que cela en valait la peine ? Pourquoi se le demander ?

Nous voici à bavasser d’Halloween, chose si intéressante.
A mes yeux, ça l’était réellement.

« — Ouais, enfin je crois que j’vais éviter. J’dois avoir des vieux draps pour jouer les fantômes, ou alors, ma sale gueule suffit »

Evidement, je me suis marré.

« — Ouais ça te plaira, j’crois. Tu m’as déjà vu lire d’la merde ? Ok, ça a dû arriver, mais jamais j’ai dit que c’était cool si ça ne l’étais pas. »

Jamais de la vie, parole de vendeur de BD !
Je lui jette un regard amusé, Peter et moi, je ne sais plus vraiment à partir de quand nous avions décidé d’être bons amis. Il trainait souvent dans la boutique, moi, j’gueulais parfois dessus, lui sortant la phrase célèbre des Simpson : c’n’est pas une bibliothèque ici. J’aurais bien voulu que Tim le connaisse, il aurait bien aime captain frisette. J’en étais certain.

« — J’ai une nouvelle poste pour tu sais quoi, mais faudrait que j’arrive à entrer dans un endroit et tu sais pourquoi c’n’est pas facile pour moi. Donc, il faudrait que tu m’aide, tu sais comment, un de ces soir. »

Incompréhensible, n’est-ce pas ?
Normal, vous n’êtes que des moldus, vous ne pouvez pas comprendre.
Tu sais quoi, évidement qu’il s’agissait de ma petite enquête pour retrouver les parents de Tim. Il n’était pas facile pour moi de m’introduire quelque part de louche, parce que je n’étais pas discret et que je n’avais absolument rien de spécial. Comment ? En faisant diversion, évidement ! Peter savait faire ça à la perfection, je savais que je pouvais compter sur lui. Je ne sais pas pourquoi, lui au moins, il ne m’accuse pas de risquer ma vie inutilement.